L’absence d’intégrité : un fait social total [Michelle Bergadaà]
Xerfi Canal a reçu Michelle Bergadaà, Présidente de l’IRAFPA, professeur émérite à l’Université de Genève, pour parler de l'absence d'intégrité.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00 Bonjour Michel Bergada.
00:09 Bonjour.
00:10 Michel Bergada, professeur émérite, Université de Genève, présidente de l'IRAFPA, l'Institut
00:15 de recherche et d'action contre la fraude et le plagiat.
00:18 Sujet qui a pris une ampleur considérable, notamment grâce à vous.
00:24 Vous éditez une newsletter qui est très consultée et il y a eu des sujets lourds
00:31 qui ont fait la une de la presse autour des questions de plagiat académique, plagiat
00:36 de thèse, etc.
00:38 Michel Bergada, première question, vous dites, vous avez coutume de dire que finalement l'intégrité
00:46 c'est un fait social total au sens de Marcell Mauss.
00:49 Est-ce que vous pouvez nous expliquer ?
00:50 En fait, j'ai commencé comme ça, c'est-à-dire en 2004, quand j'ai commencé à m'intéresser
00:57 à l'intégrité, j'étais en train de faire des recherches approfondies sur le don.
01:02 Évidemment, en travaillant sur le don, on tombe sur Mauss et on comprend ce qu'est
01:08 un fait social total, c'est-à-dire que ce n'est pas un échange de cadeaux, je te
01:13 donne, tu me donnes.
01:14 C'est par le don, on impacte la société et le don, alors j'ai commencé à regarder
01:22 l'inverse du don, c'est-à-dire ce qu'ils voulaient finalement, ce qu'ils voulaient
01:27 dans leur CV, ce qu'ils voulaient les travaux des autres.
01:30 J'ai donc commencé par le plagiat avant de regarder l'intégrité.
01:33 Je me suis dit, mais c'est absolument génial parce qu'en fait, le plagiat, c'est l'inverse
01:38 du don.
01:39 C'est-à-dire qu'on vole le travail de quelqu'un d'autre, on s'approprie sa personnalité.
01:44 Finalement, on a un CV qui est artificiellement gonflé.
01:48 Finalement, on vole un système.
01:50 Les éditeurs sont impactés, pourquoi ? Parce qu'un jour ou l'autre, c'est découvert
01:56 et il faut retirer la publication ou le livre.
01:59 Donc, ça perturbe complètement le système de l'édition, ça perturbe complètement
02:06 les institutions qui en viennent à donner de l'argent à leur publiant ou hyper-publiant.
02:12 Et donc, vous avez surtout dans les écoles, toutes les écoles de gestion, vous en arrivez
02:18 à perdre de l'argent que vous donnez à des voleurs finalement, et pas à des bons
02:24 chercheurs.
02:25 Et puis, ça perturbe la vision que la société a tout simplement du monde académique.
02:30 Donc, tout d'un coup, je me dis, mais pourquoi personne n'a cherché sur le plagiat alors
02:37 qu'on a tout ? Parce qu'en plus, le plagiat, vous avez toutes les preuves.
02:41 C'est fantastique.
02:42 C'est-à-dire que tout est écrit.
02:43 Donc, la base de données est extraordinaire.
02:47 C'est comme ça que j'ai commencé.
02:48 Mais j'avais commencé par le don.
02:49 Et donc, je suis partie d'emblée, non pas à regarder la chasse aux petits tricheurs,
02:57 etc., mais je suis partie sur la trame d'un fait social total.
03:01 Et fait social total qu'il ne faut surtout pas considérer comme marginal.
03:04 Ah ben non !
03:05 C'est au contraire, c'est l'inverse.
03:06 Ah ben non ! Parce que la société vit, je pense, depuis l'aube de l'humanité parce
03:12 que nous sommes capables de donner, de donner sans esprit forcément de retour, au plus
03:19 faible, à la société.
03:20 Nous donnons notre temps à la société, enfin de moi, pas tout le monde.
03:26 Et puis inversement, je veux dire, on a des voleurs, des voleurs de réputation, des
03:32 voleurs qui font exactement l'inverse.
03:36 Donc, les deux, ce qui est formidable à l'IRAFPA, c'est que c'est une association scientifique
03:43 à but non lucratif, donc qui travaille avec des bénévoles, qui donne de leur temps,
03:49 qui donne leur savoir-faire, leur valeur ajoutée, et tout ça sans esprit de revanche envers
03:57 les délinquants de la connaissance, puisqu'il faut les appeler ainsi, mais tous animés
04:06 par ce désir de don, finalement, à la connaissance pour que la connaissance continue à bien
04:13 se porter, à progresser.
04:15 Et de l'autre côté, vous avez des voleurs, des voleurs de temps, des voleurs d'argent,
04:20 des voleurs de réputation.
04:22 C'est ça.
04:23 Et donc, c'est extraordinaire.
04:25 On va discuter de tout ça avec le gendarme Bernadat, Bergada, pardon.
04:28 Merci Michel Bergada.
04:29 Le temps entre science et création, les nouvelles frontières de l'intégrité académique.
04:33 Merci Michel.
04:34 Merci à vous.
04:36 [Musique]
04:41 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]