"Le féminisme doit être un humanisme dans sa globalité".
Marie Portolano revient sur son documentaire "Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste" retiré des plateformes de la chaîne qui l'avait produit, près d'un mois après sa publication, en 2021. 3 ans après, c'est dans son livre, "Je suis la femme du plateau", qu'elle dénonce à nouveau le sexisme et la place des femmes dans le journalisme sportif. Elle témoigne.
"Je suis la femme du plateau" est disponible en librairie.
Marie Portolano revient sur son documentaire "Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste" retiré des plateformes de la chaîne qui l'avait produit, près d'un mois après sa publication, en 2021. 3 ans après, c'est dans son livre, "Je suis la femme du plateau", qu'elle dénonce à nouveau le sexisme et la place des femmes dans le journalisme sportif. Elle témoigne.
"Je suis la femme du plateau" est disponible en librairie.
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00:00 à la télévision, en tout cas dans le sport,
00:02 un homme, on l'écoute et une femme, on la regarde.
00:04 Donc, le documentaire est sorti le 21 mars 2021
00:08 et à peu près trois semaines après, je dirais peut-être un mois grand max,
00:12 le documentaire a été retiré des plateformes de la chaîne qui l'avait produit.
00:16 Donc, sur le moment, je l'ai pas mal pris parce que c'était tellement
00:20 une vague médiatique difficile à vivre que je me suis dit bon,
00:23 mais OK, je vais pouvoir respirer.
00:25 Ça va tout redevenir un petit peu normal.
00:27 Mais aujourd'hui, c'est vrai que je suis un petit peu contrariée
00:31 parce que c'est un travail qui m'a pris du temps, qui m'a demandé
00:34 beaucoup de réflexion, d'émotion.
00:37 À Guillaume Pryou aussi, qui a réalisé le documentaire, on l'a monté.
00:40 On a discuté, ça nous a mis à peu près un an et qu'en fait,
00:43 j'ai l'impression que mon travail, non seulement il ne servait à rien,
00:47 mais qu'il a été effacé, alors que le livre, lui,
00:50 c'est un objet qui ne peut pas être effacé comme ça.
00:53 Le documentaire, j'en suis très fière parce que déjà,
00:57 c'est mon premier, mon premier produit.
00:59 C'est la première chose que j'ai faite moi toute seule.
01:00 Ce qui m'a dérangée, c'est la vague que ça a provoqué
01:04 et surtout le fait que tout le système s'est caché derrière un seul exemple
01:09 et que ce n'est pas du tout ce que je voulais faire.
01:11 Moi, ce que je voulais faire, c'était dénoncer un système dans sa globalité.
01:14 Et je pense que ce que je fais dans le livre,
01:16 ça rejoint ce que je voulais faire initialement dans le documentaire,
01:19 c'est à dire que les individus, concrètement, on s'en moque.
01:23 Je cible aucun individu.
01:24 Ce que j'ai envie de dénoncer, c'est le système, le système dans son entièreté.
01:28 Dans le livre, je raconte beaucoup d'anecdotes
01:31 et ce sont quand même des anecdotes qui relèvent de la misogynie.
01:35 Ce n'est pas vraiment des agressions, ce n'est pas du harcèlement.
01:37 C'est la misogynie systémique qui existe,
01:40 qui existait au sein des rédactions.
01:43 Un jour à l'antenne, j'avais oublié mes lentilles de contact
01:45 que je mets tous les jours pour voir ce qui se passe, pour voir mes fiches.
01:49 Et donc, j'ai été contrainte de mettre mes lunettes.
01:52 Et quelques heures après le début de l'émission,
01:55 je constate sur les réseaux sociaux que je suis en TT,
01:59 c'est à dire en "trending topics",
02:01 c'est à dire un des sujets les plus commentés sur Twitter à ce moment là.
02:05 Et donc, je regarde ce que disent les gens et les gens parlent uniquement
02:09 de mes lunettes et du fait que je ressemble à une secrétaire salope,
02:12 que j'ai l'air sexy, qu'on aimerait bien me démonter sur la table,
02:15 enfin des trucs très, très agréables, mais qui m'ont fait plaisir.
02:18 Et ça, en fait, c'est là où j'ai participé au système.
02:21 C'est que concrètement, ce rôle de la femme que j'avais du mal moi-même à accepter,
02:26 non seulement là, je l'ai complètement embrassé, mais en plus, je me suis dit
02:29 "Ah ouais, ils aiment bien les lunettes, eh ben je vais les mettre à chaque fois".
02:32 Et donc, pendant un mois ou deux, je les ai sortis à chaque émission
02:35 et chaque émission, je recevais des messages très clairement à caractère sexuel.
02:39 Et ce qui est terrible, c'est que ça me faisait plaisir parce que j'existais enfin.
02:44 Quand on est une femme dans le milieu du sport, on est un peu unique.
02:47 Et en fait, cette place là, on veut la garder pour soi.
02:50 Et c'est pour ça que la sororité dans le milieu des rédactions sportives,
02:53 elle a été compliquée parce que le système nous a fait croire
02:56 qu'on ne pouvait être qu'une dans chaque émission,
02:59 alors que concrètement, on peut être plusieurs sur un plateau.
03:02 Comme on n'était qu'une par plateau, c'était notre place.
03:05 Donc, c'est un système auquel j'ai participé,
03:08 puisque j'ai voulu conserver ma place et ne pas la partager.
03:11 Et un jour, on m'a dit "On arrête la femme du plateau parce que ça marche pas".
03:14 Et c'était sur une émission où j'étais l'unique femme du plateau.
03:17 Et vraiment, je me suis dit "Ah oui, je suis que la femme du plateau".
03:20 Je ne suis pas Marie Portolano, je ne suis pas journaliste,
03:23 je ne suis pas quelqu'un qui a fait des études, quelqu'un qui réfléchit.
03:26 Je suis uniquement la femme du plateau.
03:28 Et ce que je dis dans le livre et ce que je pense réellement,
03:30 c'est qu'à la télévision, en tout cas dans le sport,
03:32 un homme, on l'écoute et une femme, on la regarde.
03:34 Et c'est la seule chose qui importe.
03:36 Moi, je pense que le féminisme, c'est un combat qu'on doit mener avec les hommes.
03:40 Donc concrètement, ce que je veux dire, c'est que je n'ai pas envie
03:44 d'être porte parole d'une guerre des sexes.
03:47 Pour moi, le féminisme doit être un humanisme dans sa globalité.
03:51 C'est à dire que concrètement, on aura gagné quand il n'y aura plus le féminisme.
03:54 Ça n'existera plus.
03:55 Voilà, les hommes et les femmes seront égaux, c'est super.
03:57 Mais c'est surtout ensemble qu'on doit mener ce combat.
04:00 Et je fais confiance aux hommes pour comprendre ce qu'on veut dire.
04:03 Qu'on ne veut pas prendre la place de personne, qu'on ne veut pas tuer personne.
04:06 On veut juste être ensemble.
04:08 COMMUNIS !
04:10 à suivre...