• il y a 8 mois
Le politologue, Guillaume Bigot, revient sur la communication d'Emmanuel Macron lors de son déplacement à Marseille : «On a un mauvais épisode de "Plus belle la vie"».

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Transcription
00:00 Vaste sujet. Il faut commencer par un point.
00:05 Prenons Marseille.
00:08 Et par un personnage, prenons le chef de l'État.
00:11 Là, typiquement, il y a une intention de communication très forte.
00:15 C'est-à-dire de se rendre à Marseille, ce qu'il a fait mardi, je crois.
00:20 Et il n'a pas été n'importe où.
00:22 Il a été à la Castellane, qui est supposée être la cité la plus gangrénée
00:26 par le trafic de stupéfiants, la plus dure.
00:28 Et il n'a pas été seul, il a été avec Gérald Darmanin, avec tout un aéropage.
00:34 Et quelle était l'intention ?
00:36 Son intention, c'est de dire, communication,
00:39 il n'y a pas de territoire perdu de la République, l'État, c'est moi, après tout.
00:43 C'est vrai, sous la Ve République, il incarne l'État.
00:46 Donc j'y vais et je serai bien accueilli.
00:49 Ensuite, il y a l'idée aussi, je pense, de mettre en scène les opérations Plasnet.
00:57 Et là, il y avait même une adaptation, si je dois dire, à la bonne dimension pour Marseille.
01:01 Marseille en grand, donc là c'est Plasnet en grand, c'est Plasnet XXL.
01:05 Et montrer, en lançant l'opération Plasnet XXL, que ça allait fonctionner.
01:09 Pourquoi ? Parce qu'on le sait, on l'avait évoqué, Charlotte notamment,
01:13 il y a quatre magistrats qui se sont exprimés devant une commission parlementaire
01:17 et ils ont dit, à Marseille notamment, en général, l'État français est en train de perdre la guerre
01:21 contre les narcotrafiquants.
01:23 Donc il y avait besoin de réagir, donc de communiquer.
01:26 Ensuite, on est en pleine campagne européenne et on peut imaginer qu'il y a un certain nombre de ses adversaires
01:32 qui disent que le bilan en matière de régalien, comme on dit, en particulier de lutte contre le trafic de stupéfiants,
01:38 n'est guère brillant.
01:39 Et donc il y a cette intention de faire une démonstration de force en fait, en se rendant à Marseille.
01:43 Le résultat, qu'est-ce que c'est ? Trop de com', tu la com'.
01:46 C'est une séquence un peu Potemkin à l'arrivée.
01:49 On a un mauvais épisode de Plus Belle la vie.
01:52 D'abord, cette visite soi-disant surprise, bien sûr qu'elle était sécurisée,
01:55 bien sûr qu'elle était préparée.
01:56 Et puis on a surtout le réel qui déborde du cadre.
01:59 Bien sûr, il y a eu du soleil, les gens étaient souriants, etc.
02:02 Mais enfin, on entend quand même des choses incroyables.
02:04 Des jeunes qui interpellent le président de la République.
02:07 Calmez vos petits CRS.
02:09 On entend quelqu'un qui interpelle le président de la République, un jeune homme, qui lui dit
02:13 "Oui, mais attention, Gaza, il faut changer de politique, sinon ça va déborder dans les cités"
02:17 avec une espèce de chantage comme ça.
02:19 Et on sait que le président de la République, il adore reprendre la balle au bon,
02:23 il adore remettre les points sur les i, avoir raison, etc.
02:26 Là, il passe son tour quand même.
02:28 Il regarde un peu la pointe des Sessouliers et il avance.
02:30 Et le pire se produit surtout après la visite.
02:33 Et qui montre en fait que cette démonstration de force, c'est tout, sauf une démonstration de force.
02:36 C'est à la fin une démonstration de faiblesse.
02:38 Parce que sitôt le chat parti, si j'ose dire, les souris se remettent à danser.
02:42 Vous l'avez dit, il y a toutes sortes d'individus pas très recommandables qui se sont exprimés.
02:46 On va retourner au charbon.
02:48 Charbon dans le jargon, c'est-à-dire qu'il est leur point de deal.
02:51 Dans les prisons, certains ont dit "de toute façon, cette opération n'est plus rien".
02:54 C'est pareil, au point que le préfet, qui vient d'être installé sur place,
02:59 Pierre-Edouard Collier, a dû tenir une conférence de presse pour expliquer
03:02 qu'il n'y a pas de retour des points de deal.
03:05 Alors pourquoi le dire si c'est le cas ?
03:07 Et en fait, surtout, si on fait le bilan de cette opération XXL,
03:11 dans toutes les bouches du Rhône, avec 900 policiers et 900 gendarmes mobilisés,
03:15 on a quoi à l'arrivée ?
03:16 On a 120 personnes interpellées, mais surtout 8 kilos de cannabis.
03:19 8 kilos de cannabis, l'estimation, c'est 500 tonnes par an qui rentrent en France.
03:25 On a 300 g de coke, l'estimation, c'est 150 tonnes par an.
03:30 Heureusement que c'était une opération XXL, sinon on aurait peut-être eu un micron,
03:34 ou un microgramme, une feuille de résine de cannabis qui aurait été trouvée, je ne sais pas.
03:38 Donc le bilan est très très modeste, tellement qu'on puisse le dire,
03:40 et en termes de communication, c'est catastrophique.
03:42 [Musique]
03:46 [SILENCE]

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