• il y a 8 mois
Natacha Polony
Directrice de la rédaction de Marianne
La Directrice de la rédaction de Marianne à l’occasion du premier numéro de la nouvelle formule.
Moins de page, moins cher : après 27 ans d’existence, le newsmagazine créé par le journaliste Jean François Kahn et aujourd’hui dirigé par Natacha Polony fait sa révolution. Place ce matin à « un journal » et non plus un newsmagazine avec 52 pages contre 88 auparavant, vendu à un prix plus accessible de 3.5 euros. Un journal qui par sa structure lorgne vers le Canard Enchainé.

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Transcription
00:00 - Et votre invitée média Laurent Vallière est la directrice de la rédaction de l'hebdomadaire Marianne,
00:04 qui change aujourd'hui de formule, moins cher, avec moins de pages.
00:08 - Bonjour Natacha Polony. - Bonjour.
00:09 - Elle est radicale votre transformation. La culture elle est réduite à deux pages, il n'y a pas d'international.
00:15 Il y a moins de pages, qu'est-ce qui se passe ?
00:18 - Mais alors il y a de l'international, il y a de la culture.
00:20 C'est simplement qu'on a décidé qu'on n'avait pas besoin d'indiquer aux gens
00:24 qu'il y avait à un endroit la culture, à un endroit la politique, à un endroit l'économie,
00:29 parce que ce qui les intéresse les lecteurs c'est de savoir quel est le traitement de l'actualité.
00:32 Donc on s'est dit, ben voilà, on va leur expliquer, là c'est de l'enquête, là c'est du décryptage,
00:38 là c'est du débat, là c'est des propositions, parce qu'on est aussi force de proposition,
00:42 et donc tous les domaines ont vocation à rentrer dans cette grille.
00:47 Mais si je vous explique un petit peu pourquoi on a fait ça.
00:50 L'essentiel c'est qu'on s'est dit, les gens lisent tendanciellement de moins en moins de presse,
00:54 et surtout de la presse magazine.
00:56 Le modèle du news magazine à l'ancienne, il est en train de disparaître, de s'abîmer,
01:01 parce qu'en fait il est très ringard, il date de la fin de la seconde guerre mondiale,
01:05 il est fondé sur les annonceurs, donc on fait des dossiers qui plaisent aux annonceurs,
01:10 et puis comme le lectorat baisse tendanciellement, on augmente les prix,
01:15 et on a des prix à 5,90, 6,90, et on s'étonne que les gens puissent plus payer de la presse.
01:19 Donc on s'est dit, on va faire l'inverse, c'est-à-dire on baisse le prix radicalement, 3,50€,
01:25 comme ça les gens peuvent se payer ça, il faut avoir en tête le pouvoir d'achat des citoyens français,
01:31 et on va jouer ce rôle qui est de lutter contre la fatigue informationnelle.
01:35 Ils sont submergés d'informations, le reste de la presse fait un bon boulot, il y a des choses très intéressantes,
01:40 mais notre rôle c'est ce qu'on appelle la fonction d'agenda, c'est-à-dire de dire aux gens, voilà,
01:45 dans ce flot d'informations, nous on pense que ce qui est important, ce qui est essentiel,
01:49 c'est ça, ça et ça, et on vous explique pourquoi.
01:52 - Et faire un magazine avec moins de pages qui va coûter moins cher, c'est aussi faire appel à moins de journalistes du coup ?
01:57 - Ah pas du tout ! Parce que justement c'est ça l'avantage, c'est que nous notre formule, elle dit,
02:01 on croit au papier, donc on va aller chercher des lecteurs papier, et ça nous permet de libérer des forces pour le web,
02:08 parce qu'on doit aussi aller chercher des nouveaux lecteurs qui eux n'ont pas la culture du papier.
02:12 Donc c'est un effectif constant.
02:14 - Alors en feuilletant le journal, je me disais vers quoi vous lorgnez finalement ?
02:19 Vers le canard enchaîné avec des petits...
02:22 En fait il y a beaucoup d'entrées dans votre journal.
02:24 Il y a seulement quatre grands dossiers, de trois pages ou quatre pages, et beaucoup d'entrées.
02:29 Et vous lorgnez vers Society, le magazine, le bimensuel, et vous lorgnez vers le canard enchaîné ?
02:33 - Vous savez vers quoi on lorgne ? - Non.
02:35 - La charte fondatrice de Marianne, 1997, si vous la lisez, en fait, on a radicalisé cette formule qui était extrêmement moderne et extrêmement dynamique.
02:45 Donc en effet, plein de petits papiers qui permettent de donner une vision, un argumentaire sur des tas de petits sujets.
02:54 C'est le kit de survie pour un déjeuner entre amis où il va falloir argumenter.
02:58 Et à côté de ça, des sujets de fond avec des révélations, de l'investigation,
03:02 et puis des papiers très pédagogiques, de la culture populaire, parce qu'il y a aussi par exemple le classique qui éclaire l'actu,
03:09 quel film, quel livre il faut relire pour comprendre le monde actuel.
03:12 Voilà, c'est tout ça. Et l'idée c'est vraiment, vous voyez, évidemment qu'on a par exemple ce lien avec le canard enchaîné qui est de défendre le dessin de presse.
03:21 Et là aussi, on l'a accentué, on en a mis encore plus parce qu'on croit qu'à un moment où le reste de la presse a la trouille de vexer les uns et les autres,
03:29 eh bien nous, on doit défendre les dessinateurs de presse.
03:31 - Mais même les indiscrétions, vous augmentez largement la pagination ?
03:34 - Oui, parce que là aussi, on pense que notre rôle, à nous Marianne, c'est, on porte le nom de la République dans notre titre.
03:42 Eh bien notre rôle, c'est de révéler à nos lecteurs, disons toutes les dérives oligarchiques qui pourraient aller gripper la démocratie, qui pourraient confisquer le pouvoir.
03:54 Parce que nous, notre projet, c'est de défendre le bien commun. Et donc, la fonction d'indiscrétion, de dévoilement, de révélation, elle est absolument fondamentale.
04:04 - Ah, on n'est pas sur un registre People ? - Ah non, vraiment pas. - Anecdotique quoi.
04:07 - On n'est vraiment plus dans le magazine, par exemple, le journal qu'on va lire pour savoir quel film aller voir. Ça, c'est fini en fait.
04:14 - Alors non, il y a un compte-agenda culturel, assez mordant, où on explique en gros, cette semaine, bon, ça c'est génial vraiment, ça en revanche, c'est de la fausse valeur, ne prenez même pas le temps. Voilà, il y a un parti pris.
04:28 - Alors, il y a aussi une signature ambitieuse, "La vérité n'a pas de maître", mais quand même, quand on appartient à un groupe qui détient, qui est en train de racheter Casino, qui est propriétaire d'Editis, est-ce que vraiment vous pouvez, vous, Marianne, lutter contre ce que vous appelez dans la charte initiale, le pancapitalisme ?
04:50 - Vous savez, la véritable liberté d'un journal, d'abord, c'est d'être libre vis-à-vis de ses annonceurs. Nous, quand on consacre un dossier à la façon dont la grande distribution fait pression sur les prix pour faire disparaître la viande française des plats industriels, le premier annonceur de la presse, c'est la grande distribution.
05:07 Et quand, en pleine campagne présidentielle, on fait un dossier sur Alexis Colère, l'homme qui a dépecé la France, je pense qu'on prouve notre liberté. La liberté, elle se conquiert et elle se prouve au quotidien. Et je pense que c'est vraiment le travail de tous les journalistes de Marianne.
05:24 - Alors, c'est vraiment un nouveau journal. Et ce qui est surprenant, c'est que quand on regarde les statistiques, la diffusion de Marianne, l'an dernier, a baissé seulement de 1%. Vous n'êtes pas le pire. Pourquoi ?
05:34 - Au contraire, on s'en tire bien, oui. On est deuxième en vente en kiosque, juste derrière le point. Mais c'est justement pour ça. C'est parce que j'estime qu'il faut bouger quand ça va. Pas quand on est contraint, pas quand on commence à souffrir. C'est une dynamique, ça s'impulse.
05:49 - Alors, l'objectif, c'est quoi ? Vous avez déjà en tête, là, vous êtes à 130 000 exemplaires pour, par comparaison, le premier, c'est Le Point, avec 290 000 exemplaires. C'est quoi l'objectif ? C'est de rattraper qui ? Le Nouvel Obs qui se relance aujourd'hui ?
06:01 - Alors, le Nouvel Obs, déjà, si on prend les ventes en kiosque, on est largement devant. Après, sur les abonnements, la question, c'est de savoir est-ce que les abonnés qui reçoivent une cafetière ou un téléviseur pour s'abonner lisent vraiment un journal ? Nous, nos abonnés, ils nous lisent, ils sont militants, ils aiment ce journal.
06:19 Donc, après, l'objectif, il est on croit au papier, on développe la vente papier et on conquiert des abonnés numériques et, si possible, des gens qui, pour l'instant, ne sont pas encore arrivés à l'idée qu'il faut payer pour soutenir une information qui va jouer un rôle dans la démocratie, qui leur permet d'être des citoyens actifs.
06:40 C'est justement parce qu'on croit qu'il y a une possibilité de ramener des gens vers l'action politique, vers une conviction qu'on peut changer la vie, qu'on fait cette formule-là.
06:51 - Eh bien, bonne chance au nouveau Marianne. Merci, Natacha Polony.
06:53 - Merci beaucoup, directrice de la rédaction de Marianne. Donc, la nouvelle formule est sortie ce matin ?
06:57 - Exactement, avec le printemps.
06:58 - Merci à vous.
06:59 Merci à vous.

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