• il y a 7 mois
Notre reporter Jérémy Normand, envoyé spécial à Moscou, a rencontré Piotr Tolstoï, vice-président de la Douma, la chambre basse du parlement russe. Durant cet entretien, il a multiplié les menaces contre notre pays.

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Transcription
00:00 Jérémy Normand, on vous retrouve en direct de Moscou, Jérémy.
00:04 Vous avez donc rencontré l'un des proches de Poutine, je le disais, Piotr Tolstoy, le vice-président de la Douma.
00:10 Donnez-nous un peu, Jérémy, le contexte de l'interview et puis d'une certaine manière, préparez-nous à ce que l'on va entendre.
00:17 Plusieurs jours de négociations parce que Piotr Tolstoy n'aime pas lorsque ce n'est pas en direct.
00:25 Il dénonce évidemment la censure qui serait en vigueur chez nous. Il avait jusqu'ici échangé sur notre antenne de façon directe en visioconférence.
00:34 C'est la première fois qu'il s'exprime avec une équipe française venue ici de façon enregistrée.
00:39 Il a accepté de nous rencontrer juste ici où on se trouve avec Étienne Grelet, en toile de fond le Kremlin et la Place Rouge,
00:45 où justement Vladimir Poutine s'est exprimé au lendemain de sa réélection triomphale.
00:49 Voilà le lieu de la rencontre. Pour l'atmosphère et l'attitude, vous allez voir que c'était très, très glaçant, très dérangeant.
00:57 Cet homme est sûr de ce qu'il pense. Il hait la France et il nous souhaite beaucoup, beaucoup de mal.
01:02 Si nous étions à envoyer des Français en Ukraine nous battre, on va écouter ce qu'il avait à nous dire.
01:08 Et voici donc la première partie de cette interview.
01:13 Bonjour, monsieur Tolstoy. Bonjour. Bonjour, Jérémy. Enchanté. Enchanté. C'est un bon endroit pour se rencontrer.
01:18 Oui, oui, on a le Kremlin derrière nous. On a le temps seulement. Il n'y a pas de soleil. Mais bon.
01:25 Bon, ici, c'est presque aussi romantique que l'histoire de nos relations Russie-France.
01:30 C'est deux pays qui se connaissent bien. Et vous êtes bien placé pour le savoir, puisque vous êtes l'arrière-petit-fils de Léon Tolstoy,
01:36 qui a écrit « Guerre et paix ». Donc ces relations faites de haut et de bas, vous en savez quelque chose ?
01:41 Vous savez, les Russes sont toujours mécontents que dans « La guerre et la paix », les premiers dix pages, c'est en français.
01:46 Ils disent « Mais c'est quoi, ça ? ». Qu'est-ce qui ne va plus entre la France et la Russie ? Pourquoi ça ne marche plus ?
01:52 Ça ne marche plus parce que les Français ont pensé qu'ils ont le droit de donner des leçons à des Russes.
01:57 Après la fin de la guerre froide, ils ont imaginé qu'ils ont gagné la guerre froide avec les Américains.
02:04 Ils ont oublié l'histoire de l'Europe, l'histoire du continent. Et je parle non seulement des guerres napoléoniennes,
02:11 mais aussi de la dernière guerre, par exemple. Aujourd'hui, quand M. Macron dit qu'il va envoyer les soldats à Odessa,
02:19 il faut lui rappeler que la dernière grande guerre en Europe, la France, elle a tenu 40 jours contre les Nazis.
02:26 Et les Russes, ils ont tenu quatre ans et ils ont gagné la guerre au Berlin. Je veux dire très directement que l'idée
02:34 d'envoyer les soldats français en Ukraine, ça va se terminer par les cercueils à Norlie, couverts par le tricolore.
02:43 Et c'est pas Macron qui va aller les chercher. Donc les Français, ils doivent comprendre les conséquences. C'est tôt.
02:48 Parlez-nous un peu de nous parce que vous nous connaissez très bien. Vous parlez un français parfait.
02:52 Vous avez étudié en France. Vous avez été... Oui, oui, j'ai fait une partie de mes études en France.
02:57 Et j'ai travaillé pour la presse française aussi, ici à Moscou, dans les années 90.
03:03 Donc la France, vous la connaissez, vous l'avez aimée. Qu'est-ce qui ne va plus ? Pourquoi vous ne nous aimez plus ?
03:08 Pourquoi je dois vous aimer ? Vous avez entamné 19 000 sanctions contre mon pays. Vous menez une guerre économique.
03:16 Vous mentez sur la Russie chaque jour sur BFM. Vous distribuez...
03:22 Donc c'est la réaction d'un amoureux déçu ?
03:24 Non, mais vous distribuez les narratifs sur la guerre en Ukraine qui sont complètement, pour nous, impensables.
03:32 Les choses et toutes les provocations qui, durant ces 2 ans, ont déjà passé dans la presse contre la Russie
03:40 et qui font l'image de Russes comme les gens qui mangent les enfants le matin.
03:44 Donc écoutez, on n'a pas... On aime bien la France et les Français, mais on ne peut pas accepter ça.
03:51 Qu'est-ce qui a déraillé dans notre modèle Vladimir Poutine ?
03:55 Érige le modèle russe en opposition avec le modèle d'un Occident qui serait décadent,
04:01 qu'est-ce qui est décadent chez nous Français ?
04:05 Regardez votre gouvernement. Est-ce qu'on peut vraiment, à XXIe siècle, penser que ce n'est pas décadent
04:15 d'avoir des gens si spéciaux dans le gouvernement ?
04:22 Vous faites référence au fait que notre Premier ministre, Gabriel Attal, est au gouvernement bisexuel ?
04:27 Je fais référence qu'aujourd'hui, la France est gouvernée d'une partie par les pervers, tout simplement.
04:36 Être homosexuel, c'est être spécial, voire pervers ?
04:39 Tout à fait. Pour nous, oui. Absolument. Mais ce n'est pas...
04:42 Donc il n'y a pas d'homosexuels en Russie ?
04:44 Non, bien sûr, il y en a, mais il n'y en a pas dans le gouvernement.
04:48 Est-ce que les homosexuels en Russie peuvent vivre librement et protégés par le gouvernement ?
04:52 Leur vie privée est protégée, mais ils n'ont pas droit à la propagande ouverte de leur mode de vie.
05:01 Le fait qu'on ait un Premier ministre ouvertement homosexuel, Gabriel Attal,
05:04 pour vous, ça fait partie de cette décadence que vous décrivez en Occident ?
05:07 Être homosexuel, c'est un problème ?
05:09 Écoutez, non. C'est la dégradation des leaders européens.
05:14 Regardez aujourd'hui avec qui on doit avoir l'affaire. Avec Shultz, avec Macron, avec Borrell, etc.
05:23 Donc ça, c'est des gens qui n'ont pas même l'idée de leur parole. Ils ne peuvent pas tenir la parole.
05:31 Qu'est-ce que vous aimiez chez nous que vous ne retrouvez plus ?
05:34 Vous qui avez été si souvent en France, qu'est-ce que vous aimiez en France que vous ne retrouvez plus aujourd'hui ?
05:41 J'aime bien la France. J'aime bien la culture. Je regrette beaucoup que je ne pourrais pas amener mes enfants à Louvre,
05:48 je ne sais pas, montrer Paris, etc.
05:51 Oui, parce que vous voulez plutôt envoyer une bombe nucléaire à Paris en ce moment. C'est plutôt ça le discours.
05:55 Bien sûr.
05:57 À la télévision russe, on calcule la durée qu'il faudrait pour un missile nucléaire pour arriver à Paris.
06:01 Deux minutes, selon Soloviev.
06:03 Pas deux minutes, un peu plus.
06:06 Donc vous avez commencé à calculer les plans ?
06:08 Oui, bien sûr. On calcule parce que vous savez, pour nous, ce qui est important historiquement pour la Russie, c'est assurer la sécurité des pays.
06:17 Et quand les pays de l'OTAN, dont aussi la France, mettent les missiles autour de nos frontières et veulent mettre les missiles en Ukraine,
06:28 en adhérant à l'OTAN à l'Ukraine, donc pour nous, c'est inadmissible.
06:32 Voilà, c'était la première partie de cette interview. La deuxième, dans un instant, qu'on va évidemment débriefer.
06:37 On va répondre évidemment à ce que dit Piotr Tolstoy dans un instant.
06:41 Mais Jérémie Normand, je reviens à vous à Moscou.
06:44 Tout y est dans cette première partie.
06:45 La décadence de l'Occident, l'homosexualité de Gabriel Attal, les mensonges de Paris et de BFM au passage, et la menace nucléaire.
06:52 On a un condensé, on a un best-of, si je puis dire comme ça, de la propagande russe.
06:56 Oui, mais c'est un sprinter, c'est-à-dire qu'à peine les caméras allumées, les poignées de main adressées,
07:05 il a engrangé ce flux, ce flot de menaces, d'insultes, d'invectives.
07:11 Évidemment, notre rôle, c'est, en lui donnant la parole, c'est de lui apporter la contradiction, de rétablir les faits.
07:17 Donc c'est ce qu'on a essayé de faire.
07:20 Mais vraiment, on sent son agressivité.
07:22 Il a vraiment envie de faire passer ce message extrêmement menaçant
07:26 quand il nous donne la durée plus précise que mettrait un missile nucléaire à arriver à Paris.
07:31 C'est dit avec un sourire glaçant, je pense qu'on le sent tous lorsqu'on regarde cette image.
07:37 Il sait que son français parfait nous déstabilise, il sait que son expérience de notre culture peut aussi jouer.
07:44 Vraiment, c'est la voix du Kremlin pour nous, Français.
07:47 Et c'est exactement dans cet état d'esprit qu'il a accepté de nous dire toutes ces horreurs.
07:52 Et on va voir ensemble la deuxième partie de cette interview,
07:55 tout particulièrement sur la situation en Ukraine et sur l'éventualité d'un envoi de troupes françaises.
08:01 On a entendu ici traduit en russe les mots d'Emmanuel Macron.
08:09 Vous suivez de près ce que dit le président français plus que ce que dit par exemple le chancelier allemand.
08:17 Qu'est-ce qui, dans les mots d'Emmanuel Macron aujourd'hui, hérisse le poil du pouvoir russe ?
08:25 Il est le premier entre les leaders européens qui a directement évoqué l'envoi des soldats au sol en Ukraine.
08:35 Et ça, c'est une déclaration qui est pour nous très inquiétante parce que ça nous rapproche de la Troisième Guerre mondiale.
08:44 Carrément. Parce que...
08:46 Et c'est vous qui parlez de cette Troisième Guerre mondiale, pas nous les Français.
08:49 Bien sûr, vous les Français qui voulez venir avec les soldats à Odessa, une ville russe,
08:56 vous les Français êtes en train de provoquer la Troisième Guerre mondiale.
09:01 Parce qu'après, je ne sais pas, 300, 400 Français tués, votre président, il sera dans la piège.
09:09 Il devrait soit accélérer l'histoire, soit augmenter la présence de troupes, soit retirer les troupes.
09:19 Vous dites qu'Odessa est russe. Le gouvernement, le Kremlin, dit aussi que le Donbass est russe
09:26 et d'ailleurs la majeure partie de l'Ukraine serait russe.
09:30 Historiquement, bien sûr, personne ne conteste la culture commune entre ces terres et la Russie.
09:38 Ce n'est pas la culture commune, c'est la même culture parce que c'est le même peuple.
09:41 Mais moi, en tant que journaliste, je me suis rendu en Ukraine depuis le début de la guerre.
09:45 J'ai rencontré des Ukrainiens et tous me disent leur volonté de rester à l'écart de la Russie,
09:53 de garder leur indépendance, de rester Ukrainiens et non pas de devenir Russes.
09:57 Est-ce que vous entendez cette voix des Ukrainiens qui vous disent "laissez-nous tranquille, on veut être indépendants" ?
10:05 On a pendant 30 ans attendu que ces Ukrainiens arrêtent de faire des bêtises contre les 20 millions de Russes qui vivaient en Ukraine,
10:17 de leur interdire leur langue, de leur interdire l'éducation en russe,
10:22 de interdire l'histoire, d'ailleurs commune qu'on a à l'Ukraine et la Russie.
10:29 Ukraine c'est mon pays, mon arrière-grand-père était le maire de Kiev, c'est mon pays.
10:35 Et je ne veux pas que mon pays devienne un pays nazi comme aujourd'hui.
10:40 Mais les choses changent.
10:42 Je ne veux pas que mon pays parle une autre langue.
10:45 Et je ne veux pas que mon pays soit en base de l'OTAN pour les missiles contre mon pays.
10:52 Et je ne veux pas que mon pays Ukraine restera sous la dictature des pays occidentaux et de l'OTAN.
11:03 L'Ukraine n'existera jamais dans les frontières qu'il y avait avant la guerre. Point.
11:09 N'existera jamais.
11:11 Pour nous c'est une question existentielle.
11:14 Et on ne va pas arrêter, on ne va pas retirer les troupes, on ne va pas faire semblant qu'on est...
11:24 On ne croit pas, on ne croit plus aux accords avec les Européens, on ne croit plus aux accords avec les Américains.
11:31 On va garantir notre sécurité à tel point à quel ça serait décidé par Vladimir Poutine, président de la Russie.
11:41 Et donc à ce moment là, quand on va dire "on s'arrête", il y aura une autre conférence sur la sécurité en Europe
11:48 comme celle de Helsinki ou Yalta. C'est tout simple.
11:52 Le président français lui refuse qu'on en arrive à cette situation et...
11:56 On s'en fout de son opinion.
11:58 Vous vous foutez de ce que dit Emmanuel Macron.
11:59 Exactement.
12:00 Et quand il vous dit qu'il est prêt éventuellement à ne pas se fixer de limites...
12:03 On s'en fout de ses limites. On s'en fout de Macron, de ce qu'il dit Macron. On s'en fout de limite de Macron.
12:09 Et on va tuer...
12:11 La France reste une puissance nucléaire. Vous l'avez en tête.
12:13 Tout à fait, avec 200 missiles.
12:15 Et donc on va tuer tous les soldats français qui vont venir au sol ukrainien. Tous.
12:23 Parce qu'aujourd'hui, il y en a, durant le conflit en Ukraine, 13 000 mercenaires, dont 367 français et dont 147 ont déjà tué.
12:36 Donc il y en a 147 citoyens de la France qui ont été tués en Ukraine.
12:41 Et on va tuer tout le monde. Vous inquiétez pas.
12:44 Bon, voilà pour cette interview.
12:46 On s'inquiète un peu quand même.
12:48 Oui, on est d'accord qu'on s'inquiète un peu.

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