LE DUEL - Faut-il faire de nos écoles des bunkers?

  • il y a 6 mois
Comment sécuriser nos écoles? Après qu'une principale ait été menacée au couteau par un collégien à Chenôve, la question de la surveillance à l'entrée des établissements scolaires pose question. 
Transcript
00:00 - Des questions sur la sécurité des établissements scolaires, faut-il les bunkeriser ? C'est notre duel.
00:04 [Générique]
00:08 - Duel ce matin entre Olivier Vial. Bonjour Olivier.
00:10 - Bonjour.
00:11 - Merci d'être là, président du Centre d'études et de recherche universitaire, je ne me suis pas trompé.
00:15 - Tout à fait.
00:15 - Bonjour Mathieu Slaman, merci d'être là également pour ce duel.
00:20 Question très simple, faire des écoles, un bunker Olivier.
00:24 Est-ce qu'il faut renforcer, on provoque évidemment avec le mot bunker,
00:27 est-ce qu'il faut renforcer encore et toujours la sécurité des établissements ?
00:30 - Oui, parce qu'en fait on voit bien que depuis 1986, on est au 13e plan pour lutter contre les violences scolaires.
00:38 Et en fait jusqu'à présent, ça a été des plans qui étaient quand même essentiellement liés
00:41 à des positions de principe sur le rapprochement, les valeurs de la République, etc.
00:46 On voit que ça ne suffit pas, aujourd'hui on a une vraie montée de la violence.
00:49 On a dans la dernière enquête PISA, un chiffre qui est quand même très inquiétant,
00:53 12% des élèves disent que dans le mois qui précédait l'enquête,
00:57 ils ont vu au sein de leur établissement des couteaux ou des armes à feu.
01:00 12% et c'est en plus une enquête PISA, donc on voit bien que la question est très sérieuse.
01:06 On a dans le même temps sur les cinq derniers mois, plus de 42 000 signalements de faits graves dans les établissements.
01:14 Ça augmente de façon quotidienne, de façon régulière.
01:18 - Et jusqu'où on va dans la sécurisation ?
01:20 - En fait c'est là qu'il y a effectivement la possibilité de rajouter.
01:23 Aujourd'hui il y a tous des packs.
01:24 Par exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes a mis en place il y a quelques années
01:28 un pack avec des tourniquets, de la vidéosurveillance, des portiques dans certains endroits.
01:34 Je pense qu'il faut proposer un ensemble de solutions, selon aussi les quartiers.
01:39 Parce qu'on voit par exemple à Nîmes, en début de mois,
01:42 tous les enseignants d'une école se sont mis en grève, se sont même fait porter pâle.
01:47 Les parents d'élèves se sont mobilisés parce qu'à la porte du lycée, du collège par exemple,
01:52 il y avait des trafics de drogue, un point de deal, et des fusillades en plein jour.
01:55 Donc effectivement dans ce cas-là, il faut protéger et sécuriser.
01:59 - Donc on sécurise, portique, caméra de vidéosurveillance, Mathieu Slama ?
02:01 - En fait c'est exactement ça le débat, c'est jusqu'où on s'arrête dans la logique sécuritaire.
02:06 Et je trouve qu'aujourd'hui, à notre époque et dans notre société,
02:09 la logique sécuritaire prend le pas sur tout le reste, notamment sur la question des libertés.
02:13 L'école, pour moi, ça doit rester le lieu des libertés.
02:17 Ça doit rester le lieu de l'émancipation.
02:19 C'est là où on apprend à des enfants et à des jeunes personnes
02:23 à être libre, à penser librement, à s'émanciper, à être émancipés.
02:27 Si on rentre dans la logique où on fait des écoles, des bunkers, des prisons,
02:32 enfin on peut exagérer le trait évidemment comme on veut,
02:35 mais où on commence à avoir de la vidéosurveillance, vous l'avez dit,
02:38 ça commence à être fait, c'est encore très minoritaire, mais ça commence à être fait, des vigiles.
02:41 - 92% des établissements en Nouvelle-Grenoble sont mis en place sans que ça pose de problème.
02:45 - Sans que ça pose de problème, sauf que le problème, c'est que du coup,
02:48 on perd de vue ce que doit être l'école républicaine.
02:51 Moi, je ne veux pas d'une école républicaine dans laquelle il y a de la vidéosurveillance partout,
02:54 dans laquelle on commence à mettre du sécuritaire partout,
02:57 au nom d'ailleurs d'une logique sécuritaire qui est sans fin.
03:00 Et aux États-Unis, par exemple, ils se sont posé cette question,
03:03 depuis des années, vous savez, comme il y a les massacres dans les écoles et tout.
03:06 Donc aux États-Unis, ils ont fait le choix du tout sécuritaire,
03:08 et encore plus avec Donald Trump.
03:10 Et vous avez par exemple des écoles, dans lesquelles, des lycées, c'est très minoritaire,
03:13 très sécuritaire, où maintenant, les enseignants eux-mêmes sont armés.
03:16 Alors évidemment, on n'en est pas là en France, ce n'est pas ce que je dis.
03:18 Mais je vous dis simplement, la logique sécuritaire, elle est sans fin,
03:21 et en plus, elle n'est pas efficace.
03:23 Aux États-Unis, ces dernières années, les violences et les meurtres dans les écoles
03:27 ont augmenté, malgré l'offensive sécuritaire.
03:30 Donc en plus, elle n'est même pas efficace.
03:32 - Ce n'est pas antagonique.
03:34 Il y a des moments, effectivement, il ne faut pas mettre de la vidéosurveillance partout,
03:37 mais sécuriser les abords des lycées, notamment dans des quartiers
03:40 où, effectivement, on a des points de deal,
03:42 je pense que c'est aussi protéger la liberté,
03:44 parce qu'on n'est pas libre quand on a une arme à feu en face de soi,
03:47 ou un couteau en face de soi.
03:49 La professeure qui a été agressée dans ce collège,
03:52 je ne pense pas qu'elle se sentait en très grande liberté face à un couteau.
03:55 Donc il y a un moment donné, quand dans les établissements,
03:58 et ce n'était pas le cas il y a 15 ou 20 ans,
04:00 quand dans les établissements, on a autant d'armes qui circulent,
04:03 et notamment aussi dans les petites classes,
04:05 parce que c'est ce que montre un rapport sénatorial,
04:07 pour la première fois, on a aussi une augmentation assez importante
04:10 dans les petites classes.
04:11 Donc je pense qu'effectivement, on a besoin de sécuriser les abords,
04:14 il ne faut pas aller dans la caricature, effectivement,
04:16 mais on a besoin de sécuriser les abords,
04:17 parce que la sécurité des établissements scolaires,
04:20 c'est aussi la première liberté pour les enseignants,
04:22 parce qu'autrement, on a un risque de pas de vagues.
04:25 Si les enseignants doivent rétablir l'ordre républicain,
04:28 s'ils doivent rétablir certaines,
04:30 notamment ne pas avoir les contestations des cours,
04:33 s'ils savent que dans la classe, il peut y avoir quelqu'un qui est armé,
04:37 ou s'ils savent que demain, ils peuvent être menacés
04:39 parce qu'ils ont pris des positions fermes,
04:40 et bien ils ne le feront pas.
04:42 Donc les protéger, c'est aussi leur donner la liberté
04:45 de pouvoir affirmer leurs valeurs.
04:46 – Est-ce qu'il ne faut pas faire le deuil, Mathieu Slamat,
04:48 de l'école sanctuaire de fait,
04:49 qui serait un sanctuaire qui serait protégée par elle-même,
04:52 parce qu'elle est une école ?
04:54 Faire ce deuil-là et dire,
04:55 il va falloir renforcer la sécurité,
04:58 pour que ça reste vraiment un sanctuaire.
04:59 – Encore une fois, tout dépend de ce qu'on entend
05:01 par renforcer la sécurité, mais encore une fois, je dis…
05:03 – Pardon, je vous donne des exemples,
05:05 on a certains profs, après la mort, notamment Dominique Bernard,
05:08 qui prennent la parole dans des lieux de réflexion plutôt à droite, etc.,
05:15 qui disent, pourquoi est-ce qu'il ne faudrait pas
05:17 former les profs à l'autodéfense ?
05:18 Pourquoi est-ce qu'il ne faudrait pas former les profs
05:20 et qu'ils aient des armes défensives
05:22 comme des bombes lacrymogènes, etc. ?
05:24 Certains profs sont déjà dans cette logique-là.
05:26 – Oui, c'est aussi beaucoup instrumentalisé politiquement,
05:29 il faut le dire, notamment toujours,
05:30 dès qu'on parle de la question de la sécurité,
05:32 il y a toujours une instrumentalisation politique de certains,
05:35 pour dire, il n'y a pas assez de moyens pour la sécurité,
05:40 il faut renforcer la sécurité, etc.,
05:42 avec une logique toujours plus répressive.
05:44 Je dis deux choses, la première, c'est que l'école,
05:46 vous dites sanctuaire, moi je dis, ça doit être un sanctuaire
05:49 pour l'apprentissage et pour l'apprentissage,
05:51 notamment de l'émancipation,
05:53 mais ça doit être aussi ouvert à la société, au quartier, etc.
05:56 Si vous fermez l'école, si vous mettez des portiques
05:58 tout autour d'une école, c'est un peu ce que certains défendent,
06:01 vous fermez l'école par rapport à la société,
06:04 et ça c'est très problématique.
06:06 Et aussi, on met le sujet sur un terrain qui est le répressif,
06:12 en oubliant tout le reste.
06:13 D'abord, il faut savoir que depuis les attentats,
06:15 notamment de 2015, il y a eu beaucoup d'efforts faits,
06:18 notamment en termes de formation, sur des exercices d'alarme.
06:22 L'alerte à la prison a fonctionné.
06:24 Ça a fonctionné, donc évidemment,
06:26 on ne peut pas avoir la sécurité totale et le risque zéro,
06:31 ça n'existe pas de toute manière, ça on sera d'accord là-dessus.
06:33 Mais d'autre part, il y a aussi autre chose,
06:36 qui est le suivi psychologique des élèves.
06:38 Là-dessus, il faut mettre beaucoup plus de moyens,
06:39 et un certain nombre d'enseignants et de syndicats d'enseignants le disent,
06:42 il faut beaucoup plus de moyens sur le suivi.
06:44 Comment ça se fait, par exemple, là, il y a quelques jours ?
06:45 Le proc sur Chenoff disait, hier, le procureur de la République
06:47 disait qu'il y a visiblement des failles psychologiques.
06:50 Exactement. Comment ça se fait que...
06:51 Juste une question, Olivier, est-ce que vous êtes pour aller
06:54 jusque, par exemple, la formation des profs à l'autodéfense ?
06:56 Non, mais je pense que justement, si on a en capacité
06:58 à bien protéger l'établissement, il n'y a pas besoin de ça.
07:02 Et en fait, c'est parce qu'on n'est pas assez ferme sur des questions simples
07:06 que demain, on sera obligé d'avoir une surenchère qui n'est pas souhaitable.
07:09 Donc, il faut être en capacité, effectivement,
07:11 de mettre de la vidéoprotection à la bord des établissements,
07:14 mettre des portiques quand vraiment, on a un point de deal,
07:16 on a des risques de sécurité, pour éviter demain d'avoir des surenchères
07:19 qui, effectivement, les professeurs n'ont pas vocation à être des gendarmes.
07:22 Donc ça, effectivement, c'est très clair.
07:24 Mais si on veut que ça, ça se passe bien,
07:26 et qu'ils n'aient pas la peur quand ils arrivent en salle de classe,
07:29 il faut, effectivement, protéger les établissements
07:31 pour éviter les entrées d'armes.
07:32 Et puis aussi pour prendre en compte,
07:34 parce que la violence, elle n'est pas que dans l'établissement.
07:36 Aujourd'hui, il y a une montée de la violence,
07:37 et on voit la question des élèves qui, effectivement, sont plus agressifs.
07:42 C'est une évidence, mais ce qui est aussi nouveau,
07:44 c'est qu'il y a de plus en plus de parents d'élèves
07:46 qui amènent des risques de sécurité.
07:48 Et qu'on a de plus en plus de parents qui contestent de façon
07:51 totalement radicale les décisions des enseignants,
07:53 et qui peuvent aussi venir à la violence.
07:55 Ça aussi, c'est un vrai sujet.
07:56 On arrive à la fin, je suis désolé.
07:57 Merci en tout cas à tous les deux d'avoir été avec nous ce matin.

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