• il y a 8 mois
A l'occasion de la journée mondiale du sommeil, le professeur Patrice Bourgin, responsable du centre des troubles du sommeil de Strasbourg, est l'invité de France Bleu Alsace ce vendredi 15 mars 2024.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 J'aimerais que cette nuit dure toute la vie. Est-ce que vous avez bien dormi ? C'est la journée mondiale du sommeil. Sommeil de plus en plus perturbé Théo et qui devient un enjeu de santé publique.
00:12 Alors on a décidé de vous réveiller ce matin avec les conseils du professeur Patrice Bourgin. Bonjour. Bonjour.
00:18 Vous êtes le responsable du centre des troubles du sommeil aux hôpitaux de Strasbourg. On dort moins, c'est ce que disent les études année après année.
00:25 On en est même en moyenne à moins de 7 heures par nuit et c'est de pire en pire chaque année. Pourquoi ça ?
00:30 C'est de pire en pire à cause des conséquences de l'évolution de la société, de la pression qu'on a, de l'évolution des écrans.
00:37 Ce qui fait qu'effectivement on dort beaucoup moins parce que par exemple dans les années 60 on dormait entre 8 et 9 heures.
00:44 Donc si aujourd'hui on dort 7 heures et que pour un quart des Français on dort environ moins de 6 heures, là on est inquiet effectivement pour ces gens-là.
00:53 On s'était inquiété principalement après la crise sanitaire, après la période Covid.
00:57 Ça avait beaucoup chamboulé le rythme de vie, le rythme de sommeil également.
01:01 Qu'est-ce qui bloque encore aujourd'hui ? On n'a pas retenu les leçons de la crise sanitaire ?
01:07 Ou c'est trop tôt pour les tirer peut-être ?
01:08 Non, on n'a pas retenu les leçons et puis c'est compliqué parce qu'en fait il faudrait une éducation de la population pour avoir une bonne hygiène de sommeil,
01:15 une bonne hygiène de vie qui permette d'avoir un bon sommeil.
01:17 Il y a trois grands aspects dans le sommeil qu'il faut respecter, donc la durée du sommeil qui correspond à notre besoin de sommeil,
01:23 combien d'heures on a besoin de dormir.
01:25 Donc ça, ça sort dans les études, la qualité.
01:28 Puis surtout il y a une chose qui sort aussi plus récente qui est la régularité.
01:32 C'est-à-dire que nous par exemple on est une grande zone de chronobiologie en France aussi dans les aspects du sommeil, voire dans le monde clairement.
01:38 Et en fait ce qui est important aussi c'est d'avoir un sommeil qui n'est pas entrecoupé et de dormir à une certaine heure,
01:43 de se lever à une certaine heure et d'avoir une régularité.
01:45 Toujours la même heure chaque nuit ?
01:46 D'avoir à peu près toujours la même heure chaque nuit en fonction de ce qu'on appelle notre chronotype.
01:51 C'est-à-dire qu'il y a des gens qui sont du soir, il y a des gens qui sont du matin.
01:54 Voilà, vous animez la matinale le matin, vous êtes du matin forcément.
01:57 Ou un peu contrarié parfois.
01:59 Ou un peu contrarié, voilà.
02:00 Et donc, eh bien il faut que vous respectiez les horaires qui vont avec.
02:06 C'est-à-dire que vous par exemple, vous êtes obligé de vous lever très tôt le matin pour travailler très tôt le matin,
02:10 si après le week-end vous vous décalez complètement, vous respectez pas vos horaires, ça c'est très toxique par exemple.
02:15 Donc vous avez dit trois, il y a la durée, la régularité et la qualité.
02:19 Les principaux facteurs de perturbation du sommeil, bon on le sait, c'est le téléphone, ce sont les écrans.
02:26 Ça il n'y a pas grand-chose d'autre à faire que de s'en écarter pour essayer de mieux dormir.
02:30 C'est ça, tout à fait.
02:31 Et notamment arrêter les écrans quand on arrive le soir, dans la période qui précède le sommeil.
02:37 Notamment pour les adolescents, pour les adultes jeunes, c'est quelque chose auquel on est confronté,
02:42 sur lequel on fait des études.
02:43 Parce qu'effectivement les écrans vont avoir différentes actions.
02:47 En étant sur son écran le soir, souvent il y a une stimulation intellectuelle,
02:52 donc ça va vraiment provoquer l'éveil en fait.
02:54 Souvent il y a un contenu émotionnel, il y a des réactions émotionnelles,
02:57 donc ça va être aussi un stimulant sur le plan émotionnel, donc qui va pas faciliter le sommeil.
03:01 Et puis il y a la lumière.
03:03 Donc l'écran il éclaire, parfois il éclaire vraiment beaucoup.
03:07 Et donc en fait, cette lumière va réveiller et va avoir tendance à supprimer une hormone qu'on synthétise la nuit,
03:14 qui est la mélatonine, on en parle beaucoup dans les médias,
03:17 et qui est une hormone qui règle le rythme en fait avant tout.
03:20 Dans les médias on dit qu'elle fait dormir, elle règle surtout le rythme,
03:23 et donc elle va décaler, les gens vont se dormir de plus en plus tard,
03:26 et il faut se lever le matin, et ils dorment moins, et ils n'ont pas cette régularité.
03:30 - Et c'est compliqué dans ce cas.
03:31 - Patrice Bourgin, responsable du Centre des Pathologies du Sommeil à l'Hôpital Civil de Strasbourg,
03:35 invité de France Bleu Alsace ce matin à l'occasion de la journée du sommeil, on en parle avec vous,
03:39 et avec Jean-Charles depuis Masveau, dans la vallée de Masveau, dans le Haut-Rhin.
03:43 Bonjour Jean-Charles.
03:45 Jean-Charles nous entend-il ?
03:47 Jean-Charles est-il avec nous ?
03:48 Oui Jean-Charles, soyez le bienvenu.
03:50 Vous n'étiez pas bien réveillé ?
03:52 C'est tout pour moi, c'était la petite blague du matin.
03:54 Jean-Charles, dites-nous, est-ce que vous avez des soucis de sommeil vous ?
03:56 - Moi j'ai des soucis de sommeil, je suis...
03:59 Enfin non, là ça va, parce que je porte un appareil, je suis suivi depuis 2006,
04:04 je dors avec un appareil qui me permet que mon corps se repose mieux la nuit,
04:08 parce qu'avant j'avais toujours des fatigues dans la journée,
04:11 et au moment qu'on fait de la plus de sommeil, le corps ne se repose pas assez,
04:15 alors qu'il y a des jours, dans la journée, on est fatigué, qu'on prend des coups de poing,
04:18 ce n'est pas normal.
04:20 Ce qu'il y a, ce que je tiens à signaler, c'est que je suis prêt à faire quelque chose de très très au sérieux,
04:26 parce que ça peut arriver avec d'autres problèmes, un peu difficiles.
04:30 - Jean-Charles, on vous entend plein.
04:32 - On ne peut pas, si on ne veut pas, continuer à parler.
04:34 - D'accord, donc l'importance du sommeil, vous insistez là-dessus, Jean-Charles, ce matin ?
04:38 - L'importance de diagnostiquer, c'est ce que nous dit Jean-Charles.
04:40 Merci beaucoup de nous avoir appelés ce matin,
04:42 et en effet, Patrice Bourgin, c'est quelque chose qu'on peut dire,
04:45 parce qu'on entend souvent dire "Ah oui, je suis fatigué, je suis fatigué",
04:48 mais en fait il y a aussi des maladies liées au sommeil,
04:51 pour lesquelles on peut consulter, est-ce qu'on consulte davantage pour ça ?
04:54 - Tout à fait, merci. Il faut bien faire la différence entre, effectivement,
04:57 le sommeil, avoir un mauvais sommeil, du moins horaire,
04:59 et puis des pathologies du sommeil, ou du rythme veille-sommeil.
05:03 - On a parlé de l'apnée du sommeil, ce matin ?
05:05 - C'est ça, c'est une pathologie qui est très fréquente,
05:07 c'est en général à peu près à 4% des sujets adultes qu'il faut traiter,
05:11 donc souvent avec cette machine, et effectivement,
05:13 en traitant les patients, en général, ils vont retrouver un bon sommeil,
05:17 et aussi une bonne qualité de veille la nuit, ça va changer complètement leur vie,
05:21 puisque comme l'a très bien expliqué ce monsieur,
05:26 c'est que souvent, les gens qui ont des apnées du sommeil,
05:29 vont être très souveneurs la journée, c'est une grande cause d'accident,
05:33 c'est une cause très importante, qui fait que c'est un enjeu de santé publique,
05:37 la souvenance concerne environ 1 Français sur 5,
05:40 et il va donc y avoir une altération de la performance,
05:45 et des tas de conséquences, par exemple, qui est au sein de l'apnée du sommeil.
05:48 C'est un facteur de risque pour l'hypertension, vasculaire, métabolique, etc.
05:54 - Et cette machine, elle ressemble à quoi pour l'apnée du sommeil ?
05:57 - Cette machine, c'est en fait une petite boîte, avec un tuyau, avec un masque sur le nez,
06:01 ça envoie de l'air, ce n'est pas pour faire respirer,
06:05 c'est pour envoyer de l'air, et du coup maintenir ouvertes les voies aériennes supérieures,
06:10 c'est-à-dire au niveau de la gorge, ça se referme...
06:13 - Oui, ce n'est pas gênant pour celui qui dort, qui souffre d'apnée du sommeil,
06:17 il ne peut pas bouger durant la nuit, il doit être maintenu sur le dos peut-être ?
06:20 - Non, il peut bouger, il peut se mettre sur le côté, c'est contraignant,
06:24 c'est le gros inconvénient, effectivement.
06:26 La plupart des patients s'habituent très bien, au point que comme ça change leur vie,
06:30 absolument pas sans passer.
06:32 Quelques personnes ne s'adaptent pas, parce qu'elles sont claustrophobes,
06:35 par exemple, et un masque, elles ne peuvent pas.
06:37 Par contre, c'est un avantage, c'est que ça n'a pas les effets secondaires d'un médicament.
06:40 Donc de ce point de vue-là, c'est mieux.
06:42 Mais effectivement, on n'a pas encore la recette miracle.
06:44 - Et ce qu'on peut dire également, c'est que, post-stémaladie du sommeil,
06:48 ça peut aussi entraîner d'autres complications de santé très concrètes et très graves.
06:53 Vous pouvez nous en dire un peu plus là-dessus ?
06:55 - Oui, très importante.
06:57 Il y a beaucoup de pathologies du sommeil,
07:00 il y a beaucoup de troubles du sommeil comme ça,
07:02 qui sont aussi en interaction avec d'autres pathologies, psychiatriques, neurologiques.
07:06 - Ça les aggrave ? - Voilà.
07:08 Et en fait, il faut absolument prendre en charge ces pathologies du sommeil.
07:13 Et effectivement, les pathologies du sommeil, de manière générale,
07:16 ne dépendent pas lesquelles, mais vont favoriser les complications vasculaires,
07:19 vont favoriser l'hypertension, les complications métaboliques, la prise de poids.
07:23 Même le sommeil est important pour la protection neuronale,
07:27 pour éliminer les déchets au niveau du cerveau par exemple,
07:29 pour la réparation cellulaire, même pour la cancérologie.
07:33 On sait que le travail très irrégulier avec des oreilles réguliers,
07:36 c'est un facteur de risque pour le cancer,
07:38 par exemple le cancer du sein chez la femme.
07:40 Donc effectivement, c'est très vaste et un énorme enjeu de santé publique.
07:44 - On va prendre la direction d'Ungersheim, où nous attend Bernard.
07:47 Bernard, soyez le bienvenu sur France Bleu Alsace.
07:49 - Bonjour. - Bonjour.
07:51 - On va vite vous accueillir. Bernard, vous dormez bien, vous dormez mal ?
07:53 - Je dors très mal, moyenne de 4 heures, parfois moins, parfois nuit blanche.
07:58 Chez moi, c'est le syndrome des jambes sans repos.
08:01 - Le syndrome des jambes sans repos, expliquez-nous de quoi il s'agit.
08:04 - On a mal aux jambes, on a mal aux jambes toute la nuit.
08:07 Chez moi, c'est des douleurs, c'est déjà des niveaux sévères,
08:11 des douleurs insoutenables.
08:14 On ne dort pas toute la nuit. Dès qu'on est quelque part assis, couché,
08:18 on ne supporte pas et il est impossible de s'endormir.
08:23 J'ai déjà aussi essayé de l'appeler du sommeil, j'ai essayé l'appareil.
08:28 Malheureusement, vu les douleurs que j'ai toute la nuit,
08:30 plus l'appareil, ça n'allait pas du tout.
08:33 On n'arrête pas de bouger, on doit se lever, on dort.
08:35 Et ça ne m'aidait pas.
08:36 Je suis sous médicaments, Sifrol, j'ai changé, Prégabaline.
08:41 J'ai déjà vu énormément de neurologues, même chez vous à Strasbourg,
08:45 j'ai déjà vu des neurologues.
08:47 Mais voilà, malheureusement pas de miracle.
08:49 Je continue de subir des nuits blanches,
08:52 entre nuits blanches, 4h, et si j'ai de la chance,
08:56 6h de sommeil par nuit.
08:58 - On entend en effet que vous avez beaucoup consulté pour ça, Bernard.
09:01 Merci beaucoup.
09:02 Il y a également cette question, justement,
09:05 est-ce qu'on a le réflexe de consulter ?
09:07 Est-ce que c'est facile de consulter quelqu'un
09:09 quand on a du mal à dormir la nuit,
09:11 quand on a une trouble du sommeil ?
09:13 - Oui, aujourd'hui c'est relativement facile de consulter.
09:17 Effectivement, c'est très important de le faire,
09:19 il faut avoir le réflexe.
09:21 C'est possible de passer par son médecin généraliste.
09:24 Il y a beaucoup de centres de sommeil en Alsace.
09:26 Donc nous, si on est disponible,
09:28 on sert beaucoup de recours pour ces centres,
09:30 voire des recours à distance, en France, voire à l'étranger.
09:34 Et effectivement, quand on est pas d'autologie de ce type-là,
09:38 par exemple un syndrome des jambes sans repos,
09:40 comme monsieur l'a bien écrit,
09:42 si c'est d'une forme sévère, ça peut être très invalidant,
09:44 ça peut être difficile à traiter.
09:46 Et effectivement, il faut avoir beaucoup d'empathie
09:48 et essayer de prendre en charge les patients,
09:50 ce qu'on arrive à bien faire.
09:52 Il faut vraiment consulter,
09:54 parce que c'est la vie qui change complètement.
09:56 - Vous disiez que c'est un enjeu de santé publique.
09:58 Ça se pose aussi de plus en plus chez les plus jeunes,
10:00 et même chez les enfants.
10:02 Le trouble du sommeil chez les enfants,
10:04 c'est quelque chose que vous constatez davantage ?
10:06 - Oui, ça a toujours existé,
10:08 mais c'était pas tellement pris en compte.
10:10 Donc effectivement, nous on a un énorme recrutement enfant,
10:13 par exemple, de plus en plus.
10:15 Et effectivement, le sommeil va être très important
10:18 pour le développement, même dans mon équipe de recherche,
10:20 j'ai aussi un labo de recherche CNRS,
10:22 où il y a par exemple des pédopsychiatres,
10:25 universitaires, qui travaillent,
10:27 parce que le sommeil est très important pour le développement.
10:29 Et en fait, notamment, dans le cadre du trouble neurodéveloppementaux,
10:34 on voit énormément de troubles du sommeil.
10:37 Il y a aussi des enfants, par exemple,
10:39 qui pour des raisons même toutes simples,
10:41 parfois ils vont avoir des grosses amygdales,
10:43 ils vont avoir des apnées au corps du sommeil.
10:45 Si elles ne sont pas traitées, ça va impacter le développement,
10:47 même le poids, même les paramètres stature au pondéro
10:49 à la fin vont être impactés.
10:51 - On peut peut-être dire un petit mot de la sieste,
10:53 et des bienfaits de la sieste,
10:55 parce que c'est pas quelque chose qui est très courant en France.
10:57 On pense que la sieste, c'est quand on est en vacances
10:59 ou quand on est à la retraite,
11:01 mais on devrait la mettre dans notre routine de vie active au quotidien ?
11:05 C'est ce que vous recommandez ?
11:07 - Oui, la sieste peut être très utile,
11:09 mais il faut en général faire une sieste très courte,
11:11 qui permet d'éviter,
11:13 de lancer vraiment les mécanismes de sommeil,
11:15 et de pouvoir émerger facilement de la sieste.
11:17 Donc il vaut mieux faire une sieste qui va durer 15 minutes,
11:20 voire une demi-heure,
11:22 ou un peu plus, mais pas beaucoup plus.
11:24 Et donc voilà.
11:27 Après, certaines personnes sont bons siesteurs,
11:29 vont le faire très facilement, d'autres moins bien.
11:31 Et puis après, effectivement, pour certaines personnes
11:33 qui sont sur des horaires décalés spécifiques,
11:36 si par exemple on travaille très très tôt,
11:38 comme vous par exemple, et on veut encore
11:40 pouvoir avoir une journée,
11:42 effectivement la sieste peut être intéressante, et la peut être plus longue.
11:44 J'ai un horaire programmé.
11:46 - Par exemple, j'ai dormi 4h cette nuit,
11:48 est-ce que si je dors 3h cet après-midi, j'ai mes 7h de sommeil et c'est bien ?
11:50 - Alors, idéalement, on préfère un seul bloc,
11:52 mais c'est bien quand même.
11:54 C'est bien, c'est une adaptation,
11:56 parce qu'on s'adapte aussi aux horaires de travail qu'on a.
11:58 Et donc c'est quand même bien, à ce moment-là,
12:00 ce qu'on appelle un sommeil biphasique,
12:02 comme c'est beaucoup le cas dans certaines sociétés,
12:04 comme par exemple dans le sud de l'Europe, en Espagne par exemple.
12:06 Et effectivement, il vaut mieux ça
12:08 que de dormir 4h tout court.
12:10 - Et comme ça, toute l'équipe de la matinale de France Bleue Alsace
12:12 se sent soulagée, ainsi que tous les auditeurs
12:14 qui se lèvent très tôt pour aller au travail.
12:16 Merci beaucoup Patrice Bourgin,
12:18 professeur Patrice Bourgin,
12:20 du centre qui traite les troubles du sommeil
12:22 aux hôpitaux de Strasbourg, d'avoir été avec nous,
12:24 et d'avoir répondu concrètement aussi à nos auditeurs.
12:26 Bonne journée. - Merci, bonne journée.

Recommandations