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Théa Augoula, étudiante en théorie politique à l'École de recherche de Sciences Po Paris, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Ensemble, ils reviennent sur la manifestation de militants pro-palestiniens qui a eu lieu mardi. Une étudiante juive se serait vue refuser l'accès à l'amphithéâtre rebaptisé "Gaza" pour l'occasion, accusée d'être "sioniste".
Retrouvez "L'invité actu" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-interview-de-7h40
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Théa Augoula, étudiante en théorie politique à l'École de recherche de Sciences Po Paris, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Ensemble, ils reviennent sur la manifestation de militants pro-palestiniens qui a eu lieu mardi. Une étudiante juive se serait vue refuser l'accès à l'amphithéâtre rebaptisé "Gaza" pour l'occasion, accusée d'être "sioniste".
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NewsTranscription
00:00 Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko vous recevez ce matin, Théa Ogoula.
00:05 Bonjour Théa, bienvenue sur Europe 1. Alors on ne vous connaît pas mais on va apprendre.
00:10 Vous êtes étudiante en théorie politique à l'école de recherche de Sciences Po Paris.
00:13 On peut dire qu'en ce moment les études sont un petit peu perturbées,
00:16 Rue Saint-Guillaume part des événements qu'on qualifiera d'extrascolaires.
00:20 C'est quand même suffisamment grave pour que le Premier ministre ait jugé bon hier de s'inviter,
00:24 par surprise, à une réunion du conseil d'administration de l'établissement.
00:28 Jamais un membre du gouvernement n'avait assisté à une telle réunion et il a eu cette phrase terrible,
00:33 Gabriel Attal, "le poisson pourrit toujours par la tête".
00:36 On comprend dans sa phrase que la tête c'est Sciences Po.
00:40 Alors Théa, dites-nous ce que vous en pensez, est-ce qu'il a raison le Premier ministre ?
00:43 Y a-t-il quelque chose de pourri à Sciences Po ?
00:45 Alors je crois que ce que le Premier ministre a voulu dire c'est que, en tout cas moi de ce que je comprends,
00:51 qu'il y a une raison, en tout cas une justification à voir une partie de la société française remettre en question
00:59 les grandes écoles de type Sciences Po, et notamment Sciences Po qui a cette prétention
01:04 plutôt vérifiée de former les élites politiques si Sciences Po est le théâtre de tel scandale.
01:10 Et donc que l'exemplarité qui de toute façon doit s'appliquer à chaque individu au sein de la société
01:16 doit s'appliquer d'autant plus à Sciences Po.
01:19 Le scandale en l'occurrence, je le rappelle pour les auditeurs qui ne seraient pas au courant,
01:24 c'est cette occupation par un groupe d'étudiants pro-Palestine mardi,
01:28 étudiants qui voulaient en fait dénoncer le silence de la direction de Sciences Po
01:33 à propos de ce qui se passe en ce moment à Gaza et en Israël,
01:36 et donc cette interdiction qui aurait été faite à une étudiante d'entrer,
01:39 "toi tu ne rentres pas parce que tu es sioniste".
01:42 Vous avez pris la plume Théa, avec trois autres étudiants de Sciences Po pour dénoncer ces faits,
01:46 ça vous a scandalisé ce qui s'est passé mardi ?
01:48 - Oui, c'est absolument intolérable et inadmissible que de tels mots soient prononcés
01:54 que ce soit au sein de notre école ou partout ailleurs,
01:57 on s'est sentis légitimes de prendre la parole parce que Sciences Po est entre autres notre école.
02:02 - Mais vous êtes quatre signataires de cette tribune qui est publiée par le Fugaro,
02:05 vous êtes quatre, et vous êtes minoritaire à penser ça Théa ?
02:08 - C'est difficile à estimer, nous n'avons pas fait de sondage sur la question,
02:13 moi j'aime à croire qu'il y a une majorité qui est de notre côté.
02:17 Je crois que comme l'a dit le professeur Elbron,
02:20 notamment dans un texte qu'il a envoyé aux membres des conseils de l'institut,
02:25 il y a une minorité agissante qui est de l'ordre de la violence,
02:30 ou en tout cas là d'actes et de propos qui sont parfaitement inadmissibles.
02:35 - Il a dit autre chose Gabriel Attal hier, et en fait il n'a pas tort,
02:38 quand on entend parler de Sciences Po, c'est pour des polémiques.
02:41 Et quand on fait la liste des événements récents sur les deux ou trois dernières années,
02:46 on se dit, Alain Finkielkraut interdit de rentrer et d'accéder aux locaux,
02:50 les tags antisémites sur le fronton de l'école il y a quelques mois,
02:53 cette chasse aux sorcières qui est menée sur un plan idéologique,
02:56 je pense à cette prof de danse qui a eu le malheur de refuser de rebaptiser
03:00 leader et follower, hommes et femmes lors de son cours de danse, etc.
03:06 Il y a cette impression que Sciences Po s'est devenu un peu Science Walk,
03:09 Théa Ogoula, on passerait la formule mais vous saisissez l'idée,
03:13 est-ce que vous le ressentez vous dans l'enseignement,
03:16 dans l'ambiance qui se pâne, dans l'ambiance de l'école ?
03:19 - Alors nous, l'une des raisons qui a fait qu'on a voulu écrire cette trébune,
03:22 alors certes c'était pour dénoncer et c'était une raison tout à fait suffisante,
03:25 les propos qui avaient été tenus, mais c'était aussi...
03:28 - C'est l'attaque antisémite. - Voilà, l'attaque antisémite,
03:31 effectivement elle ne rentre pas, elle est sioniste,
03:34 c'était une raison suffisante pour s'indigner effectivement.
03:38 La deuxième raison c'était aussi de montrer une autre image de Sciences Po,
03:42 Sciences Po ce n'est pas que ça, et j'ai envie de dire que ça n'est pas ça,
03:46 dans le sens où ça ne doit pas être ça, Sciences Po c'est bien d'autres choses,
03:49 Sciences Po, vous l'avez dit, j'étudie en théorie politique,
03:52 Sciences Po c'est de la recherche. - C'est la cinquième année à Sciences Po.
03:55 - Voilà, Sciences Po c'est la recherche, Sciences Po c'est l'enseignement,
03:58 Sciences Po c'est un corps professoral assez exceptionnel,
04:02 c'est un environnement d'études et des sujets d'études ô combien important,
04:07 et donc c'est bien plus que ça.
04:09 - Mais vous craignez pour la réputation de votre école,
04:12 et puis pour votre future carrière, votre diplôme,
04:15 vous craignez qu'on vous regarde de travers en disant "elle vient de Sciences Po,
04:17 celle-là, avec tout ce qui s'y passe",
04:20 est-ce que vous craignez ça Théa Ogoula,
04:21 est-ce que c'est quelque chose qu'on entend dans les couloirs de l'école,
04:24 chez les étudiants ?
04:25 - Alors, c'est un bruit, l'assimilation de Sciences Po
04:30 à ce genre de propos et à ce genre d'événements,
04:32 elle existe, on ne va pas la nier,
04:34 est-ce que c'est une crainte de ma part,
04:37 je ne sais pas trop, ce que je sais c'est que
04:39 nous on a voulu montrer que Sciences Po,
04:43 c'était autre chose, et que ça devait être autre chose,
04:45 et que c'est ce qu'a voulu Émile Boutmy quand il a fondé Sciences Po
04:48 il y a maintenant 150 ans, il voulait former des citoyens éclairés,
04:52 raisonnables, rationnels,
04:54 et à même de comprendre la complexité du monde,
04:57 de ne pas céder au manichéisme du jugement politique.
04:59 - Oui parce que Sciences Po, il faut le rappeler,
05:00 ne vit pas en vase clos,
05:02 il y a des concurrents, il y a Oxford, il y a Cambridge,
05:05 la concurrence est internationale,
05:07 pour l'école, peut-être la plus américanisée de France,
05:10 Sciences Po, il faut le rappeler, la moitié des étudiants sont étrangers.
05:13 - Oui, alors, américaniser,
05:16 moi je reste toujours très prudente avec ce genre de parallèle,
05:19 notamment vous parliez tout à l'heure de "wokisme"
05:21 qui est un terme qui nous vient des États-Unis.
05:23 - Ça vous paraît péjoratif quand on dit "américaniser",
05:26 c'est quand même parlant.
05:28 - Ça ne me paraît pas péjoratif, simplement il y a un parallèle qui est fait,
05:30 qui a une pertinence jusqu'à un certain point,
05:33 mais je crois que ce qui se passe sur les campus américains
05:36 est aussi propre aux États-Unis et à la société américaine,
05:39 et ces fractures, ces contradictions qu'on ne retrouve pas en France.
05:42 - Mais quand vous voyez ce sondage fait il y a deux ans à Sciences Po,
05:45 où l'on demande aux étudiants "vous êtes de gauche ou vous êtes de droite ?"
05:48 71% des étudiants de Sciences Po en 2022 disent qu'ils sont de gauche,
05:52 si on prend la tranche générationnelle,
05:54 la part de ceux qui se disent de gauche, c'est plutôt de 41%.
05:57 Donc il y a quand même une déformation très à gauche
06:00 de l'école Sciences Po Théogoula, non ?
06:02 - Je crois que ça a toujours été comme ça.
06:04 Je crois que Sciences Po a toujours été plus à gauche,
06:07 ou en tout cas ça fait 50 ans que Sciences Po est plus à gauche que la société.
06:10 Je ne crois pas que ce soit un mal,
06:12 je ne crois pas que Sciences Po doivent être, en tout cas,
06:15 qu'ils soient indispensables, que Sciences Po soit un miroir
06:18 en termes d'opinion de la société.
06:19 Ce que je crois, enfin je pense que ce qui est le plus important,
06:23 c'est que Sciences Po soit une enceinte où on puisse discuter de tout,
06:26 et où on puisse discuter de manière posée,
06:30 non violente, et surtout pas...
06:32 - Mais ça n'est pas le cas en ce moment, on a l'impression.
06:33 - Alors, ça n'a pas été le cas mardi.
06:36 - Oui. - Ça n'a pas été le cas mardi.
06:37 - Mais lundi ça l'était ?
06:39 - Ah ah ah !
06:41 C'est compliqué à dire, vous savez, c'est toujours difficile
06:44 d'avoir une opinion sur l'atmosphère d'un campus
06:47 quand on est quatre étudiants à l'échelle de 15 000 étudiants,
06:50 c'est toujours difficile.
06:51 Moi je ne me suis jamais sentie censurée à Sciences Po,
06:54 et je n'ai jamais senti le besoin de me censurer.
06:57 Maintenant, est-ce qu'il y a une crispation
06:59 quand on discute avec certains étudiants de Sciences Po
07:01 sur certains sujets ? Oui.
07:03 - Merci d'être venue témoigner au micro d'Europe 1, Théo Augoulat,
07:06 votre tribune on peut la lire sur lefigaro.fr,
07:09 elle est en accès libre.
07:11 Merci d'être venue à vous,
07:12 et bon courage pour la fin de l'année
07:14 qui approche à grands pas pour vous.
07:16 - Merci, bonne journée. - Bonne journée.