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Sans relativiser le rôle indispensable du passage à la mobilité électrique pour réaliser la transition écologique, focus sur l’impact environnemental de la fabrication des véhicules électriques, en comparaison des véhicules thermiques. Comment améliorer le bilan carbone des voitures électriques en amont de la phase d’utilisation ? Éléments de réponse avec des experts automobile du Shift Project et de Deloitte.

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00:00 [Générique]
00:06 La décarbonation des usines automobiles au programme de notre débat avec Jean-Michel Pintot. Bonjour.
00:11 - Bonjour. - Bienvenue. Vous êtes associé automobile au cabinet de l'Ouatte. Et Jacques Portallier, bonjour.
00:15 - Bonjour. - Bienvenue à vous aussi, chef de projet automobile au Shift Project, le cabinet de l'Ouatte,
00:19 qui a publié une étude sur le bilan carbone des usines de fabrication des véhicules électriques,
00:25 puisqu'elles sont de plus en plus nombreuses à y passer. Alors on expliquera ensuite quel est le bilan sur la totalité d'usage du produit.
00:32 Mais déjà, simplement sur la production. C'est plus polluant de produire une voiture électrique qu'une voiture thermique. C'est le premier constat.
00:39 - Alors oui. Alors c'est une étude qu'on a réalisée, je tiens à le préciser, pour les industriels de l'automobile,
00:45 qui sont rassemblés au sein de la PFA, qui rassemble la filière automobile. Et cette étude, elle se concentre effectivement sur les émissions de fabrication,
00:52 les émissions de CO2. Donc je dirais c'est plus émetteur, voilà, en termes d'émissions. Uniquement sur la phase de fabrication, on reviendra plus tard,
00:59 les émissions globales baissent significativement du fait de l'usage. - Les émissions, justement, dans ce processus de fabrication,
01:08 qu'est-ce qui charge le bilan, en quelque sorte ? Les batteries, l'aluminium, de quoi on parle ? - C'est ça, exactement.
01:15 Donc dans les véhicules électriques, il y a des batteries qui ne sont pas présentes sur les véhicules thermiques. Et puis il y a plus d'aluminium,
01:23 car c'est un matériau plus léger et aussi parce que c'est un matériau aujourd'hui plus premium qui est utilisé pour certaines pièces importantes du véhicule,
01:32 notamment les roues. - Le décalage, le différentiel, pardon, d'émissions entre une voiture thermique et une voiture électrique à la production,
01:40 je le rappelle, c'est quoi ? - Alors ça varie en fonction des véhicules. C'est toujours difficile d'avoir un chiffre complet, mais ça peut augmenter
01:49 de 50 à 80 %. - Donc c'est un différentiel important. Évidemment, Jacques Portelier, ce handicap initial, il est compensé au fur et à mesure
01:58 des années d'usage de la voiture électrique. Est-ce que... Je sais que ça a été modélisé. Il faut combien d'années ? Alors ça doit dépendre effectivement
02:05 des modèles, du poids des modèles. Mais il faut combien d'années en moyenne pour le compenser ? - On va dire pour un rouleur moyen en France, il faut compter
02:13 dans les 3 ans de roulage, 3-4 ans de roulage pour compenser les émissions de CO2 supplémentaires qui sont liées à la fabrication du véhicule.
02:21 - Donc c'est assez rapide. - Donc c'est assez rapide. Je pense que si on resitue le débat sur la question de la décarbonation de nos mobilités
02:28 et la mobilité des personnes en termes de CO2, c'est en gros la voiture, il n'y a pas de sujet sur le fait que la voiture électrique permet de décarboner
02:36 la mobilité. Aujourd'hui, l'empreinte carbone... Les émissions de CO2 liées à l'usage des voitures, c'est en gros dans les 80 millions de tonnes de CO2 émises par an.
02:47 Si on passe tout le parc automobile à la voiture électrique, on va redescendre à quelques millions de tonnes, 3-4 millions de tonnes, parce qu'en France,
02:54 on a aussi une électricité qui est très bas carbone. Donc c'est une baisse drastique, on divise par 20. Si on regarde ce que ça coûterait en termes d'émissions supplémentaires
03:03 d'électrifier le parc automobile avec des voitures qui ressemblent à celles qu'on vend aujourd'hui, potentiellement, on rajouterait une grosse dizaine de tonnes de CO2
03:11 pour la fabrication des véhicules. Donc vous faites -75 d'un côté, +10 de l'autre, il n'y a pas de débat. Maintenant, il est clair que la voiture électrique,
03:20 ce n'est pas non plus une solution magique, même si c'est la fée électricité, il n'y a pas de repas gratuit. Donc il y a un sujet sur l'augmentation des coûts carbone
03:29 de fabrication des véhicules et effectivement, c'est un sujet dont on doit s'occuper pour limiter les impacts.
03:34 – Oui, ce débat qu'on est en train d'avoir, ce n'est pas attention, il faut changer de pied, il faut arrêter de produire des voitures électriques.
03:40 Mais en revanche, ce qui est intéressant, et d'ailleurs, c'est l'industrie automobile qui vous commande cette étude, c'est comment continuer de produire
03:46 des voitures électriques mais avec un bilan carbone qui s'améliore. Donc il y a un travail qui est fait là-dessus.
03:51 Les leviers d'amélioration, quels sont-ils ? Ils sont identifiés, là aussi, quels sont-ils ?
03:55 – Oui, tout à fait. Donc l'idée, c'est de continuer le passage à l'électrique, il n'y a pas de question là-dessus,
04:01 et en parallèle, de décarboner les processus de production. Alors pour faire simple, nous, on identifie 4 grands leviers qu'on appelle les 4 R.
04:10 Donc c'est réduire la masse de matériaux, parce que moins il y a de matériaux, moins il y a d'émissions.
04:17 C'est remplacer les matériaux les plus émetteurs, donc par exemple l'aluminium peut être remplacé dans certains cas par l'acier.
04:24 C'est recycler, donc le matériau recyclé dans un certain nombre de cas est beaucoup moins émetteur, c'est le cas de l'aluminium.
04:32 Et puis c'est le renouvelable et l'énergie décarbonée dans les processus de production.
04:39 C'est notamment utile pour l'acier.
04:41 – Si on prend l'exemple, Jacques Portalier, par exemple des projets de Gigafactory.
04:46 Est-ce qu'on est dans cette démarche ? Et si oui, pourquoi ça change la donne ?
04:51 – Alors, ça dépend où est placée la Gigafactory.
04:54 – On est d'accord.
04:55 – On va dire que si, en gros, on parlait tout à l'heure du supplément d'émissions de CO2 associé à un véhicule électrique,
05:04 si on le dit de manière ultra simple, c'est la batterie, qui fait l'essentiel de l'émission complémentaire.
05:09 Et ces émissions, elles sont en bonne partie liées à l'énergie qu'on utilise pour fabriquer la batterie.
05:13 Donc si vous êtes dans un pays où l'énergie est très carbonée,
05:16 vous allez avoir pour un véhicule type 208, Zoé, en gros 6 tonnes d'émissions de CO2 en plus.
05:22 Donc vous doublez quasiment les émissions de fabrication du véhicule.
05:26 Si la batterie, elle est faite en France, dans une Gigafactory en France,
05:29 vous allez faire 3 tonnes de plus au lieu de 6.
05:31 Donc vous divisez l'impact par 2. Donc ce n'est pas marginal.
05:34 – Parce que transport et parce que source d'énergie, c'est bien ça.
05:37 – C'est beaucoup… – C'est plus la source d'énergie.
05:40 – Ce n'est pas tant le transport, c'est vraiment la fabrication, ce que vous faites dans les différentes étapes.
05:44 Parce qu'on parle de… Vous avez parlé de l'usine de fabrication automobile.
05:48 Il faut avoir en tête que quand on parle coût carbone de fabrication, c'est toute la filière.
05:53 C'est depuis la mine où vous extrayez les minerais, vous les raffinez, vous les activez,
05:58 vous faites vos cellules et vous faites vos batteries.
06:00 C'est toute cette chaîne-là qu'on prend en compte.
06:02 Donc toutes les opérations ne sont pas forcément au même endroit.
06:04 Mais à la fin, c'est vraiment les opérations industrielles,
06:07 la fabrication qui fait les émissions de ces véhicules-là.
06:08 – Est-ce que les pouvoirs publics, que ce soit français ou européen, accompagnent ça ?
06:12 Notamment, je pense aux Gigafactory toujours.
06:14 C'est-à-dire qu'il y a des subventions, il y a des aides qui sont bien fléchées d'après vous ?
06:17 – Il y a des aides pour l'industrialisation qui sont fléchées.
06:20 Il y a des aides aussi pour essayer d'orienter le marché ou soutenir,
06:24 quelque part, ces produits plus vertueux que d'autres.
06:28 Avec notamment une réglementation en cours de discussion,
06:31 une finalisation au niveau européen sur la réglementation batterie,
06:35 qui vise à intégrer l'empreinte carbone de fabrication
06:38 dans des processus réglementaires pour faciliter la pénétration
06:43 sur le marché de ces batteries plus vertueuses.
06:46 Il y a aussi des sujets comme l'écoconditionnalité des bonus.
06:49 En France, qui intègrent des enjeux d'empreinte carbone des véhicules
06:52 et qui va avoir un effet vertueux, quelque part,
06:54 en soutenant les productions de ces Gigafactory
06:57 ou de ces véhicules fabriqués en France.
06:59 – Et si je peux vous compléter, effectivement,
07:02 on aide l'installation de Gigafactory en Europe et c'est très bien,
07:07 mais on l'a mentionné, ça marche que si on utilise
07:10 de l'énergie décarbonée pour ces Gigafactory.
07:13 Et cette énergie décarbonée, il faut qu'elle soit un coût compétitif,
07:15 parce que sinon, on fait des batteries qu'on ne peut pas mettre dans des voitures
07:19 parce qu'elles coûtent trop cher.
07:20 Donc ça, c'est un point très important et qui est un peu sous-jacent,
07:23 c'est la disponibilité en électricité renouvelable et décarbonée,
07:28 en France et en Europe, qui va être un élément différenciant
07:32 pour l'installation de ces Gigafactory.
07:34 Il n'y a pas seulement le fait de donner des aides quand on les installe,
07:37 il faut aussi assurer le prix compétitif sur le long terme
07:41 pour l'énergie qui est fournie.
07:42 – Je reste avec vous sur la question de l'aluminium.
07:44 Vous nous avez cité les 4 R, le secteur commence à travailler
07:50 sur la capacité à faire baisser le bilan carbone de son utilisation d'aluminium ?
07:56 – Oui, tout à fait.
07:57 Ce qu'il faut savoir, c'est que l'aluminium français,
08:00 qui est produit en France, est un aluminium très décarboné
08:03 parce qu'on utilise de l'énergie décarbonée pour le produire.
08:08 Mais l'autre élément pour le reste de la production d'aluminium,
08:11 c'est le recyclage.
08:14 Et c'est le recyclage en boucle courte, c'est très important,
08:16 c'est-à-dire qu'on réutilise l'aluminium des roues, par exemple,
08:21 qui est un aluminium de fonderie, à nouveau pour faire des roues.
08:24 Et à ce moment-là, on réduit très significativement les émissions,
08:30 de l'ordre de 80%, donc ça c'est quelque chose qui est important.
08:34 Et aujourd'hui, oui, il y a des initiatives,
08:35 ce qu'on voit c'est un certain nombre d'usines spécialisées
08:38 dans le recyclage de l'aluminium qui se développent sur le territoire français.
08:41 Il en faudra probablement plus et plus grandes,
08:44 mais c'est quelque chose que les industriels de l'aluminium ont bien compris.
08:47 Comment vous évaluez, vous justement, cette filière, on va dire,
08:51 du recyclage de l'aluminium aujourd'hui en France ?
08:54 Elle est balbutiante, elle commence à passer à l'échelle ?
08:57 Globalement, les filières de recyclage aujourd'hui ont toutes besoin de monter à l'échelle
09:03 pour produire de l'effet, maximiser les potentiels,
09:07 faire s'exprimer le potentiel de ces filières-là.
09:11 Il ne faut pas, par contre, que le recyclage masque une question
09:15 qui pour nous est clé au Shift Project,
09:17 qui est la question de l'évolution de la taille des véhicules.
09:19 Parce qu'une manière de réduire l'empreinte,
09:21 c'est certes d'utiliser des matériaux qui, par kilo, ont moins d'empreintes carbone,
09:26 mais utiliser moins de kilos, ce n'est pas mal aussi.
09:28 Donc nous, on est très favorable, notre vision,
09:32 c'est qu'il faut très fortement alléger et rendre plus efficients les véhicules
09:36 qui vont être mis sur le marché.
09:38 Ça aura plusieurs vertus.
09:39 Réduire l'empreinte carbone de fabrication des véhicules,
09:42 réduire aussi le besoin en énergie pour faire rouler ces véhicules.
09:45 Qu'est-ce que ça veut dire ?
09:45 Ça veut dire potentiellement besoin de moins de batteries en termes de quantité,
09:49 donc empreinte carbone, mais aussi prix,
09:50 parce que la batterie coûte quand même cher dans le véhicule.
09:53 Et par ailleurs, c'est aussi moins de besoin au niveau des infrastructures électriques
09:58 et de consommation globale d'électricité.
09:59 On a connu ces dernières années des sujets de sobriété pour économiser l'énergie.
10:04 Quelque part, c'est contradictoire, en tout cas la dynamique du marché automobile
10:09 va dans le sens plutôt d'avoir des véhicules qui sont de plus en plus volumiques,
10:13 globalement plus lourds, moins efficients.
10:15 Et il faudrait que…
10:16 Ça pose la question de nos usages de consommateurs,
10:18 de notre capacité à avancer au SUV.
10:22 Oui, mais c'est aussi, il y a des effets d'offres.
10:23 C'est aussi la réglementation typiquement à l'échelle européenne
10:27 pourrait inciter les constructeurs et rendre aussi plus efficaces économiquement
10:32 des véhicules plus légers, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
10:34 D'un point de vue marge par véhicule,
10:36 c'est plus intéressant de vendre des gros véhicules très équipés
10:39 que des véhicules en trait de gamme peu équipés.
10:41 Ça, c'est une révolution culturelle que le secteur automobile a un peu de mal à intégrer ?
10:46 Je pense qu'il faut adapter les véhicules en fonction des usages.
10:50 Donc il y a certains usages pour lesquels les petits véhicules sont tout à fait adaptés,
10:54 en ville, pour des déplacements du quotidien.
10:56 Et puis si vous avez une famille de trois enfants,
10:59 vous avez quand même besoin d'un véhicule plus grand.
11:01 Donc c'est peut-être ça où il y a une réflexion à avoir aujourd'hui.
11:06 On vend finalement le même véhicule un peu à tout le monde.
11:08 Est-ce qu'il n'y a pas une adaptation en fonction des usages urbains, périurbains,
11:14 famille versus personne seule ?
11:17 Je pense que c'est cette adaptation qui est probablement la solution la plus adaptée.
11:22 Merci beaucoup. Merci à tous les deux et à bientôt sur Bismarck.
11:26 On passe à notre rubrique Startup tout de suite.
11:28 !

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