La France est devenue ce lundi 4 mars le premier pays au monde à inscrire explicitement dans sa Constitution l’interruption volontaire de grossesse (IVG), après une approbation très large du Parlement réuni en Congrès au Château de Versailles. L'annonce des 780 voix pour et des 72 voix contre, par la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, a été saluée par une longue ovation. Retour en 7 minutes sur une séance historique.
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00:00 Pour la première fois de notre histoire, le congrès du Parlement est présidé par une femme.
00:08 La séance est ouverte.
00:14 Aujourd'hui, le présent doit répondre à l'histoire.
00:17 Alors mesdames et messieurs les parlementaires, 50 ans plus tard, sous le regard de la famille de Simone Veil,
00:23 que la force de vos applaudissements pour son combat et pour sa cause tonne plus fort encore que ses insultes fassent définitivement justice à Simone Veil.
00:30 La semaine dernière encore, beaucoup pensaient que ce congrès était inaccessible,
00:36 que le conservatisme serait plus fort.
00:39 Et pourtant, nous sommes là.
00:41 Notre vote va également réparer quelques pages noires de l'histoire.
00:47 Nous allons réhabiliter toutes les femmes poursuivies, condamnées et même guillotinées pour avoir procédé ou subi des abortements.
00:57 Nous avons tous cette citation de Simone de Beauvoir en tête.
01:01 Il suffira d'une crise politique, économique et religieuse pour que le droit des femmes soit remis en question.
01:08 Alors, pour le symbole ou pour la protection, offrons à cette liberté ce que notre République a de plus fort,
01:15 notre Constitution.
01:17 Écrivons dans notre Constitution que jamais la liberté des femmes à disposer de leur corps ne doit souffrir d'entrave.
01:25 Anticiper les risques, c'est comme bâtir un rempart avant l'assaut.
01:29 Ne pas attendre la catastrophe pour se prémunir et en subir les conséquences néfastes.
01:34 Voilà la sagesse de l'assurance.
01:37 Au moment de voter mercredi dernier au Sénat, j'ai revu une fois de plus le visage de cette jeune femme
01:43 dont la vie et celle de son bébé ont été anéantis.
01:47 Et je le reverrai tout à l'heure lorsque j'irai voter à nouveau.
01:51 En espérant que mon vote soit utile, non seulement aux millions de femmes que la loi protège en France,
01:57 mais aussi aux millions de celles dans le monde qu'aucune loi ne protège.
02:01 Par cet acte d'une portée juridique et politique sans précédent,
02:06 la République française reconnaît aujourd'hui, solennellement, que le droit à l'avortement n'est plus une option.
02:12 C'est une condition de notre démocratie.
02:16 Qu'il n'y ait pas de société pleinement démocratique, libre et égalitaire,
02:21 qui ne s'interdise d'interdire aux femmes de maîtriser leur destin.
02:25 Qu'il n'y ait pas de société pleinement démocratique, libre et égalitaire,
02:29 sans la garantie du droit des femmes à disposer de leur corps.
02:32 Que la République française, désormais, ne sera plus jamais la République sans le droit à l'avortement.
02:37 A ceux qui nous ont adressé des fœtus en plastique, des fascicules faisant parler les embryons,
02:42 qui ont comparé l'avortement à un meurtre, sachez que vous avez décuplé la force des féministes.
02:48 Sachez que vous avez perdu.
02:50 Je tiens aussi à saluer le travail essentiel de quatre parlementaires.
02:55 Mélanie Vegel, sénatrice écologiste.
02:58 Mathilde Panot, députée et présidente du groupe La France Insoumise.
03:01 Laurence Rossignol, sénatrice socialiste.
03:04 Et Aurore Berger, alors députée et présidente du groupe Renaissance.
03:09 Ensemble, elles nous ont conduit à ce vote.
03:11 Le 4 mars 2024 est désormais gravé dans la grande histoire des droits humains et des droits des femmes,
03:17 comme un tournant historique.
03:19 Et alors que nous votons ce texte, les Polonaises ont regagné la semaine dernière le droit à la contraception d'urgence.
03:26 Notre vote aujourd'hui a le sens d'une reconnaissance, celle de l'avortement comme droit fondamental humain.
03:35 Car il pèse toujours sur les droits des femmes la menace d'une régression.
03:39 Car le droit à l'avortement figure toujours en premier sur la liste des conquêtes à abattre de la part de l'extrême droite.
03:45 Le groupe Les Républicains s'inquiète depuis longtemps des difficultés d'accès à l'interruption volontaire de grossesse.
03:51 La constitutionnalisation ne changera malheureusement rien aux difficultés rencontrées aujourd'hui par de nombreuses femmes.
03:59 Car pour qu'une liberté s'exerce, elle doit être concrètement possible.
04:03 Et cela reste encore trop difficile, car les temps d'attente sont trop longs,
04:07 les praticiens trop peu nombreux, l'éducation à la vie affective et sexuelle encore balbutiante.
04:12 Je veux dire aussi que ce vote nous oblige, parce que les restrictions de personnel dans les hôpitaux publics,
04:18 les suppressions de centres orthogéniques sont des freins réels à avorter.
04:22 130 centres IVG ont fermé ces 15 dernières années.
04:25 Les personnes en situation de pauvreté, de migration, d'exclusion et les personnes mineures en sont les premières victimes.
04:32 Lors du procès de Bobigny, Gisèle Halimi nous avertissait.
04:36 Elle disait "c'est toujours la même classe, celle des femmes pauvres, vulnérables économiquement et socialement,
04:41 cette classe des sans-argent et des sans-relation qui est frappée".
04:44 Alors ce vote nous engage, vous engage mesdames et messieurs les ministres,
04:49 à garantir ce droit aussi par des moyens dans ce domaine.
04:53 Pays des Lumières, la France que ça n'aurait d'être aujourd'hui,
04:56 le phare pour éclairer les voies de l'avenir et l'immense espoir de toutes les femmes d'Europe et du monde.
05:02 Qu'allons-nous faire maintenant ? Les féministes vont-elles enfin partir en vacances ? Ne rêvez pas.
05:08 Eh bien non, nous allons continuer.
05:10 Nous allons d'abord continuer pour toutes les femmes, ces centaines de millions dans le monde
05:15 qui n'ont pas notre chance et n'ont pas accès à l'avortement.
05:18 Nous allons continuer pour celles qui résistent, à Trump, à Bolsonaro, à Orban, à Milley, à Poutine, à Georges et à Mélanie.
05:26 (Applaudissements)
05:43 Mais sans oublier, bien sûr, dans cette liste, celles qui résistent au MOLA et aux dictateurs théocratiques.
05:50 (Applaudissements)
05:57 Voici le résultat du scrutin sur le projet de loi constitutionnel.
06:01 Nombre de votants, 902. Nombre de suffrages exprimés, 852.
06:09 Majorité requise pour l'adoption du projet de loi constitutionnel, soit les 3/5e des suffrages exprimés, 512.
06:17 Pour l'adoption, 780. Contre, 72.
06:23 (Applaudissements)
06:50 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]