20 minutes qui ont complètement changé ma vision de la biodiversité - Pr. Gouyon - Vidéo Dailymotion

Éthique et tac

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Transcript

00:00 La biodiversité, l'étude de la nature de la biodiversité, va se heurter à toute une

00:12 série de préjugés dès le départ.

00:14 Quand on parle de biodiversité, il est de bon ton de montrer des petites diapos comme

00:18 ça pour vous dire "regardez comme c'est joli, il faut la garder" et tout.

00:20 Alors je vous les montre pour que vous ne soyez pas déçus, mais je voudrais vous dire

00:27 que je déteste cette manière de présenter la biodiversité.

00:29 Pourquoi ? Parce que d'abord on a choisi ces formes là, mais on aurait pu prendre

00:35 les moustiques tigres, on aurait pu prendre tous ces machins là, on dirait "la biodiversité

00:38 c'est quand même plutôt moche".

00:40 Déjà c'est un premier point.

00:42 Mais en plus, ça donne de la biodiversité une image qui est extrêmement fausse et qui

00:48 correspond profondément à ce que nous croyons.

00:51 Ça donne l'image de la biodiversité comme une collection de timbres, une collection

00:56 d'espèces.

00:57 Les espèces vues comme des entités posées les unes à côté des autres qu'il s'agirait

01:03 de conserver comme Noé a pu le faire avec son arche.

01:07 Et pourquoi ça ? Parce qu'effectivement, on va le voir, toute notre culture est fondée

01:12 sur cette vision.

01:13 Le plus grand naturaliste du XVIIIe siècle s'appelait Karl Liney, il était suédois,

01:18 et il va se donner comme première mission de mettre de l'ordre dans le fouillis de

01:21 la biodiversité.

01:22 Et pour ça, il va ordonner, il va montrer qu'on peut regrouper toutes les espèces

01:32 dans des catégories plus hautes qu'il appelle des genres, puis les genres dans des familles,

01:37 dans des ordres, dans des classes, etc.

01:39 Il va faire une classification hiérarchique de la diversité des formes vivantes, tout

01:45 ça fondé sur l'espèce, avec dans les espèces des choses très floues comme les sous-espèces

01:50 ou les variétés.

01:51 Et Liney fait ça sur une base théorique très claire, toutes les espèces tiennent

01:56 l'origine de leur souche, en première instance de la main même du créateur tout puissant.

01:59 Car l'auteur de la nature, en créant les espèces, imposa à ces créatures une loi

02:04 éternelle de reproduction et de multiplication dans les limites de leur propre type.

02:07 Il y a beaucoup d'informations dans cette phrase.

02:10 Premièrement, c'est les espèces qui ont été créées.

02:12 Les individus ne sont que des représentants de l'espèce.

02:16 C'est l'espèce, la vraie entité créée et cette créature, l'espèce, est éternelle.

02:22 On ne découvrira l'extinction des espèces qu'à la fin du 18e siècle et début du

02:28 19e avec Cuvier.

02:30 Et puis d'autre part, elles sont non seulement éternelles mais en plus elles sont immuables,

02:35 elles restent dans les limites de leur propre type.

02:37 Le créateur les a produites avec un type et elles vont rester dans ce type.

02:41 Donc le monde sur lequel se fonde l'inné, c'est le monde de la Genèse.

02:49 C'est un monde créé une fois pour toutes, un paradis perdu plus ou moins.

02:54 Et je voudrais vous dire qu'une des difficultés qu'on a, qu'on soit croyants ou pas, c'est

03:00 que presque tous nous avons entendu parler d'Adam et Ève avant d'entendre parler

03:05 d'Héroïne.

03:07 Il y a peut-être une exception dans la salle, je n'en sais rien, mais c'est quand même

03:11 assez exceptionnel.

03:12 Donc en fait nos structures mentales qui se fabriquent quand on est petit, elles sont

03:16 fondées sur cette image d'un paradis terrestre, d'un système immuable créé une fois pour

03:23 toutes et qui se maintient, qui se maintenait, sauf qu'il y a des actions humaines qui

03:28 peuvent aller contre.

03:29 Et du coup, beaucoup de gens pensent que si on veut sauver la nature, il faut retourner

03:34 à ce paradis originel, c'est-à-dire qu'il faut maintenir en place, remettre en place

03:40 un système, un équilibre de la nature.

03:43 Et je voudrais vous dire que tout ça, on va voir que c'est faux.

03:45 Parce que la biologie actuelle, elle repose sur les idées que Darwin a pu insuffler en

03:53 1859, donc 100 ans après l'inné si vous voulez, mais l'inné c'était en 1730 et

04:00 c'est quand même assez long pour compter quelqu'un, ce que je vous ai montré.

04:04 Darwin, donc c'est 1859 et il va fonder sa théorie sur d'une part un processus de sélection

04:09 naturelle, les individus sont différents tous les uns des autres, ils héritent des

04:14 caractéristiques de leurs parents et si jamais un individu réussit bien dans le milieu tel

04:19 qu'il est à ce moment-là, et bien il va mieux se reproduire que les autres, il va

04:23 donc mieux reproduire ses caractéristiques que les autres et de proche en proche, et

04:28 bien on va arriver à obtenir une évolution des formes vivantes vers une adaptation et

04:34 puis ensuite une stabilisation d'ailleurs de certaines formes quand elles sont dans

04:37 un milieu qui ne bouge pas.

04:39 Tout ça c'est la sélection naturelle proposée par Darwin, c'est son premier principe.

04:43 Il y a un deuxième principe chez Darwin, c'est le principe de divergence.

04:47 Ça c'est les carnets de notes de Darwin, très célèbre parce qu'il a été volé

04:51 en plus il y a quelque temps.

04:52 Et vous voyez, surtout dans l'histoire des sciences, il est remarquable, il a écrit

04:55 en haut de la page la "I think" et il dessine la première histoire des espèces

04:59 jamais dessinées à notre connaissance avec donc une espèce qui en donne deux, qui en

05:04 donne d'autres, etc.

05:05 Et il appliquera ça à toute une série d'exemples dont les passons des Galápagos

05:10 qu'il a découvert sans le comprendre au moment où il les trouvait.

05:13 Et il va comprendre que progressivement les espèces divergent et va reprendre toutes

05:17 ces idées dans un schéma, ce diagramme qui est la seule illustration dans l'origine

05:22 des espèces.

05:23 Tous les autres livres de Darwin sont richement illustrés, de tas de trucs, de dessins d'animaux,

05:32 de plantes, de fossiles, etc.

05:33 Là, il y a un seul schéma, celui-là, parce que pour lui il est très important.

05:38 Alors Darwin était géologue à l'origine, ce qui explique que pour lui le temps va

05:43 de bas en haut, et puis qu'il est subdivisé en couches.

05:46 Chez les géologues c'est comme ça, les couches du bas c'est les plus anciennes

05:49 et les couches du haut c'est les plus récentes.

05:51 La ligne actuelle est là.

05:54 Qu'est-ce qui va se passer ? Le temps est vertical vers le haut et l'axe horizontal

05:59 c'est un axe assez abstrait.

06:00 Il parle de place de l'organisme dans l'économie de la nature.

06:06 C'est ce qu'on appellerait aujourd'hui la niche écologique.

06:09 C'est la façon dont les individus vivent et comment ils s'intègrent dans les écosystèmes.

06:15 Une des conséquences c'est que deux organismes qui sont proches ont les mêmes demandes écologiques

06:21 et du coup elles sont en compétition très fortement.

06:25 L'idée est la suivante, vous avez une forme, on va suivre celle-là.

06:32 Il commande cette figure pendant 65 pages dans son livre, je vais faire un très très

06:35 rapide résumé.

06:36 A chaque pas de temps il y a des nouvelles formes qui apparaissent, elles ressemblent

06:41 à leurs parents, ça c'est les lois de l'hérédité, mais elles sont toutes un peu différentes,

06:45 c'est les lois de l'hérédité.

06:46 C'est ça la spécialité des êtres vivants, c'est que les êtres vivants terrestres,

06:51 en tout cas vous pourrez en parler avec Jean-Pierre Bibring la semaine prochaine, mais c'est

06:55 justement cette capacité à la fois à avoir une variation illimitée et transmissible.

07:00 Et ça il n'y a que les êtres vivants qui font ça.

07:02 Donc il y a constamment des variations qui se fabriquent, ces différentes formes rentrent

07:09 en compétition les unes avec les autres parce qu'elles sont proches écologiquement.

07:12 Celles qui en souffrent le moins c'est celles qui sont le plus sur les côtés parce qu'elles

07:15 ont un peu plus de place, elles sont moins en compétition avec les autres.

07:20 Et du coup on voit s'éteindre les lignées du milieu et se maintenir les lignées du

07:24 bord, ce qui va faire que progressivement les lignées évolutives vont diverger au

07:29 prix d'extinctions multiples évidemment, on y reviendra, il y a plein de choses qui

07:33 s'éteignent là-dedans, mais ces extinctions vont justement creuser l'écart entre les

07:39 lignées et selon le temps que vous mettez entre deux lignes horizontales, en partant

07:44 d'une même population de départ, là vous avez déjà fabriqué trois variétés, si

07:47 vous mettez un peu plus de temps ça c'est peut-être encore deux variétés mais ça

07:50 c'est une autre sous-espèce, si vous mettez encore plus de temps c'est trois sous-espèces

07:53 ou alors ça c'est deux sous-espèces et ça c'est déjà une autre espèce ou bien

07:57 c'est trois espèces ou bien ça c'est deux espèces d'un même genre et ça c'est

08:00 un autre genre, c'est juste une question de temps.

08:03 Donc on peut comprendre toute la diversité hiérarchisée par l'inné grâce à ce schéma.

08:08 Et je voudrais vous dire que ce schéma est beaucoup moins sexy que le schéma de la biodiversité

08:14 que je vous ai montré au début, mais si vous voulez comprendre la biodiversité, quand

08:18 vous penserez à la biodiversité, c'est à ça qu'il faut que vous pensiez, c'est

08:23 pas à des belles photos les unes à côté des autres.

08:26 Ce schéma, je sais pas, vous pouvez le charger sur le web facilement, vous tapez "diagramme

08:30 Darwin", mettez-le en fond d'écran, je sais pas, affichez-le dans votre chambre,

08:33 faites quelque chose, mais il faut vraiment que vous arriviez à penser avec.

08:38 On y reviendra.

08:39 Alors pour comprendre ce schéma et pour l'admettre, il faut d'abord accepter une

08:43 idée, c'est que ça veut dire que deux formes vont diverger jusqu'au moment où

08:47 elles deviennent des espèces différentes.

08:48 Évidemment, il ne peut pas y avoir un moment précis où ça devient des espèces différentes,

08:52 donc en réalité les espèces, autant cette lignée-là est objectivement différente

08:57 de celle-là, autant dire que si c'est deux espèces ou deux sous-espèces, c'est

09:00 pas ça, c'est très arbitraire.

09:01 Il y a une certaine dose d'arbitraire dans la définition du niveau de ce qu'on va

09:06 appeler espèce.

09:07 Et ça Darwin a beaucoup assisté là-dessus dans son livre, mais il n'a pas été très

09:12 bien suivi.

09:13 Et on n'arrête pas de nous raconter à l'école que des espèces c'est des vies

09:18 qui se croisent entre eux et pas avec les autres.

09:20 Alors croyez-moi, les espèces elles font plein de trucs qui ne sont pas autorisés

09:23 par les instituteurs.

09:25 Bon, ces deux-là, probablement ça ne donne rien, donc c'est pas très grave.

09:31 Mais les lions, les tigres, les léopards, on s'est rendu compte dans les zoos qu'ils

09:39 arrivaient à faire des très très jolies hybrides.

09:40 Et ça c'est un tigron, c'est quand même assez massif.

09:46 Et alors au début, je me souviens, quand les premiers tigrons sont nés, tout le monde

09:52 a dit "ah mais ils vont être stériles, saint espèce, priez pour nous".

09:57 Et bien non, ils ne sont pas stériles, voilà, on est à la quatrième génération maintenant.

10:01 Et donc, bien sûr que les tigres et les lions, ce n'est pas la même espèce.

10:05 Et ils se croisent, on s'en fout, c'est quand même pas la même espèce.

10:08 Ils ne se croisent pas vraiment dans la nature.

10:10 Déjà, en général, ils ne sont pas sur le même continent, donc ça aide.

10:14 Donc voilà, alors je vous ai pris d'abord des exemples de mammifères parce que ça

10:21 vous touche plus, les ânes, les zèbres, les chevaux, on arrive à faire plein d'hybrides

10:26 dans tous les sens avec ces trucs-là.

10:27 J'adore ces deux-là, les chèvres et les moutons, ça fait un hybride, voilà.

10:34 Et cet hybride est fertile, à la surprise générale, parce que les ovins et les caprins,

10:40 là on est au-dessus du genre dans la classification, on est loin.

10:43 Ce n'est pas simplement deux espèces, ce n'est pas deux espèces proches.

10:46 Bon, je vous montre tous ces mammifères parce que ça vous amuse plus que des plantes, mais

10:50 voilà, ça c'est un ficus, ficus ça veut dire figuier en latin.

10:54 Il y a eu un bon millier d'espèces de figuier dans la nature, ça c'est un ficus arborescent,

11:02 ça c'est un ficus rampant, on s'est amusé dans mon labo à les croiser, on obtient un

11:07 machin comme ça, voilà, qui serait fertile s'il y avait un insecte qui voulait bien

11:11 s'occuper de lui.

11:12 Ça c'est un autre problème.

11:14 Donc non, les espèces ne sont pas définies clairement par le fait qu'elles se croisent

11:20 à l'intérieur et entre elles ce n'est pas vrai.

11:22 Et chez les plantes, alors il y a 95% des espèces qui se croisent avec des espèces

11:26 voisines, donc ce n'est pas ça une espèce.

11:28 Une espèce c'est un rameau de l'arbre qui est suffisamment divergent pour qu'on ait

11:31 envie de lui donner un nom spécial et puis c'est tout.

11:34 Et il n'y a pas de critère définitif pour décider ce que c'est qu'une espèce, ce

11:37 qui fait que les naturalistes passent leur temps à se chamailler pour savoir si un

11:41 truc est une espèce ou pas.

11:42 Voilà.

11:43 Donc Darwin s'est bien rendu compte du fait qu'il avait du mal à convaincre ses contemporains

11:50 de ça.

11:51 Il écrit en 1860, donc un an après l'apparition de l'origine, à un ami "je suis souvent

11:55 désespéré d'obtenir que la maturité des naturalistes simplement me comprennent.

11:59 Des gens intelligents qui ne sont pas des naturalistes et qui n'ont pas eu l'idée

12:03 bigode du terme espèce montre plus de clarté d'esprit".

12:05 Vous voyez qu'il n'y va pas avec le dos de la cuillère.

12:07 Et je voulais laisser ça en anglais parce que je voulais que vous voyiez que c'est

12:09 les bigodes, ce n'est pas moi qui le dit, c'est lui.

12:12 Donc cet aspect religieux.

12:13 Je vous disais qu'on a des difficultés à comprendre la biodiversité.

12:16 Le premier point c'est qu'on a une vision religieuse de l'espèce vachement bien catégorisée,

12:22 créée indépendamment des autres, etc.

12:24 Alors que si jamais on pense avec le schéma de Darwin, les choses sont très différentes.

12:28 L'espèce n'est plus quelque chose de bien fixé.

12:31 Et du coup, on arrête de dire des bêtises.

12:34 Par exemple, on peut montrer qu'il y a dix fois plus d'espèces insectes que d'espèces

12:39 de plantes.

12:40 Seulement, ça ne veut rien dire de plus que le fait qu'il y a plus d'espèces insectes

12:44 que de plantes.

12:45 Je veux dire qu'une espèce, ce n'est pas une unité de diversité.

12:48 Dans une espèce de plante, vous pouvez avoir des individus très différents.

12:51 Vous pouvez avoir des petites herbes et des arbustes dans la même espèce.

12:54 Alors que chez les insectes, dès qu'ils ont un poil de travers, ils font une nouvelle

12:57 espèce.

12:58 Le résultat, c'est que vous avez, si vous voulez, les insectes coupent le gâteau de

13:03 la diversité en tranches très fines qui sont les insectes.

13:05 Alors que les plantes font des grosses tranches.

13:07 Vous comptez le nombre de tranches, vous ne comptez pas la quantité de gâteau.

13:10 Donc, il y a dix fois plus d'espèces insectes que de plantes, c'est sûr.

13:14 Que ça veuille dire que 90% de la biodiversité est chez les insectes, mais c'est évidemment

13:18 faux.

13:19 Et on n'a pas de mesure suffisamment générale de la biodiversité pour pouvoir comparer la

13:24 diversité des insectes et celle des plantes.

13:26 Ça n'a pas de sens.

13:27 Elles ne s'organisent pas de la même façon la biodiversité dans ces deux groupes.

13:29 Et si vous pensiez qu'il y avait 90% de la biodiversité chez les insectes, ne vous inquiétez

13:33 pas, vous êtes en bonne compagnie.

13:35 En 2016, le CNRS a publié un truc sur les insectes et il disait froidement "les insectes

13:41 représentent 90% de la biodiversité terrestre".

13:43 Le CNRS, comme les autres, tombe dans le panneau d'une vision biblique de la diversité.

13:49 Je voudrais finir avec Darwin en vous disant que le dernier mot du livre de Darwin, c'est

14:00 remarquable, "une quantité infinie de belles et admirables formes sorties d'un commencement

14:03 si simple n'ont pas cessé de se développer et se développent encore".

14:07 J'insiste là-dessus parce que l'évolution est toujours en cours.

14:11 Elle ne s'est pas arrêtée parce qu'on est là.

14:13 J'ai vu des gens qui parlent d'évolution et croient qu'ils parlent d'évolution alors

14:17 qu'en fait ils sont en train de parler de création.

14:18 Ils vous disent "l'évolution a créé les espèces".

14:23 Vous remplacez le mot créateur par le mot évolution et c'est gagné.

14:26 Le mieux c'est encore quand ils disent "et à la fin l'évolution a créé l'homme".

14:30 On est loin d'être les derniers arrivés sur Terre.

14:32 Les derniers qu'on a vu apparaître c'est le moustique du métro londonien à ma connaissance

14:36 qui n'a pas de quoi en faire un fromage.

14:38 Donc il faut arrêter de voir l'évolution comme un système qui a créé des espèces

14:43 mais l'évolution est constamment en train de produire et de détruire de la diversité.

14:48 C'est ça.

14:49 La biodiversité d'aujourd'hui n'est pas la même que celle d'hier et ce n'est pas

14:53 la même que celle de demain.

14:54 Il n'y a rien à faire.

14:56 L'évolution nous dit qu'il n'y a pas d'équilibre ancestral des écosystèmes.

15:00 Donc en réalité, il faut bien voir que ce que ce schéma nous dit c'est que la biodiversité

15:10 n'est pas un état, c'est une dynamique.

15:12 Et là on est loin du Jardin d'Éden pour le coup.

15:17 Donc cette dynamique elle marche comment ? Vous voyez que constamment s'éteignent

15:21 les formes intermédiaires ce qui permet la divergence des lignées.

15:25 Rendez-vous compte que s'il n'y avait pas d'extinction, les lignées ne pourraient

15:28 pas diverger.

15:29 Tout le monde resterait collé au milieu.

15:31 C'est grâce à l'extinction des machins du milieu que les choses s'écartent.

15:35 Donc l'extinction fait partie du processus de la biodiversité.

15:39 Est-ce qu'il peut y avoir un équilibre de la biodiversité ?

15:42 Ça dépend de ce que vous mettez derrière le mot équilibre.

15:47 Si je regarde un équilibre stable comme ce verre, il est en équilibre stable et tant

15:50 que je ne le bouge pas trop, il va revenir à sa place.

15:52 Si je le bouge trop, il va tomber.

15:53 Ça c'est un équilibre stable.

15:56 Il y a plein de gens qui voient la biodiversité comme ça.

15:59 Si on bouge trop, elle va tomber.

16:01 Mais ce n'est pas comme ça que ça marche.

16:02 La biodiversité c'est un équilibre dynamique.

16:05 C'est-à-dire que ça change de toute façon tout le temps et c'est ce changement qui

16:09 maintient la diversité.

16:11 Vous avez constamment des apparitions de formes nouvelles et vous avez constamment

16:14 des extinctions.

16:15 C'est l'équilibre entre ces extinctions et ces apparitions qui provoque la biodiversité.

16:22 Donc un équilibre dynamique ça ne marche pas du tout comme un équilibre statique.

16:27 Je vais vous donner un exemple.

16:30 Un vélo c'est grâce au fait qu'il avance, qu'il se maintient.

16:33 On est d'accord ? Si vous dites "oh là là, il bouge, il va tomber, je vais le sauver,

16:40 je vais l'arrêter", évidemment c'est là qu'il tombe.

16:42 Donc quand vous avez un équilibre dynamique, pour le maintenir, le but ce n'est pas de

16:47 l'arrêter, c'est de maintenir le mouvement.

16:50 Ce n'est pas la même chose.

16:51 Je vais vous prendre un deuxième exemple.

16:54 Un satellite tourne autour de la Terre et il est maintenu par la force centrifuge et

17:01 par la pesanteur.

17:02 Les deux forces contribuent à le maintenir dans son mouvement.

17:07 Si votre satellite ralentit, vous savez ce qu'il va se passer.

17:11 Il va tomber.

17:12 Il ne tombe pas tout de suite.

17:14 C'est ça l'ennui avec les équilibres dynamiques, on ne voit pas tout de suite les effets de

17:18 ce qu'on fait.

17:19 Donc vous qui connaissez le satellite vous dites "ah non, il a ralenti, là il va tomber".

17:22 Quelqu'un qui ne connaît rien vous dit "bah non, tout va bien, il tient encore".

17:28 Pour la biodiversité, on en est exactement là.

17:30 Alors effectivement, à la fin il y a quand même une chute, mais ça peut prendre très

17:36 longtemps dans l'équilibre dynamique avant que ça tombe.

17:37 Pour la biodiversité, on en est là.

17:41 Notre satellite est en train de ralentir à fond.

17:43 Parce que le processus de Darwin, avec la divergence, il vaut grâce au fait qu'il

17:48 y a beaucoup d'individus et que du coup ça permet que des formes nouvelles apparaissent

17:52 etc.

17:53 S'il y a de moins en moins d'individus, les capacités d'évolution du système diminuent.

17:57 Et c'est ça qui se passe actuellement.

17:59 Un des articles les plus importants qui a pu choquer tout le monde, ça date de 2017,

18:05 montrait que 75% de la biomasse d'insectes ailés dans les zones protégées européennes

18:11 avait disparu en 27 ans.

18:13 En 27 ans, 75% de la biomasse.

18:16 Vous voyez que notre satellite est en train de ralentir très sérieusement.

18:20 Ça a été repris dans beaucoup de journaux, grand public, etc. dans tous les pays.

18:27 Une nouvelle étude a été refaite en 2022.

18:30 Elle montrait qu'entre 2004 et 2021, on avait perdu 60% des insectes en les comptant sur

18:37 les plaques d'immatriculation des voitures.

18:38 Ça c'est un truc qu'on connaît tous.

18:40 Le fait que pour les plus âgés d'entre nous, quand on était jeune, il fallait essuyer

18:45 le pare-brise régulièrement quand on roulait sur l'autoroute.

18:48 Maintenant, on traverse la France d'un bout à l'autre sans avoir besoin de s'arrêter.

18:51 Cette deuxième étude a donné des résultats très comparables à la première, reprise

18:57 aussi dans des tas de journaux.

19:00 On constate que l'abondance des formes vivantes est en train de décroître globalement.

19:06 Du coup, il commence à y avoir de plus en plus d'espèces menacées.

19:10 On n'en est pas encore au moment où les espèces s'éteignent très très très

19:14 violemment à l'échelle de l'ensemble du monde vivant.

19:17 On en est au moment où les espèces deviennent massivement menacées.

19:22 Et l'Ibès n'arrête pas de faire des communiqués sur ces questions.

19:28 D'ailleurs, ils ont titré leur dernière recension un taux d'extinction sans précédent

19:34 et qui s'accélère.

19:35 Parce qu'en réalité, les extinctions il y en a, mais ça reste encore assez marginal

19:40 selon les groupes d'individus.

19:41 Heureusement, ils ne travaillent pas en global, ils travaillent selon les groupes.

19:44 Le nombre d'espèces éteintes est assez variable, mais le nombre d'espèces en

19:48 voie d'extinction est de plus en plus grand.

19:50 Évidemment, les extinctions commencent à décoller, mais ça reste encore des chiffres

19:56 assez bas.

19:57 On n'est pas encore au moment de l'effondrement complet.

19:59 Donc en réalité, la biodiversité est une dynamique qui est en phase de d'effondrement.

20:05 Et tout ça est bien expliqué dans les rapports de l'Ibès.

20:08 Je vous conseille d'aller sur le site web de l'Ibès pour consulter ces choses-là.

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20 minutes qui ont complètement changé ma vision de la biodiversité - Pr. Gouyon

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