Après plusieurs années de baisse, les cas de surendettements repartent à la hausse dans le Calvados : + 5% par rapport à 2022. Explication avec Patrice Lenoble, directeur départemental de la Banque de France
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00:00 8h15, merci d'être avec nous sur France 3 et France Le Normandie.
00:04 Notre invité ce matin, Didier Cherpin, est Patrice Lenoble, directeur départemental de la Banque de France dans le Calvados.
00:09 Et pour évoquer la hausse des dossiers de surendettement dans le département, Patrice Lenoble, bonjour.
00:13 Bonjour messieurs.
00:14 1328 dossiers de surendettement déposés l'année dernière dans le département, une augmentation de 5%.
00:20 Est-ce qu'il faut y voir une conséquence de la forte inflation sur les prix qui frappe la France depuis 2022 ?
00:27 Alors, c'est une explication partielle, mais il faut d'abord la relativiser, ce rebond des dépôts de dossiers de surendettement,
00:33 puisque si on a +5% dans le Calvados par rapport à 2022, on est quand même en retrait de 23% par rapport à 2019,
00:42 et il y a deux fois moins de dépôts de dossiers par rapport à il y a 10 ans.
00:46 Donc c'est un phénomène structurel.
00:47 Donc certes, un rebond, on va essayer d'expliquer pourquoi, mais il y a structurellement une baisse
00:53 qui s'explique de quatre façons. Sur les cinq, dix dernières années, il y a eu beaucoup de décréation d'emplois importantes.
01:00 C'est un phénomène positif. Il y a un meilleur encadrement du crédit à la consommation, la loi Lagarde, deuxième raison.
01:07 Troisième raison, davantage de mesures pérennes. On en parlera tout à l'heure.
01:12 On a beaucoup plus d'effacement de dettes, donc forcément, on règle la situation de façon plus structurelle, on va dire.
01:19 Et puis quatrième explication, c'est davantage d'accompagnement de la part de la sphère publique, de la sphère sociale et même de la sphère bancaire,
01:26 avec une meilleure prise en compte de la clientèle fragile.
01:30 Malgré toutes ces mesures, donc il y a eu cette augmentation l'année dernière, qu'est-ce qui fait plonger des ménages dans cette difficulté financière ?
01:37 On a commandé une étude au Credoc.
01:43 Il apparaît que dans le compte tenu du ralentissement économique de l'inflation, on a quand même une partie de la population en moyenne,
01:50 statistiquement en moyenne, le pouvoir d'achat a été préservé. Mais ça, c'est la moyenne.
01:55 Et on s'aperçoit qu'on a 20% de la population qui a plus de difficultés et qui est obligée de faire des arbitrages de consommation.
02:03 Sur l'alimentaire, par exemple, vous avez parlé de l'étude ?
02:09 Oui, sur l'alimentaire, sur les dépenses de consommation. On le voit bien dans la structure de consommation du commerce.
02:14 Les grands distributeurs l'ont clairement évoqué à multiples reprises.
02:19 Donc il y a des arbitrages qui sont faits.
02:21 Les arbitrages, ça veut dire on se serre la ceinture ?
02:22 On essaie de consommer des produits moins chers, voire dans les cas extrêmes, moins de quantité.
02:30 Ça n'explique pas forcément le surendettement. Est-ce que certains peuvent se faire des prêts à la consommation ?
02:34 Non.
02:35 Parce qu'ils n'ont plus les moyens ?
02:36 Non. Le crédit à la consommation en France est distribué de façon rigoureuse.
02:40 C'est pour ça d'ailleurs qu'il y a moins de dossiers.
02:42 Si vous prenez la Normandie, les encours de crédit à la consommation ont augmenté de 2 à 3% en 2023.
02:48 Donc 2 à 3% compte tenu du niveau de l'inflation. On voit bien qu'il n'y a pas de dérive.
02:54 Mais par contre, on a constaté en 2023 plus d'incidents, au niveau national, mais c'est vrai dans tous les territoires,
03:03 plus d'incidents sur les remboursements de crédit. On est revenu au niveau de 2019, même un petit peu au-dessus.
03:11 Des crédits souscrits il y a quelques années, mais on avait les remboursés.
03:14 On revient à la normale. Cette année, on a eu +5% de dépôt de dossiers dans le Calados, +7% en Normandie, +7,5% en France.
03:26 Avec deux périodes. Si on prend le national, +5% au premier semestre, +10% au deuxième.
03:33 Et là, on s'attend en 2024 à une poursuite du rebond. Mais quand même, il ne faut pas oublier, quand on regarde le passé,
03:39 qu'on est quand même à un niveau relativement faible.
03:42 Quand un dossier est déposé, qu'est-ce qu'on peut faire derrière ?
03:45 On efface les dettes, mais pas à n'importe quelle condition ?
03:48 Ce qu'on peut peut-être dire déjà, c'est si on prend le Calvados, mais sur la Normandie, le national c'est quasiment la même chose,
03:55 on a 15% de dossiers qui sont déclarés soit irrecevables, soit clôturés à l'initiative du débiteur.
04:01 Donc ces 15% de dossiers, je dirais, de façon un peu schématique, on ne va pas au bout.
04:06 - Irrecevables ? Parce qu'on estime que les personnes ont les capacités de remboursement, tout simplement.
04:12 On n'a peut-être pas fait tous les efforts, tous les calculs.
04:15 - Par exemple, vous avez des gens, ils demandent une PRP, ils demandent un effacement total et ils peuvent rembourser leur dette.
04:20 Donc là, notre rôle, c'est quand même de remettre l'Église au milieu du village.
04:24 Donc ça, c'est normal.
04:27 - Et qu'est-ce qui se passe pour les autres ?
04:29 - On prend les revenus, tous les revenus, on calcule les charges,
04:35 les charges forfaitaires en fonction de la composition du foyer, du loyer,
04:40 et on détermine la capacité de remboursement.
04:44 Cette capacité de remboursement doit permettre de servir les emprunts, le service de remboursement d'emprunt,
04:51 et éventuellement, parce que les charges qui sont impayées.
04:56 Et donc, en fonction de cette comparaison entre la capacité de remboursement
04:59 et ce qui doit être consacré au remboursement de la dette et au remboursement des charges en retard,
05:05 loyer par exemple, on regarde si la personne est sûre endettée.
05:08 - On parle de remboursement partiel, d'effacement partiel ?
05:11 - Alors, en fonction, et là il y a un critère qui est très important,
05:14 c'est la comparaison de la capacité de remboursement.
05:16 Si la capacité de remboursement est positive, on va regarder en combien de mois le passif est remboursé,
05:24 les dettes sont remboursées, et comme par la loi on ne peut pas aller au-delà de 84 mois, 7 ans,
05:30 - 7 ans, oui.
05:32 - Si en moins de 7 ans on peut rembourser la dette, il n'y a pas d'effacement,
05:38 s'il faut plus de 7 ans, il y a un effacement partiel.
05:40 Et si la capacité de remboursement est négative, et qu'il n'y a pas de rebond,
05:45 alors évidemment si la personne est en deuxième année de BTS et qu'elle va trouver un emploi dans 3 mois,
05:51 on va faire un moratoire de 24 mois ou 12 mois pour lui donner le temps.
05:55 Mais si vous avez une personne, on sait très bien que la situation ne va pas pouvoir s'améliorer de façon significative,
06:01 à ce moment-là, on fait un rétablissement, un effacement des dettes.
06:04 - Donc c'est vraiment à la carte. Il y a un dispositif assez rapidement,
06:07 la prévention des expulsions pour ceux qui sont locataires.
06:10 Combien on a réussi à éviter d'expulsion par exemple ?
06:13 - Pas trop, mais là je sais que la préfecture gère ça de façon très...
06:20 - Il est crucial celui-là ?
06:22 - Il est crucial, très important, puisqu'on sait bien qu'il y a des difficultés de logement actuellement.
06:26 Ce qu'on peut peut-être dire, c'est que la dette représentée par les dossiers traités dans le Calvado,
06:32 c'était 45 millions d'euros en 2023, on a effacé 11 millions quand même.
06:36 - Donc on le voit, ce n'est que partiel et donc à la carte ce que vous nous avez expliqué ce matin.
06:41 Pour des personnes en difficulté, rapidement, comment elles vous contactent ?
06:44 - 34 14, c'est simple. C'est de 8h à 18h, du lundi au vendredi.
06:50 Et les personnes qui... On est une cinquantaine à Normandie à travailler sur tous ces sujets d'inclusion financière.
06:57 Les personnes qui vous répondent au téléphone, ils savent gérer un dossier de surdettement,
07:00 ils savent faire un droit au compte, ils savent...
07:01 Et après on oriente les usagers soit vers le guichet, vers le site internet, vers le...
07:08 - C'est dit, ce matin sur France Bleu.
07:11 Patrice Lenob, le directeur départemental de la Banque de France dans le Calvado, bonne journée.
07:15 - Merci, au revoir.
07:16 - Merci notre invité. Recoutez bien sûr en podcast sur francebleu.fr