Le vendredi soir, Pierre de Vilno reçoit un invité pour revenir sur l’actualité.
Retrouvez "Les invités d'Europe Soir week-end" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-europe1-week-end
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00:00 Europe 1 soir week-end. 18h20, Pierre de Villeneuve.
00:04 Grand témoin de l'actualité aujourd'hui, un homme qui a le nez sur la banquise.
00:08 J'aime bien cette expression parce que c'est vraiment ce qu'il fait.
00:11 Il est ambassadeur au Pôle depuis plusieurs années.
00:13 Il travaille directement avec le président de la République qui est attentif à ce sujet.
00:18 Et puis plutôt que de nous faire un essai sous forme d'écologie punitive en disant
00:24 "Regardez, il ne faut surtout pas faire ça, il ne faut pas rouler en SUV,
00:28 il faut rouler tous en voiture électrique",
00:30 il nous prend par la main avec ce très beau roman qui est très joliment écrit,
00:36 ça s'appelle "Deux étés par an" et c'est publié chez Stock.
00:38 Bonsoir Olivier Porte-Rodin. - Bonsoir Pierre.
00:40 - Merci d'être avec nous et de nous fournir ce livre où c'est un homme,
00:46 curieusement un ambassadeur, qui habite également sur la banquise,
00:52 qui en 2048 va avoir 90 ans, je crois que vous êtes né en 58,
00:55 donc si je fais bien le calcul, c'est quand même très auto-pontrétisé,
01:00 et qui se transforme en homme-oiseau puisqu'il va suivre des sters nardiques
01:04 dans leur migration une fois par an,
01:08 pour observer le globe et surtout pour observer ce qui se passe,
01:11 ce que vous dépeignez à travers ce roman,
01:15 avec ce roman d'anticipation qui parfois fait froid dans le dos
01:18 parce qu'il y a également des considérations géopolitiques,
01:21 on apprend que c'est le petit-fils d'Afez al-Assad qui est le secrétaire général de l'ONU,
01:28 on apprend que la moitié de la banquise a carrément fondu et est tombée dans la mer,
01:33 on obtient que le Groenland est en vente,
01:37 donc on vend des pays maintenant,
01:39 et qu'il y a un consortium chinois qui plus ou moins décide de tout
01:43 et qui n'est plus seulement un pays, c'est une espèce de grande entreprise,
01:46 je me souviens à une époque sur Canal+ dans les années 90,
01:49 on appelait ça la World Company, je crois, c'est ça.
01:52 C'est un constat alarmant et à la fois sous forme de roman.
01:57 - Oui parce que d'abord, j'ai toujours rêvé de voler,
02:00 c'est une première chose mais je crois qu'on n'est pas le seul.
02:02 - Il y a des avions pour ça, non ?
02:04 - Oui mais non... - Des planeurs, vous avez essayé le planeur ?
02:07 - Oui le planeur, j'ai fait du planeur, mais enfin là, les oiseaux,
02:10 puis moi j'avais lu un roman qui raconte Niels Holgersson,
02:15 ce petit garçon qui va visiter la Suède sur le dos d'une oie.
02:19 Et donc les Stenarthics, c'est des oiseaux que j'adore,
02:21 d'abord je les ai rencontrés un peu partout et vous les trouvez aussi bien,
02:25 alors il faut les trouver, ils ne sont présents et visibles que pendant les étés,
02:29 mais ils ont deux étés par an, le titre du livre,
02:31 parce qu'ils passent leur premier été au Groenland,
02:34 ou en Arctique en général, pour nicher, couver, prendre de la lumière,
02:38 ils ont besoin de beaucoup de soleil en plus, de nourriture,
02:40 et puis après, dès qu'il commence à faire un peu plus froid, vers août,
02:44 ils migrent, et là ils font le plus grand trajet qu'aucun être humain ou animal ait jamais fait,
02:50 c'est-à-dire qu'ils vont faire 80 km aller-retour,
02:52 80 000 km pour aller en Antarctique,
02:55 où ils vont trouver un autre, le second été, l'été austral,
02:58 où ils vont de nouveau, non pas nicher, parce que ça, ça se fait dans le Nord,
03:01 mais ils vont profiter de la vie, manger du krill,
03:04 et ces oiseaux sont très sympathiques, très fidèles en plus, c'est des couples,
03:07 donc je me suis imaginé, volant, enfin pas imaginé...
03:10 - Devire cet oiseau, c'est un peu la série Manimal dans les années 80,
03:13 où il y avait cet acteur qui se transformait en animal...
03:15 - Voilà bien une bonne manière de voir les choses d'eau, en plus,
03:19 parce que je n'ai pas envie de les voir de la terre,
03:22 comme un terrien qui, en effet, comme vous l'avez dit,
03:24 culpabilise ceux qui consomment trop, ceux qui voyagent en avion...
03:27 - Enfin, ça le dit, on culpabilise un peu quand on lit votre roman...
03:30 - Moi je culpabilise un peu, comme tous, parce qu'on a tous notre part dans cette affaire.
03:34 La vérité, c'est que par ma profession, par mon métier, je vais dans ces régions,
03:38 et c'est un privilège d'ailleurs que j'ai, grâce au Cadorcé,
03:42 mais peu de gens, finalement, peuvent aller voir ce qui se passe au Groenland, en Antarctique...
03:46 - D'ailleurs, qu'est-ce qui se passe exactement aujourd'hui en 2024 et non pas en 2048,
03:49 parce que c'est là que se situe votre roman ?
03:51 - Oui, parce qu'en 2048, le roman raconte en effet le résultat des courses,
03:54 aujourd'hui, donc 25 ans avant, il y a ce qu'on appelle la cryosphère.
03:58 La cryosphère, c'est ensemble la glace, tout simplement,
04:00 qui est présente à la fois dans les pôles et dans les glaciers.
04:02 Donc nous, on est un pays polaire,
04:04 puisque dans le sud de l'Antarctique, on a des stations scientifiques,
04:08 et dans le nord aussi, on a une longue histoire.
04:10 Jean Mallory, qui vient de décéder, était un grand savant français qui a beaucoup travaillé.
04:14 Et puis on a des glaciers.
04:16 Tout ça fond.
04:17 Alors après, on pourrait dire que ce n'est pas grave, il y a déjà eu...
04:20 - Ce n'est pas grave parce que c'est loin, c'est un peu comme en journalisme,
04:22 la loi du mort au kilomètre.
04:24 - Voilà, mais le problème c'est que c'est tout près.
04:25 C'est-à-dire qu'en fait, les deux actions cumulées...
04:29 Alors, pourquoi ça fond ?
04:30 Parce qu'il y a du CO2, du carbone, ça réchauffe, et tout ça s'effondre.
04:33 Alors, prenons les glaciers.
04:35 Mont Blanc, allez-y, je pense que tous les auditeurs,
04:37 d'ailleurs dans le roman, il n'y a plus de Mont Blanc, c'est fini.
04:40 Il n'y a plus d'Himalaya, enfin il y a une montagne, il n'y a plus de neige,
04:44 il n'y a pas plus de Kilimanjaro.
04:46 Les glaciers, ça va en 2048...
04:49 - J'essaie non plus de ne pas tout dire de notre roman.
04:52 - En gros, il y a un milliard de personnes qui n'auront plus d'eau en bas des glaciers,
04:56 ils n'auront plus d'électricité.
04:57 Alors de l'autre côté, du côté des pôles, ça fond,
05:00 et là ça va dans la mer, évidemment, et ça fait monter le niveau de la mer.
05:04 Et donc en 2048, il y aura un autre milliard de personnes
05:07 qui eux, auront de l'eau jusqu'aux coudes.
05:10 - Un peu trop.
05:12 - C'est comme quand il y a des inondations après la sécheresse.
05:15 - On commence à voir ça, vous savez, les signes qu'on a dans le Pas-de-Calais,
05:19 c'est des signes très avant-coureurs.
05:21 Et le littoral français n'est pas du tout épargné par ça.
05:24 Des villes comme Le Havre se trouveront dans les années 2050 à la fin du 2100,
05:29 sous l'eau, une partie immergée.
05:31 - Ce que vous expliquez, c'est qu'il y a une grande partie des gens qui habitent
05:34 plus près du littoral, il y en aura sans doute encore plus, alors qu'en réalité,
05:38 on devrait se focaliser dans les terres.
05:40 - Oui, mais mes petites cernes d'ailleurs voient ça d'assez près, parce que c'est vrai que quand on...
05:44 Je suis allé en Antarctique récemment avec Thomas Pesquet,
05:46 c'est intéressant parce que lui a vu la Terre. - Pourquoi lui ?
05:49 - Parce qu'en fait, il travaille à l'Agence européenne spatiale,
05:53 et l'Agence européenne spatiale s'intéresse à voir comment
05:57 ces astronautes résistent à des conditions extrêmes.
06:00 Nous étions quand même à 3500 mètres en Antarctique,
06:03 donc avec un effet ressenti à 4000 mètres,
06:06 et par ailleurs à -50°C.
06:07 Donc c'était intéressant de voir comment un corps humain peut s'adapter à ça,
06:11 et donc il y a beaucoup de liens entre l'espace et d'ailleurs le monde polaire.
06:15 Et donc, ce qui m'a frappé, c'est que lui voyait en effet cette Terre,
06:18 comme on l'a vu nous, d'assez haut à travers ces pôles qui s'effondrent,
06:23 surtout l'Antarctique. L'Antarctique, c'est très impressionnant,
06:26 et mes petits oiseaux qui vont rejoindre l'Antarctique vont le sauver,
06:29 parce que depuis longtemps l'Antarctique est convoitée,
06:32 ça a été le dernier territoire découvert par les hommes au 19ème siècle,
06:36 on a eu notre part de gâteau nous avec Dumont-Durville,
06:38 et donc il y a eu un traité formidable,
06:40 pour une fois les hommes ont été très sages, en pleine guerre froide,
06:43 traiter l'Antarctique, qui est valable jusqu'en 2048,
06:46 d'où 2048, mes oiseaux.
06:48 Et si en 2048 certains pays veulent changer les règles,
06:51 et bien cette Antarctique pourra devenir un lieu d'extraction minier,
06:56 un lieu industriel.
06:57 Et il y a quand même là, 3000 mètres de glace,
07:01 sur une surface qui fait fin fois la France,
07:03 c'est 80% de la réserve d'eau douce au monde,
07:05 et si ça fond, et mes oiseaux vont tout faire pour que ça ne fonde pas,
07:08 c'est 60 mètres de niveau de la mer qui va augmenter.
07:11 - Qu'est-ce que vous a dit Thomas Pesquet quand vous l'avez emmené là-bas,
07:14 quel a été son constat, quel a été son regard ?
07:17 - Que c'était pas du tout un voyage, ni une mission,
07:20 qu'on était sur une autre planète.
07:22 - Quand on était sur une autre planète ?
07:24 - C'est que c'est pas la planète Terre, on est à l'extrémité des mondes,
07:27 ça a d'ailleurs toujours été perçu comme ça,
07:28 tous ceux qui sont allés, c'est plus du tout les conditions humaines.
07:32 Là où nous étions, en Antarctique, dans le centre même,
07:35 il y a le littoral qui est agréable,
07:38 parce qu'il y a des manchots empereurs,
07:39 et puis il y a un peu de tourisme,
07:41 mais quand vous rentrez à l'intérieur de l'Antarctique,
07:44 il n'y a plus rien, c'est-à-dire qu'il n'y a pas un moustique,
07:47 il n'y a pas un oiseau, il n'y a pas un brin d'herbe,
07:50 absolument rien, que de la glace, 3000 mètres,
07:52 c'est invivable, et pourtant les hommes ont voulu aller là,
07:56 donc vous êtes vraiment sur un terrain lunaire
07:58 qu'on connaît encore beaucoup moins bien,
08:00 sauf à travers ces carottages de glace
08:02 qui permettent de mesurer le climat,
08:04 qu'on connaît beaucoup moins bien finalement
08:06 que la surface de la Lune ou celle peut-être bientôt de Mars.
08:09 - Et ce paysage, peu à peu il change aussi,
08:11 vous avez dit, parce que vous êtes passé un peu rapidement
08:14 sur le fait que ça fond tous les jours,
08:16 mais je n'arrive pas à me représenter le "ça fond tous les jours",
08:20 c'est quoi, c'est une bouteille d'eau minérale qu'on déverse comme ça,
08:23 ou c'est une espèce de cascade, c'est les chutes du Niagara,
08:26 - Non, ça fond, il y a plusieurs formes de glace,
08:31 il y a la glace qui est sur le sol même,
08:34 donc ça c'est des gros morceaux de glace,
08:35 et puis il y a ce qu'on appelle la glace de mer.
08:37 On dit souvent par exemple qu'on pourra passer
08:39 pendant toute l'année dans l'Arctique
08:42 avec une partie du commerce maritime,
08:44 d'ailleurs c'est ce que je raconte,
08:45 - Les Chinois n'attendent que ça.
08:47 - Les Russes, et puis beaucoup,
08:48 je pense que nous tous on passera par le Nord,
08:50 le canal de Suez à l'époque ça sera peut-être un musée,
08:53 et en fait pour que ça passe,
08:55 il faut que ce soit la glace de mer qui fonde.
08:57 Cette glace de mer est plutôt fragile,
08:59 donc ce n'est pas la glace ancienne.
09:01 La glace ancienne elle fond,
09:03 et elle se présente sous la forme d'iceberg,
09:05 il y en avait un en 1912,
09:07 qui a tout simplement rencontré un bateau,
09:10 ça s'appelait le Titanic.
09:11 - Bien sûr.
09:12 - Et à cet endroit précis du Coréen de l'Ande,
09:13 ça a commencé là d'ailleurs dans les années 1920-1930,
09:16 le CO2, la pression industrielle, etc.
09:20 Et donc vous voyez en Antarctique,
09:22 alors là pour un peu d'auteur,
09:24 sur les épaules ou sur les ailes de mes sternes arctiques,
09:27 aujourd'hui vous voyez des blocs de glace,
09:30 qui sont des icebergs,
09:31 on appelle ça vélés, qui quittent la banquise,
09:34 et qui sont grands comme la taille de Paris ou l'île de France.
09:38 C'est considérable.
09:39 - Ah ouais !
09:39 - Donc on parle de choses considérables,
09:41 qui vont forcément un jour fondre,
09:43 et donc faire monter de manière irrésistible le niveau de la mer.
09:47 Et ça c'est nouveau,
09:48 je ne suis pas le seul à le dire,
09:50 mais les scientifiques,
09:51 il y a encore 2-3 ans quand j'ai pris mon poste,
09:54 je succédais à Michel Roca et à Ségolène Royal,
09:56 quand je succédais à mon poste,
09:57 on disait l'Antarctique, non non, c'est immuable,
10:00 ça ne bougera pas,
10:01 et ça bouge,
10:01 et tous les spécialistes du GIEC,
10:04 les scientifiques le mesurent.
10:06 Et donc c'est ça que j'ai essayé de raconter un peu,
10:08 en projetant finalement des chiffres, des datas,
10:11 des données qu'on a scientifiques,
10:12 à 25 ans.
10:13 25 ans, c'est demain.
10:15 Mais 25 ans c'est énorme ce qui se passe.
10:17 Imaginez, regardez un petit peu nos paysages,
10:19 regardez le Sahel, regardez le désert,
10:21 regardez plein de paysages en 25 ans,
10:23 ils ont changé.
10:24 Les glaciers, vous voyez souvent la photo avant, après,
10:27 et donc on a une image assez juste
10:29 de ce que se pourrait être en 2048 le monde.
10:32 - Deux étés par an, le roman d'Olivier Poivre d'Arvor,
10:34 on marque une pause et on se retrouve dans un instant
10:36 sur Europe 1, à tout de suite.
10:38 - Ambassadeur et écrivain Olivier Poivre d'Arvor
10:44 est le grand témoin de l'actualité de ce soir sur Europe 1
10:47 avec son livre "Deux étés par an"
10:49 qui est un roman, mais qui est un roman d'anticipation
10:51 de ce qui pourrait arriver sur les deux pôles,
10:54 le pôle Nord et le pôle Sud en 2048,
10:57 mais qui commence déjà, évidemment,
10:59 et vous le disiez Olivier à l'instant,
11:01 les chercheurs, notamment du GIEC, nous le rappellent,
11:03 mais, eh oui, dans notre inconscient collectif,
11:07 comme on dit, même si je n'aime pas ce mot,
11:09 on se dit "bah c'est loin, donc ça ne pourra pas nous arriver",
11:12 et malheureusement si, ça commence à nous arriver.
11:14 Vous écrivez,
11:17 nous sommes en... le volume de trafic
11:20 le long de cette route, donc cette fameuse route dont on parlait,
11:23 était passé de près de 500 millions en 2047,
11:26 soit le double de ce qui transait par le canal de Panama.
11:29 On parle de cette route qui pourrait se creuser
11:33 à travers le pôle Nord.
11:34 La guerre en Ukraine avait transformé la donne 20 ans plus tôt.
11:37 Le Conseil de l'Arctique,
11:38 instance de coopération régionale entre les huit pays arctiques,
11:40 ne se réunissait que depuis
11:42 que la Russie avait choisi de faire cavalier seul.
11:44 Les Chinois avaient investi massivement.
11:47 Je savais pour avoir fréquenté longtemps la vie diplomatique
11:49 que les enjeux économiques du commerce maritime
11:51 représentant plus de 90% du commerce mondial étaient considérables.
11:55 Il y a ce qu'on vient de dire avant la pause,
11:59 il y a des conséquences climatiques qui sont désastreuses,
12:02 mais il y a aussi tout un environnement commercial, économique,
12:07 qui pourrait prendre place et qui pourrait complètement changer.
12:11 - Oui, parce que ce qu'on appelle l'adaptation,
12:13 parce qu'en gros, qu'est-ce qu'il faut faire par rapport à tout ça ?
12:15 Il faut s'adapter, il faut déménager,
12:17 il ne faut plus rester au bord du littoral,
12:19 il ne faut plus construire, etc.
12:21 Mais l'économie s'adapte et l'économie est intelligente,
12:25 donc elle trouve son intérêt dans le changement climatique.
12:30 Et en l'occurrence, par exemple, le Groenland,
12:32 qui est un pays parti du Danemark encore,
12:36 qui a une forme d'autonomie, mais qui appartient au Danemark,
12:38 le Groenland, 50 000 habitants,
12:40 un pays beaucoup plus grand que la France,
12:42 50 000 personnes qui vivent là,
12:44 et donc on peut très bien imaginer, sans déconner absolument,
12:50 que dans 25 ans, ce territoire qui sera non pas privé de glace,
12:55 mais où il n'y aura vraiment plus de glace aujourd'hui,
12:56 il y a 2% de la surface qui est accessible,
12:59 le reste c'est de la glace,
13:01 va devenir une destination touristique.
13:02 D'ailleurs, on a envie d'aller voir le désastre,
13:04 donc il y a de plus en plus d'ailleurs de tourisme
13:07 vers le nord, vers le sud, etc.
13:09 Donc ce pays va forcément tirer un bénéfice de cette glaciation,
13:14 enfin de cette déglaciation plutôt,
13:16 et c'est pourquoi vous parliez de la vente du Groenland,
13:19 mais Donald Trump avait lancé cette idée
13:24 que s'il pouvait acheter le Groenland, il achèterait volontiers,
13:27 parce que c'est une bonne affaire,
13:28 parce que, évidemment, qu'est-ce qu'il y a sous la glace ?
13:30 Eh bien, il y a des minerais, des minerais,
13:32 et on va avoir besoin de minerais,
13:33 y compris pour nos chairs téléphones
13:35 et encore pour beaucoup d'autres occasions.
13:37 Et donc ces pays vont se transformer économiquement,
13:39 et ce qui, pour nous, peut nous paraître en effet un désastre,
13:42 va être une bonne affaire,
13:44 et je pense que l'économie va être suffisamment,
13:47 hélas, intelligente, ou hélas non,
13:49 va être suffisamment intelligente pour faire en effet
13:52 que le commerce maritime, 90% du commerce mondial,
13:55 passe là où on pourra passer maintenant.
13:58 - C'est là où, en fait, c'est dérangeant,
14:00 et à la fois on doit se poser la question,
14:02 on doit prendre la mesure de cela,
14:04 c'est qu'au-delà des vies humaines,
14:07 au-delà d'un dérèglement qui causerait la mort
14:10 d'une quantité considérable de personnes,
14:13 il y a toujours le mercantilisme,
14:15 il y a toujours faire, vous avez dit, Donald Trump,
14:17 faire une bonne affaire.
14:19 Les Chinois, qui ont déjà investi en Afrique,
14:21 n'ont pas, on le sait très bien,
14:23 pour sauver des populations locales
14:25 qui souffrent du soleil, de la chaleur,
14:27 mais c'est pour exploiter les minerais,
14:30 et d'ailleurs les Africains commencent à s'en rendre compte.
14:32 Là, ils pourraient aller sur d'autres terres
14:34 que sont le Groenland et d'autres,
14:36 parce qu'il y a des minerais.
14:38 Il y a toujours une histoire de fric derrière tout ça.
14:40 - Moi, dans mon roman, il y a un personnage
14:42 qui s'appelle Bilal, qui est un Libanais d'Afrique,
14:44 il y a toujours un Libanais quelque part,
14:46 et donc il est à Bidjan, et il a une bonne idée,
14:48 et là, en fait, je pensais que c'était une idée un peu originale,
14:50 en 2048, il a acheté un bateau,
14:53 et puis avec deux, trois camarades,
14:55 il va au Groenland tous les ans,
14:57 et dans la partie qui n'appartient à personne,
15:00 parce qu'il y a une partie de la haute mer
15:02 où on peut tout saisir, la pêche,
15:04 les ressources génétiques, mais aussi les icebergs.
15:06 Donc il va chercher les icebergs,
15:08 et puis il les redescend en Afrique,
15:10 et puis il les vend à la découpe,
15:12 aux pays africains qui n'ont plus d'eau,
15:14 évidemment, mais c'est des normes,
15:16 ces villes dont je parlais qui dérivent,
15:18 et puis il a une petite idée de business,
15:20 et je crois que c'est très original,
15:22 c'est qu'il va décider de les mettre en bouteille,
15:25 ces glaçons,
15:27 et les proposer
15:29 à un bon prix aux occidentaux,
15:31 qui évidemment, l'idée de boire de l'eau
15:33 qui date de 100 000 ans,
15:35 on va l'acheter très cher.
15:37 - C'est le phénicien 10.0.
15:39 - Voilà, c'est le phénicien 10.0,
15:41 sauf qu'au même moment que mon livre est sorti,
15:43 j'ai vu que des Dubaïotes avaient eu l'idée
15:45 de faire venir un iceberg,
15:47 et servent dans des bars de Dubaï,
15:50 des cocktails,
15:52 avec de la glace de 50 000 ans,
15:54 et je crois que le prix du cocktail
15:56 est passé de 1 à 10.000. - Oui, il vend aussi des steaks
15:58 avec des feuilles d'or.
16:00 - Disons que là, si vous voulez,
16:02 je n'avais pas imaginé que
16:04 le changement climatique et l'effondrement de la cryosphère,
16:06 comme de la glace dans le monde,
16:08 allaient pouvoir créer une nouvelle économie.
16:10 Mais il va y avoir de nouvelles économies,
16:12 il va y avoir d'abord des migrations,
16:14 mes petits oiseaux les regardent, les voient,
16:16 je pense que les migrations,
16:18 nous migrerons nous-mêmes,
16:20 parce que ceux qui vont être touchés,
16:22 ça va être la côte ouest des Etats-Unis,
16:24 par l'élévation du mer, la côte esthe,
16:26 la côte à nous, alors évidemment le Bangladesh,
16:28 le Bangladesh va être les pieds.
16:30 - Vous voulez dire qu'il faut profiter de l'île de Ré,
16:32 de l'île-Dieu, de Noirmoutier, de toutes ces...
16:34 - Oui, ce n'est pas éternel.
16:36 Je pourrais vous faire un petit diagnostic sur chaque endroit,
16:38 mais en tout cas...
16:40 - Avec les connaissances que vous avez du quai d'Orsay
16:42 et de votre rôle d'ambassadeur. - Oui, puis elles sont connues
16:44 par tous les gens qui travaillent sur ces questions-là,
16:46 d'adaptation des hélicos.
16:48 - Alors ça c'est intéressant, parce que vous dites "j'ai des données",
16:50 il y a plein de gens qui travaillent là-dessus,
16:52 mais qu'est-ce qui fait que les gens n'arrivent pas à s'y intéresser ?
16:54 Il y a les fins de mois,
16:56 la campagne 2022, la campagne présidentielle,
16:58 a été basée sur une seule chose,
17:00 on a mis de côté
17:02 les questions sociétales,
17:04 les questions qui touchent à notre civilisation,
17:06 même les questions de sécurité
17:08 arrivaient après le pouvoir d'achat.
17:10 C'est devenu un problème,
17:12 et les gens pensent à leur fin de mois
17:14 et ils se disent "moi je vais d'abord sauver mon portefeuille,
17:16 mon crédit pour ma maison que j'ai acheté
17:18 sur je ne sais pas combien d'années, alors qu'en fait cette maison,
17:20 elle va être dans la flotte, pour certains,
17:22 en 2048, comme vous l'écrivez.
17:24 - Tout ça est parfaitement logique, il faut être vraiment là-dessus,
17:26 c'est là où on ne peut pas culpabiliser.
17:28 D'abord, je crois qu'il fallait recommander
17:30 quelque chose, c'est qu'en effet l'économie,
17:32 mais ça ce n'est pas tout un chacun,
17:34 moi aussi quand je reçois ma facture
17:36 d'électricité, je trouve qu'elle a beaucoup augmenté,
17:38 et j'imagine ce que ça peut être pour
17:40 des foyers les plus modestes, donc on ne va pas
17:42 leur demander de penser tout ça.
17:44 - Non mais on pense, et alors, ce ne sont pas les gens,
17:46 c'est aussi le
17:48 mass-média, c'est aussi
17:50 les politiques,
17:52 de ne pas assez,
17:54 de régler les affaires courantes, plutôt que de dire
17:56 le "big picture", comme on dit en bon français,
17:58 là où il faut vraiment regarder,
18:00 c'est justement ça. Et quand on
18:02 voit des gens comme Greta Thunberg,
18:04 c'est peut-être trop
18:06 folklorique, pour qu'on s'y
18:08 intéresse. - Oui, ça radicalise.
18:10 - Et voilà. - Non, je pense qu'il faut d'abord faire appel
18:12 aux scientifiques. - D'où l'écologie punitive, qui est absolument
18:14 contre-productive. - Non, ce vraiment qui m'inspire,
18:16 moi, et que je vois les gens,
18:18 les Valéry, M. Delmotsa, c'est les scientifiques
18:20 qui, calmement, nous donnent des données.
18:22 On a organisé, le président de la République
18:24 a organisé en novembre, le premier sommet
18:26 consacré au pôle et au glacier, où il y avait
18:28 une vingtaine de chefs d'État et de gouvernement,
18:30 et là, on a commandé un rapport scientifique,
18:32 et à partir de ce rapport, qui fait très calmement
18:34 son désir d'expliquer que tout va se
18:36 casser la figure, on voit que
18:38 dans les dix dernières années, il y a eu une
18:40 précipitation de cette fonte de la glace, et que ça va
18:42 avoir ses effets, dont je parle de montée
18:44 des eaux et puis disparition de l'eau.
18:46 Donc, à partir de là, c'est vrai que
18:48 les économies et les
18:50 leaders, les femmes et les hommes
18:52 politiques, doivent prendre des décisions
18:54 pas faciles, parce que les populations
18:56 sont un peu... - Prochain
18:58 grand rendez-vous 2025, c'est ça ?
19:00 - Oui, prochain rendez-vous, ça sera une sorte
19:02 de COP Océan, puisqu'on va organiser
19:04 la conférence des Nations Unies sur l'océan,
19:06 la plus grande conférence jamais organisée sur les océans,
19:08 avec tous les sujets qui existent,
19:10 pollution plastique,
19:12 évidemment de surpêche,
19:14 la décarbonation de transports maritimes,
19:16 à Nice, ça va être un très bel événement.
19:18 - Pourquoi Nice ? - Nice, parce que
19:20 d'abord c'est une ville formidable, en plus
19:22 c'est au bord de la Méditerranée, on y tient, c'est notre
19:24 maire à nous, et puis en plus parce que
19:26 le maire Christian Estrosi a voulu vraiment en faire
19:28 quelque chose d'important, et sur le
19:30 vieux port de Nice, il y aura là, je pense,
19:32 50 000 délégués qui viendront
19:34 résoudre des questions, notamment
19:36 la haute mer, les 60% de haute mer
19:38 pour lesquelles il faut créer un sombre
19:40 d'air marine protégé, protéger en effet
19:42 les espèces piscicoles,
19:44 toute une série de mesures.
19:46 La pollution plastique est un sujet majeur,
19:48 puisque à chaque fois que vous jetez une petite bouteille,
19:50 elle va dans un fleuve directement
19:52 dans l'océan, et donc on va
19:54 négocier un peu comme on l'a fait
19:56 pour les accords de Paris en 2015, sur le
19:58 climat, on va négocier les accords de Nice.
20:00 Quand je dis "on", c'est les 192
20:02 pays, les Nations Unies, le président de la République
20:04 qui invite ces homologues,
20:06 compte les avoir
20:08 presque tous autour de la table
20:10 pour faire du bien à l'océan, qui est quand même
20:12 pour nous vital.
20:14 Vos auditeurs doivent aimer le bleu d'Europe 1,
20:16 comme moi, donc c'est le bleu de la mer,
20:18 70% de la surface du globe,
20:20 50% de notre oxygène,
20:22 un puits de carbone formidable,
20:24 il faut prendre soin de sa mer,
20:26 et de la mer. - Vous avez dit
20:28 tout à l'heure que le président a été,
20:30 Emmanuel Macron, très attentif
20:32 à la situation, même,
20:34 pas seulement des océans et du
20:36 plastique dans les océans, et on peut saluer aussi
20:38 notamment les travaux de la Fondation de la Mer, de
20:40 Sabine Roth-Bézieux et des autres, mais
20:42 le président est très
20:44 attentif, vous dites, à ce qui se passe justement,
20:46 très très très loin, en l'occurrence, sur les pôles,
20:48 et c'est pour ça d'ailleurs qu'on a un ambassadeur des pôles,
20:50 qui est représenté par vous.
20:52 - Il m'a proposé d'ailleurs la fonction. - Mais qu'est-ce qu'il vous dit
20:54 quand vous allez le voir ?
20:56 - Il me dit "vas-y, fonce et..."
20:58 - Est-ce qu'il est allé ? - Non,
21:00 parce que... - Est-ce qu'il compte y aller ?
21:02 - Non, vous savez, je pense que le président,
21:04 si vous alliez en avion en Antarctique,
21:06 vous seriez les premiers à dire...
21:08 - Nous ? Sûrement pas nous. - Pas vous, mais
21:10 les journalistes diraient... - Vous vous trompez d'antenne.
21:12 - Les journalistes diraient "mon Dieu, c'est beaucoup
21:14 de carotène, pourquoi ?" - Mais qu'est-ce qu'il vous
21:16 dit exactement sur ce sujet-là ? - Bah d'abord, il
21:18 se renseigne, il voit les scientifiques, on lui organise
21:20 des rencontres avec les scientifiques, il voit les constats,
21:22 et il voit les effets sur les populations.
21:24 Et donc c'est vrai que
21:26 on n'a pas toutes les qualités en France,
21:28 mais on a pris sur la question la recherche polaire,
21:30 alors qu'on avait ces dernières années
21:32 peut-être un peu moins de moyens, mais on a pris une sorte de leadership,
21:34 c'est-à-dire qu'on veut, ensemble,
21:36 avec les autres pays, grands pays, glaciaires
21:38 ou polaires, je pense évidemment
21:40 à tous ceux de l'Arctique, ceux de l'Antarctique, mais aussi
21:42 les grands glaciers, l'Afrique, l'Asie,
21:44 on veut véritablement préparer les populations
21:46 à ce qui va se passer. - Est-ce qu'il va falloir
21:48 reparler à la Russie dans
21:50 cette optique-là ? - Oui, un jour, forcément.
21:52 La Russie, c'est 19%
21:54 du PIB russe, c'est l'Arctique.
21:56 Avec l'hydrocarbure,
21:58 avec un certain nombre de choses, ça va devenir aussi une route
22:00 du commerce maritime. Il faut espérer
22:02 qu'un jour, évidemment, ça ne gère pas. - Quelle est la situation
22:04 actuelle ? Est-ce que toute relation
22:06 est coupée ? Vous, par exemple, vous parlez à vos
22:08 homologues russes ? - Non, non, non, on a
22:10 pour conseil de ne pas le faire, et nous ne le ferions pas d'ailleurs.
22:12 - Donc il n'y a pas de dialogue, même sur un sujet
22:14 qui pourrait être un sujet grave ?
22:16 - Oui, alors écoutez, je pense
22:18 qu'on le reprendra, ce dialogue, y compris dans le Conseil de l'Arctique
22:20 dont on est des observateurs, mais
22:22 en l'occurrence, les Chinois,
22:24 par exemple, ont un dialogue avec les Russes,
22:26 et ils participent à l'équipement de la route du Nord,
22:28 celle dont je parlais, qui pourra un jour voir ce
22:30 commerce maritime. - Donc c'est un jeu à trois bandes ?
22:32 Quand vous voulez avoir des nouvelles des Russes, vous demandez aux Chinois ?
22:34 - Écoutez, je ne sais pas, moi,
22:36 je ne vais pas tout vous raconter, mais en tout cas,
22:38 c'est vrai que les Chinois savent pas mal de choses.
22:40 Et ils ont une vision, en effet,
22:42 du monde qui est large, et vous parliez de l'Afrique,
22:44 mais en effet, ils s'intéressent beaucoup, ils se présentent comme
22:46 un Etat quasi-arctique, d'ailleurs, qu'ils sont assez loin,
22:48 tout simplement parce que tout est dans tout.
22:50 Vous savez, aujourd'hui, les pôles,
22:52 les océans, les fleuves, tout ça, c'est
22:54 la même histoire, c'est une histoire d'eau,
22:56 ça reprend de 80% de la surface du globe,
22:58 et c'est mon portefeuille, en fait, moi je m'occupe de tout ce
23:00 qui est humide, glacé,
23:02 liquide. - Les mers chaudes aussi ?
23:04 - Les mers chaudes aussi, évidemment.
23:06 Les mers de plus en plus chaudes, hélas, un vrai sujet.
23:08 Dans la montée des eaux,
23:10 la moitié, c'est la fonte des glaces,
23:12 mais c'est le réchauffement thermique. Et on a vu
23:14 cet été, c'est terrible, quand on se baignait
23:16 en Grèce, sur l'Inde, sur la Turquie... - Oui, parce que les corses de la terre
23:18 sont de plus en plus chaudes. - Absolument.
23:20 Et le réchauffement de l'eau,
23:22 qui est de plus en plus fort, va évidemment
23:24 produire toutes sortes de tsunamis,
23:26 et j'espère que mes petits Sterns articles,
23:28 Jet et Lily, ce petit couple,
23:30 qui arrivera en 2048...
23:32 - C'est une belle façon, en tout cas, de présenter
23:34 les choses, et des choses importantes,
23:36 graves, et effectivement, parfois
23:38 un peu sidérantes. Merci beaucoup Olivier Poirot d'avoir
23:40 - Merci Pierre de Villeneuve. - d'être passé par
23:42 Europe 1 pour nous raconter tout ça.