Avec Anne-Laure Bonnel, grand reporter pour Libre Média.
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00:00 Sud Radio Bercov dans tous ses états, le face à face.
00:06 En tout cas ça va être difficile de faire 4 vols dans notre vie pour faire du grand reportage
00:10 puisqu'aujourd'hui nous avons la grande reporter pour LibreMédia, Anne-Laure Bonnel
00:14 qui est avec nous dans ce face à face à 13h10 sur Sud Radio. Bonjour Anne-Laure Bonnel.
00:18 Bonjour à tous.
00:19 Alors Anne-Laure Bonnel, on s'est rencontré déjà, vous êtes déjà venue et toujours avec plaisir dans l'émission et à Sud Radio.
00:27 C'était à propos d'un reportage dans le Donbass, d'un film que vous aviez fait sur le Donbass à l'époque.
00:34 Et je voudrais savoir, parce que vous avez quand même sillonné, je ne dis pas tous les continents, mais pas mal de continents,
00:42 vous êtes jeune et qu'est-ce qui vous a amené effectivement à aller sur le terrain alors que vous auriez pu faire, je ne sais pas moi, des mondanités.
00:50 Mais ce n'était pas votre truc ça les mondanités.
00:53 Ah oui, les mondanités, non, ce n'est pas trop mon truc. Mais qu'est-ce qui m'a amenée là ?
00:58 Écoutez, je pense que pour beaucoup d'entre nous, si peu osent le dire, une grande part de hasard.
01:05 J'ai 15 ans d'enseignement derrière moi, j'ai commencé en 2007 comme chargée de cours à l'université de la Sorbonne
01:13 à enseigner l'écriture de films, l'écriture de films documentaires, l'écriture de films de fiction.
01:20 J'ai continué à l'INA, l'Institut National de l'audiovisuel et à l'ESJ Paris, où là je suis rentrée dans des masters pour y enseigner l'écriture documentaire, journalistique, etc.
01:32 Dans ce microcosme de l'enseignement dans lequel je me suis retrouvée par hasard, alors là, ce n'est pas pour me vanter, mais étant sortie majeure de ma promo,
01:43 qui m'a proposé une place, qui m'a ouvert les portes de l'enseignement, j'ai rencontré de plus en plus de monde, investis dans des boîtes de production,
01:52 qui m'ont proposé des projets, je me suis intéressée à la guerre, et je me suis retrouvée ensuite sur les zones dont vous parlez, qui sont plutôt...
02:02 - Sur les zones de guerre, vous vous êtes retrouvée sur les zones d'affrontement. - Sur les zones d'affrontement, oui.
02:06 - Oui, les zones d'affrontement diverses et variées. J'ai d'abord donc travaillé sur...
02:13 - Le premier, ça a été, vous... enfin, vous avez commencé...
02:16 - Le premier et le plus délicat, c'est le Donbass en 2014, sur lequel je travaille suite à une émission que j'avais remportée haut la main auprès de France 4,
02:31 une émission qui reposait sur l'élection par le public du programme télévisuel qu'il voulait voir à la télé.
02:41 - D'accord. - C'est mon programme, qui s'appelait "Lazarus lève le voile", produit par Black Moon Productions, qui avait remporté le concours,
02:49 et à ce moment-là, pour des raisons un peu obscures, ce programme n'a pas pu voir le jour, bien que le public a voté pour lui,
02:59 et entre-temps, j'avais été remarquée par certains ukrainiens qui m'ont proposé, étant donné que je m'intéressais déjà au décryptage de l'actualité et des guerres,
03:11 parce que c'était un des chapitres que je traitais dans ce projet... - Donc ça a été le Donbass, vous disiez.
03:16 - Ils m'ont emmenée dans le Donbass. Mais je ne devais... - Et c'était au moment, effectivement, de Maïdan, du coup d'État, de Maïdan, etc. C'était au même moment.
03:24 - Alors, on est à peu près dans le même moment, c'est quelques temps après Maïdan, c'est vraiment le début de la guerre que je qualifie, et ça n'engage que moi,
03:32 mais on est quand même assez nombreux à s'y reconnaître, je pense notamment à Védrine, ou... - Non mais... - Voilà, de guerre civile.
03:42 Et là, ce sont les débuts à Slaviansk, j'arrive dans une zone dont je sais très peu de choses, et ça bombarde un maximum.
03:52 Ce que vous devez savoir, André, c'est que je n'étais pas du tout prévue pour réaliser ce film. - Ah d'accord.
03:59 - Ce qui devait se faire, et ça se fait généralement comme ça à la télé, un réalisateur plutôt connu devait prendre la réalisation, et avant...
04:08 - Et vous, vous devez être journaliste, vous vous y étiez la journée. - Non, on m'a dit "Alors, tu pars sur la zone, tu vas voir ce qui se passe, et puis tu reviens..."
04:16 - Tu fais du repère. - Voilà, et tu écris un dossier pour qu'on obtienne du financement. Et quand je suis rentrée avec les images,
04:22 ça bombardait tellement que le réalisateur qui avait été crédité pour ce film a dit "Ecoute, Anne-Laure, je suis un peu âgée, ça pète beaucoup, on ne s'y attend pas,
04:33 on va arrêter le projet." Et j'ai dit "Écoutez, moi je me sens d'y aller", la production avait apprécié à l'époque mes images,
04:40 et je me suis retrouvée donc là, par hasard. - Et vous êtes restée... ça a pris du temps, le faire ?
04:47 - Et ça prend du temps, parce que je ne suis pas dans l'actualité, et je n'instaure pas de hiérarchie entre l'actualité et le cinéma documentaire,
04:54 mais c'est pas le même travail, donc je suis allée trois fois entre 2014 et 2015, je suis restée entre une vingtaine de jours en moyenne,
05:07 et j'ai pu constater l'évolution dans les deux oblastes qui sont devenus connus maintenant, la Donetsk et Lugansk...
05:16 - Donetsk et Lugansk, oui, qui sont devenus aujourd'hui... - Voilà, tristement célèbres...
05:22 Et donc j'ai filmé cette guerre dont on ne parlait absolument pas. Dans les médias, parce que la presse écrite avait quand même fait un minimum son job.
05:32 On s'en parle, on continue à parler de reportages, de guerres, nous sommes en guerre, c'est le cas de le dire, après cette toute petite pause, à tout de suite.
05:41 - Et on vous donnera la parole 0826-300-300 pour témoigner, pour interroger et pour questionner, à tout de suite sur Sud Radio.
05:48 - Sud Radio, votre attention est notre plus belle récompense. - Merci à toutes vos équipes pour la radio du rugby, parce que grâce à vous on peut suivre les matchs, et c'est juste génial.
05:57 - Sud Radio, parlons vrai.
06:01 Ici Sud Radio.
06:04 Les français parlent au français.
06:09 Je n'aime pas la blanquette de veau.
06:12 Je n'aime pas la blanquette de veau.
06:15 Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
06:20 Anne Lorbonnel, ses films, ses grands reportages, et justement on était en train de nous raconter comment elle était arrivée au Donbass.
06:31 Voilà, faire ce film n'était pas prévu pour cela, il était prévu pour les repérages, et puis elle l'a fait, elle le fait.
06:38 Cette expérience de la guerre, cette expérience du terrain Anne Lorbonnel, comment on le vit ? Parce qu'on le découvre à un moment donné.
06:45 Effectivement, je ne dis pas que vous étiez dans un coco où vous étiez avant, mais ce que je veux dire, qu'est-ce que vous avez vu au Donbass ?
06:52 Qu'est-ce qui vous a frappé ? Des choses que justement vous disiez hors antenne, il y a des choses qu'on filme, des choses qu'on ne filme pas.
06:59 - D'accord. Alors je précise juste avant de répondre à votre question, je suis partie peut-être avec une petite avance qui permet d'être moins surprise par le gros décalage d'une zone de guerre,
07:09 et de nos sociétés un peu ouatées, consuméristes, Netflix et compagnie. J'ai vécu en Afrique vers 10 ans, jusqu'à à peu près 13-14 ans, au Cameroun, à Douala.
07:21 Et non pas que ce soit des zones violentes, mais c'est quand même déjà un dépaysement par rapport à notre mode de vie occidentale,
07:30 où vous allez voir tout un tas de choses auxquelles n'est pas habitué le Parisien ou le Français, c'est-à-dire des pendaisons dans la rue, des dérèglements de compte pour la charia ou autre en Tétounie.
07:43 - Vous avez vu ça à... - Ah mais oui, mais c'est commun, enfin tous ceux qui ont vécu en Afrique l'ont vu, je suis pas un cas isolé.
07:48 - Oui, je comprends. - Des gens brûlés vifs dans des pneus, etc. C'est banal. Non pas qu'on s'y habite. - Ah mais oui.
07:54 - On se rend pas compte, moi je m'en prends à... - Mais oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui. Alors attention...
07:57 - Je pensais que c'était des scènes de guerre spécifiques, mais c'était pas la vie quotidienne, c'est la vie quotidienne.
08:02 - Ah mais c'est la vie quotidienne, je vous dis pas que ça arrive tous les jours. - Non.
08:05 - Mais ça arrive, voilà, tous les 2-3 mois, vous savez, en Afrique, à l'époque, quand on vole un bœuf, c'est grave, parce que c'est une famille entière, une ethnie entière que vous allez mettre en danger.
08:14 Donc on ne rigole pas. Et quand vous avez des institutions qui sont plutôt affaiblies, ce qui est le cas pour certains pays d'Afrique,
08:21 et c'était le cas à l'époque, pardon M.Biham, enfin, pour le Cameroun, quand il n'y a pas les prisons nécessaires, la justice qui va avec, etc.,
08:29 eh bien on règle ses comptes soi-même. Il y a l'honneur, il y a la charia, etc. Et les punitions peuvent être collectives, dans la rue, et ça, ça se voit.
08:38 Et tous ceux qui ont vécu en Afrique, vous le raconteront... - Et donc vous l'avez vu, vous, et voilà. Donc vous n'étiez pas totalement, effectivement, dépaysé.
08:45 - Dépaysé, non, non, non, voilà. Je n'étais pas très étonnée. Enfin, j'étais étonnée, si. Alors le premier étonnement, évidemment, avant d'en arriver à ce que j'ai pu voir,
08:55 c'est le décalage entre nos modes de vie, ce que l'on voit et ce que l'on entend, ou ce que l'on lit de l'actualité, et ce qui s'y passe.
09:08 Et ça, maintenant, tous ceux qui reviennent du terrain vous le disent. C'est assez banal.
09:12 - Alors le décalage, non, mais c'est intéressant, parce que c'est important. Parce que des millions de gens voient la guerre, heureusement pour eux, etc.
09:22 à travers, effectivement, le prisme des médias ou des images ou des voies d'un continu ou des réseaux sociaux ou des...
09:28 - Oui, c'est une vraie question de dire "heureusement", parce que je me demande si c'est nécessaire de voir la violence, mais on y reviendra.
09:33 - Absolument. Donc le décalage, vous l'avez senti fortement, là, notamment au Donbass, par exemple.
09:40 - Oui, alors, le Donbass, oui, il y a un décalage entre ce que l'on voit et ce que l'on nous montre, mais ça c'est le propre de toutes les guerres.
09:48 Les guerres sont, bon, déjà, elles sont barbares, elles sont tragiques, elles sont meurtrières, elles sont sanguinaires, bon, c'est banal.
09:55 Elles sont tout le produit d'une guerre de l'information, dans chaque camp, c'est banal.
10:01 Donc, évidemment que le terrain est nécessaire. Malheureusement, il est de moins en moins pratiqué, de moins en moins possible,
10:07 mais il est vital, si on vous laisse sortir vos images, ce qui est également de plus en plus difficile.
10:12 Donc, oui, qu'est-ce qu'on voit ? Eh bien, au-delà de tout ce que je vous ai dit de très banal, cette violence qui est inhérente à toutes les guerres,
10:22 et à toutes les époques, eh bien, viol, destruction, crimes de guerre, exactions, assassinats, services de renseignement, mensonges, broyards de la guerre,
10:35 qu'on n'a peut-être pas suffisamment raconté au grand public, parce qu'il a l'air très étonné de se rendre compte que ce qui se passe en Ukraine,
10:41 eh bien, c'est compliqué à comprendre, c'est terriblement banal. Je pense que tous les militaires vous le raconteraient.
10:50 Ce qui est plus amusant, enfin, si je peux me permettre à raconter...
10:54 Avec des guillemets, oui.
10:56 Moi, ce que je peux vous dire qui est peut-être un peu plus original, c'est ce que j'ai vécu moi, et non pas ce type de considérations qui sont malheureusement universelles et intemporelles.
11:10 Bon, eh bien, c'est comment on peut arriver à survivre, par exemple, dans une zone de guerre, quand on part sans rédaction, ou avec des dérédactions très réduites.
11:22 C'est le cas que beaucoup de journalistes qui ne sont pas "embayed" avec une armée ou un camp...
11:31 Embaided, oui. Ils ne sont pas accompagnés, escortés au sein de tel ou tel régiment ou de telle ou telle armée.
11:40 Voilà, on est bien d'accord.
11:41 ... vont vivre la rencontre avec les fameux services de renseignement.
11:45 Donc, vous avez des gens qui se disent "mais qu'est-ce que cette personne fait là ?"
11:48 Et ça, c'est dans toutes les guerres, sur tous les continents, quand vous voyez quelqu'un qui n'est pas de votre nationalité, qui parle ou ne parle pas votre langue,
11:55 parce que, évidemment, la langue n'est pas un critère pour être inquiété ou pas par des services de renseignement,
12:03 eh bien, vous êtes approché, vous pouvez être arrêté. Et moi, j'ai été arrêté à plusieurs reprises, surtout en 2015.
12:10 Donc là, ce qui est assez étonnant à vivre comme expérience hors du commun, c'est la gestion du stress.
12:17 Je me souviens, avec ma traductrice, on est arrêté, on rentre dans un sous-sol d'une caverne, pardon, de militaires,
12:27 à 300 mètres de la ligne de front à Pervomaisk, et là, immédiatement, vous allez avoir plusieurs tempéraments qui vont se mettre en place.
12:37 Vous avez ceux qui pètent en plomb. Alors là, j'ai ma traductrice qui se met à pleurer, persuadée qu'on va mourir.
12:43 D'ailleurs, elle avait peut-être pas tort, on aurait pu mourir, puisque tout le monde avait des kalachnikovs.
12:47 Pourquoi on aurait pu mourir ? C'est que, malheureusement, le moment où on est rentré dans cette...
12:51 Je vous la fais courte, parce que c'est une histoire longue. Quand on est rentré, on a été arrêté.
12:56 Plusieurs personnes ont été abattues dans la zone où on était. Et, évidemment, on m'a suspecté d'être à l'origine,
13:03 puisque j'étais la seule française, et donc j'aurais pu donner la localisation à la ligne aux Ukrainiens en face.
13:12 Et donc, j'ai été immédiatement suspecté, arrêté, etc.
13:17 Bon, moi, dans ces moments-là, et je m'en vante pas, parce que vous savez, vous n'avez aucun mérite,
13:22 c'est votre cerveau qui se met en mode actif, et chacun réagit à sa manière.
13:27 - Dans ces cas-là, vous restez très calme. - Et moi, je reste calme.
13:30 Je me dis, alors si je pense à ma fille, ça, tout le temps, je me dis "Bon, écoute, là, t'es peut-être allé un peu trop loin,
13:36 c'est peut-être la dernière fois, mais donc je reste calme." Et là, vous allez assister à une dévendanate pas croyable.
13:41 Celui qui pleure, le parano qui est persuadé que vous faites partie des services de renseignement,
13:46 les militaires entre eux qui se contredisent. Alors, moi, je ne parle pas russe, mais je comprends.
13:51 - Un peu, ouais. - Les grandes lignes, et puis vous savez, le corps parle, les yeux parlent, etc.
13:55 Donc, vous sentez que ça se dispute, on l'enferme, on l'enferme pas, on la libère, on la libère pas, etc.
14:00 Heureusement, à cette époque-là, mon grand frère travaillait et collaborait pour Amnesty International.
14:07 - D'accord. - Et Amnesty International a quelques défauts et beaucoup de qualités, mais comme tout le monde,
14:13 ils ont des services des deux côtés. Et donc là, je calme tout le monde, parce qu'il y a quand même pas mal de morts,
14:20 et je leur dis "Mais écoutez, calmez-vous." Un peu naïf à l'époque. "Les personnes que vous recherchez,
14:27 on va les retrouver, ça va être un échange de prisonniers classique." On ne les a jamais retrouvées,
14:32 ils ont été tués de dix coups de kalachnikovs dans le dos, ça a d'ailleurs fait la une des journaux,
14:37 et ça a été considéré par Amnesty, mais ça, je ne le savais pas à l'époque où je demande de passer l'appel.
14:41 Et je leur dis "On appelle tout de suite Amnesty International", j'étais encore un peu naïve,
14:45 "et on va leur demander s'ils n'ont pas arrêté les personnes que vous recherchez pour faire un échange de prisonniers."
14:51 - Et donc ils ont appelé. - Et ça a marché. - Mais c'est comme ça que ça se passe,
14:54 parce qu'il y a toujours des contacts avec le camp d'en face. Il faut arrêter de croire que les gens ne font que se tirer dessus.
15:00 Ils se parlent par services interposés, par ONG, etc., et c'est ce qui m'a sauvé la vie.
15:05 Donc Amnesty a appelé les services de renseignement ukrainiens, le SBU, j'imagine, après voilà ce qu'il a dû se passer,
15:12 ils ont recherché les personnes, ils ne les ont pas retrouvées, mais parce que j'avais gardé mon calme,
15:17 et que je regardais tout le monde dans les yeux, et fataliste, de toute façon si on meurt, on meurt,
15:21 qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse, de toute façon je n'allais pas sortir de ce truc-là,
15:24 on était à je ne sais pas combien de mètres sous terre, donc il fallait bien attendre,
15:28 et bien ça les a peut-être non pas rassurés, mais convaincus que je n'avais rien à voir dans cette histoire,
15:34 et je suis sortie, et quand je suis sortie, là vous voyez, dans la vie, la chance parfois peut être assez incroyable,
15:45 au moment où je sors, je traverse en voiture le dernier pont, et croyez-moi, traverser une zone de guerre en voiture,
15:52 c'est très compliqué, tout le monde vous le dira, parce qu'il y a des éclats partout,
15:55 et vous crevez, et c'est la galère si vous n'êtes pas dans une voiture adaptée,
15:59 on ne crève pas, on passe le pont, et paf, le pont se fait exploser.
16:03 - Juste après votre passage ? - Juste après mon passage.
16:06 - Quelqu'un vous protège Anne Lorbonnel ? - Mais j'ai de la chance !
16:09 - On en reparle, mais heureusement, comme ça vous êtes là, on préfère que vous soyez là,
16:14 on en reparle tout de suite après cette petite pause.
16:17 - On continue de parler de grands reportages, de reportages de guerre avec Anne Lorbonnel,
16:20 et avec vous, au 0826 300 300, à tout de suite, ne bougez pas !
16:24 - Sud Radio Bercov, dans tous ses états, appelez maintenant pour réagir 0826 300 300.
16:31 - Ici Sud Radio, les Français parlent au français, les carottes sont cuites, les carottes sont cuites.
16:44 - Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
16:47 - Non, non, les carottes ne sont jamais cuites avec Anne Lorbonnel,
16:50 qui nous raconte effectivement ce qu'on vit quand on vit sur le terrain.
16:54 Le terrain en l'occurrence c'est le Donbass, mais il y en a eu beaucoup d'autres.
16:58 Mais vous avez parlé effectivement de ces moments, des fois où on est arrêté,
17:03 on se demande ce qui va nous arriver, vous avez parlé comment, j'ai dit, d'avoir du sang froid,
17:09 vous avez parlé d'amnistie, mais la guerre alors, c'est-à-dire la guerre,
17:13 vous avez été, comme tous les reporters qui vont là-bas, sur des scènes véritablement de guerre.
17:19 Est-ce qu'on est relâché, est-ce qu'on est protégé, est-ce qu'on a des casques ?
17:23 Comment on s'équipe ? Mais déjà, tout aussi basiquement, on fait quoi ?
17:30 On est des guerres, il y a les mortiers, les canons, les avions peut-être, les bombardements.
17:36 - Oui, alors ça c'est compliqué, le plus difficile enfin moi, ce que...
17:40 - Non mais, oui, à votre niveau.
17:42 - Alors bon déjà, ça dépend, on ne s'équipe pas toujours, ça c'est un mythe.
17:45 Par exemple, moi, quand j'ai été dans le Haut-Karabakh, les gens n'avaient pas une thune.
17:50 - Le Haut-Karabakh, oui.
17:51 - Et donc, on ne m'a pas mis de gilet de pare-balles, alors qu'il y avait sur le corridor de la Chine
17:55 et à Shushi, ou Shusha, ça dépend dans quel temps on se trouve, mais bon, voilà.
18:00 Il y avait donc des snipers, et bien là, quand vous partez comme je l'ai fait,
18:06 c'est-à-dire avec une toute, toute petite maison de production, et bien...
18:11 - Vous n'étiez pas équipé du tout ?
18:13 - Mais non, je vis comme la population.
18:15 - Gilet pare-balles ?
18:16 - Non mais vous savez pourquoi, moi j'arrive à avoir des témoignages, pardonnez-moi,
18:18 mais qui sont plus forts que les autres, c'est parce que je vis comme les gens sur place.
18:23 Alors, parfois, je suis obligée d'en porter, parce que vous n'avez pas le choix,
18:27 quand vous avez d'autres journalistes, c'est une obligation, et je l'ai vécu en 2022,
18:33 mais la plupart du temps, moi, je pars avec un chauffeur, je vais voir les gens,
18:37 et si j'arrive avec un gilet pare-balles et un casque, et bien je me sens très mal à l'aise,
18:41 parce que ces gens-là peuvent se prendre une balle dans la tête, et moi non.
18:44 Et ça me dérange. Et pourtant, croyez-moi, je risque ma vie.
18:48 - Et vous partez avec un chauffeur, en général, et basta, c'est tout.
18:51 - Ah oui, je fais tout moi-même, voilà.
18:54 - Mais vous filmez...
18:55 - J'ai jamais mieux servi que par soi-même. Oui, je filme.
18:57 Alors là, en 2022, j'ai filmé, et j'avais pris un stagiaire aussi,
19:02 qui voulait absolument... un de mes étudiants, que j'avais depuis 2-3 ans,
19:05 qui voulait absolument partir avec moi en zone de guerre,
19:09 on n'avait pas prévu que ça pète autant.
19:11 J'ai l'accord de ses parents, malheureusement on arrive 5 jours avant le 24 février.
19:16 Si j'avais su que ça aurait été aussi intense, je n'aurais pas pris de stagiaire,
19:20 mais ça, malheureusement, ça ne se prévoit pas.
19:22 Mais par exemple, au Haut-Carabar, il y a eu énormément d'exactions,
19:27 qui ont été rapportées notamment par M. Buisson du Figaro Magazine,
19:32 ou Tesson, qui est en ce moment très critiqué, petite pensée pour lui.
19:36 Bon, et bien lui non plus ne part pas...
19:38 Critiqué par n'importe quoi.
19:39 Par n'importe quoi, on est bien d'accord.
19:41 Mais, quand on parle à bas, il pourrait vous le dire,
19:44 on n'a pas toutes ces gilets-presse qu'on voit partout.
19:49 Alors, la guerre.
19:50 La guerre, oui. Alors, c'est quoi la guerre ?
19:52 La guerre, c'est des morts, mais c'est aussi des petites histoires non pas marrantes,
19:55 mais des histoires de vie que partagent les soldats,
19:57 et c'est important peut-être que le public les entende,
20:00 parce que la guerre, c'est des civils qui meurent,
20:02 mais c'est aussi des jeunes qui se battent, et ça, c'est pas assez représenté.
20:05 Et d'ailleurs, je vais me permettre de faire une petite aparté avant de parler de moi.
20:09 Vous savez, la guerre est très, très, très mal présentée dans les journaux télévisés.
20:15 Elle est aseptisée, elle est limite joyeuse,
20:18 c'est comme si les gens ne mourraient pas, ne perdaient pas de jambes,
20:21 ne perdaient pas de bras, ne perdraient pas de yeux, c'était sympa,
20:24 on est content de se battre.
20:25 Oui, les hommes sont motivés pour se battre,
20:28 mais n'oublions pas qu'il y a énormément de souffrance,
20:31 et c'est important de leur rappeler.
20:33 Parce que c'est très facile, et ce n'est pas de la critique de plateau,
20:36 mais c'est simplement un constat, de parler de guerre sur un plateau,
20:39 mais quand on voit tous ces jeunes, et moins jeunes maintenant,
20:42 qui meurent ou qui sont blessés dans des souffrances
20:45 que vous ne pouvez même pas considérer ni imaginer,
20:47 on en parle peut-être avec un peu moins de légèreté.
20:50 Passons. Mais c'est important tout de même de rappeler
20:53 que les images de guerre qui nous sont présentées
20:55 n'ont aucune prise sur le réel, et elles ne représentent en rien la guerre.
20:58 Et si vous voulez savoir ce que c'est la guerre,
21:00 vous achetez "Autodix, la guerre", il avait représenté...
21:04 - Autodix, l'ex-journaliste ? - Oui.
21:07 14-18, il a dessiné, depuis les tranchées,
21:12 parce que celui qui n'a pas fait la guerre ne peut pas parler de la guerre,
21:14 mais ça c'est autre chose, c'est mon point de vue.
21:16 Il a représenté les tranchées.
21:19 Et bien ce que j'ai vu, dans "L'Au Carabar",
21:22 c'est très fidèle à ce qu'a représenté dans "La guerre",
21:26 Autodix, ce ne sont que des dessins, il n'y a rien à lire,
21:28 je sais qu'on est dans une époque très feignante,
21:30 donc pas d'inquiétude, vous n'aurez qu'à tourner les pages,
21:33 et vous en saurez un peu plus.
21:35 - Alors, vous dites effectivement, les détails, etc.
21:39 Vous êtes retrouvés, vous parlez de la souffrance,
21:41 et vous avez raison, et c'est vrai que quelquefois,
21:44 et on parlera après des généraux de plateau et des gens qui sont de terrain,
21:47 ça c'est encore autre chose, mais tout est lié de toute façon.
21:50 Mais au fond, vous avez quand même, comme tous les journalistes...
21:55 On parle, quand on est là-bas, on se dit quand même,
21:59 il y a une chance de mourir, un bal perdu, bon perdu, etc.
22:03 Vous posez la question, ou pas du tout ?
22:05 - Oui, alors moi je me la pose avant de partir.
22:07 - Avant de partir ? Et plus quand vous êtes là-bas ?
22:10 - A partir du moment où je prends une décision, je l'assume.
22:13 C'est un choix, un choix réfléchi, un choix, j'ai pesé le pour, le contre,
22:17 donc j'assume mes responsabilités.
22:20 Et si vous voulez tout savoir, petite conférence...
22:23 - Oui, oui, je veux tout savoir.
22:25 - J'ai toujours demandé aux gens qui sont autour de moi,
22:27 si je perds mes jambes sur une mine, vous me mettez une balle dans la tête.
22:30 Je ne veux pas revenir sur une chaise roulante.
22:33 Non mais c'est ça à quoi pensent les gens, vous voulez de la confidence de guerre ?
22:38 Qui a envie de revenir comme ça ? Non, moi j'ai pas envie de revenir...
22:43 - Ah oui, parce qu'il y a des gens, vous savez, les vétérans...
22:47 - Non, mais moi je ne suis pas vétéran, ça ne m'intéresse pas,
22:50 je veux continuer avec mes talons, hors de question.
22:54 - Vos talons aiguilles.
22:55 Alors Bonnel, effectivement, vous revenez de Dakar,
23:01 où il y a eu quoi ? C'était les assises du journalisme reportage ?
23:05 - Oui, alors Dakar c'était il y a peut-être trois semaines, grand maximum,
23:11 c'était les cinquantièmes, un anniversaire,
23:15 assises de la presse francophone, l'union de la presse francophone,
23:21 qui regroupe donc, comme son nom l'indique, toute la presse francophone.
23:25 - Et pourquoi vous y étiez allées, vous ?
23:27 - J'ai été invitée pour y intervenir, le sujet était le suivant,
23:31 "P. Médias et sécurité", donc un sujet qui m'anime et qui m'intéresse vivement,
23:37 et j'ai pu y évoquer ce que je considère comme utile
23:43 pour notre travail qui est de plus en plus compliqué,
23:46 à quoi peuvent encore servir les médias,
23:49 quelles sont leurs responsabilités dans un monde qui est de plus en plus troublé,
23:54 où malheureusement, le ciel se gâte, et tout est encore possible,
24:03 le meilleur met le pire aussi.
24:07 Donc la question s'est posée à l'ensemble de ces journalistes,
24:10 et on a fait pendant 5 jours un colloque où chacun a pu s'exprimer sur ses préoccupations.
24:15 - Alors justement, de ce point de vue là, une question que je vous pose,
24:18 je ne sais pas si vous l'avez évoquée dans ce colloque à Dakar,
24:22 pourquoi y a-t-il, et c'est une question posée ici,
24:25 posée par mon collaborateur Estéban,
24:28 pourquoi y a-t-il de moins en moins de journalistes sur le terrain ?
24:32 Je ne dis pas qu'il n'y en a pas, ce serait imbécile, et heureusement faux,
24:36 mais pourquoi y en a-t-il de moins en moins ?
24:38 Pourquoi les médias, tous médias confondus, papiers, écrans, RTA ou pas,
24:46 envoient de moins en moins de journalistes sur le terrain ?
24:49 Parce que je ne dis pas que le terrain dit tout,
24:52 mais le terrain dit quand même une bonne partie de la réalité,
24:54 c'est le moins que l'on puisse dire.
24:56 - Joker. - Ah bon ?
24:59 - Y a plusieurs hypothèses, oui, enfin j'ai les miennes,
25:02 mon avis, très personnel.
25:04 - Oui, si je vous interroge, c'est votre avis.
25:07 - On traverse une période, ben oui, mais là, bon,
25:10 écoutez, je vais vous dire ce que je pense.
25:12 On traverse un moment extrêmement critique, mondial.
25:16 Aujourd'hui, celui qui part sur une zone de guerre,
25:19 et qui part vraiment, c'est-à-dire qui ne reste pas à 30, 40, 50, 60 km
25:23 de la ligne de front, ou qui ne récupère pas que les images tournées
25:26 par les services de renseignement des pays,
25:28 ce qui se fait, vous voyez, vous lisez la petite légende
25:30 remise par le tic-tac-tac,
25:33 et la personne ne revient pas indemne,
25:35 et peut-être un peu moins vindicatif dans ses témoignages.
25:39 D'une part, donc, pour ce qui concerne la guerre,
25:44 c'est aussi une guerre de l'information,
25:46 une guerre cognitive, pratiquée par tous les pays,
25:50 je dis bien tous les pays,
25:52 les reporteurs peuvent déranger de deux.
25:55 On y met un peu moins d'argent,
25:57 on est dans ce que j'appelle le putaclic,
26:00 ce que tout le monde pratique aujourd'hui avec des titres putassiers
26:04 et un vide sidéral.
26:06 Ce qui compte c'est l'argent, et comprendre le réel,
26:10 ils s'en moquent totalement.
26:12 - On n'a pas besoin de dépenser de l'argent pour envoyer des gens sur le terrain ?
26:14 - On envoie des gens sur le terrain, mais on ne les envoie pas sur le bon terrain.
26:17 Pardonnez-moi, là je vais encore me faire gronder.
26:19 Si, il y en a plein, regardez, on les voit de loin,
26:23 ne serait-ce qu'à Gaza, mais ils sont sur des routes,
26:25 est-ce qu'ils sont rentrés ?
26:27 Le terrain, ce n'est pas à 20 km...
26:29 - J'appelle du terrain, ce que vous venez de dire Anne Lorbonnel, le front.
26:32 - Personne ne veut y aller.
26:34 Tout le monde aime faire des selfies avec le brassard presse,
26:37 le petit casque bleu, ça ils adorent,
26:39 mais aller sur le front, il y en a très peu qui ont, pardonnez-moi,
26:41 l'envie et le courage d'y aller.
26:42 Ou alors ils demandent des sommes que les rédactions ne peuvent pas suivre,
26:47 et ça coûte très cher.
26:48 Moi je fais tout toute seule André.
26:50 J'ai ma caméra, j'ai mon micro, j'ai tout ce qu'il faut,
26:53 donc je ne coûte pas d'argent.
26:57 Ce qui ne simplifie pas la tâche,
26:59 parce que ce n'est pas pour autant que je suis davantage embauchée,
27:01 au contraire.
27:02 Mais ça coûte très cher.
27:04 Alors entre cette guerre de l'information,
27:08 la sécurité, les assurances,
27:11 les assurances qui coûtent de plus en plus cher,
27:14 et puis soyons francs.
27:16 Moi j'en connais très peu, j'en connais des journalistes,
27:18 mais il y en a très peu qui vont sur le terrain.
27:20 Il y en a très très peu, à part Le Saumier,
27:22 qui est d'ailleurs pour le coup critiqué,
27:24 aujourd'hui je n'en vois pas sur le terrain.
27:26 La plupart je les vois...
27:27 - Les Roboudoux, l'amant de TF1, non ?
27:29 - Oui, elles s'approchent pas mal.
27:31 Elles s'approchent pas mal.
27:33 Pardonnez-moi, ce n'est pas une critique d'ailleurs.
27:35 - En tout cas il n'y en a pas beaucoup, soyons clairs.
27:37 - Par contre il y a beaucoup de photographes.
27:39 Viguerie, James Natchewy,
27:42 eux font un boulot merveilleux, mais personne n'en parle.
27:45 Regardez les photos de James Natchewy ou de Viguerie,
27:48 c'est extraordinaire ce qu'ils font.
27:50 Extraordinaire.
27:52 - On va continuer d'en parler,
27:54 on a beaucoup de personnes qui nous appellent
27:56 et qui ont des questions à vous poser,
27:58 ou en tout cas à intervenir à leur modèle,
28:00 après cette petite pause.
28:02 - On prendra vos appels après cette courte page de réclame,
28:05 comme on le disait à l'époque.
28:06 A tout de suite sur Sud Radio.
28:08 - Sud Radio Bercoff dans tous ses états,
28:11 midi 14h.
28:13 André Bercoff.
28:15 - Ici Sud Radio.
28:17 Les Français parlent au français.
28:22 Je n'aime pas la blanquette de veau.
28:25 Je n'aime pas la blanquette de veau.
28:28 - Sud Radio Bercoff dans tous ses états.
28:31 - 13h47 sur Sud Radio,
28:33 nous sommes toujours avec Anne-Laure Bonnet, la grande reporter,
28:36 et nous sommes avec Julien qui nous appelle depuis Marseille.
28:38 Bonjour Julien.
28:39 - Bonjour Julien.
28:40 - Bonjour André, bonjour Anne-Laure.
28:43 Alors déjà, je voulais vous féliciter
28:46 parce que le travail que vous avez fait sur vos reportages sur le Donbass,
28:49 on me semble que vous êtes touché par ce qui se passait là-bas.
28:53 Et la question c'est,
28:55 est-ce que vous comprenez pourquoi vous avez été ostracisé,
28:58 de même que Régis Le Soumier, comme vous avez dit,
29:00 et même un temps, ils ont boudoule,
29:02 parce qu'ils ont montré une face de la guerre
29:04 qui n'est pas dans le discours,
29:06 pas dominante, mais dominante du sens qu'on doit comprendre de cette guerre.
29:10 C'est-à-dire qu'on ne peut pas penser par nous-mêmes.
29:12 Et on nous donne un récit qu'on doit penser si on regarde Alfi, tout ça.
29:16 Est-ce que vous comprenez ce besoin de...
29:19 Justement, on vous dit qu'il n'y a plus de journalistes sur le terrain
29:21 parce qu'ils vont voir des choses,
29:22 et du coup ils vont revenir avec un autre avis.
29:24 Est-ce que vous comprenez ça ?
29:26 - Anne-Laure Bonnel.
29:28 - Bonjour Julien, merci de votre question.
29:30 - Ah, micro.
29:32 - Bonjour Julien, merci de votre message et question.
29:34 Alors, je ne comprends pas tout,
29:37 en revanche, je vais vous dire deux-trois choses.
29:39 Je pense que les personnes que vous avez citées,
29:42 et bon, je vais m'y inclure,
29:44 on va revenir, et vous savez pourquoi on va revenir ?
29:47 Parce qu'en France, on a quand même une force.
29:49 On a eu des gens extraordinaires,
29:51 dans tout ce brouhaha,
29:53 qui ont continué, coûte que coûte,
29:55 et c'est les seuls dans l'Union Européenne,
29:57 à essayer de faire entendre leur voix.
29:59 Je pense à M. Lelouch, qui a été très critiqué,
30:02 M. Vilpin, M. Gomart, Chevancy, Gérard Rarou, etc.
30:07 Donc, il y a eu du discours critique, Todd...
30:09 Bon, voilà.
30:11 - Mais ça c'est autre chose, c'est les féistes.
30:13 - C'est les essayistes.
30:15 Et donc, petit à petit, pourquoi les journalistes ont été ostracisés ?
30:18 D'une part, parce que je pense que
30:22 beaucoup de la presse,
30:25 dite non pas qualitative, mais enfin...
30:30 - Mais extrême, vous voulez parler ?
30:32 - Oui, n'a rien compris à ce qui se passait,
30:34 parce qu'elle n'a pas le recul historique nécessaire,
30:36 a été empoisonnée,
30:39 intoxiquée par les émotions,
30:41 or, il faut faire abstraction des émotions,
30:43 a oublié que les guerres ont toujours
30:46 essemé l'histoire de l'humanité,
30:48 et ont choisi un camp,
30:50 or ce n'est pas ce qu'on leur demande.
30:52 Mais étant habitués à vivre dans un certain confort,
30:55 ils ont oublié les bases de leur métier.
30:57 Mais ça va changer, il faut rester optimiste.
31:00 - Merci beaucoup Julien, pour votre appel.
31:03 - Merci Julien.
31:04 - On accueille Jean-François, qui nous appelle depuis Valence.
31:06 Bonjour Jean-François.
31:07 - Bonjour Jean-François.
31:08 - Oui, bonjour, merci.
31:09 Merci de prendre mon appel.
31:11 Et merci à Norbonnel pour le travail d'éclairage qu'elle nous apporte,
31:15 et de prendre tous ces risques.
31:17 Moi, c'est un petit peu la même question que le précédent auditeur,
31:21 je voulais savoir, à partir de quel moment,
31:25 vous avez senti que votre récit,
31:27 dans les médias mainstream, on va dire, ne passait plus.
31:31 Quel est l'élément qui, selon vous, a expliqué que votre récit,
31:35 de la réalité de la guerre civile,
31:37 de la guerre en Ukraine après,
31:39 n'a pas passé,
31:42 et vous sentiez que vous ne pouvez plus vous exprimer sur les médias principaux ?
31:48 - Alors c'est très difficile de répondre simplement,
31:51 déjà bonjour, merci de votre question,
31:53 de répondre simplement à cette question.
31:57 On se rend compte que c'est tous les domaines qui sont touchés par
32:01 le malheur du clivage et du binaire.
32:06 Anne Kibilan en a très justement parlé cette semaine.
32:10 Aujourd'hui, avoir une pensée complexe,
32:13 ça devient quasi impossible.
32:16 Et tout le monde est touché.
32:18 Alors moi, j'ai été durement frappée, c'est vrai,
32:20 mais je ne suis pas la seule.
32:22 Alors il y a des questions à se poser auxquelles je ne peux pas répondre.
32:25 Pourquoi la société en est arrivée à être aussi peu complexe,
32:29 et à oublier la nuance, la distanciation et l'intelligence,
32:34 et l'esprit critique ?
32:36 Ça c'est une vraie question.
32:38 - Est-ce que je pourrais juste poser une petite question complémentaire ?
32:43 Pourquoi vous sentez que dans chaque conflit,
32:46 il y a besoin d'avoir le camp du bien et le camp du mal ?
32:49 Alors c'est une question un peu fondamentale.
32:51 - Non mais c'est la pensée binaire, ça Jean-François.
32:53 C'est la continuation par d'autres moyens.
32:55 - Ça c'est la pression de...
32:57 Bah ça écoutez, là, avant on ne l'avait pas.
33:00 Vous comprenez Albert Londe, qui est la noblesse du journalisme,
33:05 aujourd'hui il est adulé, sachez qu'il a été détesté à son époque.
33:09 Détesté parce qu'il n'était pas dans la pensée binaire.
33:11 - Et rappelons comment Zola, qui était journaliste pendant l'affaire Dreyfus,
33:14 quand il a enquêté sur Dreyfus, s'est fait haïr en disant
33:17 "mais comment vous rappelez-vous de ces conneries ?"
33:19 - Et maintenant on applaudit.
33:20 Vous voyez donc, demain ça tournera.
33:22 Les gens ont besoin d'un oui ou d'un non, ça les rassure.
33:25 Il faut que ce soit bien ou mal, il faut que ce soit noir ou blanc.
33:28 Il faut que chacun se pose sa question, parce que tout le monde a sa part de responsabilité,
33:31 y compris le public, en adhérant à ses thèses simplistes.
33:34 - C'est ce qu'on appelle l'unigambisme mental.
33:37 Alors Bonnel, avant, parce que nous arrivons hélas à la fin de cette émission,
33:42 mais on vous fera revenir parce que beaucoup de choses à raconter.
33:45 Vous avez parlé de beaucoup de choses dans "Ce qui se passe dans la guerre",
33:49 mais vous avez omis quelque chose dont vous avez parlé hors antenne, les morpions.
33:52 - Ah !
33:53 - Ah oui, quand même, c'est grave ça.
33:56 - Oui, les morpions c'est grave.
33:58 Oui, parce que ça rend également hommage aux soldats,
34:01 on ne parle pas assez des soldats, on parle des généraux, etc.
34:04 Mais les soldats, moi je leur vois un profond respect, et dans chaque an.
34:09 Donc un soir, je n'avais pas dormi pendant 72 heures,
34:11 parce que quand, voilà, vous travaillez là-dedans, et bien...
34:13 - C'était au Donbass.
34:14 - Oui, c'était au Donbass.
34:15 Et là 72 heures, bon, je commence à être fatigué, après une moulte café,
34:21 et je m'endors dans une... comment on appelle ça, là ?
34:27 Une couche... un duvet de soldats, dans une caserne,
34:31 parce que je suis bloquée dans une zone,
34:33 et toute la nuit, paraît-il, il y a des alarmes, et des gens qui courent.
34:37 Quand je me réveille, je suis face à des gens hallucinés,
34:40 qui me demandent si je n'ai rien entendu.
34:42 Il y avait eu, pendant toute la nuit, des sirènes qui ont retentis dans toute la caserne,
34:47 que je n'ai absolument pas entendues,
34:49 et j'ai dormi dans un duvet rempli de scorpions... de morpions, pardon.
34:55 Donc, vous voyez, à un moment donné, certains vous disent "mais comment vous faites, là, peur ou pas peur ?"
35:00 - Vous avez dormi comme une soldat, comme un roi.
35:02 - Ah mais écoutez, quand je vous dis que c'était une ambiance folle,
35:05 c'est que tout le monde est sorti avec des armes,
35:08 il y a eu je ne sais pas combien de morts, 20 mètres au-dessus de ma tête,
35:11 et le matin, je me suis réveillée, j'avais envie d'un café,
35:15 que je n'ai pas demandé, évidemment, par politesse,
35:17 et là, un jeune soldat, qui avait survécu, m'a servi un café dans une chaussette,
35:25 c'est comme ça qu'on fait le café quand on n'a plus de filtre,
35:27 et là, on m'a raconté ce qui s'était passé dans la nuit,
35:30 que grâce à mes 72 heures d'absence de sommeil, je n'avais pas entendu,
35:34 et j'étais la seule à dormir, ce soir, de graves combats à 300 mètres de la ligne de front.
35:39 - Et même les morpions ne vous ont pas...
35:41 - Et bien les morpions, je me suis lavée en rentrant, mon cher André.
35:45 - Quelle belle fin, quelle belle fin.
35:47 Alors, où est-ce qu'on peut voir, là, je dis pour les auditeurs,
35:53 et pour nos amis de Sud Radio, où est-ce qu'on peut voir vos films ?
35:58 - Alors, tous mes films sont gratuits, depuis toujours, en accès libre,
36:01 sur ma page YouTube, qui est à mon nom, Anne-Laure Bonnel.
36:05 - Sur votre page YouTube, Anne-Laure Bonnel, c'est à vous.
36:07 - Voilà, je travaille avec LibreMédia, donc là, vous avez des interviews que je donne,
36:10 pour essayer, à mon niveau, d'imposer du débat.
36:16 Et, voilà, après, vous avez des sites payants,
36:20 mais vu que je les ai détournés, parce que j'adore l'accès libre,
36:23 et bien, tout est gratos sur ma chaîne, si vous fouillez, vous trouverez tout.
36:26 Anne-Laure Bonnel, et LibreMédia.
36:28 - Merci.
36:29 - Et puis, écoutez, à la prochaine fois, et à votre prochain terrain, à vos prochaines guerres.
36:35 - Merci de m'avoir invitée, merci André.
36:38 - Merci beaucoup, Anne-Laure Bonnel, d'avoir été avec nous.
36:40 Et puis, je rappelle que vous aussi, vous pouvez nous voir sur YouTube,
36:42 sur la page YouTube de Sud Radio, vous êtes presque 900 000 à nous suivre,
36:46 et on vous remercie.
36:47 Chaque jour, de plus en plus, André Bercoff, vous revenez demain, entre midi et 14h.
36:51 Et puis, tout de suite, c'est Brigitte Lahaye, sur Sud Radio, comme tous les jours, à demain.
36:55 - De Marseille à Bordeaux, de Montpellier à Paris, ou à Toulouse,
36:58 Sud Radio, parlons vrai, arrive dans le joyau de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
37:02 Depuis le sommet de Fourvière, Sud Radio rayonne désormais à Lyon et le Grand Lyon, sur 105.8.
37:07 Connectez-vous aussi avec l'appli Sud Radio, et parlons vrai.