• il y a 9 mois
Grand témoin : Gérald Bronner, sociologue et auteur de « Exorcisme » (Grasset)

GRAND DÉBAT / Fin des barrages des agriculteurs : à quel prix pour l'écologie ?

« Le récap » par Bruno Donnet

Lors d'une conférence de presse le 1er février 2024, Gabriel Attal et plusieurs ministres ont annoncé des mesures nationales à destination des agriculteurs dont le mouvement de protestation a atteint Paris. Parmi celles-ci : des aides financières, comme le déblocage d'une enveloppe de 150 millions d'euros pour soulager la charge fiscale des éleveurs, ou des aides pour l'installation des jeunes agriculteurs. Pour la FNSEA, les Jeunes agriculteurs et la Coordination rurale, ces annonces constituent une première avancée. Les syndicats ont ainsi demandé la suspension des blocages. En revanche, plusieurs mesures passent mal du côté des écologistes qui voient dans la dérogation à la règle des prairies et dans la mise en pause du plan Ecophyto, un sacrifice de l'écologie. Si ces mesures apaisent le contexte social tendu, seront-elles suffisantes pour atténuer la colère des agriculteurs présents par milliers à Bruxelles, venus exprimer leur mécontentement face à la politique agricole européenne ?

Invités :
- Benoit Mournet, député Renaissance des Hautes-Pyrénées,
- Christophe Grison, agriculteur, membre de la coopération agricole,
- Camille Hachez, militante écologiste,
- Richard Werly, correspondant France/Europe pour « Blick ».

GRAND ENTRETIEN / Gérald Bronner : comment je me suis désenvoûté...

Derrière le costume de maître de conférences à la Sorbonne, difficile d'imaginer Gérald Bronner dans le rôle du gourou d'un groupe fanatique, dont l'objectif n'est autre que lutter contre le satanisme. C'est pourtant cette mystérieuse facette de son adolescence que le sociologue, spécialisé dans les croyances, retrace dans « Exorcisme » (Grasset). Gérald Bronner revient sur ses années nancéennes où, envoûté par son oncle et diverses croyances, il se tourne vers l'ésotérisme, un monde ou toute information anodine se transforme en signe mystique et divin. De délinquant à demi-dieu, Gérald Bronner expose sa jeunesse, sa quête d'affirmation au milieu d'amis charismatiques et les doutes qui l'ont accompagné dans sa construction personnelle...

Grand témoin : Gérald Bronner, sociologue et auteur de « Exorcisme » (Grasset)

LES AFFRANCHIS

- Nathan Devers, philosophe et écrivain,
- Yaël Goosz, éditorialiste et chef du service politique à France Inter,
- « Bourbon express » : Marco Paumier, journaliste LCP.

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00 [Générique]
00:06 Bonsoir et bienvenue, très heureuse de vous retrouver dans "Ça vous regarde"
00:09 Ce soir, l'histoire ahurissante d'un grand sociologue
00:12 et ce sociologue c'est vous Gérald Brunner, bonsoir.
00:14 - Bonsoir.
00:15 - Merci beaucoup d'être notre grand témoin ce soir.
00:17 Avec "Exorcisme" chez Grasset, vous révélez comment le sociologue de la raison
00:22 que vous êtes, qui a travaillé pendant des années sur les fake news,
00:25 sur le complotisme, a succoubé dans son adolescence aux croyances les plus folles,
00:30 au chamanisme, aux envoûtements, au fanatisme aussi, on va en parler,
00:34 à la tête d'un petit groupe d'illuminés, vous étiez aspirant gourou,
00:38 ça mérite une explication.
00:40 C'est une auto-analyse qui permet d'éclairer de façon personnelle, intime aussi,
00:44 le sociologue respecté que vous êtes aujourd'hui.
00:47 A tout à l'heure dans la deuxième partie, notre grand débat ce soir.
00:51 Le gouvernement a-t-il sacrifié l'écologie pour éteindre la colère des agriculteurs ?
00:56 Entre Bruxelles et Paris, Emmanuel Macron et Gabriel Attal ont multiplié les annonces
01:01 moratoires sur les jachères, pause sur la réduction des pesticides,
01:05 fin de la surtransposition.
01:07 Et est-ce le prix à payer pour lever les barrages ?
01:11 On en parle dans un instant sur ce plateau avec mes invités.
01:14 Enfin, nos affranchis ce soir, le parti prix politique de Yael Ghose,
01:18 le billet philo de Nathan Devers et puis Bourbon Express,
01:21 histoire du jour à l'Assemblée, bien sûr, c'est avec Marco Pommier qu'on verra ça.
01:25 On y va, Gérald Bremer ? Ça vous regarde, ça commence maintenant.
01:29 (Générique)
01:40 Y aura-t-il un avant et un après 1er février pour l'agriculture française ?
01:45 Après les annonces du président et du Premier ministre,
01:47 ce soir, la FNSEA et les jeunes agriculteurs, les deux syndicats majoritaires,
01:52 appellent à suspendre les blocages jachères, pesticides, surtransposition,
01:56 on va revenir dans le détail sur les mesures, avec cette question ce soir,
02:00 l'écologie est-elle la grande perdante ?
02:03 Bonsoir, Benoît Mournet. - Bonsoir.
02:05 - Vous êtes député Renaissance des Hautes-Pyrénées et porte-parole
02:08 de votre groupe, majoritaire à l'Assemblée nationale.
02:11 Bonsoir, Christophe Grison. - Bonsoir.
02:13 - Bienvenue à vous, vous êtes agriculteur, céréalier dans l'Oise,
02:16 vous avez aussi du maraîchage, mais en circuit court,
02:18 vous êtes membre de la coopération agricole, c'est bien ça que vous représentez,
02:23 vous avez aussi participé à ces mouvements de blocage des agriculteurs,
02:27 donc vous les soutenez pleinement.
02:29 Bonsoir, Camille Hachèze. - Bonsoir.
02:31 - Bienvenue, vous êtes ancienne présidente des Jeunes écologistes,
02:34 enfin, bonsoir, Richard Verly. - Bonsoir, Myriam.
02:36 - Ravie de vous retrouver, journaliste France-Europe au quotidien,
02:39 suisse, blic et visage familier, chroniqueur, affranchie dans cette émission.
02:44 Gérald Bronner, n'hésitez pas, c'est un sujet qui nous concerne tous,
02:47 parce qu'on les voit tous les jours, parfois, il nous bloque un peu les routes,
02:51 donc si vous avez des questions, si vous voulez interpeller nos invités, n'hésitez pas.
02:54 On commence par planter le décor comme chaque soir,
02:56 comment la colère des agriculteurs a fait plier Bruxelles et Paris,
03:00 c'est dans le récap de Bruno Denecke qu'on accueille tout de suite.
03:02 Alors, bonsoir, Bruno. - Bonsoir, Myriam.
03:07 - Bonsoir à tous. - La journée politique a été dense,
03:09 et vous vouliez donc faire le point sur ce que vous avez appelé
03:11 les liaisons dangereuses entre agriculteurs et politiques.
03:15 - Oui, alors figurez-vous, Myriam, que c'est le ministre de l'économie lui-même
03:19 qui m'a inspiré cette idée de liaison.
03:21 Ça s'est passé ce midi, écoutez-le.
03:35 Alors, j'ai vu dans ce petit dérapage mal à propos un symbole,
03:39 celui des liaisons très contrariées entre les agriculteurs et le gouvernement,
03:45 car mis sous pression par la colère paysanne,
03:47 nos responsables ont été contraints de faire, cet après-midi,
03:51 des annonces un brin surprenantes, je vous explique.
03:54 D'abord, ce qu'il faut retenir, c'est que la colère était aujourd'hui sur deux fronts.
03:59 En France, d'abord, avec des blocages un peu partout,
04:01 mais également à Bruxelles, devant la Commission européenne.
04:05 - Tout le monde en a ras-le-bol, même les citoyens, ils nous disent dans la rue,
04:07 ils tapent dans les mains, ils nous tapent sur les épaules,
04:09 ils disent "vous avez raison, vous avez raison, c'est une bande de bandits".
04:12 - Alors, côté français, Gabriel Attal a donc pris le taureau de la contestation
04:16 par les cornes du trop-plein de l'homoclature européenne,
04:19 et il a fait, lui aussi, du trop-plein de ses normes, un horrible mystigris.
04:24 - L'Europe doit être facteur de protection et de souveraineté, et non l'inverse.
04:29 - Il a donc fait des annonces, dont les plus emblématiques sont les suivantes.
04:34 1) une mise en pause du plan contre les pesticides,
04:38 2) des contrôles de l'origine des produits agricoles dans les supermarchés,
04:42 et 3) 150 millions d'euros d'aides destinées aux éleveurs.
04:46 - Vous voyez, c'est 150, je me permets de corriger, pas 15 millions, un peu plus que ça.
04:50 - C'est à vous.
04:51 - Alors, vous avez noté dans le rapprochement entre "difficulté des agriculteurs" et "dictate",
04:58 le mot est le vôtre, de Bruxelles, une surprise.
05:02 - Disons que j'ai trouvé ça un peu opportuniste, et surtout un peu court,
05:07 car ce matin, le député européen, issu lui-même de la majorité, Pascal Canfin,
05:11 a rappelé une vérité et un chiffre très important.
05:15 - Sans la PAC, sans le transfert de 9 milliards d'euros dans les cours de ferme aujourd'hui en France,
05:20 il n'y a plus d'agriculture en France.
05:22 - Voilà. Sans l'Europe et ses subventions, quick, plus de revenus pour les agriculteurs.
05:27 Alors, plus que les normes, c'est en réalité la distorsion de concurrence qui pose problème ici.
05:34 Et pour mieux comprendre, je suis allé vous chercher une séquence.
05:37 Elle a été captée lundi sur un barrage routier. Regardez.
05:41 - Ici, nous sommes sur un blocage au niveau de la Belgique, avec nos amis français,
05:45 juste à la frontière, et ici, on retrouve des œufs provenant d'Ukraine, classe A.
05:50 Donc, classe A, c'est quand même une bonne classe, non conforme, alors ce qu'on peut lire,
05:54 "mode d'élevage non conforme aux normes CE", allez, avec des normes qui ne sont même pas légales,
05:59 ça, c'est scandaleux, c'est vraiment scandaleux.
06:01 - Alors voilà, c'est ça qu'Emmanuel Macron est allé plaider aujourd'hui à Bruxelles.
06:06 Il a mis la pression sur Ursula von der Leyen pour que les droits de douane
06:11 des produits en provenance d'Ukraine soient rétablis.
06:14 Mais ce n'est pas tout, car il s'est également félicité d'une autre conquête.
06:18 - Nous avons d'abord obtenu, hier, une dérogation sur les 4% de Jachère.
06:25 - Eh oui, il a obtenu le gel des fameuses Jachères, destiné à favoriser la biodiversité.
06:32 Alors, le président de la FNSE a semblé très satisfait, il a d'ailleurs appelé à lever l'ensemble des blocages,
06:37 seulement, voilà, les défenseurs de l'environnement, suivez mon regard, eux, sont très inquiets,
06:43 car ils expliquent ce soir qu'Emmanuel Macron, sous pression, ne se préoccupe plus du tout d'écologie
06:49 et ils font la liaison, tiens, tiens, avec un certain Nicolas Sarkozy,
06:54 qui, en plein salon de l'agriculture, avait fini par déclarer, quoi donc ?
06:59 - Je voudrais d'ailleurs, au point où j'en suis, dire un mot de toutes ces questions d'environnement.
07:05 Parce que là aussi, ça commence à bien faire.
07:09 - Alors, le président Macron est-il en voie de sarkozisation ?
07:13 La liaison ne doit pas être automatique, mais elle peut tout de même ne pas être oubliée.
07:19 - Merci beaucoup. Merci, Bruno Denet, pour ce résumé, ce billet d'actu, toujours aussi bien campé.
07:27 On va commencer avec l'agriculteur que vous êtes, Christophe Grison.
07:31 Entre ce qu'a dit le président de la République sur les normes européennes, sur Bruxelles,
07:37 la pause sur les 4% de jachères, l'encadrement des importations de volailles ukrainiennes,
07:42 et puis ce qu'a dit Gabriel Attal à Paris sur les pesticides, les successions,
07:46 le renforcement des contrôles de l'application EGalim, de la loi EGalim,
07:50 les 150 millions, on en parlait il y a un instant.
07:52 Est-ce que le compte y est, pour vous ? Est-ce que vous considérez qu'il est temps d'arrêter les blocages ?
07:58 - Bonsoir. Écoutez, effectivement, les intentions sont bonnes.
08:02 Effectivement, le syndicat, la FNCMA et la coordination rurale ont appelé à lever les barrages.
08:08 Je crois que la plupart, j'ai appelé mes collègues qui sont sur les barrages encore ce soir,
08:11 avant de rentrer dans le studio. Ils maintenaient le barrage ce soir pour avoir les écrits demain.
08:15 Et en fonction des écrits, ils lèveront le barrage demain matin,
08:17 parce qu'il est aussi de bon ton d'arrêter un mouvement social pour arrêter d'embêter la population.
08:22 Notre but, ce n'était pas d'embêter les gens qui allaient au travail,
08:24 mais plutôt d'embêter, on va dire, la logistique.
08:27 Je pense que l'opération a été quand même réussie.
08:29 On a bloqué avec 250 tracteurs sur la 1. J'ai été sur le barrage au nord de Roissy.
08:34 Mais on n'a pas bougé nos tracteurs. Notre souhait, c'était vraiment de faire le blocage logistique.
08:37 - On entend la volonté d'apaisement dans vos mots, mais tout de même, ça veut dire quoi ?
08:42 C'est quand même rare de voir l'Europe bouger aussi vite.
08:44 Ça veut dire qu'il n'y a que les preuves de force, finalement, pour obtenir un coup ?
08:47 - Non, ce n'est pas la question. Il y a un vrai enjeu pour les générations futures.
08:50 Il y a environ la moitié des fermes qui seront à reprendre d'ici 10 ans.
08:53 Ça fait 180 000 exploitations agricoles pour la France.
08:56 Si on ne change pas le modèle politique, économique, nous donner une trajectoire,
09:01 on a vraiment besoin d'une trajectoire, les jeunes ne s'intéresseront pas aux métiers d'agriculteur.
09:05 Je pense que c'était ça, un peu, l'enjeu.
09:07 Effectivement, on ne va pas se mentir, il y a une certaine lassitude.
09:10 On respecte les normes. Je suis le premier à respecter les normes européennes.
09:13 Mais c'est vrai que la France a toujours tendance à vouloir en mettre un petit peu plus.
09:17 Quand je vois certains voisins... - Un excès de zèle, pour vous, c'est ça ?
09:20 - Non, ce n'est pas un excès de zèle. - Elles prennent les deux vents.
09:22 - Un peu trop de normes. Et quand on voit certains produits qui rentrent chez nous,
09:25 on va voir que 50 % des volailles sont importées en France.
09:28 C'est sûr que le week-end, on a le plaisir de prendre un poulet de la Belle,
09:31 mais toute la semaine, dans les EHPAD, dans les hôpitaux, dans les écoles,
09:34 on va manger un poulet importé des pays de l'Est,
09:36 qui n'a pas du tout les mêmes normes sanitaires que les nôtres.
09:39 On vient de voir la démonstration avec les oeufs.
09:41 Pareil, on a enlevé tous les oeufs cage en France. Je trouve ça normal, c'est bien.
09:45 Mais du coup, on réimporte ce qu'on ne voulait pas en France.
09:47 - N'importons pas ce qu'on interdit en Europe et en France.
09:51 Au fond, ce message-là, il a bien été entendu.
09:53 - On ne souhaite pas opposer l'écologie à l'agriculture.
09:55 Au contraire, on est les premières victimes du réchauffement climatique.
09:57 On souhaite mettre en oeuvre des pratiques agricoles.
09:59 Moi-même, je suis président d'une coopérative agricole.
10:01 On engage nos 1 400 agriculteurs pour améliorer leurs pratiques agricoles.
10:05 - On va y revenir. - Mais là, c'est un sentiment de ras-le-bol.
10:08 - La coupe était pleine, on l'a bien sentie, et on l'a sentie partout en Europe.
10:12 C'est ça qui est incroyable, Richard Verlis.
10:14 C'est Allemagne, France, Belgique, Espagne, Portugal également, Roumanie.
10:19 C'est rare de voir, à part pendant l'épidémie de Covid,
10:22 c'est rare de voir l'Europe bouger aussi vite.
10:25 Est-ce que ça vous a surpris ?
10:26 - Alors d'abord, ça avait démarré aux Pays-Bas, vous vous en souvenez,
10:29 il y a quelques mois, et effectivement, ça prouve qu'il y a un malaise généralisé en Europe.
10:33 Et aujourd'hui, c'est quand même passé quelque chose d'assez extraordinaire.
10:35 C'était un sommet sur l'Ukraine qui est devenu un sommet sur l'agriculture.
10:39 Là, le tour de passe-passe est quand même très significatif
10:42 parce que l'Ukraine, c'est une crise majeure pour le continent européen,
10:45 mais Emmanuel Macron a consacré quasiment la totalité de sa conférence de presse...
10:49 - Ça prouve que la France pèse encore, parmi les bonnes faits.
10:51 - Alors, ça prouve d'une part que la France pèse encore,
10:53 par chance, le verrou Viktor Orban sur l'Ukraine avait réussi à être levé au début du sommet,
10:58 donc ça permettait ensuite de parler d'agriculture.
11:01 Ça prouve surtout qu'effectivement, la France a pu s'appuyer sur un malaise
11:04 qui n'était pas que français, parce que, disons les choses,
11:06 si les paysans français avaient été les seuls à manifester,
11:09 ça aurait été beaucoup plus compliqué pour Emmanuel Macron d'obtenir les concessions qu'il a obtenues.
11:13 Donc, cette solidarité paysanne, elle a fonctionné,
11:17 alors sachant que néanmoins, redisons-le,
11:20 les paysans de ces différents pays n'ont pas toujours tous les mêmes problèmes.
11:24 Il y a en plus une spécificité française, qui est la diversité de l'agriculture française.
11:28 - On l'a vu, les 122 revendications...
11:30 - Absolument, il y a des modèles d'exploitation qui sont très différents en France,
11:34 d'ailleurs, il y a plusieurs syndicats, c'est pas du tout vrai,
11:36 dans des pays qui ont peut-être un modèle beaucoup plus agro-industriel,
11:39 et c'est d'ailleurs ce qu'on reproche à l'Ukraine, d'avoir un modèle agro-industriel
11:43 qu'on pourrait presque comparer à celui des États-Unis.
11:45 - Oui. Alors, peut-on parler de tournant ?
11:49 C'est la question qu'on se pose ce soir, je vais vous faire réagir, Benoît Mournet.
11:53 Emmanuel Macron veut croire carrément à un changement de modèle,
11:56 un changement de logiciel en Europe sur les questions agricoles,
11:59 arrêter d'importer ce qu'on interdit en Europe.
12:01 Écoutez le chef de l'État.
12:02 - Nous avons tenu de pouvoir lancer un travail de révision en profondeur
12:09 de la logique et de l'approche européenne,
12:12 d'intégrer le changement de logiciel dans lequel nous vivons.
12:15 La guerre est là, le monde se transforme,
12:18 et donc nous devons avoir une politique agricole plus simple,
12:22 qui prenne en compte davantage la nécessité de produire plus,
12:26 qui évidemment intègre nos objectifs environnementaux,
12:30 mais qui le fait en préservant une concurrence loyale,
12:33 en préservant le revenu des agriculteurs
12:35 et en préservant notre souveraineté alimentaire.
12:38 C'est ça le changement de logique que nous voulons porter au niveau européen,
12:43 que nous avons commencé ces dernières heures à pouvoir lancer et enclencher
12:47 et sur lequel nous ne lâcherons rien.
12:49 - Alors ça c'est les mots, on veut tout cocher, toutes les cases,
12:52 échanger de modèle.
12:54 Benoît Mournet, ce soir, on se dit quand même que s'il y a une chose qui ralentit,
12:58 voire qui s'arrête, ce sont les normes environnementales en France.
13:02 Est-ce que vous êtes d'accord avec l'analyse ?
13:03 Les Jachères, les 4% pour libérer les champs pour la biodiversité, c'est fini.
13:08 On arrête aussi le plan éco-phyto sur les pesticides,
13:12 la réduction de moitié en 2030, c'est quand même pas rien ça non ?
13:16 - Alors moi j'ai pas cette analyse, si vous me permettez.
13:19 Si on repart du terrain, que nous disent les agriculteurs sur le terrain ?
13:22 Ils nous disent "on veut vivre de notre travail", premier point.
13:25 Ils nous disent "on veut que vous nous simplifiez la vie",
13:28 pas avec des normes parfois qui s'empilent et qui se contredisent.
13:31 Et on veut pas de concurrence déloyale.
13:33 Ils nous disent pas qu'ils veulent sortir de l'Europe, sur le terrain, vous l'avez dit,
13:37 je vous en remercie, la PAC c'est 9 milliards d'euros.
13:40 Ils nous disent pas non plus qu'ils veulent s'affranchir de l'agroécologie,
13:45 parce que c'est la condition même de la souveraineté alimentaire
13:48 et de la survie du modèle agricole français et européen.
13:51 - Mais qui nous dit quand même, le chef de l'Etat,
13:52 qu'on va arrêter d'être mieux disant sur les normes ?
13:55 C'est bien ça l'idée.
13:56 Les néonicotinoïdes, vous les avez votés.
13:59 Résultat, on achète le sucre à l'Allemagne. C'est fini ça ?
14:02 - Je suis très à l'aise avec ça, parce qu'il y a quelques mois, au mois de mai,
14:06 on a voté une résolution pour éviter les surtranspositions,
14:08 qui était un peu une fâcheuse tendance.
14:10 Alors soit on arrive à convaincre nos partenaires de s'aligner sur nos normes,
14:13 soit on n'y arrive pas, et à ce moment-là, on assume en France
14:17 d'avoir un niveau de sécurité sanitaire et écologique supérieur,
14:21 mais à ce moment-là, il faut être cohérent, il faut acheter français,
14:23 sinon on perd sur les deux tableaux.
14:25 Qu'a voulu dire le président de la République ?
14:28 Il a voulu dire ce qu'on a porté sur EGalim,
14:30 qui est que le revenu des agriculteurs n'est pas la variable d'ajustement,
14:33 que ce soit porté au niveau européen.
14:35 Sur Ecofito, il n'est pas question d'arrêter, il est question d'une suspension jusqu'au salon de l'agriculture.
14:40 - Il a dit "arrêt", c'est le mot du Premier ministre.
14:42 On va arrêter, et derrière, le ministre de l'Agriculture a parlé de ça aussi.
14:45 - Pour évaluer certaines normes qui sont illogiques,
14:49 en termes juste de simplification et de mise en œuvre.
14:52 Je vous prends un exemple.
14:53 Aujourd'hui, promesse tenue de ce qui a été annoncé vendredi dernier à Haute-Garonne,
14:56 le décret a été pris sur les curages d'eau.
14:59 Les curages d'eau sur les fossés, c'est une folie de ne pas permettre aux agriculteurs d'entretenir les fossés,
15:06 puisque derrière, ça peut générer des inondations.
15:09 Je vous prends un autre exemple.
15:11 Sur le pastoralisme, que je connais bien dans les montagnes des Pyrénées,
15:15 mais qui se pose aussi dans les Alpes.
15:17 On s'est battu et on a obtenu, au niveau national et européen,
15:21 une simplification des règles de tir de défense.
15:24 Ce n'est pas l'agriculteur contre l'écologie.
15:26 Le pastoralisme, c'est l'entretien des paysages.
15:28 Ce sont des puits d'eau, ce sont des puits de carbone.
15:31 Et je vous le dis d'autant plus à l'aise,
15:33 qu'on est dans le Sud-Ouest, une agriculture plutôt paysanne,
15:36 et même un peu pauvre, sur certains aspects.
15:39 - J'entends, vous me dites que ça fait bon ménage, on ne peut pas les opposer.
15:42 - N'empêche que ce soir, Camille Hachèze, le pacte vert,
15:45 le fameux Green Deal, il est un peu entaillé, non ?
15:48 - Il est totalement...
15:49 - Ça veut dire quoi ?
15:50 Ça veut dire que les députés européens ont mal travaillé,
15:52 n'ont pas compris les pays d'Europe ?
15:54 - Je pense qu'Emmanuel Macron, quand il nous dit qu'il veut un égalime européen,
16:00 montre un peu l'incohérence de tout ça,
16:02 parce qu'on a eu l'égalime en France qui n'a rien donné,
16:06 à ce stade, pour la rémunération des paysans et des paysannes.
16:09 Donc, en fait, c'est toujours des effets d'annonce.
16:12 Le groupe Renew en Europe a voté pour la PAC,
16:16 à ce moment-là, on n'a pas jugé bon de remettre en cause ce modèle.
16:19 Aujourd'hui, on nous dit "oui, il faut tout revoir, on va tout remettre à plat",
16:22 mais dans les faits, vous auriez pu le faire il y a de ça quelques années.
16:26 Pour moi, la question des pesticides,
16:32 c'est vraiment un gros recul pour les agriculteurs, pour les écologistes...
16:36 - Marine Tondelier, la patronne des écologistes, sur la pause sur l'écofito,
16:40 dit "le gouvernement peut décider de ne plus protéger l'eau, la terre, la biodiversité,
16:45 et même notre santé, mais avec ça, nos agriculteurs ne gagneront pas plus".
16:50 - Voir ils gagneront moins.
16:52 En fait, il y a eu une étude du CNRS, avec quelques dizaines d'agriculteurs
16:56 sur des milliers d'hectares,
16:58 pour montrer justement les conséquences d'une baisse de 50% des pesticides.
17:03 Et on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas d'effet sur le rendement.
17:07 Par contre, vu qu'on achetait moins de pesticides,
17:11 il y avait une meilleure rémunération pour les paysans et les paysannes.
17:15 Donc, en fait, pour moi, ces mesures contre l'écologie,
17:20 c'est juste une instrumentalisation depuis le début de cette crise
17:23 des paysans et des paysannes,
17:25 parce que le début de cette mobilisation, c'est le revenu de ces paysans et des paysannes.
17:30 - Il y a beaucoup de revendications.
17:32 Le revenu, évidemment. - La question des normes,
17:34 elle était amenée par le CNRS.
17:36 - Vous comprenez qu'elles puissent être subies comme des contraintes
17:39 quand le voisin, en Europe même,
17:41 pas seulement à l'étranger, en dehors des frontières de l'Europe,
17:44 ne les applique pas, ne les a pas mises en application par des lois.
17:48 Donc, ça, vous comprenez, quand on est écologiste,
17:50 qu'il y a un sujet là-dessus ou pas ?
17:52 - Il faut, bien évidemment, ne pas importer des produits
17:56 qui seraient fabriqués, traités avec des substances illégales en Europe,
18:02 en tant qu'écologiste, on lutte contre ça,
18:05 mais on pense aussi qu'il faut aller plus loin en Europe sur ces questions-là.
18:08 C'est une question de biodiversité, de pollution de l'eau,
18:11 de santé des consommateurs,
18:13 mais également des agriculteurs eux-mêmes
18:16 qui subissent aujourd'hui des cancers à cause de ces produits.
18:19 Et c'est une question aussi d'avoir un peu la corde au cou,
18:24 de devoir sans cesse utiliser ces produits
18:26 parce que la terre devient moins fertile, etc.
18:28 Et ils n'ont plus d'autre choix que de continuer de les utiliser.
18:31 Et donc, nous, on pense qu'il faut, non pas arrêter du jour au lendemain,
18:34 par contre, il faut planifier la sortie de ces substances.
18:38 - Benoît Mournet, sur écofito, sur les pesticides.
18:41 - Je ne vais pas vous contredire là-dessus, puisque dans le budget,
18:43 nous avons voté sur trois ans, 4 milliards d'euros
18:45 pour aider les agriculteurs dans cette transition écologique.
18:48 Il faut les accompagner là-dessus.
18:50 Les agriculteurs, déjà, ne font plus un assolement unique.
18:55 Un exemple concret, parfois d'absurdité.
18:57 Après avoir planté, il faut faire ce qu'on appelle des couverts végétaux.
19:01 Et les agriculteurs sont tout à fait d'accord pour le faire,
19:04 puisque ça régénère la terre.
19:05 C'est un coût pour eux, quand même.
19:07 Mais s'il pleut, par exemple, pendant un mois, comme c'est arrivé,
19:10 eh bien, vous ne faites pas le couvert, par définition,
19:13 ça ne servirait à rien.
19:14 Eh bien, l'agriculteur est sanctionné.
19:16 Donc là, c'est une dérogation locale.
19:17 C'est pour ça que les niveaux de réponse,
19:18 ils sont au niveau européen, au niveau national, au niveau local,
19:21 contre des normes parfois rigides, qui s'appliquent uniformément
19:24 et qui ne correspondent pas à la réalité de nos terroirs.
19:27 Et donc, dans cette crise, il y avait des revendications communes,
19:30 mais si on veut répondre, et répondre bien et efficacement,
19:33 il faut accepter de descendre dans les territoires
19:36 pour avoir des approches différenciées.
19:38 La montagne vit, en effet, de subventions de la PAC.
19:41 Les céréaliers, de toute façon, ils seront un cours mondial.
19:44 Donc, c'est pas le sujet.
19:45 Eux, le sujet, c'est plutôt l'eau, l'irrigation.
19:47 L'élevage de plaines et de coteaux,
19:49 eh bien, moi, je défends une agriculture paysanne
19:51 qui doit rester, avec aussi des labels de qualité.
19:54 Il faut pas opposer les agriculteurs.
19:56 Mais, par pitié, ne dites pas qu'on oppose écologie et agriculture,
20:00 ce n'est pas vrai.
20:01 -Alors... -Vraiment.
20:02 -En tout cas, les écologistes, le soir,
20:04 sont vraiment vendre-l'eau sur les pesticides.
20:06 -C'est de la biodiversité.
20:07 -Il y a quand même une chose qui m'interpelle,
20:09 Gabrielle Attal, sans la nommer, s'attaque aux agences sanitaires.
20:13 La fameuse ANSES, agence indépendante,
20:16 sortir d'une situation, dit-il,
20:18 où notre agence sanitaire interdit une molécule
20:21 avant qu'elle ne soit interdite en Europe.
20:24 Faudrait-il revenir sur l'indépendance de ces agences ?
20:28 Est-ce que, au fond, ces autorités non élues
20:31 prennent des décisions qui asphyxient les agriculteurs ?
20:35 -Ce qui est sûr, c'est qu'Emmanuel Macron
20:37 est quand même confronté à une situation assez paradoxale
20:40 et ses pères, chefs d'Etat et de gouvernement,
20:43 vont le lui rappeler.
20:44 Au fond, les principaux griefs sont adressés à l'administration française.
20:48 C'est quand même ça.
20:49 Ou aux agences françaises.
20:51 Le Premier ministre leur reproche de surtransposer,
20:54 de ne pas prendre les bonnes décisions.
20:56 Emmanuel Macron, à Bruxelles, explique
20:58 qu'au nom de ces difficultés-là,
21:00 il va falloir rebattre les cartes européennes.
21:02 Disons-le, ça ne va pas passer.
21:04 Emmanuel Macron, lorsqu'il prononce cette conférence de presse,
21:07 dans la salle à côté, il y a le chancelier Scholz,
21:10 qui ne parle que de l'Ukraine.
21:12 Tout le monde n'est quand même pas sur le même niveau.
21:15 Mais fondamentalement sur la question des agences,
21:17 je crois qu'on est en train de se rendre compte
21:19 qu'en France, l'administration peut-être a pris trop d'initiatives,
21:23 mais qui la dirige, cette administration ?
21:25 Pardonnez-moi, c'est quand même le gouvernement.
21:27 Et depuis quelques années, Emmanuel Macron est au pouvoir.
21:30 Donc, à un moment donné, ce qu'il dit,
21:32 il se regarde dans un miroir et il doit admettre
21:34 que ça n'a pas marché.
21:35 -En l'occurrence, quand elles sont indépendantes,
21:37 ces fameuses autorités administratives,
21:39 c'est-à-dire les décisions qui s'imposent
21:41 aux représentants de la nation.
21:43 -Sur les phytosanitaires, on en parle beaucoup.
21:45 On nous reproche de ne pas faire d'efforts,
21:47 mais je peux vous dire deux chiffres.
21:49 On a 100 substances de moins que mes voisins étrangers.
21:51 Et on a baissé de 21,6 % l'utilisation des phytosanitaires
21:54 en cinq ans.
21:55 Donc, on est sur la trajectoire de l'objectif des moins de cinq ans.
21:58 -Mais moi, ma question, c'est qu'à 27,
22:00 si on doit avoir les mêmes normes environnementales,
22:03 la Pologne ne voudra jamais avancer, la Roumanie non plus.
22:06 Donc, en fait, si on ne prend pas un pelet de vent,
22:08 est-ce qu'on ne va pas niveler par le bas,
22:10 systématiquement, ces normes ?
22:11 -Pour l'instant, on nivele par le haut,
22:13 parce que la France est plus exigeante.
22:15 C'est d'où le ras-le-bol général des agriculteurs
22:17 qui disent qu'on ne peut pas être mieux disant que nos voisins.
22:19 Nous, la France, on s'est engagé dans des signes de qualité,
22:21 et c'est très bien.
22:22 Seulement, aujourd'hui, le consommateur,
22:24 qu'est-ce qu'il regarde ? Le prix, le prix, le prix.
22:26 -Surtout dans un contexte de forte inflation.
22:28 Gérald Brunner, vous voulez intervenir ?
22:30 -Il y a deux choses insupportables pour nos agriculteurs.
22:32 Un, c'est le standard qu'on vient d'évoquer,
22:34 c'est-à-dire qu'on ne peut pas imposer à nos agriculteurs
22:36 des normes qu'on n'imposerait pas à des produits
22:38 qui viendraient au nom de quel argument ?
22:40 C'est même pas du favoritisme pour nos agriculteurs.
22:42 Il n'y a aucun argument rationnel.
22:44 Et deuxièmement, certains de nos agriculteurs
22:46 aussi doutent parfois de la rationalité
22:49 des normes qui sont imposées.
22:51 Parce qu'il faut voir que ces normes sont parfois
22:53 la conséquence de luttes de lobbying intellectuels,
22:55 que ce soit dans les médias ou à Bruxelles,
22:57 avec des ONG, etc.
22:59 Je connais pas bien ces sujets-là.
23:01 Mais justement, on s'y perd sur les retenues d'eau, etc.
23:03 On n'arrive plus à trouver les bons arguments.
23:05 On a parlé de l'ANSES, etc.
23:07 Mais combien de fois l'ANSES n'a pas été écoutée
23:09 alors qu'elle disait qu'un produit n'était pas vraiment dangereux,
23:11 qu'il y avait une probabilité de risque ?
23:13 Et cette évocation de sécurité,
23:15 de probabilité de risque,
23:17 était amplifiée par des ONG
23:19 qui trouvaient complaisamment à parler dans les médias
23:22 parce qu'il y a comme ça une attraction
23:24 de notre cerveau pour toutes les informations
23:27 fondées sur la peur, le risque.
23:29 Et donc, moi-même, je dois dire,
23:31 ces questions m'intéressent, mais je m'y perds.
23:33 -C'est sûr, c'est extrêmement technique.
23:35 -Que dire de nos concitoyens ?
23:37 -Je crois que non, c'est important
23:39 que des agences restent indépendantes.
23:41 C'est une question de confiance.
23:43 Que ce soit pas dépendant d'un pouvoir politique
23:45 et qu'elle puisse édicter des avis
23:47 sur des normes sanitaires ou environnementales.
23:49 Mais le sujet, c'est que l'Agence nationale,
23:51 l'ANSES, soit bien articulée avec l'Agence européenne.
23:53 C'est d'ailleurs le même sujet sur l'autorisation
23:55 de mettre sur le marché des médicaments.
23:57 C'est ce qui se passe. L'ANSES s'autosaisit
23:59 d'autorisation,
24:01 qui sont étudiées
24:03 et qui ont déjà commencé à être étudiées
24:05 au niveau européen.
24:07 C'est là où on veut un peu réarticuler
24:09 les choses. Donc ça, je crois que c'est
24:11 vraiment de bonne politique.
24:13 Et donc, c'est pas moins d'Europe, en fait,
24:15 c'est plus d'Europe. Vous prenez l'exemple sur l'eau.
24:17 Si on veut produire, si on veut être souverain,
24:19 vous serez d'accord qu'il faut de l'eau.
24:21 Il faut arrêter de dire que c'est les agriculteurs
24:23 qui consomment de l'eau, c'est nous autres,
24:25 quand on mange, qui consommons de l'eau.
24:27 Quand on achète un morceau de vie,
24:29 on achète de l'eau. -Il y a des simplifications
24:31 sur les mégabassines et un raccourcissement
24:33 des délais de recours. -On a besoin de vous aussi,
24:35 parce qu'on a mené ce qu'on appelle des concertations
24:37 sur le CNRO, pour s'accorder
24:39 sur des projets d'intérêt général
24:41 et, quand ils sont d'intérêt général,
24:43 qu'on puisse les mener à bien, sur le multi-usage,
24:45 sur, par exemple,
24:47 des retenues collinaires. Or, parfois,
24:49 l'entrepreneur... -Les mégabassines,
24:51 il faut parler serein. -Les retenues collinaires...
24:53 -Si vous avez des recours
24:55 sur ces choses,
24:57 ou sur une extension de bâtiments
24:59 pour engraisser, pour conserver
25:01 la valeur ajoutée chez nous, et que vous avez,
25:03 pardon de le dire, certains de vos amis,
25:05 qui font des recours et qui découragent
25:07 à un, deux, trois ans, c'est pour ça qu'on a voulu
25:09 simplifier les recours. -Sur les mégabassines,
25:11 on pourra les construire plus vite
25:13 et les recours contre ces mégabassines,
25:15 qui sont totalement de droit, seront
25:17 les délais raccourcis. -C'est contre-productif,
25:19 ces mégabassines. On fait croire
25:21 aux gens que ça va régler leurs problèmes.
25:23 -Je parle pas des mégabassines, je parle des retenues collinaires.
25:25 C'est pas tout à fait la même chose,
25:27 mais on n'a pas le temps de tout développer.
25:29 C'est pas pareil, vous le savez. -En tout cas,
25:31 pour moi, il y a une question
25:33 sur
25:35 toutes ces normes, toutes ces décisions
25:37 qu'on veut prendre, soi-disant, pour améliorer
25:39 la rémunération des paysans
25:41 et des paysannes, mais il y a quand même une chose
25:43 qu'on n'a pas évoquée là, ce sont les marches
25:45 que se font les industriels,
25:47 la grande distribution. On ne voit
25:49 aucune mesure...
25:51 -Il y a un renforcement des contrôles,
25:53 il va y avoir des agents,
25:55 et même des sanctions. Il y a déjà
25:57 trois grands groupes qui ont été sanctionnés.
25:59 On va laisser le bénéfice d'où, on va attendre
26:01 et on verra si ça bouge ou pas. -C'est vrai qu'il y a
26:03 plusieurs années... -La loi n'a pas été bien respectée.
26:05 Je voudrais qu'on parle des accords de libre-échange,
26:07 parce qu'on a parlé dans l'Europe, et il y a le reste du monde.
26:09 -S'il vous plaît, juste le faire sur les prix.
26:11 Monsieur disait "les consommateurs, le prix, le prix, le prix".
26:13 Mais effectivement,
26:15 on voit que les prix pour les consommateurs,
26:17 ils ont augmenté de 14 %, alors que le prix d'achat
26:19 pour les agriculteurs,
26:21 il a diminué de 10 %.
26:23 Donc, où va cet argent ?
26:25 C'est ça, le nœud du problème.
26:27 Les normes, etc., je veux bien admettre
26:29 qu'il y a beaucoup trop de paperasse
26:31 à faire pour les paysans et les paysannes.
26:33 Ce n'est pas qu'en lien avec les normes environnementales.
26:35 -Il y a un problème de répartition de la valeur ajoutée.
26:37 -Le libre-échange, qui fait des normes au profit
26:39 des industriels.
26:41 Nous, ce qu'on dit, c'est
26:43 qu'il faut des prix planchés.
26:45 Il faut un juste prix pour que les agriculteurs
26:47 vivent de leur travail,
26:49 qu'on ne leur achète pas leur production.
26:51 -Je crois que tout le monde est d'accord
26:53 sur le sujet mieux respecté.
26:55 On va parler des accords de libre-échange,
26:57 mais peut-être, Richard Verly,
26:59 on parle de concurrence libre et non faussée.
27:01 C'est la fameuse expression au sein des 27.
27:03 Si on enlève la question des normes,
27:05 la pomme polonaise, par exemple,
27:07 elle a des pesticides qu'on n'a pas, nous.
27:09 Mais la pomme polonaise, elle sera toujours
27:11 beaucoup moins chère. Le coût du travail
27:13 sera toujours moins cher.
27:15 Est-ce qu'on peut être encore dans la concurrence libre
27:17 et non faussée, même si on a tous les mêmes normes ?
27:19 -Peut-être pas toujours, car l'objectif de l'UE,
27:21 c'est un mieux-disant social.
27:23 Rappelons-le quand même.
27:25 Si ça aboutit à un moins-disant social,
27:27 on a un grand problème.
27:29 Il y a des distorsions de concurrence
27:31 au sein de l'UE, et c'est un problème
27:33 dans tous les domaines, pas seulement dans l'agriculture.
27:35 Il y a deux types de distorsions,
27:37 celle que vous évoquez, Myriam,
27:39 liée aux conditions de travail, au niveau des salaires,
27:41 mais il y a aussi les législations.
27:43 Les grands groupes agroalimentaires
27:45 ont des bataillons de conseillers juridiques
27:47 qui travaillent à trouver les vides
27:49 et les trous dans les législations
27:51 des différents pays pour y installer, par exemple,
27:53 leur centrale d'achat ou telle autre
27:55 partie de leur groupe. Et ça, c'est un réel problème.
27:57 On en a beaucoup parlé, vous vous souvenez,
27:59 à l'époque de la fiscalité, les paradis fiscaux
28:01 ou les pays qui profitaient de la fiscalité
28:03 des autres, et bien sûr, l'agriculture, c'est la même chose.
28:05 Il est clair que tant qu'on n'aura pas
28:07 une uniformité des règles au niveau
28:09 de l'Union européenne dans des secteurs aussi
28:11 sensibles pour la souveraineté que l'agriculture,
28:13 on aura des problèmes.
28:15 - Allez, gros plan pour terminer sur le Mercosur,
28:17 ce fameux traité de libre-échange
28:19 en négociation depuis presque
28:21 dix ans entre quatre pays d'Amérique du Sud
28:23 et les 27, inacceptable
28:25 pour Emmanuel Macron. La France a-t-elle les moyens
28:27 de stopper les négociations ?
28:29 Et que dit, que prévoit cet accord ?
28:31 Explication Clément Perrault.
28:37 - Le Mercosur est une zone
28:39 de libre-échange qui ne concerne pas
28:41 toute l'Amérique du Sud, mais seulement
28:43 quatre pays, l'Argentine, le Brésil,
28:45 le Paraguay et l'Uruguay.
28:47 Programmé depuis 2019,
28:49 ce deal avec l'Union européenne
28:51 prévoit chaque année,
28:53 pour les quatre États sud-américains,
28:55 une suppression des droits de douane
28:57 sur 180 000 tonnes de sucre,
28:59 180 000 tonnes
29:01 de volaille,
29:03 60 000 tonnes de riz,
29:05 45 000 tonnes de miel,
29:07 25 000 tonnes de viande
29:09 porcine et des taxes
29:11 réduites sur 100 000 tonnes
29:13 de viande bovine.
29:15 C'est ce point précis qui est le plus
29:17 controversé. Les grosses exploitations
29:19 d'élevage sud-américaines sont
29:21 une concurrence redoutée. Elles
29:23 bénéficient de surfaces considérables
29:25 et sont soumises à moins de normes
29:27 sanitaires et environnementales.
29:29 La France, sous la pression de ses agriculteurs,
29:31 bloque aujourd'hui les négociations
29:33 et réclame des clauses
29:35 miroirs pour imposer une réciprocité
29:37 des normes.
29:39 On demande simplement que les règles
29:41 environnementales et sanitaires qu'on impose
29:43 à nos agriculteurs et à plusieurs autres professions
29:45 soient les mêmes
29:47 du côté des pays
29:49 à qui on est en train d'ouvrir nos portes.
29:51 Sinon, ce n'est pas juste.
29:53 Il n'est pas question pour la France
29:55 d'accepter ce traité. C'est clair,
29:57 c'est net et c'est ferme.
29:59 Mais la France paraît isolée
30:01 sur ce sujet. Plusieurs capitales
30:03 européennes jugent cet accord essentiel,
30:05 en particulier Berlin.
30:07 L'Allemagne voit d'un bon oeil
30:09 les exportations facilitées pour
30:11 ses industries automobiles et pharmaceutiques.
30:13 La France, pourtant,
30:15 pourrait-elle aussi y trouver son intérêt ?
30:17 L'accord prévoit de détaxer
30:19 les exportations de produits comme
30:21 les fromages, le lait,
30:23 mais aussi le vin
30:25 et les spiritueux. Pour ce secteur,
30:27 le Mercosur est aujourd'hui
30:29 un marché pratiquement anecdotique.
30:31 Cet accord offrirait donc de nouveaux horizons.
30:33 Les syndicats agricoles
30:35 le reconnaissent. La France agricole
30:37 ne peut pas se passer de continuer
30:39 à échanger. Qui imagine demain
30:41 la viticulture concentrée
30:43 sur le marché national ? C'est sa fin
30:45 programmée et immédiate. On peut aussi
30:47 avoir des intérêts offensifs sur le Mercosur,
30:49 je ne le nie pas. Alors que les négociations
30:51 arrivaient dans leur dernière ligne droite,
30:53 la réticence de la France est un sérieux
30:55 coup de frein pour la signature définitive
30:57 de cet accord.
30:59 - Richard Verly et Benoît Mournet,
31:01 pour terminer, la France a vraiment
31:03 les moyens de stopper net les négociations ?
31:05 - Elle ne peut pas les stopper,
31:07 mais elle a vraiment les moyens de mettre
31:09 pour l'instant au frigo cet accord, oui,
31:11 mais il y aura des conséquences. C'est-à-dire qu'on peut
31:13 dire non, mais vous pensez bien que l'Allemagne
31:15 dira peut-être demain non sur d'autres sujets
31:17 qui sont importants pour la France et d'autres
31:19 pays de l'Union européenne. Il y a toujours
31:21 un compromis, un équilibre à trouver, donc oui,
31:23 Emmanuel Macron peut dire non,
31:25 mais demain aura-t-il encore les moyens
31:27 d'accepter la contre-offensive que mèneront
31:29 inévitablement ses partenaires européens ?
31:31 - On résume souvent cet accord grossièrement
31:33 à bœuf brésilien contre voiture allemande.
31:35 C'est vraiment la loi de la jungle, ce Mercosur ?
31:37 - Ce que nous voulons dans les accords de commerce,
31:39 c'est que ce soit alimentation contre alimentation.
31:41 Le CETA, figurez-vous que l'Europe
31:43 est gagnante, on exporte plus de matières alimentaires
31:45 qu'on en importe. Il n'est pas
31:47 possible d'importer du bœuf aux hormones
31:49 pourtant autorisées au Canada sur le sol
31:51 européen. Ça, c'est un bon accord de commerce.
31:53 Le Mercosur en l'état, ce n'est pas
31:55 un bon accord de commerce, en particulier pour la filière sucre
31:57 et pour la filière bovine. Nous,
31:59 nous y opposons. Le sujet,
32:01 ce sont, bah, le problème des
32:03 accords de commerce, la viticulture,
32:05 aujourd'hui, on consomme moins de vin en France, en effet,
32:07 il faut avoir ce débouché pour le fromage,
32:09 pour le lait, et même, figurez-vous, qu'on exporte...
32:11 - On ne pourra jamais satisfaire tout le monde, on le voit bien.
32:13 - ...du porcain en Chine. Mais il faut
32:15 que ce soit miroir,
32:17 il faut qu'il y ait les mêmes règles pour tout le monde.
32:19 Je crois que c'est ça la ligne... - On va s'arrêter sur un accord,
32:21 vous êtes, évidemment, j'imagine, tous les deux d'accord
32:23 là-dessus, non Mercosur, close miroir,
32:25 réciprocité ? - Pas dans l'état actuel des choses, oui.
32:27 - C'est pareil pour les écologistes,
32:29 CaniHS ? - Évidemment, et également contre les autres
32:31 accords qu'ont signé Renew, à savoir
32:33 celui avec le Chili ou la Nouvelle-Zélande,
32:35 en tout cas, ils ont voté pour,
32:37 on est contre les accords de libre-échange qui ont
32:39 les mêmes résultats, Mercosur particulièrement,
32:41 mais également les autres. - C'est d'ailleurs grâce à
32:43 les manifestations qu'on a montré les importations
32:45 de sucre ukrainien, qui produisent avec
32:47 des normes différentes. - On s'arrête là, merci,
32:49 c'est très clair, on s'arrête sur un accord,
32:51 au moins sur le libre-échange, je crois que vous êtes d'accord,
32:53 on peut réconcilier les agriculteurs et les écologistes,
32:55 c'est possible, merci à vous d'être
32:57 venu débattre sur LCP.
32:59 Vous restez avec moi, Gérald Brunner, dans une bonne
33:01 dizaine de minutes, les partis pris de nos affranchis.
33:03 Ce soir, Yael Gauze nous dit
33:05 pourquoi la crise agricole a
33:07 sonné le coup d'envoi de la bataille
33:09 des européennes, de quoi l'uniforme
33:11 est-il ? Le nom, ce sera dans le billet de philo
33:13 de Nathan Devers, et puis
33:15 quel est le menu de Bourbon Express ce soir,
33:17 Marco Pommier ? - À peine arrivé,
33:19 Gabrielle Etal a déjà sur le dos une motion
33:21 de censure. Doit-il trembler ? Je vous dis ça
33:23 dans un instant. - A tout à l'heure,
33:25 messieurs, mais d'abord, on va plonger dans votre
33:27 histoire, Gérald Brunner,
33:29 et elle est, je le disais, stupéfiante,
33:31 exorcisme, votre dernier
33:33 livre chez Grasset. C'est un peu
33:35 la suite des origines,
33:37 pourquoi devient-on qui l'on est ?
33:39 Vous répondez très bien
33:41 à cette question, vous, le sociologue,
33:43 respecté de la rationalité,
33:45 vous qui avez plongé, jeune homme,
33:47 dans l'aventure ésotérique
33:49 et même un peu dans l'endoctrinement,
33:51 un exercice passionnant de
33:53 franchise, on voit ça dans "L'Invitation"
33:55 d'Elsa Mondingava, interview
33:57 juste après.
33:59 Musique
34:01 ...
34:03 - Si on vous invite,
34:05 Gérald Brunner, c'est pour revenir
34:07 sur une histoire à peine croyable.
34:09 Vous nous la racontez dans
34:11 "Exorcisme", votre dernier livre,
34:13 l'histoire d'un jeune homme
34:15 qui bascule dans les croyances
34:17 occultes, et ce jeune homme,
34:19 c'est vous. Oui, vous, Gérald Brunner,
34:21 le professeur de sociologie,
34:23 membre de l'Académie des technologies,
34:25 membre de l'Académie
34:27 nationale de médecine,
34:29 vous qui avez publié "L'Empire des
34:31 croyances", "La démocratie des crédules",
34:33 vous révélez avoir
34:35 vous-même un temps, cédé
34:37 aux sirènes du mystique.
34:39 - J'étais très radical
34:41 dans mes croyances, je n'en ai d'ailleurs
34:43 jamais fait secret,
34:45 puisque à plusieurs reprises dans des interviews,
34:47 j'ai expliqué que probablement, ma passion
34:49 pour l'objet croyance en tant que sociologue
34:51 venait des racines profondes de mon
34:53 adolescence et jeune homme, simplement,
34:55 je ne l'avais pas encore expliqué pourquoi.
34:57 - Jeune homme à Nancy, dans les
34:59 années 80, vous vous passionnez
35:01 pour le taekwondo,
35:03 et vous guettez l'apocalypse
35:05 place Stanislas,
35:07 avec un groupe d'amis, vous fondez
35:09 le "SERF les chercheurs"
35:11 en réalisme fantastique.
35:13 Dans votre livre,
35:17 vous racontez l'envoûtement et le
35:19 désenvoûtement, une expérience
35:21 côté pile et côté face,
35:23 qui vous permet d'analyser au mieux
35:25 les mécanismes du fanatisme.
35:27 D'ailleurs,
35:29 Gérald Bronner, une question
35:31 ce soir,
35:33 est-on mieux averti
35:35 quand on a soi-même succombé
35:37 aux croyances les plus folles ?
35:39 - Alors, réponse, Gérald Bronner.
35:41 - Je crois que oui, effectivement.
35:43 D'ailleurs, il y a une technique
35:45 qu'on utilise beaucoup en psychologie
35:47 et en sociologie à propos des fake news,
35:49 c'est ce qu'on appelle la technique
35:51 de l'inoculation, le "prebunking",
35:53 ça se dit en anglais.
35:55 Le "debunking", c'est la démystification.
35:57 Le "prebunking", c'est de confronter,
35:59 notamment souvent des jeunes,
36:01 à des fausses informations ou à des théories
36:03 du complot qui sont un peu outries,
36:05 et qui vont rencontrer des vrais,
36:07 par exemple sur les réseaux sociaux,
36:09 ils vont se méfier un peu plus.
36:11 - C'est comme le vaccin, vous inocule un tout petit peu
36:13 de complot dans le sang.
36:15 - Il a été facile à écrire, ce récit ?
36:17 Franchement, ça a été facile de raconter ça
36:19 au plus grand nombre, que vous avez écrit au surnaturel,
36:21 que vous avez connu de l'intérieur le mécanisme
36:23 de l'endoctrinement, d'une certaine manière ?
36:25 - Ce qui était difficile, c'est de dire oui,
36:27 de me mettre à écrire.
36:29 Et quand je me suis mis à écrire,
36:31 j'ai été un peu saisi par une sorte de flot.
36:33 Il m'a fallu quelques mois, quand même,
36:35 je ne suis pas du genre à écrire en deux semaines,
36:37 certains auteurs le font, moi, j'ai pas ce feu-là.
36:39 Il m'a fallu une année, je dirais,
36:41 pour écrire ce récit,
36:43 mais j'ai pris à la fois du plaisir,
36:45 et c'était un peu aussi une souffrance,
36:47 parce que ça m'a, avec un peu de mélancolie,
36:49 ramené à une époque à la fois bénite et maudite,
36:53 en quelque sorte.
36:55 - Il y a du regret et de la mélancolie
36:57 de cette période.
36:59 - Forcément, parce que quand on a cru très fort,
37:01 c'est comme un amour, quand on a aimé très fort,
37:03 et que ces croyances se retirent,
37:05 il nous en reste toujours quelque chose
37:07 comme un membre amputé.
37:09 - Alors, Rambaud-Binon,
37:11 vous grandissez dans la banlieue de Nancy,
37:13 dans les années 80,
37:15 vous venez d'une famille aimante, populaire,
37:17 clairement modeste, mais qui vous chérit,
37:19 vous n'avez pas vraiment souffert
37:21 de vos origines modestes,
37:23 votre mère, femme de ménage, un père mécanicien,
37:25 deux livres à la maison seulement, la Bible...
37:27 - On peut réparer des télés, en fait.
37:29 - La Bible et un livre sur les extraterrestres.
37:31 Est-ce que vos parents étaient un peu versés
37:33 dans l'irrationnel, déjà ?
37:35 - Pas vraiment.
37:37 Je bénis dans un milieu de folklore populaire.
37:39 On se racontait des tas d'histoires,
37:41 les adultes adoraient raconter ça
37:43 au moment de l'apéritif,
37:45 et nous, les enfants, on voulait absolument
37:47 écouter ces histoires,
37:49 mais le soir venu, on regrettait de les avoir entendues.
37:51 Mais, par exemple, mes parents ne sont pas religieux,
37:53 moi-même, je ne suis pas baptisé,
37:55 et c'est vrai, il n'y avait que deux livres,
37:57 chez moi, mais ça voulait dire surtout
37:59 qu'il n'y avait pas de livres.
38:01 La Bible, comme dans beaucoup de familles françaises
38:03 de l'époque, et puis un curieux petit bouquin
38:05 sur les extraterrestres,
38:07 mon papa s'intéressait quand même un petit peu à ça,
38:09 mais c'est pas lui qui m'a, disons,
38:11 communiqué cette fille, parce qu'il est parti
38:13 quand j'avais six ans, donc...
38:15 - On va venir, d'ailleurs, à cet oncle
38:17 qui va vous ouvrir sa caverne.
38:19 Jeune ado, vous ne vous sentez pas vraiment
38:21 à votre place, comme tous les ados,
38:23 d'ailleurs, vous vous cherchez.
38:25 Le jeune homme que vous êtes attire l'attention
38:27 en basculant dans la petite délinquance,
38:29 vous devenez ce que vous dites,
38:31 un "businessman". C'est quoi, un businessman ?
38:33 - C'était le nom qu'on se donnait
38:35 dans les années 80 pour dire qu'on était
38:37 des délinquants, on faisait du business,
38:39 c'est-à-dire du vol, etc.
38:41 C'est plutôt de la micro-délinquance,
38:43 et je raconte aussi, d'ailleurs, qu'il n'y avait
38:45 pas de marché, c'est-à-dire qu'on avait
38:47 des objets, des autoradios, notamment,
38:49 on volait des autoradios à l'époque,
38:51 mais on ne savait pas qui les vendre,
38:53 donc c'est vraiment pas par appétit du gain.
38:55 - Des empiliers. - C'était un appétit,
38:57 non, du gain, mais du symbolique.
38:59 C'est-à-dire qu'on voulait être
39:01 un petit peu des voyous
39:03 pour se faire respecter, et moi, ça m'allait pas.
39:05 J'essayais de jouer le jeu, bien entendu.
39:07 - C'est pas du tout votre nature. - Non.
39:09 - Et pourtant, vous allez à la castagne,
39:11 vous vous bagarrez.
39:13 - On est bien obligés, pour le coup,
39:15 on devient dans un milieu populaire,
39:17 si on veut pas être une victime,
39:19 et j'ai pas du tout ce tempérament,
39:21 cette violence, on est obligés de se battre.
39:23 D'ailleurs, tous mes amis se sont déjà battus,
39:25 j'ai découvert bien plus tard,
39:27 en devenant professeur d'université
39:29 et en fréquentant des gens qui avaient grandi
39:31 dans la bourgeoisie, que c'était possible
39:33 de ne s'être jamais battu de sa vie,
39:35 ce qui me paraissait invraisemblable.
39:37 - Alors, vous vous cherchez,
39:39 en fait, vous vous cherchez à combler
39:41 un grand vide intérieur qu'on a souvent
39:43 à l'adolescence, mais chez vous, c'est vraiment fort,
39:45 cette espèce de mélancolique,
39:47 de grand ennui,
39:49 que vous confessez même à votre plafond
39:51 qui vous regarde, à travers une sorte
39:53 d'œil, et celui qui va remplir
39:55 le vide, c'est Jean-Luc, votre oncle,
39:57 qui habite dans l'appartement du dessous,
39:59 dans le même immeuble que vous, dans la banlieue de Nancy,
40:01 qui sait, Jean-Luc, exactement.
40:03 Vous découvrez,
40:05 quand il l'autorise, sa grotte,
40:07 à quoi ça ressemble. - Oui, c'est le frère de ma mère
40:09 qui a tout simplement vécu toute sa vie
40:11 chez sa mère, donc chez ma grand-mère,
40:13 il a été incarcéré, en quelque sorte,
40:15 à vie, il s'est auto-incarcéré, il aurait pu faire
40:17 un autre choix, il est mort,
40:19 donc, vieux garçon, et le peu
40:21 d'argent qu'il avait, parce qu'il en avait pas
40:23 beaucoup, il le consacrait
40:25 à acheter des livres,
40:27 des bandes de ciné, des disques,
40:29 il écoutait France Culture, par exemple,
40:31 donc tout cela, je l'ai découvert,
40:33 oui, vers 11, 12 ans,
40:35 et puis plus tard, ensuite,
40:37 avec lui, et c'était
40:39 un peu mon dealer de culture,
40:41 et je sentais, quand j'écoutais,
40:43 par exemple, France Culture, la nuit, parce que j'avais le droit
40:45 de me coucher, j'étais dans une famille
40:47 très libérale, donc à 12 ans, j'avais le droit
40:49 de ne pas dormir de la nuit si j'avais envie,
40:51 et j'avais collège le lendemain,
40:53 mais ça m'apportait beaucoup,
40:55 et en écoutant, par exemple, ses radios,
40:57 je suis pas sûr que je comprenais, mais en tout cas,
40:59 j'avais le sentiment que c'était là mon pays,
41:01 c'était mon pays de destination. -Et il vous fait découvrir
41:03 à la fois la musique,
41:05 la BD, les Beatles,
41:07 "Brel, fluide glacial", les "Surrealiste" aussi,
41:09 et puis les ouvrages fantastiques,
41:11 "Le monde merveilleux et fantastique"
41:13 de Tolkien, "Le seigneur des anneaux",
41:15 ça, ça vous a marqué particulièrement ?
41:17 -Complètement, ça reste encore
41:19 mon roman préféré, c'est celui
41:21 qui me l'a le plus marqué, j'ai aussi "Lovecraft",
41:23 "Genret", beaucoup, c'était mon entrée
41:25 dans la littérature, je dirais,
41:27 d'abord fantastique, mais en dehors du collège,
41:29 parce qu'au collège, on lisait des livres aussi,
41:31 mais là, je les lisais par plaisir,
41:33 ce que faisaient pas beaucoup de mes camarades
41:35 à l'époque, et puis,
41:37 il y avait pas que cette littérature fantastique,
41:39 il y avait aussi des livres
41:41 d'ésotérisme, d'occultisme,
41:43 parce qu'ils s'intéressaient beaucoup à l'histoire secrète,
41:45 des Templiers, etc.
41:47 Et donc, peu à peu, j'y ai mis
41:49 moi aussi mon nez. -C'est là que ça se radicalise,
41:51 et que ça bascule
41:53 dans la construction d'un monde
41:55 parallèle, c'est vraiment ça,
41:57 le surf, les chercheurs en réalisme fantastique,
41:59 avec vos amis du taekwondo,
42:01 avec Nail, qui est très
42:03 important dans le récit,
42:05 décrivez-nous ce petit groupe.
42:07 -C'est d'abord deux personnes,
42:09 Nail et moi, on fait du taekwondo
42:11 ensemble, et c'est quelqu'un qui est
42:13 cher à mon coeur, c'est comme un frère,
42:15 je l'écris, je le dis aujourd'hui, je l'ai encore vu
42:17 il y a quelques jours, il habite Paris,
42:19 maintenant, comme moi, il est devenu comédien
42:21 et scénariste, et donc,
42:23 tous les deux, parce qu'on ne rêve jamais
42:25 vraiment tout seul, c'est pas possible d'essayer de plier
42:27 le monde à ses désirs tout seul,
42:29 parce que le monde répond non, de toute façon.
42:31 Il nous a répondu non aussi, mais on l'entend
42:33 moins bien, ce non, quand on est beaucoup.
42:35 Et donc, comme on était des jeunes hommes,
42:37 on a eu une expérience un peu charismatique à cause du sport de combat,
42:39 et puis, parce qu'on s'intéressait à des choses un peu bizarres,
42:41 on a vite réuni,
42:43 vite, en un an ou deux, une soixantaine
42:45 de galopins,
42:47 enfin, nos mères aussi, ils sont rentrés dans le mouvement,
42:49 donc il n'y avait pas que des enfants,
42:51 donc on entraînait tout ce qu'on pouvait
42:53 à rêver avec nous, et peu à peu,
42:55 surtout au départ sur les pouvoirs paranormaux,
42:57 la projection astrale, mais
42:59 on a commencé à voir des drôles de signes
43:01 dans la ville de Nancy, qu'on n'inventait pas,
43:03 des sortes de gravures sur le palais
43:05 du Cal, dans la cathédrale,
43:07 et on a découvert la symbolique,
43:09 et il nous a semblé,
43:11 et c'est là où on commence à nous fourvoyer
43:13 dans le fanatisme, que ces signes
43:15 annonçaient la grande histoire.
43:17 -L'apocalypse. -La fin des temps.
43:19 Et on était bientôt persuadés
43:21 que la fin des temps allait arriver à Nancy,
43:23 et qu'évidemment, on allait jouer
43:25 un rôle important dans cette histoire,
43:27 parce que ceux qui vous annoncent ce genre de choses
43:29 imaginent toujours qu'ils soient un peu élus
43:31 pour cette histoire-là. -En fait, vous venez
43:33 de la ville pétichiste de tous les signes.
43:35 -Oui. -Vous avez des chiffres
43:37 ou des nombres magiques.
43:39 C'est très, très étrange,
43:41 quand même, cet envoûtement.
43:43 Vous entendez les sabots des chevaux,
43:45 vous parlez aux fées, vous allez même jusqu'à sortir
43:47 de votre corps.
43:49 Il y a un exemple, vous voyez partout l'ermite.
43:51 La carte du vieux sorcier
43:53 au tarot. Il vous poursuit
43:55 partout. -Je tiens à dire que je ne suis
43:57 jamais sorti de mon corps. J'ai essayé pendant des années,
43:59 mais malheureusement, le Merveilleux ne voulait pas de moi.
44:01 Donc, j'ai jamais triché, si vous voulez.
44:03 -Vous faites bien de préciser. -J'attendais
44:05 que le Merveilleux se manifeste, mais il ne s'est pas manifesté.
44:07 Et dans tout ce brique à braques,
44:09 j'ai cru, parce qu'on me l'a dit,
44:11 parce que des cartes menciennes me l'ont dit,
44:13 que j'étais envoûté. Et bientôt,
44:15 une figure imaginaire d'un vieil homme
44:17 qui regardait le sol et qui avait une cam,
44:19 donc une figure un peu inquiétante,
44:21 a commencé à remplir ma vie,
44:23 parce que certaines prédictions qu'on m'avait faites
44:25 se sont réalisées par hasard, bien sûr,
44:27 mais comment pouvais-je imaginer que c'était un hasard ?
44:29 Et le plus incroyable dans cela,
44:31 j'ai pas le temps de développer,
44:33 j'invite à lire mon livre pour en savoir plus,
44:35 c'est que nous l'avons trouvé, ce vieil homme.
44:37 Évidemment, nous l'avons inventé,
44:39 nous avons mis, si vous voulez,
44:41 un post-it sur un vieil homme qui ne demandait rien du tout,
44:43 mais qui était un vieil homme
44:45 très connu à Nancy, parce qu'il tenait
44:47 un très grand magasin,
44:49 disons, et qui portait
44:51 le nom d'un roi, et on a imaginé
44:53 qu'il était à la tête d'un groupe sataniste,
44:55 et beaucoup de gens
44:57 nous donnaient des informations,
44:59 c'est une convergence d'indices.
45:01 -On ne croit pas sans preuve.
45:03 Vous dites que vous n'étiez pas fou,
45:05 c'est très intéressant,
45:07 parce que c'est aussi le sociologue qui écrit,
45:09 et c'est ça qui est très intéressant dans ce récit,
45:11 qui est un acte de franchise,
45:13 mais qui est aussi un acte de réflexion dans le récit,
45:15 vous vous mettez à voir des coïncidences
45:17 extraordinaires partout,
45:19 vos désirs deviennent des prémonitions,
45:21 puis des savoirs, et ça, vous l'analysez,
45:23 comme un troisième oeil qui vous regarde.
45:25 C'est d'ailleurs la motivation principale
45:27 pour avoir écrit ce livre,
45:29 c'est pas juste raconter notre histoire de club des cinq,
45:31 c'est une histoire de pieds nickelés,
45:33 j'espère que c'est drôle, mais... -Pitoresque.
45:35 -Je pense que c'est pitoresque,
45:37 mais en même temps, je pense
45:39 qu'il y a quelque chose d'exemplaire
45:41 dans mon histoire, qui peut servir
45:43 justement d'exemple,
45:45 et au-delà de ça, il y a une charge
45:47 universelle dans ce que je raconte,
45:49 parce que je pense qu'on a tous, en effet,
45:51 versé dans des croyances,
45:53 aussi petites soient-elles,
45:55 je parlais de l'amour, c'est aussi une forme de croyance,
45:57 le Père Noël, etc.,
45:59 ou les convictions politiques,
46:01 et puis, on a tous été déçus.
46:03 C'est un peu aussi un récit de la déception,
46:05 et comment s'en sentir bien
46:07 de cette déception,
46:09 c'est aussi une façon d'éclairer mon obsession
46:11 pour les croyances collectives. -Vous racontez bien
46:13 que le désenvoûtement, c'est la deuxième partie
46:15 du livre, commence avec
46:17 la sociologie,
46:19 l'université, mais
46:21 vous avez gardé le goût du sens caché,
46:23 et ça, c'est fou, quand même, Gérald Brunner.
46:25 Vous avez glissé
46:27 le titre de votre futur livre dans "Exorcisme" ?
46:29 -Absolument. Oui,
46:31 ça, c'est un peu... -Vous aimez ça,
46:33 les esotérismes, en fait.
46:35 -Disons que dans ma quête
46:37 de l'imaginaire, j'en parle pas beaucoup dans le livre,
46:39 mais je me suis beaucoup intéressé aux jeux de rôle.
46:41 Dans le jeu de rôle, on est un peu taquin,
46:43 on a un esprit ludique, et donc, effectivement,
46:45 dans chacun de mes livres, il y a souvent
46:47 des petites énigmes cachées,
46:49 et dans ce cas de figure,
46:51 il y a en effet
46:53 le titre de mon prochain livre que je suis en train d'écrire,
46:55 je vous dirai donc pas quoi. -Oui, j'imagine bien.
46:57 -Mais en même temps,
46:59 effectivement,
47:01 la leçon que je tire de tout ça,
47:03 pour expliquer que je sois devenu
47:05 un sociologue des croyances, mais je ne pratique pas n'importe
47:07 quelle sociologie. La nature même de ma sociologie
47:09 est inspirée, finalement, de ses racines
47:11 adolescentes, parce que j'ai appris
47:13 que cette époque, qu'on peut croire à des choses folles,
47:15 mais sans être fou soi-même.
47:17 Et raison d'y insister,
47:19 on ne croit jamais sans raison,
47:21 en réalité, et ce que j'essaie
47:23 de montrer, c'est mon propre mille-feuille argumentatif,
47:25 et dans le fond, presque tous les livres
47:27 que j'ai écrits, j'en ai écrit un sur les coïncidences,
47:29 ce n'est absolument pas pour rien, j'ai aussi
47:31 écrit des parties scientifiques sur ces sujets,
47:33 évidemment, et en fait, oui, je découvre,
47:35 grâce à mon éditeur
47:37 Christophe Bataille, qui m'a commandé ce livre,
47:39 finalement, une cohérence plus grande encore
47:41 que celle que j'avais imaginée. -Il faut lire
47:43 "Exorcisme", chez Grasset,
47:45 comment un croyant fiévreux
47:47 va devenir un grand sociologue,
47:49 c'est un exercice un peu d'auto-analyse,
47:51 d'égo-histoire, d'une certaine façon.
47:53 Vous restez avec moi, Gérald Debreneur,
47:55 c'est l'heure de retrouver nos affranchis pour leur parti-pris,
47:57 ils vont d'ailleurs vous faire réagir,
47:59 on les accueille tout de suite.
48:01 Yael Gouz de France Inter,
48:03 bienvenue à vous, parti-pris politique,
48:05 Nathan Devers, plaisir de vous retrouver
48:07 pour le billet philo, installez-vous.
48:09 On commence, comme chaque soir, par
48:11 "Le Bourbon Express", l'histoire du jour à l'Assemblée,
48:13 c'est Marco Premier qui s'y colle ce soir.
48:15 Bonsoir, Marco. -Bonsoir, Myriam.
48:17 Ce soir, je vous raconte l'histoire
48:19 de la 90e motion de censure
48:21 de la Ve République. Ce sera lundi.
48:23 Motion de censure spontanée
48:25 déposée par les quatre groupes de la gauche
48:27 pour faire tomber le gouvernement
48:29 de Gabriel Attal. Raison invoquée,
48:31 le nouveau Premier ministre s'est affranchi
48:33 du vote de confiance à l'Assemblée
48:35 après sa déclaration de politique
48:37 générale mardi. Rappelons
48:39 qu'il en a le droit, critiqué
48:41 pour avoir déposé cette motion avant même
48:43 d'avoir écouté le discours du Premier ministre.
48:45 La gauche se justifie.
48:47 Le Premier ministre nous a privés d'un vote de confiance,
48:49 donc nous suscitons un vote de défiance.
48:51 Et puis, en réalité, il n'y avait pas
48:53 beaucoup de surprises dans ce qu'il allait dire.
48:55 On connaît la politique de ce gouvernement
48:57 depuis 2017 et le président de la République
48:59 a fait une conférence de presse qui a fait office
49:01 de discours de politique générale. -C'est le seul moyen de savoir
49:03 qui est dans la majorité et qui est dans l'opposition.
49:05 On le saura grâce au vote lundi.
49:07 -Bon, Myriam, on ne va pas faire
49:09 de suspense en exclusivité.
49:11 Je peux déjà vous annoncer que cette
49:13 motion de censure ne sera pas adoptée.
49:15 -Breaking news. -Il faudrait 289
49:17 voix pour faire tomber le gouvernement,
49:19 mais clairement, là, le compte n'y est pas.
49:21 Les Républicains ne prêteront pas leur voix à la gauche.
49:23 Le Rassemblement national ne le fera
49:25 probablement pas non plus.
49:27 Écoutez. -La maladie
49:29 de la motion de censure systématique
49:31 et automatique, je trouve
49:33 que c'est tout à fait contraire à nos institutions.
49:35 -Ils ne voteront pas la motion
49:37 de censure des insoumis,
49:39 parce que nous ne partageons
49:41 en rien la vision des insoumis.
49:43 -On a compris, les Républicains
49:47 ne feront pas tomber le gouvernement au lundi,
49:49 mais ils en rêvent encore.
49:51 Ils menacent de le faire un jour, c'est ça ?
49:53 -Exactement, c'est ça. C'est la menace, en tout cas,
49:55 que certains députés, les Républicains,
49:57 brandissent. On me confirmait aujourd'hui
49:59 que le sujet avait été clairement posé
50:01 sur la table mardi en réunion de groupe.
50:03 Menace formulée très clairement par Olivier Marlex
50:05 devant Gabriel Attal, c'était mardi.
50:07 -Dans l'intérêt du pays,
50:09 monsieur le Premier ministre, tâchez de faire mieux
50:11 que ce qui vous a demandé par le président.
50:13 Et souvenez-vous que la durée de vie
50:15 de votre gouvernement ne dépend pas
50:17 que du président de la République,
50:19 mais aussi de cette Assemblée nationale
50:21 où vous êtes minoritaire et dont vous n'aurez pas la confiance.
50:23 -Voilà, alors, le gouvernement
50:25 de Gabriel Attal est-il en sursis ?
50:27 Rappelez-vous, l'année dernière,
50:29 la motion de censure contre la réforme des retraites
50:31 à l'initiative du groupe Lyotte
50:33 avait été votée par le Rassemblement national,
50:35 par l'ensemble de la gauche
50:37 et par 19 députés LR.
50:39 Il manquait 9 voix, 9 petits doigts
50:41 pour faire tomber le gouvernement.
50:43 C'est donc bien les Républicains qui pourraient faire pencher
50:45 la balance à l'avenir.
50:47 Aujourd'hui, un député LR me disait,
50:49 "Avec la décision du Conseil constitutionnel
50:51 "et la duplicité de Macron sur le texte 'immigration',
50:53 "nous aussi, nous nous réarmons."
50:55 Décidément, ce terme est à la mode en ce moment.
50:57 Aujourd'hui, un nombre plus important
50:59 de députés LR pourraient aller
51:01 dans ce sens. Encore faudrait-il,
51:03 Myriam, que la gauche vote la motion de la droite.
51:05 Donc ça fait beaucoup de conditions,
51:07 beaucoup de si. - Oui, beaucoup de si.
51:09 - Bref, pour l'instant, c'est le statu quo à faire à suivre.
51:11 - Oui, vous regardez ça de près, peut-être qu'il y a aussi
51:13 des élections qui leur font un peu peur
51:15 en cas de dissolution si le gouvernement tombe.
51:17 Merci beaucoup, Marco. La politique, toujours.
51:19 Yael Ghos, la campagne des élections
51:21 européennes du 9 juin prochain,
51:23 au fond, est déjà lancée
51:25 parce que derrière les campagnes,
51:27 il y a la campagne électorale,
51:29 la crise agricole révélateur et
51:31 accélérateur des clivages d'avenir.
51:33 - Oui, et tout l'intérêt des crises,
51:35 Myriam, c'est qu'elles chamboulent les plans de bataille
51:37 écrits trop vite, établis trop tôt.
51:39 Il y a deux semaines, si vous aviez posé
51:41 la question à n'importe quel chef de parti
51:43 politique, alors quand et comment
51:45 est-ce que vous allez mener cette campagne des européennes ?
51:47 Invariablement, il vous aurait répondu
51:49 "Oh là là, on a le temps, on n'est pas pressés,
51:51 on fera du blitzkrieg au dernier moment,
51:53 le plus tardivement possible, campagne
51:55 la plus courte possible". Vous remarquerez que le parti
51:57 présidentiel Renaissance et ses alliés
51:59 n'ont même pas encore la moindre tête de liste.
52:01 Mais cette année, l'actualité
52:03 a rattrapé les stratèges
52:05 avec ses tracteurs en filadienne
52:07 à Berlin devant la porte de Brandebourg,
52:09 image virale. Par mimétisme,
52:11 la colère s'est propagée à une grande
52:13 partie de l'Europe, jusqu'à chez nous.
52:15 Ralbolle dirigé contre Bruxelles, mais colère
52:17 transnationale, c'est intéressant.
52:19 Le mouvement social dépasse
52:21 les frontières pour obtenir de l'Europe
52:23 une autre politique. Paradoxalement,
52:25 ça dit aussi à quel point l'idée européenne,
52:27 l'espace public européen,
52:29 avance, même si c'est à coup de crise.
52:31 Mais revenons chez nous, ce
52:33 ras-le-bol des gilets verts est immédiatement
52:35 investi ou récupéré par
52:37 les forces politiques qui vont jouer gros le 9 juin prochain.
52:39 - Alors, à qui, à quoi vous pensez
52:41 exactement ? - Au RN, favori des
52:43 sondages, à cette tête de liste, Jordan Bardella
52:45 qui a bondi sur l'occasion.
52:47 Reçu à Matignon il y a deux semaines, il demande
52:49 à Gabriel Attal l'état d'urgence
52:51 agricole, puis il fonce
52:53 dans le Médoc et le week-end dernier, c'est Marine
52:55 Le Pen dans le Nord qui monte sur un tracteur.
52:57 Image contre image,
52:59 Gabriel Attal débloque un barrage en Haute-Garonne,
53:01 son pupitre est une
53:03 botte de paille, car cette crise agricole
53:05 est un condensé de tous les mots
53:07 MAUX du moment, pouvoir d'achat,
53:09 environnement, souveraineté alimentaire,
53:11 commerce équitable, géopolitique
53:13 avec l'Ukraine, et c'est pour ça
53:15 que Gabriel Attal,
53:17 dans son baptême du feu, et Emmanuel
53:19 Macron, le vétéran du discours de la Sorbonne,
53:21 n'ont pas voulu laisser
53:23 le chaos s'installer, ils ne pouvaient pas se louper,
53:25 partagent des rôles donc ce jeudi,
53:27 on l'a bien vu, journée décisive, à Gabriel Attal
53:29 les concessions nationales à la
53:31 mi-journée, à Emmanuel Macron
53:33 le bras de fer européen en fin de journée,
53:35 notamment sur les jachères
53:37 et l'accord du Mercosur. - Mais là vous ne
53:39 parlez que du RN et
53:41 de Renaissance, c'est pas un duel cette
53:43 campagne ? - J'ai bien conscience, mais force est de
53:45 constater que dans cette pré-campagne,
53:47 c'est ce duel qui réapparaît et qui
53:49 écrase tout, intérêt des deux
53:51 camps bien compris, les écologistes
53:53 subissent la vague antinorme,
53:55 Raphaël Glucksmann n'existe que pas
53:57 ou très peu sur le sujet, les républicains
53:59 inventent l'usine à gaz
54:01 d'un revenu agricole minimal qui serait
54:03 financé par la suppression de l'aide médicale d'État,
54:05 on ne comprend plus rien, et l'histoire
54:07 retiendra que c'est Gabriel Attal
54:09 dans les dernières minutes de son discours de politique
54:11 générale, mardi, qui a
54:13 dé facto enclenché la campagne
54:15 en ciblant directement le RN
54:17 et son Frexit déguisé. Au-delà du
54:19 match, au-delà des gants de boxe, cette
54:21 pré-campagne, cette campagne dans le pré, nous
54:23 oblige tous, les uns les autres, à
54:25 mettre le nez dans la politique européenne, dès maintenant,
54:27 ses forces, ses faiblesses,
54:29 ses dispositions, ses transpositions,
54:31 l'Europe, tu l'aimes ou tu l'aimes plus,
54:33 mais qui peut croire qu'il la quitte ?
54:35 - Merci beaucoup, et on l'a commencé à le faire
54:37 dans notre premier débat d'ailleurs,
54:39 de se plonger dans les questions
54:41 européennes, on ne va pas échapper
54:43 à ce face-à-face, il est organisé
54:45 d'avance, vous pensez, Gérald Bronner,
54:47 le gouvernement Renaissance,
54:49 face au Rassemblement National,
54:51 l'Europe plus d'Europe ou moins
54:53 d'Europe, c'est ça le scénario,
54:55 il est écrit d'avance ? - Oui, c'est vrai que la crise
54:57 avec les agriculteurs tente
54:59 à y faire penser, je suis assez d'accord avec ce qui a été dit,
55:01 mais je mettrais quand même un petit joker sur
55:03 l'intérêt qu'il y aura à regarder à gauche
55:05 sur ce qui va se passer sur ces élections
55:07 européennes. Personne ne le sait, je pense
55:09 justement, c'est peut-être là où il y a le plus
55:11 d'incertitudes, et donc peut-être là où ça sera le plus intéressant
55:13 de regarder, parce que ça annonce peut-être
55:15 la suite, on verra. - Et à elle, il y a un espace
55:17 pour la gauche ? - Avant la crise agricole,
55:19 il y a eu ces quelques jours
55:21 de Glucksmannmania, ces deux jours-là,
55:23 c'est quand même retombé assez vite
55:25 avec la crise et des problèmes de constitution de listes
55:27 au PS, c'est loin d'être réglé,
55:29 ils ne sont pas d'accord sur qui on met derrière
55:31 Raphaël Glucksmann, et puis les écologistes
55:33 veulent y aller en solo. Olivier Faure au PS
55:35 a dit "ma porte sera ouverte jusqu'au 17 mai
55:37 pour faire une liste commune", on n'en prend pas le chemin.
55:39 - Nathan Devers, pour terminer, vous vouliez
55:41 nous parler de l'expérimentation
55:43 de l'uniforme. - L'expérimentation
55:45 et la tentation de l'uniforme,
55:47 tentation à laquelle la France est en train
55:49 de céder lentement. En janvier
55:51 dernier, lors de sa conférence de presse,
55:53 Emmanuel Macron a annoncé qu'à partir
55:55 de septembre prochain, septembre 2024,
55:57 une centaine d'établissements
55:59 publics allaient expérimenter
56:01 l'uniforme, établissement volontaire.
56:03 Et si cette expérimentation
56:05 était saluée, que les choses se passaient "bien",
56:07 eh bien à partir de 2026,
56:09 il serait envisageable que l'uniforme
56:11 s'étende potentiellement à la totalité
56:13 des établissements publics.
56:15 Entre-temps, on a vu des photos
56:17 de ces potentielles uniformes
56:19 qui ont été dévoilées. Donc ce sont des
56:21 uniformes très austères, ça ne rigole pas du tout.
56:23 Polo blanc et bleu,
56:25 petit pull avec un petit col V,
56:27 uniforme mixte, donc aucune
56:29 différence, effacement total
56:31 de la différence. Et un sondage
56:33 il y a quelques mois, en octobre dernier,
56:35 disait, tenez-vous bien, que 68%
56:37 de Français approuvent
56:39 la tentation de cet uniforme.
56:41 Et c'est ça, précisément, qui m'étonne,
56:43 que cet uniforme ne suscite aucune indignation,
56:45 voire qu'il soit salué
56:47 comme un grand
56:49 moment de retour de l'école républicaine.
56:51 Le plus drôle, encore, c'est que
56:53 ce thème de l'uniforme, alors ça existait
56:55 déjà, mais le moment où il s'est vraiment imposé
56:57 dans le débat public, c'était en miroir de la
56:59 question de l'abaya. Or, justement, ce que
57:01 les ennemis, les adversaires de l'abaya
57:03 reprochaient à ce vêtement,
57:05 outre qu'il fût un vêtement à connotation cultuelle,
57:07 c'était précisément d'être
57:09 un uniforme qui effaçait le corps, etc.
57:11 Et donc là, vous avez de
57:13 l'interdiction de l'abaya à la
57:15 valorisation de l'uniforme,
57:17 un très bel exemple de la logique, de ce que
57:19 Derrida, le philosophe, appelait
57:21 "la logique de l'auto-immunité".
57:23 C'est-à-dire, en se protangeant contre un mal
57:25 réel ou fantasmé, eh bien, on institue,
57:27 on intériorise, on avale ce mal
57:29 à l'intérieur même du corps social.
57:31 - Bon, quand même, l'école, c'est le lieu
57:33 de l'acceptation, normalement,
57:35 de l'autorité, non ? - Oui.
57:37 Et c'est précisément sur ce point qu'on en est
57:39 vraiment dans le caractère
57:41 le plus régressif de cette
57:43 mesure, en un sens très objectif,
57:45 il n'y a aucun jugement de valeur, régressif d'un point de vue
57:47 historique. Alors, contrairement à ce qu'on dit souvent,
57:49 il n'y avait pas d'uniforme en France, il y avait des blouses.
57:51 Des blouses depuis le XIXe siècle jusqu'aux
57:53 années 70, donc en gros
57:55 elles ont disparu après mai 68,
57:57 et ces blouses, alors elles servaient à protéger le vêtement
57:59 pour pas que les enfants se salissent, mais évidemment,
58:01 elles avaient une fonction symbolique. La symbolique était
58:03 celle de la discipline, c'était de faire en sorte que l'école
58:05 soit un appareil dont la finalité était
58:07 la contrainte, créer plein de règles arbitraires, se lever
58:09 devant le professeur, etc.
58:11 Pour montrer, intérioriser un appareil de pouvoir.
58:13 Précisément, tout l'héritage,
58:15 même pas tellement de la pensée, mais davantage de l'esprit
58:17 68, c'était de dire que
58:19 l'école est certes un lieu de contrainte, mais dont le but
58:21 est de se trouver,
58:23 de trouver son émancipation, de s'émanciper,
58:25 de trouver sa singularité, de fabriquer
58:27 sa différence. Et c'est ça qu'on est en train d'effacer
58:29 dans l'indifférence la plus générale.
58:31 -Et voilà un parti pris,
58:33 particulièrement intéressant,
58:35 qui mérite, mais il y en a quelques secondes,
58:37 une réaction, le sociologue, le regard
58:39 de Gérald Brunner sur l'uniforme.
58:41 -Toutes les enquêtes montrent qu'il y a un désir
58:43 d'autorité chez les Français, je ne suis pas sûr
58:45 qu'ils s'incarnent bien en la matière
58:47 de l'uniforme. -Les moins de 18 ans,
58:49 s'ils étaient sondés, je ne sais pas. -Ah oui,
58:51 alors ça, je peux vous le dire, c'est miette.
58:53 Les moins de 18 ans, je peux l'affirmer,
58:55 j'ai quelques exemples, c'est non à l'uniforme.
58:57 En tout cas, vous vous retrouvez sur la dimension régressive,
59:00 je retiens ce mot, de l'uniforme.
59:02 Merci, les Affranchis, Nathan Devers,
59:04 Yael Gauze, Marco Pommier,
59:06 et merci à vous, Gérald Brunner.
59:08 L'exorcisme s'est allié aux éditions Grasset.
59:11 Le parcours, hallucinant,
59:13 d'un grand chercheur,
59:15 sataniste au départ...
59:17 -Régisseur. -Universitaire
59:19 respecté à l'arrivée.
59:21 Très belle soirée documentaire avec Jean-Pierre Gracien.
59:23 A demain.
59:25 ...
59:37 Merci !

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