• il y a 9 mois
Pauline Bourgoin est ex-maman désenfantée pour avoir tenté de protéger son bébé, victime d'inceste par son père. Aujourd'hui, elle est engagée dans la protection infantile, aux côtés des parents protecteurs, face à la surdité de la justice.
Transcription
00:00 Et je me suis retrouvée encore face à un service social complètement sourd.
00:04 Il y a même une psychologue qui m'a dit un jour
00:08 "Il est fort probable que votre fille fantasme sur son père."
00:11 Je suis Pauline Bourgoin, j'ai 33 ans et je suis maman protectrice.
00:16 Les premières suspicions sont émanées de la crèche en janvier 2022.
00:21 Ils m'alertent d'un comportement très préoccupant chez ma fille
00:25 qui se met depuis le retour de week-end pour chaque change d'aisselle
00:30 à trembler de tout son corps, être en panique et en disant "peur".
00:33 Elle avait deux ans et demi.
00:34 Là on me demande d'intervenir et d'essayer de parler avec elle.
00:37 Elle me confie qu'elle aurait subi une pénétration digitale de son père.
00:43 Je suis en état de choc quand je reçois ça.
00:45 Il a dû lui faire mal en la nettoyant avec une lingette, on va trouver.
00:48 Je suis quand même un petit peu inquiète parce que je repense à une scène
00:53 peu après la naissance de notre fille, ça s'est produit plusieurs fois.
00:56 Le père de ma fille l'embrassait sur la bouche en y insérant sa langue
01:00 et je lui ai demandé d'arrêter.
01:02 J'avais envoyé des articles sur l'inceste et lui expliquer les répercussions pour elle.
01:06 Il avait dit "ok" et je pensais que ça s'était arrêté là.
01:09 Et lui, il remet la faute sur l'homme avec lequel j'avais refait ma vie
01:15 mais il ne cherche pas plus, il n'appelle pas la crèche
01:17 et il ne souhaite pas savoir ce qui se passe.
01:18 J'appelle le 119, la ligne pour les enfants en danger.
01:22 Un rendez-vous m'est donné à l'unité médico-judiciaire
01:25 qui a une évaluation qui doit être réalisée par la protection maternelle infantile.
01:29 Et en fait, c'est là que l'enfer commence.
01:33 Je pensais que ma fille allait être entendue, protégée.
01:37 Finalement, j'ai eu deux rendez-vous en tout, d'une heure.
01:42 Elles me disent qu'il faut que je dépose plainte dans l'immédiat et contre le père.
01:46 Et là, je leur explique que j'ai vécu des violences conjugales.
01:49 On ne peut pas déposer plainte contre lui, que je subirai des représailles.
01:52 Elles m'ont dit "si vous n'êtes pas en mesure de protéger votre enfant,
01:55 nous, on saisira le juge et on demandera ce qui la protège à votre place".
02:00 Je dépose cette plainte dès le lendemain et c'est là que tout s'inverse contre moi.
02:04 Je vais me retrouver accusée de vouloir faire du mal au père de ma fille.
02:07 Les deux évaluatrices sont très agressives avec moi.
02:11 Elles m'appellent, elles me disent qu'elles vont demander le placement de ma fille
02:15 alors que j'ai fait ce qu'elles m'ont dit.
02:16 Et je leur demande quel est l'élément de danger chez moi.
02:19 Et elles me répondent que je suis trop à l'écoute de ma fille
02:23 et trop bienveillante, qu'il lui faut un cadre à cette petite.
02:26 Elles ont ajouté aussi que ma santé mentale les inquiétait.
02:31 J'ai dû faire une expertise psychiatrique par la suite pour démontrer que je n'avais aucun trouble,
02:35 si ce n'est des symptômes de maltraitance.
02:37 Lui, on a dit que c'était un papa qui n'arrivait pas à accéder à sa parentalité.
02:40 À la naissance de ma fille, il s'en moquait complètement.
02:43 Il ne l'a pas vu pendant presque un an et c'était de son propre chef.
02:46 Je me suis retrouvée accusée par le père de ma fille d'aliénation parentale.
02:52 C'est une théorie qui a été inventée par le psychiatre Richard Gardner.
02:57 Quand un enfant révélait des viols paternels,
03:02 il blâmait la mère pour ne pas avoir assouvi les besoins sexuels du père.
03:05 Et c'est la théorie de cet homme-là qui a été diffusée partout dans le monde,
03:10 et notamment en France, et qui a été reprise dans les enseignements des magistrats,
03:15 des psychologues, des travailleurs sociaux,
03:18 qui dit que c'est très probablement la mère qui instrumentalise l'enfant pour nuire au père,
03:23 et c'est la mère qui est dangereuse.
03:24 C'est démontré que ça n'existe pas.
03:25 Un enfant ne se met pas à exécuter tout ce que dit la mère.
03:29 Et ce biais cognitif-là fait énormément de mal à la protection infantile.
03:32 Je me suis rendue compte dans mon parcours que nous étions de très nombreuses mères
03:37 à se retrouver désenfantées parce qu'on a cru notre enfant et qu'on a demandé protection.
03:41 Nous passons devant le juge, et c'est là qu'est ordonné le placement de ma fille à l'aide sociale à l'enfance.
03:47 Je m'effondre ce jour-là.
03:49 Le père de ma fille sort de la salle avec un grand sourire aux lèvres.
03:52 J'appelle l'éducatrice en charge de la mesure pour savoir comment se passent les au revoirs.
03:57 Et elle me répond qu'il n'y en aura pas, qu'en fait ils sont déjà allés chercher ma fille à la crèche,
04:03 et je ne savais absolument pas où elle était.
04:05 Il a fallu attendre la semaine encore après pour que je puisse la voir une heure sous surveillance.
04:10 J'ai eu le droit à une heure toutes les deux semaines comme si j'étais une criminelle.
04:13 Au bout de quelques mois en audience d'appel, j'ai réussi à récupérer des droits libres,
04:17 mais elles restaient placées en famille d'accueil.
04:19 Et au bout de six mois, on a une nouvelle audience avec de nouveaux rapports.
04:23 Ce rapport-là mettait en avant la dangerosité du père de ma fille,
04:27 son risque de passage à l'acte et demandait à ce que ce soit sous surveillance.
04:30 Et il y a eu un autre rapport, et ce docteur a dit que le père de ma fille n'était probablement pas dangereux,
04:37 et que si jamais il avait fait quelque chose, il ne devrait pas recommencer.
04:41 Et donc il a recommandé à ce que ma fille retourne chez lui de manière libre.
04:45 Un week-end sur deux, et c'est là que la détresse de ma fille a repris de plus belle.
04:49 Et puis elle raconte de nouveau les nouvelles agressions.
04:52 Donc elle rentrait avec la vulvérité, avec ses déclarations sur ce qu'ils lui faisaient.
04:58 Et je me suis retrouvée encore face à un service social complètement sourd.
05:03 Et il y a même une psychologue qui m'a dit un jour,
05:07 "Il est fort probable que votre fille fantasme sur son père."
05:10 Je respecte mon autorité parentale qui consiste notamment à protéger ma fille,
05:14 mais j'enfreins le dernier jugement.
05:17 Plus de cinq mois que ma fille ne voit plus son père, et elle va soudainement beaucoup de mieux.
05:21 Il n'y a plus aucun pipi au lit, plus de cauchemars, plus de vulvérité.
05:25 Elle en arrivait parfois à pleurer cinq heures consécutives,
05:28 à vomir ses glaires pendant qu'elle pleurait tellement elle n'arrivait pas à reprendre son souffle.
05:32 Et il y a aussi écrit que si jamais j'emmène ma fille chez un psychologue sans l'autorisation du père,
05:36 et bien elle serait aussi de nouveau placée.
05:38 Il m'est demandé de cesser de croire que ma fille est victime.
05:41 Le conseil que je donne aux parents qui suspectent des violences sexuelles,
05:45 c'est d'emmener l'enfant chez un expert de la parole de l'enfant,
05:49 un spécialiste du psychotrauma du tout petit et des violences sexuelles.
05:53 Ça évitera potentiellement des retournements de situation et des inversions de culpabilité.
05:59 [Musique]

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