• il y a 10 mois
À l'occasion des 70 ans de l'appel de l'Abbé Pierre, Christophe Robert, délégué général de la fondation Abbé Pierre, et Nolwenn Leroy, marraine de la fondation sont les invités de Yves Calvi dans RTL Matin.
Regardez L'invité d'Yves Calvi du 01 février 2024 avec Yves Calvi.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h, 9h
00:06 RTL matin. Il est 8h22, bonjour Christophe Robert. Bonjour. Vous êtes délégué général de la fondation Abbé Pierre, merci de prendre la parole ce matin sur RTL
00:13 en ce 1er février, un jour très spécial pour vous, mais aussi pour notre radio. Il y a 70 ans,
00:19 en 1954, sur radio Luxembourg, l'abbé Pierre prononçait son célèbre appel invitant à
00:23 l'insurrection de la bonté pour aider les sans-abri. Salut également Noel Wendleroy,
00:28 marraine de la fondation depuis près de 18 ans qui est à nos côtés. Bienvenue à vous deux.
00:31 Christophe Robert, je commence avec vous. Vous publiez aujourd'hui votre rapport sur l'état du mal-logement en France.
00:37 Sans surprise, tous les chiffres sont dans le rouge.
00:39 330 000 sans domicile en 2023, c'est deux fois plus qu'il y a 10 ans. Plus de 4 millions de personnes mal logées, plus de 2 millions et
00:46 demi de personnes en attente d'un logement social et près de 3000 enfants qui dorment dans la rue chaque nuit dans notre pays.
00:53 Comment expliquez-vous cette explosion ?
00:56 Écoutez, en réalité, les choses ne sont pas toutes égales par ailleurs. Quand vous évoquez
01:01 330 000 personnes sans domicile, ça ne veut pas dire sans-abri, c'est des personnes sans-abri ou en hébergement d'urgence,
01:06 c'est un chiffre qui a doublé en 10 ans. Donc il s'est passé quelque chose. Et la bonne question c'est la vôtre, c'est-à-dire qu'est-ce
01:12 qui s'est passé ? Mais si on regarde, la production de logements a considérablement diminué. On est en dessous des 300 000 logements
01:19 aujourd'hui. On était à 450 000 il y a encore quelques années. Si je prends que... - Créés chaque année. - Oui, tout à fait, qui sortent de terre.
01:25 Si je prends que le logement social, qui répond aux besoins des ménages modestes, des classes moyennes inférieures, des plus pauvres, en 2016 on finançait
01:33 120 000 logements sociaux.
01:35 En 2023, c'est 88 000.
01:37 Donc c'est 40 000 logements en gros, en moins, sociaux,
01:41 chaque année en ce moment, à proposer aux ménages en difficulté. - Mais ça veut dire que tout est bloqué dans le monde du logement et
01:47 même que ça s'aggrave, c'est ce que vous venez de nous expliquer. - Complètement. Et il y a deux raisons. Il y a des raisons politiques.
01:52 Il y a eu des choix qui ont été faits en 2017 de couper, par exemple, dans le budget des bailleurs sociaux,
01:58 de couper dans les APL, vous savez, ces aides qui aident les ménages modestes à pouvoir se loger, c'est quand même des coupes de 4 milliards
02:04 d'euros par an.
02:05 Donc quand on a moins d'argent, on peut moins produire,
02:08 on peut moins répondre aux besoins. Et puis il y a eu des facteurs plutôt extérieurs. La hausse des coûts de construction,
02:13 la hausse des taux, par exemple pour les personnes qui veulent accéder à la propriété, ça rend difficile l'accès à la propriété.
02:19 Donc, entre des décisions publiques qui finalement laissent trop de côté le logement ou
02:24 abandonnent quelque part le logement, et c'est ça notre inquiétude à la Fondation, et on dit au gouvernement "mais
02:28 rendez-vous compte, le logement c'est la santé des enfants, c'est la vie de la famille,
02:31 c'est les gens dans leur mobilité". Aujourd'hui, les entreprises disent "je ne peux pas recruter parce que les personnes ne trouvent pas de logement".
02:37 Et donc il faut qu'il y ait une réaction
02:39 politique aujourd'hui qui soit beaucoup plus forte pour répondre aux besoins au logement. - Vous nous dites qu'il n'y a plus de politique du logement
02:45 dans notre pays aujourd'hui, Christophe Robert ?
02:47 - Le mot serait un peu fort.
02:49 On cherche toujours à être précis.
02:51 En tout cas, le gouvernement a décidé de faire du logement un des principaux contributeurs à la baisse de dépenses publiques.
02:59 Et nous pensons à la Fondation Abbé Pierre que c'est une erreur.
03:02 - De l'avoir fait en tout cas sur ce dossier précis. - Absolument.
03:06 - Nolwenn Leroy, 18 ans de soutien à la Fondation, pourquoi cet engagement vous tient-il tant à cœur ?
03:12 - Pourquoi cet engagement me tient-il tant à cœur ? Parce que moi-même, j'aurais pu être confrontée
03:19 à la suite d'une rupture familiale, comme plein de Français en fait. La situation de ma logement,
03:25 aujourd'hui, elle concerne beaucoup beaucoup de gens. C'est ce qu'était Christophe à l'instant.
03:32 Ce sont des gens qui, à la suite d'une rupture familiale, à la suite d'une perte d'emploi,
03:38 des étudiants, des gens qui travaillent aussi et qui n'ont pas de quoi se loger.
03:44 C'est certainement pour cette raison-là que je m'étais rapprochée de l'Abbé Pierre. J'ai eu la chance de rencontrer l'abbé
03:50 il y a 20 ans. - Et je constate que vous tenez votre promesse faite à l'abbé Pierre en 2005, celle de porter son message et
03:57 son combat contre l'exclusion. Ça vous décourage parfois ?
04:00 - Tant bien que mal, le porter parce que voilà, je pense qu'il avait bien conscience que
04:06 malheureusement, ça durerait et que 20 ans après,
04:10 on en est encore là aujourd'hui. Je pense que le combat contre le mal-logement aujourd'hui, ça doit être une
04:15 grande cause nationale. Il faut de l'action aujourd'hui. Il n'y a plus que seulement des mots mais de l'action.
04:21 Et que gouverner, c'est loger son peuple. C'est ce que disait l'abbé.
04:26 Aujourd'hui, on fait face à une crise sans précédent.
04:32 De se dire aujourd'hui que 70 ans après l'appel de l'abbé Pierre de l'hiver 54, on en est là aujourd'hui.
04:39 Dans cette situation, aussi bien que ce dont parlait Christophe à l'instant, que ce que je peux...
04:44 Ce que les Restos du Coeur aussi, le problème
04:48 c'est-à-dire, pas lié à l'urgence aussi, aujourd'hui, de voir que les restos sont dans le rouge aussi, ont besoin
04:55 de plus de sous parce que de plus en plus de gens viennent aussi au resto.
05:00 Cette situation, c'est quand même...
05:02 On ne peut pas s'habituer à cette misère-là.
05:05 Christophe Robert, vous dénoncez aussi ce que vous appelez désormais l'habitat indigne. De quoi s'agit-il exactement ?
05:11 Vous savez, la nature a horreur du vide et en fait,
05:14 plus il y a de personnes qui rencontrent des difficultés pour se loger, par exemple parce que c'est devenu le premier poste de dépense des
05:20 ménages dans les années 70, c'était l'alimentation. Aujourd'hui, c'est le logement.
05:23 Et pour beaucoup, c'est 40, 50, 60 % de leurs ressources consacrées au logement. Et quand vous n'avez pas
05:29 des ressources qui vous permettent de trouver chaussure à votre pied dans le marché du logement, là où vous vivez,
05:33 dans votre petite ville, dans votre petit bourg, dans votre grande métropole,
05:38 eh bien, le logement de mauvaise qualité, le logement indigne, le logement parfois dangereux, le logement parfois qui tue,
05:44 rappelons-nous, Marseille,
05:46 eh bien, devient l'amortisseur de crise. On s'engouffre là-dedans parce qu'il faut bien un toit sur la tête. Et donc, on sait qu'il y a
05:52 plus de 600 000 logements indignes dans notre pays, dans lequel vivent plus de 1 million de personnes.
05:58 Donc, c'est souvent invisible. C'est derrière les façades,
06:00 des souffrances, des gens qui s'entassent dans des logements, dans des logements qui sont dangereux pour la santé. Et donc, on attire l'attention.
06:06 Les politiques publiques ne font pas rien, mais ne font pas assez pour répondre à ces questions.
06:10 - 620 000 logements indignes, c'est le chiffre que vous nous donnez. - Tout à fait.
06:13 Et je voudrais réagir à ce que Noëlène veut dire, si vous permettez.
06:16 Vous savez, l'abbé Pierre, il a mené un combat sans relâche pendant 60 ans et
06:20 cet appel qui a été lancé ici même, je suis très ému aujourd'hui d'être là, parce que j'y repensais en venant ce matin.
06:26 Et bien, un an avant de nous quitter, l'abbé Pierre menait un dernier combat à l'Assemblée Nationale,
06:31 quand un certain nombre de députés avaient voulu affaiblir la loi ESSERU. Vous savez, cette loi qui impose un certain nombre de logements sociaux.
06:37 Et bien,
06:39 je voudrais remercier Noël Weyn parce que le jour de ce combat, en 2006,
06:43 ça faisait deux mois qu'on disait aux responsables politiques "ne faites pas ça, ne fragilisez pas cette loi, c'est une des plus belles lois de la
06:50 République". Et on n'arrivait pas à la gagner cette bataille. Et puis l'abbé Pierre, quand il est monté au perchoir de l'Assemblée Nationale,
06:56 dix jours après,
06:57 ceux qui voulaient démolir cette loi ont reculé. Et bien aujourd'hui, c'était ça qu'il voulait faire l'abbé Pierre, en ayant demandé à Noël Weyn
07:03 d'autres soutiens, en disant "vous devrez faire vivre ce combat tous ensemble". Et la visibilité
07:07 de Noël Weyn, le cœur de Noël Weyn, nous aide beaucoup. Et j'en appelle vraiment à l'ensemble de la société à dire "des enfants à la rue,
07:14 ou une fragilisation de cette belle loi, ça n'est pas acceptable, nous ne voulons pas ça pour le pays".
07:19 Alors, je ne sais pas si c'est un signe d'optimisme, mais s'il est un secteur qu'il faut déverrouiller, c'est bien le logement. Ce sont
07:24 quasiment les premiers mots du Premier ministre Gabriel Attal, mardi. Ça vous donne des raisons d'espérer ?
07:28 C'est bien d'avoir parlé du logement, c'est bien d'avoir dit un certain nombre de choses, comme cette phrase,
07:33 mais c'est vraiment extrêmement triste d'avoir annoncé une fragilisation de la loi SRU.
07:38 On revient à 2006 et ce dernier combat de l'abbé Pierre.
07:41 En gros, pour faire vite, le Premier ministre a annoncé qu'on
07:44 comptabiliserait plus seulement les logements sociaux, mais ce qu'on appelle les logements intermédiaires. Alors c'est technique, mais pour vous rendre compte,
07:51 le logement intermédiaire, par exemple à Lyon, pour un couple avec deux enfants,
07:55 c'est accessible à des gens,
07:57 même avec les plafonds qui sont fixés, qui ont 7500 euros par mois. C'est pas ça le logement social, c'est pas ça la solidarité,
08:04 c'est pas ça
08:05 dont nous avons besoin à travers l'aide de l'État. Quand Noel Wendy dit "les personnes qui ont eu des ruptures, qui ont vécu des choses difficiles,
08:11 s'ils ont de la famille, s'ils ont des amis, ils vont s'en sortir, mais s'ils n'ont pas d'amis, s'ils n'ont pas de famille", eh bien
08:18 l'État, la puissance publique, c'est la famille de ceux qui n'en ont pas. Et c'est là où nous demandons, nous, des protections sociales qui soient à
08:23 la hauteur des souffrances que vivent nos concitoyens. - Une toute dernière question, Christophe Robert, comment peut-on vous aider ?
08:28 - En demandant des politiques plus justes, en donnant aussi à la Fondation Abbé Pierre, vous allez sur notre site,
08:34 la Fondation Abbé Pierre, elle agit tous les jours, elle finance 900 projets par an grâce aux dons.
08:38 Nous n'agissons que grâce aux dons, donc allez sur le site de la Fondation et puis demandez à vos politiques locales, nationales,
08:44 des politiques plus solidaires. - N'en loigne le roi, Christophe Robert, merci beaucoup d'avoir pris la parole ce matin sur RTL, merci de cette fidélité
08:50 puisqu'il y a 70 ans, l'abbé Pierre lançait son appel sur notre antenne, Radio Luxembourg, et maintenant RTL, bonne journée, bon travail.
08:57 !

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