• il y a 10 mois
Xavier GALIEGUE

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00:00 Il est 8h -10, venez nous rejoindre, 02 38 53 25 25, venez participer à cet échange,
00:06 vous êtes nos témoins de l'actu de l'autre côté de la radio et de la télé.
00:09 Et venez nous dire si vous trouvez que l'agriculture française est en danger de mort.
00:13 C'est la question en tout cas qu'on se pose ce matin et qu'on pose Camille à un spécialiste.
00:17 Xavier Gailliague, économiste Orléans. Bonjour.
00:20 Quand vous entendez ces mots qu'on a prononcés plusieurs fois ces dernières minutes,
00:23 l'agriculture française est en danger de mort, quelle est votre réaction ?
00:27 Non, elle n'est pas en danger de mort, elle est plutôt malade.
00:30 Mais pour expliquer la situation actuelle, il faut peut-être faire un peu d'histoire
00:33 et voir d'où viennent les racines de ce malaise.
00:37 En fait, il faut revenir il y a 30 ans, lors des négociations de l'OMC,
00:41 Organisation Mondiale du Commerce,
00:46 où dans le cadre de cette négociation, l'Europe a abandonné un système de soutien direct
00:51 qui était du soutien au prix agricole européen, vers un système de subvention.
00:55 L'idée c'est qu'à l'origine, les prix européens étaient supérieurs aux prix mondiaux,
00:59 et ces prix étaient supérieurs et stables, élevés et stables.
01:03 Et dans la négociation de l'OMC, l'Europe a abandonné ce soutien au prix
01:09 pour passer à un système de subvention directe,
01:11 et pour une ouverture du marché européen aux produits tiers, aux produits des pays tiers,
01:15 c'est-à-dire notamment aux produits venant des Etats-Unis pour l'alimentation animale.
01:18 Quand vous dites subvention directe, ça veut dire qui subventionne en fait ?
01:22 - Alors, c'est la communauté européenne, c'est la PAC qui subventionne l'agriculteur.
01:26 Donc on est passé d'un système qui était un soutien au prix, qui était assez indolore,
01:31 à un système de subvention, où là l'agriculteur en fait doit...
01:35 une subvention est conditionnelle, c'est-à-dire que l'agriculteur doit remplir des papiers,
01:39 faire la paperasse, répondre à des conditions,
01:42 et donc ce qui est plus contraignant et psychologiquement plus difficile à vivre,
01:47 c'est que de vendre son produit sur un marché, même si le prix est subventionné.
01:52 - Mais à l'époque, si on a choisi cette solution, c'est que ça fonctionnait ?
01:57 - Oui, mais c'était absolument nécessaire, parce que le système de soutien au prix
02:03 était dysfonctionnel, puisque ça a permis à l'Europe de parvenir à l'autonomie alimentaire,
02:08 mais ça aboutit en fait à des excédents colossaux,
02:12 comme on l'a vu dans le lait, aussi sur certains marchés d'autres produits agricoles.
02:17 Donc on avait des excédents colossaux qui étaient en fait exportés sur les marchés,
02:21 donc les pays concurrents estimaient qu'il y avait une concurrence déloyale.
02:24 Ce prix trop élevé par rapport au marché mondial était plutôt dysfonctionnel.
02:29 - Mais maintenant c'est l'inverse, ce sont les agriculteurs de chez nous, de France,
02:32 qui estiment qu'il y a une concurrence déloyale, de l'étranger on est passé sur l'inverse finalement ?
02:37 - Oui, on peut dire ça, oui.
02:38 - Il y a vraiment une concurrence déloyale, et s'il y en a une, quelle est exactement sa puissance ?
02:43 - Alors, concurrence déloyale c'est beaucoup dire, parce que sur les marchés mondiaux,
02:49 on a un système qui existe dans tous les pays riches, tous les pays industrialisés,
02:55 subventionnent leur agriculture. C'est le cas de l'Europe, c'est le cas des Etats-Unis,
03:00 et c'est encore plus le cas dans des petits pays qui sont très défavorisés géographiquement,
03:05 comme le Japon, la Norvège, la Suisse, subventionnent beaucoup leur agriculture.
03:09 Donc c'est pas du tout un problème, c'est pas du tout un problème de pratique déloyale,
03:15 et le problème c'est que ces subventions, eh bien, donc,
03:20 sont...
03:25 - Diffèrents ?
03:26 - ...conditionnent, sont administrativement très lourdes pour les peux agriculteurs.
03:29 - C'est ça le travail administratif, la paperasse qu'il dénonce, notamment depuis deux semaines,
03:34 c'est celle-ci ? C'est les subventions ?
03:36 - Alors l'autre problème, c'est que les subventions, en fait,
03:39 elles ont été accusées de pérenniser un peu des inégalités.
03:42 C'est-à-dire l'agriculture, c'est un secteur où il y a de très fortes inégalités,
03:45 qu'on compare ici en région centre, la grande agriculture céréalière,
03:50 aux arboriculteurs, aux maraîchers, à la viticulture, et surtout à l'élevage.
03:57 Et donc, ce système de subvention a été accusé de pérenniser ces inégalités.
04:02 Donc, il y a de plus en plus de la conditionnalité qui a été ajoutée,
04:05 pour essayer de redistribuer un petit peu, mais on ne peut pas le faire trop,
04:08 parce que, évidemment, on ne peut pas non plus empêcher les céréaliers
04:11 de vendre sur les marchés mondiaux.
04:13 Et donc, on a rajouté des conditions, et la France était plutôt un pays
04:20 qui est spécialisé dans l'adjonction de normes supplémentaires.
04:27 - Si vous le souhaitez, vous pouvez participer à cet échange.
04:30 Venez nous rejoindre, 0238 53 25 25, vous êtes nos témoins de l'actu.
04:35 Venez échanger avec notre invité, l'économiste orléanais spécialiste
04:39 du monde agricole, Xavier Galliègue.
04:41 Dites-nous si vous trouvez que l'agriculture française est en danger de mort.
04:44 - Vous avez parlé, c'est vrai, l'agriculture, on dit ce mot agriculture
04:48 comme si c'était unique, mais vous avez parlé des différentes filières
04:51 qui existent, y compris sur notre territoire, c'est très divers.
04:54 Ça veut aussi dire que la situation des agriculteurs n'est pas la même,
04:58 au niveau du salaire notamment. On a des grosses différences à ce niveau-là ?
05:02 - Oui, il y a des différences considérables entre agriculteurs,
05:05 et c'est quelque chose qui est vieux comme le monde.
05:07 Depuis Ricardo, qui était un économiste, qui est le premier à travailler là-dessus,
05:12 on a toujours eu un système de rente par rapport aux différences,
05:16 même de qualité des terres. Donc, ça existe déjà dans l'agriculture conventionnelle,
05:20 et évidemment, ça existe d'autant plus qu'une partie de la fonction maintenant
05:25 des subventions agricoles, c'est de maintenir des paysages,
05:28 c'est de maintenir un habitat dans des régions où le revenu agricole n'est pas suffisant.
05:34 Donc, effectivement, ces inégalités, elles devaient être compensées par des subventions.
05:39 - Finalement, c'est un cercle vicieux, on tourne presque en rond à ce niveau-là.
05:43 Est-ce que dans le Loiret, il y a des secteurs, des filières qui sont plus malades que d'autres ?
05:49 - Je pense que l'arboriculture et l'éculture maraîchère sont quand même
05:54 plus malades que la grande agriculture.
05:58 - Ce serait pour vous une des solutions, soutenir en premier certaines filières
06:03 et moins d'autres ? Ça pourrait faire partie des solutions ?
06:06 - Oui, ça peut faire partie des solutions.
06:08 Alors, évidemment, on rentre dans une certaine forme de bricolage,
06:12 parce qu'on a une crise qui est globale, une crise qui serait systémique,
06:16 et évidemment, c'est difficile de répondre à des problèmes structurels
06:20 et surconjuncturels. Donc, effectivement, il y a des choses à attendre,
06:24 par des mesures plus sectorielles.
06:28 - Et plus sur le long terme, peut-être ?
06:30 Si ça ne sera pas immédiat, de toute façon, le problème de l'agriculture française
06:35 aujourd'hui ne peut pas se régler pour vous en quelques semaines, quelques mois ?
06:38 - Ah non, c'est sûr. Et puis, le dernier point, c'est qu'évidemment,
06:41 il y a le problème de la transition écologique.
06:43 Généralement, il faudrait passer d'une agriculture intensive
06:47 à une agriculture écologiquement intensive.
06:50 Et on ne pourra pas revenir en arrière, on ne peut pas imaginer de revenir
06:53 avec des paysages comme on en avait il y a 50 ans, ou même il y a un siècle.
06:57 Donc, on ne peut pas revenir sur le remembrement,
06:59 on ne peut pas revenir sur la grande agriculture.
07:01 Mais par contre, évidemment, il y a des changements de pratiques qui sont en jeu.
07:04 Alors, c'est pour ça que les agriculteurs sont d'autant plus mal à l'aise,
07:07 parce qu'ils ont conscience de cette nécessité d'une adaptation de leur modèle,
07:13 parce que le modèle est à bout de souffle aussi, en termes d'épuisement des terres.
07:16 Mais, évidemment, il faut du temps pour changer les pratiques,
07:22 il faut changer toutes les filières, toutes les filières d'approvisionnement
07:27 et de coopération à l'école notamment,
07:29 et bien, elles ont été axées sur ce système d'agriculture industrielle, on pourrait dire.
07:34 - Alors, sur quels leviers, aujourd'hui, pour régler cette crise, faut-il jouer ?
07:38 Est-ce que ce sont des leviers nationaux, au niveau de la France,
07:41 ou est-ce qu'il faut aller toquer à la porte de Bruxelles ?
07:44 - Des deux côtés, c'est sûr que...
07:47 Alors, c'est une grande tradition française, quand même, d'aller à Bruxelles et de...
07:51 - Le ministre de l'Agriculture, il sera aujourd'hui, d'ailleurs, à Bruxelles.
07:56 - Jacques Chirac était un grand expert dans ce domaine-là,
07:59 donc, effectivement, il faut aller taper à la porte de Bruxelles,
08:02 mais il faut bien voir qu'une grande partie des mesures de la PAC ont été "nationalisées",
08:07 donc, il y a des leviers qu'on peut utiliser,
08:09 on peut utiliser l'argent européen de manière différente dans différents pays.
08:13 Donc, il faut jouer sur tous les leviers.
08:16 Il y a le levier du consommateur, aussi, le levier du consommateur,
08:20 définir responsable, effectivement, il faudrait peut-être arrêter de...
08:24 Quand on va suivre le marché, on va regarder un peu la provenance des produits qu'on va consommer.
08:29 - Et on en parlait, justement, hier, sur France Bleu.
08:31 Merci beaucoup, Xavier Galliègue, d'avoir éclairé, d'un point de vue économique, cette crise agricole.
08:36 Merci d'être venu ce matin. - Merci.
08:38 - Merci à vous deux, bonne journée, on se retrouve demain.

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