• il y a 11 mois
Anne Fulda reçoit Charles Dantzig pour son livre «Paris dans tous ses siècles» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 -Bienvenue à l'heure des livres, Charles Dantier.
00:02 Vous êtes écrivain, vous êtes éditeur.
00:04 Vous avez déjà publié de nombreux romans.
00:07 Vous avez aussi publié
00:09 un dictionnaire égoïste de la littérature française,
00:12 qui fut remarqué, aussi, de la littérature mondiale.
00:16 Et vous venez de publier "Paris", dans tous ses siècles,
00:18 chez Grasset. C'est un livre étonnant, original,
00:21 qui sort vraiment de l'ordinaire.
00:23 C'est pas du tout un guide sur Paris, pas de cliché.
00:26 C'est poétique, loufoque, amusant, bien écrit.
00:29 Alors, pourquoi, alors que "Paris" a été
00:32 le théâtre d'innombrables livres,
00:35 finalement, il a rarement été au centre d'un livre, d'un roman ?
00:39 Pourquoi ce choix ?
00:40 -Précisément pour ça.
00:42 Quand j'étais petit, je suis né en province,
00:44 donc j'adorais lire, dans Balzac, les scènes de la vie parisienne,
00:48 mais c'était des scènes dans Paris.
00:50 En réalité, "Paris" n'a jamais été le vrai sujet d'un livre à lui seul.
00:53 Et je me suis dit que c'était une injustice à réparer,
00:57 parce qu'il y a vraiment une singularité de Paris,
00:59 non seulement parce qu'elle est capitale,
01:01 mais entre autres, je le fais dire à un de mes personnages,
01:04 c'est que je crois que "Paris" contredit un peu la France,
01:07 parce que "Paris", c'est un rond dans un carré.
01:10 -C'est votre grande thèse.
01:12 Alors, pourquoi développer cette idée ?
01:15 -La conformation géographique de notre pays, c'est un carré.
01:18 Nos rois se sont battus pendant des siècles
01:21 pour arriver à faire ce carré parfait, etc.
01:24 Et je pense, en tout cas, je le fais dire à un de mes personnages,
01:27 que ce carré crée une angoisse particulièrement française.
01:30 C'est-à-dire qu'un carré, ça peut se replier en deux,
01:33 ça reste un carré, ça se replie encore en deux,
01:35 ça reste un carré, jusqu'à la peur de disparaître.
01:38 Les étrangers ne s'en rendent pas compte,
01:40 mais les Français, nous avons sûrement beaucoup de défauts,
01:43 mais nous sommes aussi un peuple angoissé.
01:46 Et donc, de ce carré vient l'angoisse.
01:48 Et Paris, au milieu ou presque au milieu de ce carré,
01:51 est une forme en ronde, comme un cerveau
01:53 qui crée un peu de désordre et de chaos.
01:55 Et nos chefs, si on peut les appeler comme ça,
01:58 n'ont jamais beaucoup aimé Paris.
02:00 Louis XIV détestait Paris, a créé Versailles,
02:02 qui est tout à fait rectangulaire, angle droit, etc.
02:05 Le général de Gaulle, quand il a pris le pouvoir en 58,
02:08 a hésité longtemps à déplacer, comme vous savez mieux que moi,
02:12 la présidence de la République à Vincennes.
02:14 Paris n'est pas aimé de ses chefs,
02:16 parce que c'est pas une ville très obéissante.
02:19 -Vous l'avez dit vous-même,
02:20 beaucoup de gens de province, de provinciaux,
02:23 durant des siècles, vous-même, attirés par la capitale,
02:26 mais on a l'impression qu'il y a un mouvement inverse
02:29 qui se met en place.
02:30 C'est votre impression ?
02:32 -Il y a un peu de ça.
02:33 On voit depuis quelques années
02:35 des mouvements anti-parisiens qui se manifestent,
02:38 mais en même temps, est-ce que ça n'a pas toujours été comme ça ?
02:41 Est-ce qu'il n'y a pas toujours eu une rage des provinciaux
02:45 contre Paris et vice-versa ?
02:46 Je pense que ce sont des choses récurrentes
02:49 qui viennent en partie du fait que les Parisiens,
02:52 si je peux généraliser,
02:54 sont au fond très indifférents au reste du pays.
02:56 Ils ne sont pas du tout arrogants et odieux,
02:59 mais ils s'en fichent.
03:00 C'est ça qui est encore plus blessant.
03:02 -Votre livre n'est pas un traité général ni de géométrie.
03:06 Il y a des histoires.
03:07 Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a des portraits croisés
03:11 de personnages assez bien, de très bien campés.
03:15 Et puis, il y a aussi, c'est étonnant,
03:17 vous commencez, je crois que c'est le premier chapitre,
03:20 on a l'impression que c'est un drone doué de paroles
03:23 qui fond comme ça sur Paris.
03:25 On croise aussi un chat, un xanax, un chien, un rat,
03:29 d'autres animaux.
03:30 Pourquoi ce désir de faire intervenir des animaux ?
03:34 -D'une part, parce que les animaux, en général,
03:36 les animaux qui parlent, c'est pas très exceptionnel.
03:39 On a tous vu "La Fontaine", mais précisément,
03:42 c'était cantonné aux fables ou aux livres pour enfants.
03:45 Je trouvais ça un peu injuste.
03:47 Pourquoi, dans un roman pour adultes,
03:49 on parle des animaux ? D'autre part,
03:51 les animaux donnent des indications sur les autres personnages.
03:55 Et c'est aussi, je pense, dans mon livre,
03:57 une façon de parler du jugement, car tous ces personnages,
04:00 dans mon livre, se jugent les uns les autres,
04:03 Paris est la capitale du jugement,
04:05 et les animaux participent à ça
04:07 parce que je crois que nous avons une façon assez barbare
04:10 de traiter les animaux, nous, les Parisiens,
04:13 qui nous croyons si civilisés,
04:15 et que c'est peut-être là-dessus que, dans 50 ans,
04:18 nous aurons jugé.
04:19 -Vous faites dire à un de vos personnages,
04:22 "Tu fais une chose qu'il ne faut jamais faire à Paris,
04:25 "des mots d'esprit sur toi-même,
04:27 "Paris qui a mille choses à penser finira par les croire."
04:30 Est-ce que Paris a toujours cette puissance,
04:33 ce que vous venez d'évoquer, de faire et de défaire
04:36 les réputations ? Est-ce que c'est pas une sorte de fantasme,
04:39 de réalité qui n'est plus à l'ère des réseaux sociaux ?
04:42 -C'est peut-être un fantasme, mais c'est peut-être plus vrai
04:46 qu'Aaron Morentin.
04:47 Les réseaux sociaux, vous savez, c'est des couches.
04:50 Je crois que les réputations,
04:52 comme vous dites, sont des lasagnes.
04:54 Donc, il y a le lasagne des réseaux sociaux,
04:56 la couche de lasagne qui dit une certaine chose,
04:59 les écrivains qui disent autre chose,
05:01 mais je crois que, quand même, Paris a gardé
05:04 cette espèce de puissance, de former l'idée
05:07 qu'on se fait des choses, à tort ou à raison.
05:09 -En tout cas, je vous conseille de lire ce très joli livre,
05:13 "Paris dans tous ses siècles", par Uché Grasset.
05:16 Merci beaucoup, Charles Dompfry. -Merci, Anne.
05:19 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
05:22 [SILENCE]

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