Louis-Henri de La Rochefoucauld : L'Heure des Livres (Émission du 19/09/2023)

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Anne Fulda reçoit Louis-Henri de La Rochefoucauld pour son livre «Les petits farceurs» dans #HDLivres
Transcript
00:00 -Bienvenue à l'Heure des livres, Louis-Henri de La Rochefoucauld.
00:03 Vous êtes écrivain, vous avez déjà publié plusieurs romans,
00:06 vous êtes critique littéraire,
00:08 et là, vous venez de publier "Les petits farceurs",
00:10 c'est chez Robert Laffont,
00:12 un roman très réjouissant, un peu doux-amère.
00:17 Au départ, une histoire d'amitié entre deux jeunes hommes,
00:20 Henri Destignac et Paul Bevron, qui se rencontrent en Hippocagne
00:23 et dont les destins vont diverger.
00:25 L'un va se "contenter" d'être un...
00:29 un journaliste un peu dilettante dans un journal branché,
00:33 l'autre se voit un destin national, mais il va se casser les dents.
00:36 Alors, c'est surtout l'occasion,
00:38 derrière cette amitié avec ses hauts et ses bas,
00:43 de tresser un tableau assez peu réjouissant
00:47 du monde de l'édition,
00:49 un monde que vous connaissez bien.
00:51 Vous avez hésité avant de le faire,
00:53 parce qu'on reconnaît certaines personnes, pas toutes vivantes.
00:56 -C'est un projet que j'ai depuis plusieurs années,
00:58 et c'est vrai que depuis Balzac,
01:01 je ne connais pas de cas comme ça d'écortiquage,
01:05 je ne sais pas si ce mot existe,
01:07 de ce monde qui, pourtant, est un monde extrêmement pittoresque.
01:10 Et donc, j'avais envie de réactualiser un peu "Illusions perdues".
01:13 -Alors, Balzac, vous le connaissez tout de suite,
01:15 mais c'est vrai qu'effectivement, on pense aux "Illusions perdues".
01:20 Mais quand même, ce monde de l'édition dans lequel vous évoluez,
01:25 on sent vous le décrivez comme un monde peuplé de fausses valeurs,
01:29 dominé par les combines pour les prix.
01:33 C'est assez pitoyable, c'est votre visio ?
01:37 -En fait, ce qui m'amuse surtout dans ce milieu,
01:39 et je crois que ça a toujours eu lieu dans l'histoire de la littérature,
01:43 c'est que les écrivains ont toujours eu l'impression
01:45 de se faire rouler par leurs éditeurs.
01:48 Quand on voit, par exemple, les relations qu'avait Baudelaire
01:50 avec quelqu'un comme Michel Lévy,
01:52 évidemment, les relations qu'avait Céline avec la famille Gallimard.
01:55 -Vous les évoquez, d'ailleurs.
01:56 -Oui, je les évoque en effet, à un moment.
01:58 Et de l'autre côté, je pense que les écrivains
02:00 sont souvent des gens assez vaniteux et assez pénibles.
02:03 Et en même temps, les éditeurs ont besoin des écrivains,
02:05 les écrivains ont besoin des éditeurs,
02:07 et ça crée des relations humaines que je trouve assez amusantes.
02:11 -Alors, par exemple, à propos des écrivains,
02:14 vous écrivez, je cite,
02:15 "en plus d'être d'une susceptibilité et d'une fierté de coq,
02:18 les écrivains sont d'une confondante naïveté.
02:21 Si c'est d'un dont connaissez l'envers du décor,
02:23 les éditeurs qui jouent avec eux comme avec des pions jetables,
02:26 les critiques qui ne liront jamais leurs livres
02:27 et se moquent d'eux dans leur dos,
02:29 leurs amis proches qui déblatèrent au cours de dîner
02:31 auquel eux ne sont plus conviés."
02:33 Alors, effectivement, c'est une vision assez noire,
02:36 mais pas tout à fait éloignée,
02:38 sauf évidemment les critiques qui lisent les livres,
02:41 certains lisent les livres, de la réalité.
02:46 Et puis, certains présentent comme un roman en clé.
02:48 Vous aimez ?
02:49 -En fait, franchement...
02:52 -Ah ! -Par exemple ?
02:53 -Alors, c'est vrai que ce grand personnage très romanesque,
02:57 qui était Jean-Claude Pascal,
02:58 inspire le personnage d'éditeur qui s'appelle Octave Marciac,
03:01 mais qui a au moins deux ou trois autres sources d'inspiration.
03:04 Et d'ailleurs, ce qui est assez amusant,
03:06 c'est que plusieurs personnes qui ont lu le livre,
03:07 quand ils m'en parlent, me disent "Ah tiens, c'est marrant,
03:09 on reconnaît X, on reconnaît Y, etc."
03:13 Et parfois, des gens à qui je n'ai vraiment pas pensé une seule seconde.
03:16 Donc, c'est la preuve que ce n'est pas tant que ça un roman en clé.
03:19 -Alors, la question qu'on se pose aussi,
03:21 c'est, on a l'impression qu'il y a un peu de vous
03:23 dans les deux personnages, plus dans l'un que dans l'autre,
03:26 mais qu'il y a des références qui sont autobiographiques.
03:33 -Tout à fait, oui, non.
03:35 Alors, c'est vrai que le personnage qui s'appelle Henri d'Estissac
03:37 est à 90 % moi,
03:40 et l'autre personnage est nourri de beaucoup de choses
03:42 que j'ai observées dans les arrières-cuisines de ce milieu.
03:46 Et par exemple, à un moment, ce personnage se retrouve
03:50 près de plume d'un certain Patrick Rossi,
03:52 qui est une espèce d'écrivain numéro un des ventes,
03:54 mais qui est assez stupide,
03:56 et qui, bon bref, n'écrit pas ses livres.
03:59 Et c'est vrai que ce personnage est nourri de trois auteurs
04:02 chez qui j'ai eu l'occasion d'aller faire des reportages,
04:05 mais je ne vous dévoilerai pas les noms ici.
04:09 -Alors, le titre "Les petits farceurs", très joli titre,
04:12 on se dit que vous-même, vous êtes un petit peu farceur,
04:15 parce qu'effectivement, on sent que ces références
04:20 auxquelles vous faites allusions
04:21 lorsque vous parlez de l'environnement,
04:23 dans "Rinestisac", des restaurants,
04:26 dans "Le 16e arrondissement",
04:28 à tradition tout à fait surannée,
04:30 des références à un milieu social.
04:34 Et j'ai lu que vous avez dit à un moment que votre nom
04:37 a pu vous porter préjudice, étonnamment,
04:40 dans le milieu de l'édition,
04:42 ou en tout cas dans le milieu de la presse.
04:44 -Oui, alors maintenant, j'en suis sorti,
04:45 ça, c'est peut-être quand j'étais plus jeune,
04:47 que je cherchais un peu ma voix.
04:49 Mais oui, il est vrai que dans certains journaux
04:53 ou dans certains médias,
04:55 ce n'est pas un avantage de porter ce genre de nom.
04:57 Mais franchement, moi, maintenant, je m'en amuse plutôt,
05:00 ça ne me pose pas de problème.
05:01 Et même, ça me paraît même assez logique.
05:03 Je veux dire, je n'en fais pas une maladie,
05:05 mais c'est vrai que ça existe.
05:07 -En tout cas, je vous conseille de lire "Les petits farceurs",
05:11 c'est un vrai bonheur de lecture.
05:13 Ça se lit, même si on ne croit pas reconnaître,
05:16 si on n'a pas les soi-disant clés,
05:18 ça se lit avec beaucoup de bonheur.
05:20 Et c'est donc paru chez Robert Laffont.
05:22 Merci, Louis-Henri Laroche-Foucault.
05:23 -Merci à vous.
05:25 ...
05:29 [SILENCE]

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