• il y a 11 mois
Vendredi 2 février 2024, MARQUES & STRAT reçoit Marie Costeux (CEO, Re-Mind PHD) , Dorothée Caulier (Directrice générale, Agence CoSpirit Media) , François Quairel (Directeur de la rédaction, The Media Leader) et Nathalie Sonnac (professeure à l’université Paris Panthéon-Assas (membre du CSA entre 2015 et 2021))

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Transcription
00:00 *Générique*
00:08 Bonjour à tous, je suis ravie de vous retrouver pour Mark and Stratt,
00:11 comme chaque semaine, une demi-heure pour décrypter les grands enjeux,
00:15 les grandes actualités du secteur de la publicité et de la communication au sens large.
00:21 Alors, cette semaine au programme, repensez la régulation des médias.
00:26 C'est le propos défendu par Nathalie Sonnac dans son livre "Le nouveau monde des médias, une urgence démocratique".
00:32 C'est aux éditions Odile Jacob, l'ex-membre du CSA, en appel à finir avec la domination des GAFA
00:39 pour mieux protéger l'information.
00:42 Il en va de la survie de la démocratie, voilà ce qu'elle dit, elle s'en expliquera dans un instant.
00:47 Et puis, en agence, on va parler de la crème des agences médias,
00:51 puisque les meilleures agences médias de l'année ont été récompensées la semaine dernière.
00:57 Un événement organisé par The Media Leader en partenariat avec Bismarck.
01:01 On va découvrir ensemble le palmarès.
01:03 Bienvenue dans Mark and Stratt, c'est l'épisode 19.
01:05 *Générique*
01:11 A la une cette semaine, Nathalie Sonnac, bonjour.
01:14 Bonjour.
01:15 Alors Nathalie, vous êtes ancienne membre du CSA,
01:17 vous êtes également professeure à l'université Paris Panthéon-Assas
01:21 et vous avez publié ceci, "Le nouveau monde des médias, une urgence démocratique",
01:25 c'est aux éditions Odile Jacob.
01:27 Alors le point de départ du bouquin, Nathalie,
01:29 c'est la domination de plus en plus prégnante des GAFA sur l'écosystème médiatique.
01:34 Selon vous, en quoi est-ce que ça pose problème ?
01:38 Ça pose problème parce que ces acteurs ont une puissance économique et financière
01:43 bien plus importante que les acteurs traditionnels.
01:46 Ce sont des acteurs qui sont concentrés verticalement, horizontalement,
01:50 c'est-à-dire qu'ils sont présents dans tous les secteurs d'activité.
01:53 Ils ont des modèles dits de recommandations qui s'appuient sur une algorithmie,
01:58 sur une collecte massive de données dont on n'est pas toujours d'ailleurs consentant à leur fournir.
02:06 Et ces acteurs-là, en deux mots, Google et Apple,
02:09 ont par exemple une valorisation boursière de 3 800 milliards de dollars
02:13 qui est supérieure à celle du PIB de la France.
02:15 Donc on voit que ces géants ont investi beaucoup de champs
02:19 et notamment celui de l'information.
02:22 Et ça appauvrit aussi l'écosystème médiatique classique
02:26 qui finalement a du mal à résister sur un plan économique par exemple ?
02:31 Disons que la symétrie de taille entre ces acteurs conduit nos acteurs traditionnels
02:37 à être toujours en train de courir après ces géants de l'information et également du divertissement.
02:44 Vous prenez Netflix aujourd'hui, il a investi 17 milliards d'euros dans les contenus,
02:49 1 milliard d'euros dans le marketing.
02:50 Donc vous voyez en face, c'est extrêmement compliqué pour un acteur,
02:54 même lorsqu'on s'appelle un Vivendi ou un groupe comme Bertelsmann,
02:58 finalement d'être aussi puissant que ces acteurs,
03:01 de pouvoir investir autant et d'être attractif pour les consommateurs.
03:05 Sur le plan économique, c'est compliqué aujourd'hui pour les médias.
03:10 On a vu un média comme Libération se placer sous une fondation.
03:14 On a vu que les médias digitaux qui émergent aujourd'hui ont quand même un peu de mal à trouver leur rentabilité.
03:20 C'est aussi le cas d'ailleurs pour beaucoup de chaînes de la TNT aujourd'hui.
03:25 Est-ce qu'il y a trop d'offres médiatiques ?
03:27 Est-ce qu'il faut arriver à un mouvement de concentration pour pouvoir être peut-être plus fort
03:32 et aller lutter contre ces mastodontes-là ?
03:34 En tout cas, c'est ce qu'on observe.
03:35 Si vous regardez la presse écrite, elle a perdu en 15 ans 70% de ses revenus publicitaires.
03:41 On comprend bien que ces nouveaux acteurs proposent beaucoup d'informations,
03:47 beaucoup de contenus en ligne gratuitement,
03:49 qui conduit finalement à faire vaciller le modèle économique des médias traditionnels
03:53 qui repose à la fois sur la vente de l'information, qu'elle ce soit en ligne ou en kiosque,
03:58 et sur les revenus publicitaires.
03:59 Donc sur deux leviers qui sont essentiels, les consommateurs et les annonceurs,
04:05 et la publicité, nos acteurs traditionnels sont attaqués.
04:08 Oui, donc le danger, il est évidemment une réduction finalement de la salle de rédaction,
04:13 du nombre de journalistes, une fermeture des titres.
04:16 On le voit beaucoup aux États-Unis.
04:18 Un canton sur deux aux États-Unis a perdu un titre de presse quotidienne régionale.
04:23 Donc la presse écrite, de façon générale, est en danger.
04:27 Et puis, comme vous le soulignez, la télévision.
04:29 Alors on a une multiplication du nombre de chaînes depuis 2015 avec l'arrivée de la TNT.
04:34 Donc c'est une formidable opportunité.
04:35 Plus de diversité, plus de pluralisme, plus de distraction, plus d'informations,
04:41 plus de points de vue différents.
04:43 Ça pose d'ailleurs des questions sur des chaînes d'information.
04:45 Mais néanmoins, ce parterre-là, ne pas oublier finalement que ça repose également
04:50 sur des modèles économiques, c'est-à-dire que les entreprises sont véritablement
04:55 des entreprises comme les autres.
04:56 Elles ont un particularisme qui est essentiel, qui est le véhicule d'une information,
05:02 donc un service public, un service qui doit être accessible au plus grand nombre.
05:06 Mais dans le même temps, elles sont également des entreprises comme les autres
05:09 et qui doivent absolument bénéficier d'une taille suffisante de consommateurs,
05:14 de lecteurs, d'argent suffisant pour pouvoir investir dans des nouvelles technologies,
05:19 pour faire en fait la parade à ces acteurs en ligne qui sont multiples
05:23 et surtout extrêmement gros, puissants.
05:26 Sur cette taille suffisante, on a eu une tentative de rapprochement entre TF1 et M6
05:31 et ça n'a pas pu aboutir pour des questions de concurrence notamment.
05:35 C'était une erreur, ça, selon vous, de bloquer ce rapprochement-là ?
05:40 C'est toujours pareil.
05:41 En fait, l'autorité de la concurrence a fait la photo à l'instant T.
05:44 C'est son job, elle est dans son métier, elle a des outils.
05:47 Et les outils sont ceux de "est-ce que sur le marché de la publicité télévisée,
05:52 il y a-t-il position dominante ?"
05:54 Et l'effet, c'est de toujours éviter qu'il y ait une position qui soit dominante
05:57 pour éviter l'abus derrière de cette position dominante.
06:00 Sur le marché de la publicité télévisée, au moment où l'opération de fusion a été regardée,
06:06 possible ou potentiel, entre les groupes TF1 et M6,
06:09 c'était à peu près 70% de parts de marché publicité télévisée.
06:13 Donc on peut se dire qu'effectivement, l'autorité de la concurrence conclut
06:17 position dominante avec risque derrière d'abus de cette position.
06:21 Mais dans le même temps, on voit bien qu'il y aurait dû y avoir une politique derrière,
06:24 de mise en place, d'explication, de compréhension de cette transformation incroyable
06:29 que vit depuis plusieurs années le secteur des médias.
06:32 Et si vous regardez aujourd'hui les modèles des nouveaux acteurs
06:35 tels que Netflix ou Disney+ qui entrent en concurrence directe avec nos acteurs traditionnels,
06:40 eh bien eux ouvrent leur modèle à la publicité.
06:43 Donc le fait de considérer le marché de la publicité télévisée
06:47 sans prendre en considération finalement le marché de la publicité vidéo,
06:51 c'est 80% de la bande passante, la vidéo,
06:53 eh bien ça a conduit finalement à refuser techniquement parlant,
06:57 on le comprend, l'opération de fusion TF1-M6.
07:00 Mais ça signifie derrière qu'il n'y a pas une appréhension
07:03 des modèles économiques de nos acteurs.
07:06 Et le danger finalement le plus grand, et moi c'est pour ça que cet ouvrage
07:10 est véritablement une alerte, comme une lanceuse d'alerte que j'ai voulu faire,
07:14 c'est en disant "attention le danger c'est que le modèle des médias traditionnels
07:18 est en train de vaciller et le risque c'est finalement dans les années à venir
07:23 que nous n'ayons plus de médias".
07:25 Est-ce que les annonceurs en sont conscients ?
07:27 Parce que quand même, j'ai reçu pas mal de "dire comme" qui me disent tous
07:32 "non mais nous on fait très attention au pluralisme, on va..."
07:35 Mais quand ils mettent des queues de budget à droite à gauche
07:37 et que tout finalement est aspiré par ces gars-femmes,
07:41 bon finalement le jeu est un peu biaisé quand même.
07:43 Il est clair qu'aujourd'hui les annonceurs, comme n'importe quelle entreprise,
07:47 ont des responsabilités, aujourd'hui il faut absolument les alerter
07:52 pour qu'ils comprennent qu'ils ont une responsabilité sociale,
07:55 qui est une responsabilité sociétale, et que si nous n'avons plus de médias,
07:59 qu'est-ce qu'il en est ? En fait la question est véritablement
08:02 politique, éthique, sociale et sociétale, donc elle est large, elle est globale,
08:07 mais qu'est-ce que nous voulons pour demain ?
08:09 Comment finalement veut-on que les consommateurs s'informent ?
08:14 Et c'est ça le point principal.
08:16 Finalement le point principal des médias, c'est qu'ils ont des contenus
08:19 qui sont des contenus de divertissement, mais ils ont un contenu
08:21 qui est celui de l'information.
08:23 Or s'il n'y a plus une information qui est de qualité,
08:26 traitée, hiérarchisée, collectée et puis véritablement vérifiée,
08:32 donc c'est ça, vraiment la nature d'une information dite de qualité,
08:36 eh bien ça sera un véritable chaos.
08:39 - Pardon, je continue, et du coup je termine.
08:41 Et seuls les médias, qu'ils soient publics et privés,
08:44 ont pour mission de fabriquer une information de qualité.
08:47 Les Google, les Apple ou d'autres acteurs économiques,
08:51 ces géants du numérique, sont des acteurs qui n'ont absolument pas
08:54 pour mission de fabriquer de l'information.
08:57 D'ailleurs ils ne fabriquent pas l'information,
08:58 ils font une sorte de curation de l'information,
09:01 ils diffusent l'information, ils la distribuent, mais ils ne la fabriquent pas.
09:04 Or, en étant présents de façon hégémonique sur la chaîne de valeur
09:08 de l'information à tous les étages,
09:10 eh bien ils empêchent les acteurs traditionnels
09:12 de fabriquer une information de qualité.
09:14 Et c'est là l'urgence démocratique,
09:16 c'est que nous avons besoin dans des sociétés démocratiques
09:19 d'une information de qualité pour que le consommateur soit un citoyen.
09:24 - Le problème, c'est que le consommateur aussi est perdu
09:27 face à cette multiplicité de contenus
09:30 et que parfois j'ai le sentiment qu'il n'arrive plus à distinguer
09:33 ce qui est de l'information qualifiée,
09:36 fabriquée par des journalistes, des médias qui ont une certaine éthique,
09:40 et parfois des influenceurs ou monsieur et madame tout le monde
09:43 qui se met à répandre un peu tout et n'importe quoi
09:47 et qui finalement parfois a même une meilleure audience
09:49 que les médias traditionnels.
09:51 - Mais vous avez entièrement raison, le constat que vous faites
09:53 et celui-ci, je fais le même que vous,
09:56 il s'avère que déjà ce qu'on observe c'est une sorte d'infobésité,
10:01 c'est-à-dire trop d'informations, une fatigue informationnelle,
10:04 comme on dit dans le jargon, une immensité d'informations,
10:09 finalement, les citoyens, les consommateurs ne parviennent plus
10:12 à faire le tri et puis n'ayant pas la source,
10:15 ne faisant plus le distinguo entre une information
10:19 dite de qualité fabriquée avec une déontologie
10:22 et puis monsieur et madame tout le monde qui va tweeter
10:24 ou informer ou poster.
10:26 Donc finalement, le travail parlementaire au niveau européen
10:30 est en train de se faire.
10:32 Plusieurs directives ont été mises en place avec un objectif
10:36 qui est véritablement celui de certifier l'information.
10:40 Alors, ça ne sera pas un bureau politique de la véracité
10:44 de l'information, mais celui de nous garantir de la crédibilité
10:48 de la source que nous sommes en train de consommer.
10:50 Ça se fait au niveau européen.
10:52 Il faut absolument l'ancrer et le transposer très rapidement
10:56 et de façon urgentement urgente dans la loi nationale française.
11:01 Comment est-ce que vous regardez la reprise de Twitter par Elon Musk ?
11:06 Ce que je constate, c'est que finalement, ces acteurs ont une telle puissance,
11:11 ils sont aussi puissants que des États,
11:13 que finalement, ils ont une puissance sur l'espace public
11:18 comme l'aurait n'importe quel État, alors que celui-ci,
11:22 un État démocratique, dont le gouvernement a été élu,
11:26 il y a eu des votes, il y a eu des lois, il y a un cadre.
11:29 Ce n'est absolument pas le cas d'une entreprise privée.
11:31 Donc, il faut absolument mettre le holà, d'ailleurs,
11:35 la Commission européenne met le holà envers Twitter en disant
11:38 qu'ils ne suivent absolument pas les règles nouvellement applicables
11:41 pour la directive de service de médias audiovisuels, qu'on appelle le DSA.
11:46 Donc, cette directive-là oblige les plateformes, justement,
11:49 non pas à avoir une responsabilité éditoriale,
11:52 mais non moins avoir une responsabilité, et en l'occurrence,
11:56 en lien avec la circulation de fausses informations,
11:59 le retrait de fausses informations, un exemple, ou de contenus haineux.
12:03 Donc, il fait beaucoup de mal à notre démocratie,
12:06 ce réseau social fait beaucoup de mal à notre démocratie.
12:10 Aujourd'hui est dans le viseur également une plateforme comme TikTok,
12:14 qui ne rentre pas complètement dans les clous.
12:16 Donc, moi, je pense qu'il faut aller vite auprès de ces acteurs,
12:20 à la fois vraiment taper, appliquer la loi,
12:24 fabriquer une loi qui soit idoine, c'est-à-dire qui soit en application
12:28 avec les usages que l'on a tous, c'est-à-dire majoritairement en ligne,
12:31 et en même temps, utiliser un autre levier qui me semble central,
12:36 qui est celui de l'éducation aux médias et à l'information.
12:39 Il faut que nous tous, citoyens, puissions être armés de ce terme-là
12:44 pour pouvoir finalement savoir, comprendre comment se fabrique une information,
12:49 comment se fabrique une désinformation,
12:51 comprendre qu'il faut absolument avoir la source,
12:54 comprendre comment le champ et le domaine informationnel fonctionnent,
12:57 parce qu'il est vrai qu'avec un smartphone tous dans la poche,
13:02 on a ce sentiment de se croire finalement tous un peu journalistes,
13:06 sans avoir aucunement les codes déontologiques.
13:09 Est-ce qu'il faut mettre ça dans les programmes scolaires, par exemple ?
13:13 Alors, c'est déjà le cas.
13:14 L'éducation, on parle d'éducation civique, on parle d'éducation citoyenne,
13:18 c'est le cas.
13:19 Moi, je pense qu'il faut véritablement industrialiser la manœuvre.
13:22 Malheureusement, ce sont deux événements majeurs,
13:25 comme 2015 avec les attentats à l'encontre de Charlie Hebdo,
13:28 et puis ensuite l'assassinat en 2022 de Samuel Paty,
13:32 qui ont fait réagir immédiatement le ministère de l'Education nationale
13:38 et qui a permis de prendre des directives,
13:40 en l'occurrence à l'époque Jean-Michel Blanquer,
13:42 une directive, une circulaire plutôt,
13:44 qui était celle d'un référent académique
13:49 dans l'éducation aux médias et à l'information,
13:52 surtout dans le territoire français.
13:54 Mais il faut aller beaucoup plus loin.
13:55 Il faut véritablement que cette matière,
13:58 certains pensent aujourd'hui qu'elle est appréhendée de façon transverse,
14:02 c'est-à-dire qu'on en parle en cours de français, en cours d'histoire géo,
14:06 mais on voit bien que ce n'est pas suffisant.
14:08 En tout cas, moi, je serais favorable à ce qu'il y ait véritablement une matière,
14:12 depuis petit, comme les maths, le français et ça jusqu'en classe de terminale,
14:16 de repenser la place du professeur documentaliste
14:19 qui, aujourd'hui, n'est absolument pas là où il devrait être,
14:22 alors qu'il est au centre de ce nouvel écosystème,
14:25 il est au centre, finalement, de ce nouveau monde,
14:29 et c'est un acteur et un actif majeur.
14:31 Donc, c'est un acteur majeur que l'on n'utilise pas,
14:33 alors que c'est un actif stratégique,
14:35 pardon ce terme pour un professeur d'éducation,
14:37 mais c'est ce qu'il est.
14:38 Il a une valeur extraordinaire, ce professeur documentaliste,
14:42 qui n'est pas suffisamment reconnu,
14:44 qui n'est pas suffisamment au centre de cet espace-là,
14:47 et puis, il faut multiplier, évidemment, les actions.
14:50 Moi, je propose des pistes, notamment un lien, un pont,
14:54 qui soit beaucoup plus fort,
14:55 qui soit formalisé entre l'éducation et les médias,
14:59 médias publics et privés, que des conventions soient signées,
15:02 que des journalistes puissent être dépêchés,
15:04 non pas lorsqu'ils ont le temps ou sur leur propre temps de travail
15:07 ou sur leur propre temps, plutôt de personnel,
15:10 mais plutôt qu'ils puissent aller aider à former,
15:14 pas simplement les élèves, former les professeurs.
15:16 Non, parce qu'il y a un nouveau venu depuis quelques temps
15:19 qui s'invite dans tout cet écosystème, c'est l'IA,
15:21 et ça va, là encore, complexifier, je pense,
15:24 la façon dont on va essayer de savoir ce qui est vrai
15:26 et ce qui ne l'est pas tout à fait.
15:28 D'où mon idée d'urgence, parce que vous avez raison,
15:30 l'innovation technologique va beaucoup plus loin,
15:32 va beaucoup plus vite, et qu'on a du mal à suivre.
15:36 L'intelligence artificielle peut être également un atout.
15:40 C'est un atout, c'est peut-être un outil formidable,
15:42 mais il faut encore, il ne faut pas que ce soit l'outil
15:45 qui conduise l'humain, mais bien l'humain qui conduise
15:47 et le moyen pour bien conduire, c'est que l'outil reste à sa place
15:51 et que nous sachions l'utiliser.
15:52 Donc lorsqu'on souhaite conduire une voiture,
15:56 on passe un permis de conduire, donc on a des heures de code,
15:58 et puis ensuite, on a des heures de conduite,
16:00 et le minimum, c'est...
16:02 Et ce minimum-là, ce code de conduite et ce code de route,
16:07 ce code de la route doit être exactement identique,
16:11 finalement, à celui de notre fonctionnement
16:14 et de ce qui est en permanence en ligne.
16:17 Merci beaucoup, Nathalie Sonnac.
16:18 Je rappelle votre livre, "Le nouveau monde des médias,
16:21 une urgence démocratique", c'est aux éditions Odile Jacob.
16:24 Merci beaucoup.
16:25 Et en agence, cette semaine, on va parler du prix
16:32 des agences médias de l'année, remis il y a quelques jours
16:36 et dont Bismarck était partenaire, et pour en parler,
16:38 j'ai le plaisir de recevoir François Querel,
16:40 directeur de la rédaction de The Media Leader.
16:42 Bonjour, organisateur de ce prix, et l'une des lauréates,
16:45 Dorothée Collier, directrice générale de Cospirits Média.
16:47 Bonjour, Dorothée.
16:48 Bonjour.
16:49 François, je vais commencer par vous.
16:50 Retour sur ce grand prix.
16:53 Qu'est-ce que vous retenez du palmarès, François, cette année ?
16:55 Alors d'abord, beaucoup de cas hyper intéressants
16:58 qui montrent une créativité des agences médias,
17:00 puisqu'on en parlait à la dernière émission.
17:03 Dans ce milieu, c'est souvent les agences créatives
17:06 dont on parle le plus, qui prennent le plus de place.
17:08 Ce n'est pas Dorothée qui va dire le contraire.
17:10 Mais il y a ce côté médias, ceux qui font la stratégie média,
17:12 qui vont décider de mettre tel spot sur telle chaîne,
17:15 de choisir tel plan média, tel réseau d'affichage.
17:18 Mais ça, Dorothée en parlera plus.
17:20 Et là, on a montré une vraie créativité avec, d'abord,
17:24 l'agence créative qui travaille avec l'agence média
17:27 pour avoir une campagne qui fonctionne,
17:30 au final, qui met en musique.
17:31 L'agence média, elle met en musique
17:33 et elle le fait avec beaucoup de créativité.
17:35 Moi, je retiens des prix comme, par exemple,
17:37 celui de Starcom avec le cas Emeline Baguette,
17:42 Emeline Paris, pardon,
17:43 Emeline Baguette, Emeline Paris et McDonald's,
17:45 où là, c'était l'agence média qui a eu l'idée
17:49 de ce placement de produits dans Emeline Paris.
17:51 Et puis, derrière, des travaux avec les annonceurs.
17:58 Je pense, par exemple, à ce prix Coupe l'agence annonceur
18:01 qui a été remis à l'agence OMD avec Dacia,
18:05 l'agence OMD du groupe Omnicom qui avait fait le lancement
18:08 il y a 15 ans de la marque Dacia en France,
18:10 la marque low-cost de Renault.
18:12 Et ils travaillent toujours ensemble aujourd'hui.
18:13 Ils ont eu ce prix-là parce que, derrière,
18:16 l'agence média, elle a vraiment accompagné
18:17 la croissance de cette marque qui est aujourd'hui
18:19 l'un des plus grands vendeurs de voitures.
18:22 - Dorothée, moisson de prix pour Cospiridimedia,
18:26 quand même quatre, c'est ça ?
18:28 Dont un grand prix.
18:30 Qu'est-ce qui fait que, comme ça, vous émergez
18:32 dans ce paysage qui, quand même, est assez compositif,
18:35 j'ai l'impression ?
18:36 - Alors, il y avait beaucoup d'agences
18:37 et beaucoup d'agences médias indépendantes.
18:40 Nous, on est dans la catégorie médias indépendantes.
18:42 Alors, on a eu le grand prix il y a deux ans, quand même.
18:43 Donc, on a quand même 30 ans.
18:45 Mais c'est vrai que ça fait quelques années, effectivement,
18:47 dont on entend beaucoup plus parler de nous.
18:50 On a énormément grossi parce que je pense surtout
18:52 qu'on a une stratégie très pragmatique
18:55 autour du bon sens, autour des territoires,
18:57 autour du local, autour de communiquer moins, mais mieux.
19:03 Donc, on est vraiment sur des stratégies
19:05 où on essaye de réduire les impacts négatifs
19:07 de la communication.
19:09 Et pour générer des impacts positifs,
19:11 on essaye de faire vivre le local
19:13 et de créer des stratégies, effectivement,
19:15 médias nationales en partant des territoires.
19:17 Et donc, c'est juste du bon sens.
19:19 - Mais vous parlez de communication régénérative.
19:21 Qu'est-ce que ça veut dire exactement ?
19:23 - Alors, c'est justement réduire les impacts négatifs
19:25 pour faire plus d'impacts positifs.
19:28 Et c'est faire vivre le local.
19:30 Donc, c'est de faire vivre les territoires.
19:31 Parce que quand vous investissez localement,
19:34 vous donnez du pouvoir d'achat à votre audience, à vos clients.
19:38 Et donc, du coup, quand vous êtes une marque
19:40 et que vous communiquez en local,
19:41 eh bien, vous donnez du pouvoir d'achat,
19:43 vous générez du trafic, donc vous générez du business
19:46 pour votre enseigne, si c'est un point de vente.
19:48 Et surtout, vous faites vivre les territoires
19:52 puisqu'il y a des enjeux démocratiques,
19:54 il y a des villes qui peuvent disparaître
19:56 s'il n'y a plus de journaux d'information.
19:58 Donc, tout ça est un écosystème qui est très fin,
20:01 mais qui est extrêmement important.
20:03 Et dans la communication régénérative,
20:05 il y a aussi l'expérience et l'innovation.
20:07 Ça, c'est important.
20:08 Et puis, chez nous, c'est agir collectivement
20:10 parce que chez CoSpirit, on n'est pas un seul,
20:12 on est plusieurs à travailler ensemble.
20:15 - François, justement, cette équipe,
20:17 ce collectif dont parle Dorothée,
20:19 j'ai l'impression que ça a été mis en avant
20:22 par pas mal d'agences.
20:23 Je pense notamment à Remind PhD,
20:24 qui était aussi lauréat d'un grand prix.
20:27 C'est important de mettre en avant,
20:30 à l'occasion de ce genre de soirée,
20:31 le fait qu'une agence, ce n'est pas seulement un dirigeant,
20:34 c'est beaucoup plus large que ça.
20:35 - Et j'ai l'impression que c'est peut-être
20:37 même le secret de ceux qui gagnent.
20:40 Ce que je retiens, par exemple, de CoSpirit,
20:41 on va parler de Remind dans un instant,
20:43 mais ce que je retiens de CoSpirit,
20:44 c'est qu'ils devaient faire des vidéos cette année
20:47 un peu carte blanche.
20:49 Et je peux le dire, ça a été les plus créatifs.
20:51 - C'est vrai, moi j'ai tout regardé.
20:53 Je ne peux pas dire qu'effectivement.
20:55 - Ils devaient présenter leur stratégie en vidéo
20:56 et ils nous ont bien fait marrer.
20:57 Et au-delà de l'expertise, de la vision de Dorothée
21:02 et de CoSpirit qu'on connaît autour de la relocalisation,
21:05 des investissements qui permettent aussi aux médias de vivre
21:09 versus des médias ou des plateformes
21:11 qui ne sont pas forcément basées en France,
21:13 on va dire, il y a une vraie entente.
21:16 Puisqu'aujourd'hui, le défi des agences médias,
21:18 c'est aussi les talents.
21:20 Parce qu'effectivement, ceux qui permettent une réussite
21:23 d'un plan média, c'est ceux qui à un moment ont des idées,
21:25 ont de l'expertise.
21:27 Et il y a un vrai défi dans les agences médias
21:30 d'aller chercher ces talents-là,
21:31 parce que ce n'est pas des métiers forcément
21:32 qui attirent en premier.
21:34 Quand on sort d'école de publicité
21:35 ou d'école de communication, on ne se dit pas
21:37 je vais aller faire du plan média.
21:39 Enfin franchement, ce n'est pas la première chose
21:40 à laquelle on pense.
21:41 Et finalement, de retenir des talents,
21:43 de se sentir bien dans l'entreprise,
21:45 ces agences-là, elles ont été récompensées.
21:48 C'est le cas de Remind.phd dans le groupe Omnicom,
21:50 où il y a une vraie culture du talent,
21:51 un vrai mouvement collectif.
21:55 Cospirit évidemment, mais ça Dorothée en parlera mieux
21:58 que moi sur cette politique de talent très forte,
22:00 de bonne entente et d'envie.
22:04 Cospirit a perdu Aldi, l'un de ses clients qu'elle avait,
22:09 puisque Aldi a décidé de repositionner
22:12 sur un réseau d'agences européens.
22:15 Et j'en parlais avec Dorothée tout à l'heure,
22:17 l'équipe est restée là quand même.
22:18 On va repositionner les gens, on les motive,
22:20 on repart à l'attaque.
22:22 Et ça, c'est un état d'esprit que je trouve à Cospirit
22:25 et qui n'a vraiment plus au jury.
22:28 Oui, parce qu'en fait, nous, on a une stratégie à long terme.
22:33 Par exemple, Florian est une famille de vignerons.
22:35 Florian Grille, votre président.
22:37 Qui a eu le prix du média leader de l'année d'ailleurs.
22:39 Et donc du coup, nous, on fonctionne sur des temps longs,
22:42 on ne fonctionne pas sur des quarters.
22:43 Donc voilà, on a gagné Aldi il y a trois ans,
22:46 tous ensemble.
22:47 On le perd là pour des raisons de stratégie européenne.
22:50 On reste tous ensemble et on va rebondir tous ensemble.
22:53 Voilà, et puis Avas Media Market qui a eu le prix du groupe de l'année.
22:57 Là, pareil, un repositionnement d'Avas,
23:00 un nouveau branding là-dessus.
23:02 Et puis, une remise en cause globale.
23:05 Ils ont eu un prix RSA notamment,
23:07 qui a notamment sur l'engagement environnemental de Avas,
23:10 où là, il y a eu pareil, une réinvention d'une vieille marque,
23:13 l'inventeur de l'agence, on va dire.
23:15 Et Avas Media Network a eu ce prix du groupe de l'année.
23:18 Dorothée, vous dites que vous avez perdu Aldi au bout de trois ans,
23:21 mais votre taux de fidélité des clients,
23:23 je crois que c'est à quasiment dix ans.
23:25 Oui, dix ans.
23:26 Comment on explique un truc pareil ?
23:27 On a des clients depuis 18 ans, comme le CNED,
23:30 on a eu la Chambre de commerce pendant 19 ans aussi.
23:34 Je pense que ça tient à notre ADN et à qui on est,
23:37 c'est-à-dire qu'on accompagne vraiment les clients.
23:38 En plus, là, on parle d'appel d'offres publiques,
23:40 c'est-à-dire que tous les trois ou quatre ans, on est...
23:42 C'est remis en jeu.
23:43 C'est remis en jeu avec des critères,
23:46 c'est vraiment... Il y a des sacrés critères.
23:48 Mais je pense qu'effectivement, on est challenger,
23:51 donc on allie des jeunes talents et des gens un peu plus seniors.
23:56 On n'est pas sur, justement, la rentabilité au quarter,
23:59 on est sur du long terme, donc notre rentabilité,
24:03 elle n'est pas la même.
24:04 Nous, ce n'est pas un objectif, c'est une conséquence.
24:07 Et ce qu'on veut, c'est avoir des gens en interne qui soient bien.
24:10 Et là, pareil, on a un turnover qui est très bas.
24:13 Et puis, une fidélité client, et on le voit avec les prix qu'on a gagnés.
24:17 Les clients nous ont appelés en disant "c'est génial,
24:19 on est super contents, on est super fiers".
24:22 Il y a une vraie proximité avec les clients.
24:24 C'est marrant dans la façon dont vous en parlez,
24:25 on dirait que c'est une entreprise familiale.
24:27 C'est une entreprise déjà d'entrepreneurs.
24:30 Et puis, moi, je suis membre du directoire,
24:33 et avec Florian, les six ou sept personnes qu'il compose,
24:36 c'est un peu... C'est notre famille.
24:38 On est tous différents, vraiment tous différents.
24:41 On connaît certains, mais extrêmement complémentaires.
24:43 Il n'y a pas un papier de cigarette entre nous.
24:47 C'est la force du collectif, et ça se ressent avec toutes les équipes en dessous
24:50 sur lesquelles la vidéo montre qu'est-ce qu'on se marre.
24:53 Enfin, on bosse, mais on se marre.
24:54 Vous bossez quand même, parce que vous avez affiché 18% de croissance.
24:58 Oui, mais on se marre.
25:00 C'est important aussi.
25:01 Qu'est-ce qui a apporté votre activité en 2023, Dorothée ?
25:04 Essentiellement, notre approche, la France 2,
25:06 qui est justement cette fameuse approche qui est de dire
25:08 on construit des stratégies nationales en partant du local
25:12 pour éviter de la déperdition, pour moins dépenser, mais mieux dépenser.
25:17 Voilà, et notre accompagnement, effectivement, sur la partie...
25:22 On a un gros pôle médias local chez nous,
25:24 qui pendant des années n'a pas été considéré,
25:26 sauf qu'aujourd'hui, c'est le cœur des stratégies de beaucoup de marques.
25:29 Donc, oui, 17,5% de croissance cette année.
25:33 Vos ambitions pour 2024, du coup ?
25:35 Eh bien, on redémarre avec la perte d'Aldi,
25:38 mais enfin, on avait quand même gagné 30 clients l'année dernière,
25:40 donc on oublie souvent aussi de dire ça.
25:42 Donc, il faut quand même les on-border.
25:44 Et puis, des stratégies, effectivement, sur ce qu'on appelle chez nous
25:47 "socle" qu'on a construit avec Carrefour/Zéro Gaspi,
25:50 qui est la transition, effectivement, du catalogue sur le média local
25:56 pour générer, effectivement, du trafic en magasin
25:58 pour les enseignes qui arrêtent le catalogue.
26:00 François, il y a un autre cas qui m'a marqué,
26:02 qui a été récompensé à plusieurs reprises pendant cette soirée,
26:05 c'est le cas AVEN.
26:07 Peut-être que ça vaut le coup d'en dire un mot, quand même.
26:09 Oui, d'abord, AVEN, une vieille marque de cosmétiques
26:12 qui, visiblement, a voulu se relancer.
26:16 Et il y a eu plusieurs cas autour d'AVEN.
26:19 Un avec un sujet difficile, c'est-à-dire
26:23 les conséquences dermatologiques du cancer.
26:26 Ils ont fait une vraie campagne, notamment autour de l'influence,
26:32 avec un vrai beau plan média, une belle créa également,
26:35 avec des tatouages, enfin, travailler, disons, sur la...
26:41 Autour de la cicatrisation.
26:42 Voilà, la cicatrisation des maladies liées au cancer, notamment.
26:48 Et c'est un sujet qui a beaucoup touché le jury là-dessus.
26:51 Et il y a eu un vrai travail autour de l'influence,
26:53 une marque très ancienne, mais très...
26:56 dans l'univers, disons, collectif, très important.
27:01 Et puis, il y a eu la marque AVEN aussi,
27:03 qui s'est remise en cause autour de son CRM,
27:07 qui avait besoin de requalifier son CRM.
27:09 Ça, c'est aussi un travail, la data, pour vous, les agences.
27:12 Alors, ce n'est pas ce qu'il y a de plus visible
27:14 et ce qu'il y a de plus médiatique,
27:15 mais il y a un vrai travail autour de la data.
27:17 Il y a eu un prix de la data, d'ailleurs,
27:19 et ils l'ont gagné là-dessus, puisque derrière,
27:22 on est genre parti de zéro.
27:23 Et l'agence qui l'a remporté a fait un vrai travail derrière,
27:27 qui a donné du vrai résultat.
27:29 Si je peux me permettre, sur AVEN,
27:30 j'ai beaucoup apprécié le...
27:33 Je n'étais pas dans le jury, mais je connais la campagne,
27:34 et elle est très touchante.
27:36 Je pense qu'effectivement,
27:37 c'est ce qu'on appelle de la "brand utility" pour moi.
27:40 Et je pense que beaucoup d'annonceurs
27:42 devraient se poser sur ce genre de problématiques,
27:44 parce que chaque marque a quelque chose à apporter,
27:47 à des causes, à des problématiques.
27:49 Et pour moi, AVEN, c'est effectivement
27:51 un cas de "brand utility" merveilleux.
27:53 Merci beaucoup à tous les deux,
27:54 Dorothée Collier, directrice générale de Co-Spirit Media,
27:57 et François Carrel, directeur de la rédaction de The Media Leader.
28:00 On se retrouve bien sûr la semaine prochaine
28:02 pour un nouveau numéro de Mark and Strat.
28:04 D'ici là, vous pouvez nous retrouver évidemment en replay,
28:06 mais aussi en podcast sur toutes vos plateformes d'écoute habituelles.
28:09 (Générique)
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