• il y a 11 mois
Alors que plusieurs axes sont encore bloqués ce vendredi dans le Nord et le Pas-de-Calais, portrait-robot de l'agriculteur des Hauts-de-France avec Marie Stankowiak, responsable du département agriculture et paysage à l'école d'ingénieurs lilloise JUNIA.

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Transcription
00:00 - Bonjour, Maryse Tankowiak. - Bonjour.
00:01 - Vous travaillez à Lille, au sein du département agriculture et paysage de l'école d'ingénieur Junya l'agriculture.
00:07 Les agriculteurs dans la région, c'est ce que vous étudiez tous les jours.
00:10 Alors tout d'abord, quand on dit les agriculteurs, combien sont-ils à peu près dans le Nord, dans le Pas-de-Calais, dans les Hauts-de-France ?
00:15 On dit qu'il y a moins d'agriculteurs, que c'est une profession qui vieillit. C'est le cas dans les chiffres que vous avez ?
00:20 - Alors l'agriculture en Hauts-de-France est assez diversifiée.
00:24 On a un recensement général agricole tous les 10 ans.
00:27 Le dernier date de 2020. On comptait 23 000 exploitations agricoles en 2020, à peu près 30 000 exploitants, agriculteurs.
00:36 Une moyenne d'âge en effet qui a tendance à beaucoup évoluer vers le haut.
00:40 Une moyenne d'âge à 51 ans et surtout 40% des agriculteurs ont plus de 55 ans,
00:45 ce qui pose quand même une grande question sur la transmission des exploitations agricoles.
00:49 - Et des agriculteurs, alors, qui font quoi ?
00:51 Puisque qu'en face de la pomme de terre, du lait ou de l'élevage, les métiers sont très différents.
00:55 On l'entend sur les barrages à chaque fois. Le modèle dominant, la culture dominante dans les Hauts-de-France, c'est quoi ?
01:00 - Alors la culture dominante dans les Hauts-de-France, c'est en effet globalement, comme on le pense, la grande culture.
01:05 Donc à peu près 50-55% des exploitations sont centrées sur de la grande culture, de la culture industrielle.
01:11 Mais on a aussi, et ça on l'oublie souvent, que la région est aussi une région d'élevage.
01:16 On va dire on a 35-40% des exploitations qui sont en polyculture, polyélevage, en élevage de manière générale.
01:23 Et puis le reste en maraîchage, en horticulture, en viticulture.
01:27 Donc on a en effet une grande diversité, avec aussi des bassins d'élevage, le boulonnais, la vaignois,
01:33 qui sont quand même des zones d'élevage d'importance.
01:38 - Vous avez dit, pour qualifier ces grandes cultures, la culture "industrielle", entre guillemets.
01:42 Il est important ce modèle agro-alimentaire, l'agro-industrie, comme on dit dans la région.
01:47 On pense à la betterave avec les sucreries, la pomme de terre avec les différentes usines, McCain, on a tous des exemples en tête.
01:53 C'est important cette place-là de l'agro-industrie dans notre région, plus qu'ailleurs ou pas ?
01:57 - Moi je dis toujours qu'on a à la fois de la chance et de la malchance dans la région.
02:01 On a de la chance, on a tous les grands groupes, tous les sièges des grands groupes industriels qui sont ici.
02:06 Des McCain, des Bonduelle, des Roquette, il y en a plein en fait.
02:10 Donc c'est une chance, parce qu'on peut justement travailler en direct avec eux.
02:15 Ce qui explique qu'on peut en effet réussir à travailler des choses.
02:20 La "malchance" c'est que c'est un modèle qui est un petit peu plus figé.
02:25 C'est difficile parfois de faire changer les choses à ce niveau-là,
02:28 puisque c'est aussi des entreprises qui exportent, ce n'est pas des entreprises qui ne vendent que sur le marché national et européen.
02:33 - C'est un modèle qui gagne plus d'argent, puisque le revenu des agriculteurs ça fait partie des revendications en ce moment, dans ce mouvement de colère.
02:41 Forcément ce sont des agriculteurs qui gagnent plus, je ne sais pas c'est quoi le revenu moyen dans la région,
02:45 mais il doit y avoir de fortes disparités entre le plus haut et le plus bas ?
02:48 - Alors exactement, la question du revenu c'est la question qui est centrale,
02:53 et j'entends qu'on puisse se demander quel est le revenu moyen.
02:56 Le revenu moyen pour un agriculteur en région c'est à peu près 2000 euros,
03:00 sauf qu'entre un éleveur qui gagne parfois dans les moyennes 500 euros par mois,
03:06 et quelqu'un de grande culture qui gagne plus, 3000, 4000 parfois,
03:13 on a vraiment une grande disparité et ce n'est pas du tout évident de faire des moyennes.
03:17 En tout cas la région elle a des revenus qui semblent plus hauts que la moyenne nationale,
03:23 étant donné en effet le nombre d'exploitations qui sont plutôt orientés sur la grande culture et des cultures industrielles.
03:27 - 7h49, vous êtes sur France Bleu Nord et nous sommes avec Marie Stankowiak,
03:31 responsable du département agriculture et paysage à l'école d'ingénieur Junia.
03:35 - Marie Stankowiak à Junia, vous avez créé récemment une chaire sur les transitions agricoles et alimentaires,
03:40 vous avez dit tout à l'heure les grandes cultures, la betterave, la pomme de terre, l'endive,
03:44 ce sont des modèles de culture où la transition est peut-être un peu plus lente,
03:49 parce qu'il y a des enjeux économiques derrière,
03:52 c'est pour ça qu'on a ces problématiques actuellement de culture qui restent figées, vous avez utilisé ce mot aussi ?
03:58 - Oui en fait on a créé une chaire de recherche avec Agroparité qui est une école d'ingénieur en agriculture à Paris,
04:05 financée par le Crédit Agricole Nord de France.
04:08 Le but c'est d'essayer d'identifier finalement les freins et les leviers à cette transition,
04:12 c'est-à-dire qu'aujourd'hui scientifiquement on est capable de dire ce qu'il faudrait faire pour aller vers plus de transition,
04:19 même si la définition n'est pas forcément établie et tout le monde n'est pas forcément d'accord avec ça.
04:23 Par contre aujourd'hui on se demande pourquoi on n'y va pas,
04:27 on est en effet dans des modèles qui sont finalement un peu figés,
04:32 pourquoi ? Parce qu'on a finalement des filières, sur une exploitation agricole aujourd'hui quand vous exploitez,
04:36 vous avez à la fois de la pomme de terre, de la betterave, des céréales, parfois des animaux,
04:40 à chaque fois vous vendez à quelqu'un d'autre, donc en fait à quelqu'un de différent.
04:45 Donc vous avez à chaque fois un interlocuteur différent, qui dit interlocuteur différent dit enjeu différent,
04:49 donc à chaque fois on vous dit "pour cette culture-là ce serait bien que vous fassiez ceci, pour celle-ci il faudrait bien que vous fassiez cela",
04:55 et la grande question là-dedans c'est qu'on demande aux agriculteurs d'évoluer, on leur demande d'aller vers plus de transition, c'est normal,
05:02 par contre on leur dit de le faire mais sans forcément les valoriser financièrement et économiquement,
05:07 ce qui donne quelque chose qui est un peu compliqué.
05:09 - Et ça ajoute à chaque fois de la papras, cette polyculture, ce sont des normes qui s'accumulent, ça aussi on l'entend,
05:14 c'est-à-dire que chaque culture a sa norme et finalement ce sont des normes qu'on fasse, comme vous le disiez,
05:20 élevage, endive, betterave, tout ça ce sont des normes à chaque fois qu'il faut appliquer.
05:24 - Les normes sont surtout, et je pense que c'est surtout ça qui commence à embêter les agriculteurs,
05:29 c'est la succession des normes, elle est à la fois européenne et elle est nationale,
05:33 donc en fait on a les normes issues de la politique agricole commune et de toutes les lois européennes,
05:38 et par-dessus ça on ajoute des lois nationales qui parfois peuvent se contredire vis-à-vis des lois européennes,
05:44 ce qui complexifie les choses administrativement aujourd'hui,
05:47 remplir une déclaration PAC c'est très compliqué, il y a plein de petits détails,
05:53 et si en plus on se rate sur sa déclaration PAC on a un risque de ne pas toucher en plus les subventions.
05:58 - Une dernière question Marie Stankowiak, toujours pour parler de transition,
06:01 nous sommes la région de France qui compte le moins de surface bio,
06:04 et nous sommes une région avec des cultures qui utilisent beaucoup de produits phytosanitaires,
06:08 on sait les difficultés des producteurs de betteraves notamment,
06:11 dont les insecticides néonicotinoïdes ont été interdits par l'Union Européenne,
06:15 ça aussi ça freine la transition, le fait qu'on utilise aujourd'hui pommes de terre, betteraves,
06:19 des cultures qui utilisent beaucoup de pesticides.
06:22 - Aujourd'hui la région c'est 6% d'exploitation en agriculture bio, la moyenne en France c'est 12,
06:27 donc en effet on est en dessous sur ce chiffre-là,
06:31 le type d'exploitation agricole en effet, et le lien, ce fameux lien aux filières,
06:36 explique également le faible nombre d'exploitations en agriculture bio,
06:41 et de manière générale, que ce soit pour les transitions ou pour l'agriculture biologique,
06:45 ce qui manque également c'est des politiques structurelles qui permettent d'aider les agriculteurs à passer au bio,
06:51 d'autant plus que le bio aujourd'hui est un sujet qui est complexe,
06:55 avec des prix qui sont peu rémunérateurs et peu valorisés.
06:58 - Effectivement la filière n'échappe pas non plus aux difficultés puisqu'on voit des témoignages aussi des producteurs bio
07:03 qui demandent aussi à bénéficier de mesures d'urgence.
07:06 Merci beaucoup Maryse Tankowiak de nous avoir dressé ce portrait de l'agriculture dans les Hauts-de-France,
07:11 responsable du département agriculture et paysages à l'école d'ingénieurs Junia Cetalil.

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