Avec Romain Molina, journaliste et auteur de "Yémen - Les guerres des bonnes affaires – Al-Qaïda, Total et ONU, pillages organisés" publié aux éditions Exuvie.
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00:00 Sud Radio Bercoff dans tous ses états, le face à face.
00:06 13h09 sur Sud Radio face à face, aujourd'hui André Bercoff, vous recevez Romain Molina,
00:10 journaliste indépendant et surtout auteur de ce livre qu'on vous recommande,
00:14 "Yémen, les guerres des bonnes affaires, Al-Qaïda, Total et ONU, pillage organisé",
00:19 c'est publié aux éditions Exuvie. Bonjour Romain Molina.
00:22 Bonjour à vous et merci pour l'invitation.
00:24 Écoutez, d'abord Romain Molina, je voulais vous dire que votre livre,
00:28 je l'ai lu avec vraiment beaucoup de, non seulement de plaisir, mais beaucoup d'intérêt.
00:32 Je trouve que, vous l'avez fait avec "Boutagne à Faro", que vous nous en parlerez,
00:37 mais en général, voilà, les guerres, les guerres lointaines, on ne s'en occupe pas.
00:42 Il y a en général d'ailleurs des 300 000, des millions de morts,
00:46 je ne parlerai pas du Cambodge et autres.
00:49 Oui, mais c'est loin, vous savez, cette espèce de cliché,
00:53 non seulement usagé, mais assez obscène, qui consiste à dire "plus c'est loin, moins ça intéresse",
00:59 voilà, et quand c'est prêt, évidemment, et quand c'est sujet à polémique, là, ça intéresse.
01:03 Alors, le Yémen. Et le Yémen, on en parle de temps en temps,
01:06 Paul Nyssen avait écrit un livre magnifique qui s'appelle "Aden Arabie",
01:09 il y a très très très très longtemps de ça.
01:13 Et puis on en parle, pourquoi ? Parce que le Yémen, on s'est aperçu que le Yémen,
01:16 eh bien c'est Golfe d'Aden, c'est la mer Rouge, c'est le détroit de Pabel Menden,
01:22 et la mer Rouge, ça amène à quoi ? Au canal de Suez.
01:24 Et on s'est aperçu, récemment, qu'un certain nombre de navires marchands avaient été bloqués,
01:30 que, il y a la guerre, avec les outils du Yémen,
01:33 et dans le cadre de la guerre du Moyen-Orient et du conflit Israël-Palestine-Gaza,
01:40 eh bien, il y a eu effectivement bombardements et attentats
01:45 avec une marine américaine qui se fait de plus en plus pressante,
01:48 et du coup, alors on parle du Yémen, on découvre les outils,
01:52 et votre livre, en fait, il va beaucoup plus loin, il raconte cette guerre des bonnes affaires,
01:58 et vous parlez vraiment d'informations, vous êtes bourré d'informations,
02:03 d'abord, qu'est-ce qui vous a amené, je rappelle que vous êtes journaliste indépendant,
02:06 vous travaillez pour beaucoup de journaux comme "Américain",
02:10 et de télévision comme "CNN", "Washington Post" et autres,
02:13 qu'est-ce qui vous a amené au Yémen d'abord Romain Moulinard ?
02:17 Déjà, je vous remercie de nous intéresser à la question,
02:19 parce que comme vous l'avez dit, malheureusement,
02:21 on en parle très peu par un prisme différent du Yémen.
02:25 Je rappelle qu'on a parlé énormément du Yémen suite à l'assassinat terrible
02:28 d'un journaliste saoudien, Hamal Rashougi,
02:31 il y a quelques années, ce qui avait mis en lumière le Yémen
02:33 par le prisme de l'intervention saoudienne,
02:35 mais pas donc par le prisme yéménite.
02:37 Alors pourquoi ? Tout simplement parce que je m'intéresse
02:39 à ce qui se passe un peu dans le monde entier,
02:41 et j'ai eu la chance de faire un reportage en Inside
02:43 avec la sélection de football du Yémen,
02:45 quand il était au Bahreïn et qu'il jouait l'Arabie saoudite.
02:48 C'était quelques jours d'ailleurs avant les attaques sur Aramco,
02:51 en Arabie saoudite.
02:53 J'ai commencé comme ça, avec Butai Nafaraut,
02:55 une yéménite qui a dû s'exiler malheureusement
02:57 par les menaces de mort, en Malaisie notamment.
03:00 Et donc on a interrogé entre 100 et 200 personnes
03:02 pour faire cet ouvrage, qui comme vous le dites,
03:04 aujourd'hui on se rappelle de la position stratégique du Yémen,
03:07 parce qu'en effet, il borde l'une des routes maritimes
03:09 les plus usitées dans le commerce mondial.
03:11 Tandis qu'en fait, il y a une guerre abominable
03:13 qui était une guerre civile, qui s'est régionalisée
03:15 et internationalisée depuis plus de 8 ans et demi désormais.
03:18 Il y a plusieurs guerres à l'intérieur même de la guerre.
03:20 Et là, aujourd'hui, ça redevient un peu au centre
03:22 de l'échiquier mondial, même si je tiens quand même à tempérer,
03:26 on oublie les dynamiques yéménites,
03:29 ce que je vous expliquerai tout à l'heure.
03:30 Mais on va assister bientôt, ces prochains jours et semaines,
03:32 à une guerre du pétrole et du gaz au Yémen,
03:35 à laquelle la France, de fait, va être impliquée
03:38 par les investissements que Total a réalisés il y a désormais plus de 20 ans.
03:41 Alors justement, vous parlez de tout cela,
03:43 et c'est vraiment passionnant, je le dis pour ceux qui s'intéressent.
03:45 Et franchement, c'est beaucoup plus intéressant
03:48 qu'un remaniement ministériel.
03:49 Tous ceux qui s'intéressent à ce qui se passe,
03:51 à la géopolitique du monde,
03:52 on ne peut pas ignorer le Yémen,
03:54 d'ailleurs, on ne pouvait pas ignorer le Myan.
03:56 Juste un mot Romain Moulinat,
03:57 ces guerres civiles qu'il y a eu depuis 10 ans,
03:59 avec l'Arabie Séoudite, enfin, il y a la guerre civile,
04:01 puis l'intervention de l'Arabie Séoudite, etc.
04:04 On fait combien de morts et de blessés ?
04:06 On sait à peu près, parce que ça, on n'en parle pas.
04:08 Les derniers chiffres de l'ONU qui datent,
04:10 il y a maintenant quasiment deux ans,
04:12 estiment à plus de 377 000,
04:14 donc aujourd'hui, on va être à peu près à 400 000,
04:16 des millions de déplacés,
04:17 et sans compter des conditions de vie humaines absolument épouvantables,
04:20 et le nombre de gens qui sont disparus,
04:23 dont on n'a jamais retrouvé le corps.
04:25 Oui, c'est ça qui est tout à fait terrifiant,
04:27 vous voyez, ça, on n'en parle pas, effectivement.
04:29 On choisit ses victimes,
04:31 on a les bonnes victimes et les mauvaises victimes,
04:33 les mauvaises victimes, on les oublie.
04:34 On en reparle tout de suite avec Romain Moulinat,
04:38 après cette toute petite pause.
04:40 A tout de suite.
04:41 Sud Radio, votre attention est notre plus belle récompense.
04:45 Vous nous faites vivre les matchs,
04:46 la façon dont vous les commentez,
04:47 que ce soit la Prod2 ou le Top 14,
04:48 c'est que du bonheur.
04:49 Voyez, il n'y a pas besoin d'y voir avec vous,
04:51 c'est comme si on y était, quoi, voilà.
04:52 Sud Radio, parlons vrai.
04:54 Ici Sud Radio.
04:57 Les Français parlent au français.
05:03 Je n'aime pas la blanquette de veau.
05:05 Je n'aime pas la blanquette de veau.
05:08 Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
05:11 Et nous sommes avec Romain Moulinat,
05:12 journaliste indépendant, journaliste d'enquête,
05:15 d'investigation, comme on dit,
05:18 et c'est beau qu'il y ait des journalistes d'investigation
05:20 parce que la catégorie se fait de plus en plus rare,
05:25 hélas, hélas, mais enfin, il y en a beaucoup
05:27 qui font un travail formidable.
05:28 Yémen, la guerre des bonnes affaires,
05:31 aux éditions exuvies,
05:32 Romain Moulinat, peut-être juste rapidement
05:35 dire à nos éditeurs,
05:37 le Yémen est indépendant depuis quand ?
05:40 Combien d'habitants ?
05:41 Juste pour bien présenter, voilà,
05:43 l'état des... le terfre des opérations.
05:46 Je comprends.
05:47 C'était un pays qui était morcelé, hein,
05:49 qui était divisé entre le Yémen du nord
05:51 et le Yémen du sud,
05:52 qui pendant la guerre froide
05:53 était le seul régime arabe
05:55 directement rattaché à l'URSS,
05:57 c'était le seul régime marxiste des pays arabes.
05:59 Ah oui, rattaché à l'URSS, oui, oui, tout à fait.
06:02 Exactement, exactement.
06:03 Avec sa capitale, Aden,
06:04 et avant ils étaient une colonie britannique.
06:06 Le nord, lui, était dirigé
06:08 par un imamah de confession zaïdite,
06:10 le zaïdisme étant une branche du schisme,
06:12 globalement, pour faire simple.
06:14 Et dans les années 90, au tout début,
06:15 il y a eu une unification des deux Yémens,
06:17 notamment pour des raisons économiques.
06:19 Donc ça n'a pas tellement duré,
06:20 parce que dès 94,
06:21 les sudistes ont tenté de faire sécession
06:23 et le pouvoir central,
06:24 dirigé par Ali Abdullah Saleh,
06:25 qui restait au pouvoir pendant plus de 30 ans,
06:27 avait utilisé des anciens moudjaïdines
06:29 qui étaient partis en Afghanistan
06:30 pour chasser les communistes.
06:32 Donc des anciens membres
06:33 qui ensuite ont rejoint Al Qaïda,
06:34 les a busés dans l'armée centrale
06:35 afin, excusez-moi l'expression,
06:36 de botter les fesses des sudistes.
06:38 Et ça a commencé, donc,
06:39 dès les années 90,
06:40 le double jeu du gouvernement central yéménite
06:42 avec Al Qaïda.
06:43 Et il s'en est sorti
06:44 que pendant quasiment 20 ans.
06:46 On s'est servi d'Al Qaïda au Yémen
06:47 afin de récupérer des fonds
06:49 au niveau international.
06:50 Comme le dit Gregory Johnson,
06:51 un excellent écrivain américain,
06:52 "Pas d'Al Qaïda = pas d'aide internationale".
06:55 Donc c'est pour ça qu'au Yémen,
06:56 on a toujours eu un peu d'Al Qaïda,
06:57 sans savoir ce qui était vrai.
06:59 - Vous brandissez Al Qaïda pour dire
07:02 "Attention, on a besoin de l'aide internationale".
07:04 C'était ça ?
07:05 - Les Américains tenaient des aides
07:07 quand il y avait une menace, potentiellement.
07:08 Et d'ailleurs, ce qui est très ironique
07:10 dans les guerres qu'on voit aujourd'hui,
07:12 c'est que toutes les parties disent
07:13 "Combattre le terrorisme Al Qaïda".
07:15 Donc en fait, Al Qaïda,
07:16 c'est l'idiot utile de la guerre au Yémen.
07:17 Parce que pour légitimer
07:19 les actions sur le terrain
07:20 des différents belligérants
07:22 qui utilisent les centres de détention,
07:24 de torture ou que sais-je encore,
07:25 des arrestations arbitraires, des massacres,
07:27 toutes les parties ont déclaré dans le conflit
07:29 qu'on battait Al Qaïda.
07:30 - Oui, bien sûr.
07:31 - Pour eux.
07:32 - L'hypocrisie est un hommage
07:34 que l'on le visse à la vertu.
07:36 Ce n'est pas très étonnant.
07:38 Alors, vous avez dans votre livre,
07:39 vous racontez beaucoup de choses d'abord.
07:41 Il y a une chose formidable,
07:42 vraiment, que j'ai beaucoup aimé,
07:43 c'est que vous commencez par
07:45 Hilal Hajj, un sportif,
07:48 adepte du Kung Fu.
07:50 C'est-à-dire, vous montrez aussi
07:51 l'autre côté du Yémen.
07:52 Le Yémen, c'est pas seulement des guerriers
07:54 et des tribus qui se massacrent,
07:55 ce sont évidemment des hommes,
07:57 des femmes, des enfants,
07:58 des gens qui essayent de vivre
08:00 dans cet univers très compliqué.
08:01 Et puis, comme vous dites,
08:02 c'est un pays, entre guillemets,
08:04 pauvre, qui n'a pas de matière première
08:06 de manière... par rapport à l'Arabie Saoudite,
08:08 par rapport à tout le reste, c'est bien ça.
08:09 - Exactement, c'est le pays le plus pauvre
08:12 du Golfe, on va dire, à ce niveau-là.
08:14 Alors, ils ont des ressources pétrolières,
08:16 notamment de gaz, mais elles sont infimes
08:18 en comparaison de ses voisins.
08:19 Par contre, c'est un pays déjà historique.
08:21 C'est l'Arabie Heureuse,
08:22 comme on l'appelait à l'époque.
08:24 C'est une véritable civilisation.
08:25 Il y a beaucoup d'agriculture,
08:27 parce que c'est l'Arabie Fertile, surtout.
08:28 On ne pourra jamais l'oublier,
08:29 c'est même ça la première traduction
08:30 du Yémen, l'Arabie Afélix.
08:31 Donc, il y a des choses,
08:32 mais le problème, c'est que ça a souvent
08:34 été victime d'une certaine instabilité.
08:36 Après, vous avez du café,
08:37 de mocha, le miel, enfin...
08:39 Il y a plein de choses au Yémen,
08:40 mais c'est vrai qu'économiquement,
08:42 c'est un pays qui n'est pas développé
08:43 comme ses voisins, qui se rapprochent,
08:45 on va dire, d'une économie un peu
08:46 à la corde de l'Afrique voisine,
08:48 enfin, vers Djibouti et tout cela.
08:50 Pourquoi j'ai commencé sur ce jeune
08:52 champion de Kung-Fu yéménite ?
08:54 C'est en interrogeant tous ses proches,
08:56 avec Goutaina, on a eu sa fiancée,
08:57 ses parents, enfin,
08:58 ses entraîneurs, ses frères, etc.
09:00 Parce que c'est un peu le symbole
09:01 de cette tragédie, c'est-à-dire que
09:02 souvent, quand on parle de l'Irak,
09:04 c'était pareil, ou du Yémen,
09:05 on parle de chiffres,
09:06 il y a tant de morts, etc.
09:07 On a l'impression qu'on réduit
09:09 ces gens-là à des statistiques,
09:10 alors qu'au final, ce sont des enfants,
09:12 ce sont des pères, ce sont des maris,
09:13 ce sont des êtres humains comme vous et moi,
09:15 et donc l'idée, c'était d'humaniser
09:16 un peu tout cela,
09:17 et cet homme, ce grand champion
09:18 qui est finalement mort dans la Méditerranée,
09:20 on a voulu en plus lui rendre hommage,
09:22 parce que malheureusement,
09:23 celui qui aurait dû briller au niveau international
09:25 pour porter haut et beau
09:27 les couleurs du Yémen,
09:28 malheureusement, il est mort à quelques mètres
09:30 des colonnes d'Hercule,
09:31 à l'époque, et a été ramené en héros à Sanaa.
09:33 Donc je trouvais que c'était un beau symbole
09:35 de cette période.
09:36 - Et puis, il faut dire aussi,
09:37 parce que moi je suis allé à Sanaa,
09:38 quelle beauté, quelle beauté de ville,
09:40 enfin il y a très longtemps, je suis allé à Sanaa,
09:42 quelle beauté de ville, l'art de l'architecture,
09:44 c'est absolument magnifique.
09:46 - Au patrimoine mondial de l'UNESCO.
09:48 - Oui, exact, exact.
09:49 Alors, vous tracez les portraits,
09:51 alors on va parler des bonnes affaires,
09:53 et je dois dire que
09:55 ce qui...
09:57 une des institutions qui fait de bonnes affaires,
10:00 enfin, commençons par balayer devant notre porte,
10:02 c'est Total.
10:03 Le rôle de Total au Yémen,
10:05 c'est tout à fait étonnant,
10:08 c'est un pays dont on ne connaît pas.
10:09 - C'est assez fascinant,
10:10 parce que en fait,
10:11 Total est le premier partenaire économique historique
10:13 de l'État yéménite.
10:14 En fait, l'État yéménite a voulu s'inspirer
10:16 de Qatar et l'NG,
10:17 donc l'exportation de gaz liquéfié,
10:19 avec ce qu'ils avaient trouvé,
10:21 et donc finalement, c'est Total qui a récupéré le contrat
10:23 dans les années 90,
10:24 sachant que c'était la seule major, au final, à y aller.
10:26 On ne voit pas Chelles, il n'y a pas Chevrolet, etc.
10:28 Donc c'est la seule major,
10:29 on ne voit pas Mitriche Pétroleum.
10:31 - Ah oui, la seule major pétrolière
10:32 elle est où, Yémen ? C'est Total ?
10:34 - La seule qui a accepté les conditions,
10:36 c'est-à-dire que notamment dans les conditions,
10:37 il y avait l'idée de construire...
10:38 En fait, il n'y avait aucune infrastructure
10:40 pour l'exportation.
10:41 Donc c'était non seulement,
10:42 il fallait construire un pipeline,
10:44 plusieurs centaines de kilomètres,
10:45 parce que finalement, ils l'ont fait débloquer dans le sud,
10:46 à La Craft,
10:47 mais il fallait tout construire à côté.
10:49 Il y avait du stockage,
10:50 enfin, c'est des investissements absolument colossales,
10:52 de plusieurs milliards.
10:53 Donc il y a notamment la BNP qui a participé,
10:55 et il y avait d'autres actionnaires minoritaires.
10:56 Donc ils ont fait quelque chose d'absolument incroyable,
10:58 parce que depuis une dizaine ou une quinzaine d'années,
11:00 on a quand même une militarisation de l'oil et de l'gaz,
11:03 si on regarde.
11:04 Aujourd'hui, les bases qui vont extraire du pétrole ou du gaz
11:07 sont forcément militarisées,
11:08 à fortiori, si elles sont dans des zones potentiellement à risque.
11:11 Donc ça a été un investissement colossal pour Total,
11:13 et en fait, ce qui a été reproché,
11:15 et on publie notamment certains documents
11:17 qui avaient été montrés au Parlement yéménite,
11:19 c'est les coûts absolument délirants
11:21 que Total devait donner comme protection.
11:23 On parle de centaines de millions par an
11:25 aux différentes factions militaires yéménites,
11:27 sans savoir réellement où l'argent allait.
11:29 Donc en fait, il y a eu énormément de problèmes,
11:31 il y a eu beaucoup de soucis liés à la corruption
11:33 qui ont été dénoncés par plusieurs journalistes yéménites,
11:36 et je tiens à donner une petite anecdote
11:38 qui me vient de l'ancien ambassadeur américain
11:40 Gérald Feierstein, nommé par Obama au Yémen,
11:42 parce que quand le régime central s'effondre au Yémen,
11:45 ensuite, il y en a le grand dialogue national,
11:48 et la communauté internationale va superviser tout ça
11:50 pour un nouveau Yémen.
11:51 Certains sont pour un fédéralisme,
11:53 et la France, qui doit rédiger la nouvelle constitution,
11:55 s'est aidée, et est farouchement opposée.
11:58 C'est les seuls.
11:59 Et donc l'ambassadeur américain de l'époque,
12:00 Gérald Feierstein, et d'autres me l'ont confirmé,
12:03 la blague qui circulait parmi les ambassadeurs,
12:05 c'était de dire "ben oui, forcément, ils sont contre",
12:07 parce que s'il y a un fédéralisme avec, on va dire,
12:09 cinq, on va dire, "mini-états",
12:11 ils vont me recourir en cinq ministères du pétrole au lieu d'un.
12:14 Et donc ils me le racontent en rigolant,
12:16 et ça a posé beaucoup de problèmes.
12:18 D'ailleurs, Total est actuellement en justice,
12:20 il y a eu une action qui a été menée en France
12:22 vis-à-vis de certaines pollutions liées au sol,
12:24 mais il y a également d'autres intérêts beaucoup plus troubles.
12:27 Alors évidemment, il y a tout ce côté de l'argent,
12:29 où réellement il est passé,
12:31 quand on voit, comme je vous le disais depuis le début,
12:32 le double jeu qu'a maintenu l'État yéménite avec Al-Qaïda.
12:35 Je rappelle que certaines factions qui ont reçu l'argent de Total,
12:37 ont ensuite fait défection et ont rejoint des groupes...
12:39 - Les Al-Qaïda.
12:40 Alors dites-moi, corruption énorme,
12:43 enfin vous parlez de la corruption dans ce pays,
12:45 qui est quand même, évidemment, eu égard à la pauvreté,
12:48 elle est patente.
12:49 Et il y a ce côté, effectivement, chic al-capodisation,
12:54 c'est-à-dire vous payez pour votre protection,
12:56 et vous payez très cher pour votre protection.
12:58 - Mais Total a voulu faire baisser cela,
13:00 le patron était venu d'ailleurs à Sanaa,
13:02 et ensuite la politique française,
13:04 notamment au ministère des Affaires étrangères,
13:05 a essayé de se servir lors du printemps yéménite,
13:07 on va dire le début du soulèvement yéménite,
13:09 qui au début n'était pas politisé,
13:11 comme dans d'autres pays arabes.
13:12 - C'est en même temps que le printemps arabe, c'est ça.
13:14 - Exactement.
13:15 Et ensuite, après il va être politisé ce soulèvement,
13:17 comme malheureusement dans d'autres pays arabes.
13:18 Et au tout début, la France,
13:20 par l'intervention du ministère des Affaires étrangères,
13:21 M. Juppé,
13:22 alors que la France a été le soutien numéro 1 du Yémen,
13:25 et de ce prénom Ali Abdullah Saleh,
13:27 durant 20 ans.
13:28 Voir le nombre de visites à l'Elysée,
13:29 il s'entendait très bien avec Jacques Chirac, etc.
13:32 Je rappelle que la compagnie nationale yéménite d'avion
13:35 a des Airbus, a des Boeing.
13:38 Donc il y a des liens aussi au niveau archéologique,
13:40 au niveau culturel, etc.
13:42 Et certains des plus grands experts du Yémen sont français,
13:44 Laurent Bonnefoy, Franck Mermier, étant d'autres.
13:46 Bref, je finis vite.
13:47 Donc Alain Juppé appelle et fait comprendre au président,
13:50 en gros, si on renégocie les coûts pour Total,
13:53 on te soutient.
13:55 Sauf que l'ancien président du Yémen,
13:56 c'est le maître chanteur numéro 1.
13:58 Donc on n'apprend pas un vieux singe à faire la grimace.
14:01 Qu'est-ce qui s'est passé derrière ?
14:02 Et c'est l'une des choses les plus terribles,
14:04 où la diplomatie française ne m'a jamais répondu à ce sujet.
14:07 Mais donc, en gros,
14:08 la France fait un espèce de chantage
14:10 pour aider Total à un président
14:12 qui en effet est en perte de vitesse.
14:14 Quelques mois plus tard, qu'est-ce qu'on voit ?
14:15 Trois personnes du Crayon de Rouge,
14:18 qui était donc une ONG française, d'ailleurs financée par Total,
14:21 ont été kidnappées officiellement par Al-Qaïda.
14:23 Et quelques mois plus tard,
14:24 ils seront libérés en échange d'une rançon.
14:26 Je tiens juste à dire que ce n'est pas la France qui a payé cette rançon.
14:29 C'est à peu près qui a payé
14:31 et où cette rançon est allée, de plusieurs millions.
14:34 Et donc en fait, directement, cette intervention
14:35 vient par l'énorme bourde du Quai d'Orsay,
14:38 qui s'est dit "Oh là là,
14:39 au maître chanteur, M. Ali Abdullah Saleh,
14:41 on va se servir du printemps arabe
14:43 pour lui faire baisser les coûts pour Total".
14:44 La moralité de trois personnes
14:45 a été kidnappée derrière, soit disant par Al-Qaïda.
14:47 On sait qui a payé la rançon ?
14:49 Romain Molina, ou pas ?
14:51 Ou ça ne peut pas se dire ?
14:53 Total.
14:54 D'accord.
14:55 Mais je ne vais pas les critiquer.
14:56 Non, non, bien sûr.
14:57 S'ils ne la payent pas, ces gens-là seront peut-être morts.
14:59 Oui, c'est ça.
15:00 La vraie question, c'est de savoir
15:01 qui a reçu la rançon derrière.
15:03 Oui, oui, tout à fait.
15:04 Je dirais juste, et il y a son nom dans le livre,
15:06 que c'était l'une des personnes les plus recherchées par l'OSBI en Allemagne.
15:09 Non, non, c'est tout à fait possible.
15:12 Le nom est dans le livre, tout est dans le livre.
15:13 Et je suis heureux de savoir,
15:14 et encore une fois, je ne vais pas critiquer,
15:16 parce qu'on a sauvé forcément des vies humaines,
15:17 mais il faut en venir à la cause.
15:18 Pourquoi ces gens-là ont été enlevés ?
15:20 Et c'est la diplomatie française qui a fait n'importe quoi au Yémen,
15:23 en se disant "Oh là là, en fait c'est Total qui dictait,
15:26 quelque part, la politique étrangère de la France au Yémen,
15:28 et c'est assez triste qu'il y a des vies humaines qu'on ne faille en pas dire".
15:30 On va tout de suite en continuer à en parler,
15:33 avec Romain Molina, après cette petite pause.
15:35 Romain Molina qui est avec nous,
15:37 et vous, au 0826 300 300,
15:39 vous nous appelez, vous posez vos questions à notre invité du jour.
15:42 A tout de suite sur Sud Radio.
15:43 Sud Radio Bercov, dans tous ses états, midi 14h.
15:48 André Bercov.
15:50 Ici Sud Radio.
15:53 Les Français parlent au français.
15:58 Les carottes sont cuites.
16:00 Les carottes sont cuites.
16:03 Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
16:06 13h30 sur Sud Radio, on continue ce Face à Face
16:09 avec notre invité exceptionnel aujourd'hui,
16:10 Romain Molina, qui vient nous voir pour ce livre
16:12 "Yémen, les guerres des bonnes affaires, Al Qaïda, Total et ONU, pillage".
16:16 Organisé, c'est aux éditions Exuvie.
16:18 Alors, on a parlé effectivement des Bakchichs,
16:21 mais ce n'est plus des Bakchichs,
16:23 ce sont des mannes célestes.
16:25 Romain Molina, justement, à un moment donné,
16:27 on va parler de beaucoup de choses,
16:28 mais vous parlez à un moment donné des frères Kouachi,
16:30 vous savez, ceux qui ont massacré effectivement les Wolinskis,
16:33 les Charmes et tout ça, Charlie Hebdo,
16:35 ça s'appelle de Charlie Hebdo,
16:36 janvier 2015.
16:38 Et ils se sont revendiqués de Al Qaïda, péninsule arabique,
16:43 les frères Kouachi ?
16:45 Ils ont fait des camps d'entraînement exactement au Yémen.
16:48 Exactement.
16:49 Pour ça, on est sûr de ça.
16:50 Certains.
16:52 Juste pour le nom de la personne qui avait reçu l'argent de la rançon,
16:56 c'est Fahd Mohamed Al-Kousso Al-Waqi,
17:00 qui était un membre instrumental de l'attentat
17:02 contre le navire américain USS Cole à l'époque,
17:04 qui faisait partie des dicteurs russes les plus recherchés.
17:07 Je rappelle que l'FBI à l'époque offrait 5 millions
17:09 pour chaque information maintenant à sa capture ou à son assassinat.
17:13 Oui. Et il est toujours...
17:15 On sait où il est ?
17:17 Je crois qu'il a été tué de plus.
17:19 Et je sais que la médiation avait été faite par un businessman yéménite
17:23 qui avait des investissements également en France,
17:25 M. Al-Awalaki, je pense qu'il venait d'une tribu similaire.
17:27 Oui.
17:28 Mais Al-Kaïda, en la péninsule arabique,
17:31 a aussi eu...
17:32 Les frères Kouachi sont venus pour des camps d'entraînement,
17:34 ça n'a pas été les seuls.
17:35 Il y a eu plusieurs djihadistes internationaux,
17:38 notamment africains.
17:39 Je rappelle qu'en 2009 ou 2010, je crois,
17:41 on avait réussi à faire passer dans un slip brodé
17:44 de la poudre explosive dans l'avion
17:46 reliant Amsterdam à Détroit,
17:48 qui avait explosé.
17:49 Il prend feu lui-même.
17:51 Et en fait, cet avion ne prend pas feu
17:53 parce qu'à l'époque,
17:54 la branche saoudienne d'Al-Kaïda avait été plutôt moins démantelée
17:57 par le ministère de la Défense, PEN-NAEF.
17:59 C'est pour ça qu'il s'était réfugié,
18:00 notamment au Yémen,
18:01 un peu de l'asphalte de Dernier Refuge,
18:03 lors de la fusion de ces branches-là.
18:04 Ils ont eu une présence assez forte au Yémen,
18:08 quand même, Al-Kaïda.
18:09 Ils ont bénéficié de la porosité,
18:13 déjà, de l'État à chasser réellement Al-Kaïda.
18:16 Mais après, c'était plus sur des objectifs
18:18 vraiment au niveau local.
18:19 Est-ce qu'ils avaient une capacité de projection
18:21 à bouleverser le monde entier ?
18:23 Pas forcément.
18:24 Ils ont aussi bénéficié d'une autre chose.
18:25 C'est les fameux dommages collatéraux,
18:27 les actions américaines dans le Moyen-Orient,
18:29 notamment suite à l'invasion de l'Irak,
18:31 qui a caractérisé malheureusement du Al-Kaïda ici et là.
18:33 Et également, toutes les attaques de drones au Yémen,
18:35 qui ont eu des civils.
18:36 On a documenté des innombrables morts,
18:38 notamment des mariés, des erreurs.
18:41 Et ces gens-là qu'on a tués, qu'on a calcinés sous des bombes,
18:44 qui n'avaient rien à voir avec Al-Kaïda,
18:45 pour des erreurs,
18:47 ces gens-là, non seulement, ils n'auront jamais de réparation,
18:49 mais surtout, ils sont morts.
18:50 Et donc, vous imaginez, tous ceux qui connaissent,
18:52 déjà, dans des gens qui n'ont absolument rien, quasiment,
18:55 et qui, potentiellement,
18:57 ne seront plus à même à rejoindre ce genre de coups.
18:58 Bien sûr.
19:00 Romain Moulinat, parlons de ce personnage assez incroyable,
19:04 Salé, Ali Abdelassalé, le potentat,
19:07 enfin, en tout cas, pendant 30 ans,
19:08 pendant plus de 30 ans, 33 ans.
19:11 C'était quelle personnalité ?
19:12 C'était quoi ? Vous en parlez ?
19:13 Enfin, vous traissez un portrait très intéressant.
19:17 On avait énormément de gens qui ont parlé de lui.
19:20 Alors, déjà, à la base, c'est un colonel illettré.
19:23 Quand il récupère le pouvoir au Yémen du Nord,
19:25 à l'époque, il n'y avait pas encore l'unification,
19:27 il y a une succession d'assassinats de prénoms yéménites,
19:29 au Nord comme au Sud.
19:30 Et tout le monde s'est dit, lui, il ne va pas faire plus de 6 mois.
19:33 Sachant qu'on va dire que ses seuls faits d'armes,
19:35 ou que le fait qu'il ne savait ni lire ni écrire,
19:37 c'était qu'en fait, il était connu
19:39 pour avoir commencé une carrière de contrebande de whisky,
19:42 lorsqu'il dirigeait une cargaison vers Moca.
19:46 Et d'ailleurs, il y avait Wikileaks,
19:47 qui avait révélé quelques télégrammes intéressants,
19:48 où ils disaient, en gros, ils faisaient comprendre,
19:50 en gros, les gens de Djibouti, je ne veux pas de trafic d'armes,
19:53 mais si bon, ils trafiquent du whisky,
19:54 bon, au moins, ils ramènent du bon.
19:55 Donc le surnom, d'ailleurs, les Américains l'appellent
19:57 le colonel Johnny Walker, pour la petite anecdote.
19:59 Donc ce monsieur-là, en fait, tout le monde pensait
20:01 qu'ils allaient, entre guillemets, le manipuler aisément,
20:04 sauf qu'en fait, c'est un redoutable animal politique
20:06 qui a toujours, en fait, c'est toujours servi d'un groupe,
20:09 lui divisé pour mieux rayer.
20:10 - Entre l'autre, oui, c'est ça.
20:11 - Un moment donné, il s'est servi du soutien saoudien,
20:13 un moment donné, ça a été avec les frères musulmans,
20:15 donc le parti Isla,
20:16 et en fait, il a toujours monté les uns un peu contre les autres.
20:18 Et dans cette idée, on va dire, du chantage permanent
20:21 pour récupérer plus d'aide,
20:22 il y a eu toutes ces...
20:23 J'ai eu énormément de conversations avec des officiels américains,
20:26 et à des fois, c'était à mourir de rire,
20:27 parce qu'en fait, ils pensaient qu'à une chose,
20:28 c'était récupérer de l'argent.
20:29 Et d'ailleurs, je crois qu'une enquête a été ouverte à Paris,
20:32 il y a quelques années,
20:33 sur les biens mal acquis par sa famille
20:34 et ceux des oligarques autour.
20:36 Donc c'est quelqu'un qui a réussi à perdre au pouvoir
20:38 de manière incroyable sans se faire tuer.
20:40 Alors, il y a eu plusieurs tentatives d'assassinat,
20:41 une où il a failli rester, d'ailleurs.
20:43 Et puis, c'est quand même ce monsieur qui est, on va dire,
20:46 en grande partie responsable du chaos aujourd'hui,
20:47 parce que lorsqu'il perd le pouvoir, finalement,
20:49 et qu'il doit rendre le trône, on va dire ça comme ça,
20:51 à M. Hadi,
20:53 qu'est-ce qu'il va faire derrière ?
20:54 Il va s'allier avec ses ennemis absolus,
20:57 qui sont donc les fameux Houthis dont on parle aujourd'hui.
20:59 Les fameux Houthis, oui, on va en parler, oui.
21:00 Et parce que de 2004 à 2011,
21:02 il y a quand même six guerres dans le nord du Yémen
21:04 faites par l'État central,
21:05 donc par Ali Abou Lasalle et contre les Houthis.
21:06 Des guerres terribles, abominables.
21:08 Mais pareil, il y a eu un blackout médiatique.
21:10 Et donc, après avoir essayé de les tuer pendant des années et des années,
21:13 tout en les laissant un peu en vie,
21:14 parce qu'ils avaient une capacité de nuisance,
21:16 parce que pas d'outils,
21:17 pas de possibilité de récupérer des fonds de l'Arabie Saoudite à côté.
21:20 Donc, il ne peut pas les exterminer,
21:22 comme pas d'Al-Qaïda, pas de possibilité de l'aide internationale.
21:26 Ils sont redoutables.
21:29 Et donc, ces Houthis-là,
21:31 s'ils ont pu avoir récupéré le nord du pays
21:33 et la capitale Sanaa en 2014,
21:35 c'est parce qu'ils ont bénéficié de l'aide de l'ancien président
21:37 qui avait gardé tous ses contacts, on va dire,
21:39 sur l'appareil notamment militaire et de la sécurité.
21:41 Et derrière...
21:42 Alors Romain Molina, aujourd'hui, on parle beaucoup des Houthis,
21:45 puisque depuis quelques mois, avec ce qui se passe,
21:50 au fond, les Houthis, c'est quoi exactement ?
21:53 Juste, vous en parlez.
21:54 C'est des chiites ? Ce sont des chiites, en fait ?
21:58 Oui, oui, c'est des Zaidites exactement,
22:01 qui ont un grand duchisme.
22:02 Mais surtout, ils se décrivent, eux, avant ça,
22:04 ils se décrivent comme des Saddâs ou des Achimites,
22:06 c'est-à-dire des descendants directs du prophète.
22:08 Ce qui leur octorait un droit suprême pour gouverner.
22:12 C'est vraiment très, très important.
22:14 C'est-à-dire qu'ils font la différence à ce niveau-là.
22:16 Et si vous êtes un partisan des Houthis,
22:18 mais que vous n'êtes pas un Achimite,
22:19 vous êtes ce qu'on appelle un Zimbel.
22:20 C'est-à-dire qu'en gros, vous êtes un citoyen de deuxième place.
22:22 Je leur rappelle que quand ils ont récupéré le pouvoir,
22:24 l'une des premières choses qu'ils ont faites,
22:26 c'était de ramener l'impôt pour tous les non-Achimites.
22:28 C'est-à-dire que si vous n'êtes pas un descendant du prophète,
22:30 vous devez donner quelque chose.
22:32 Alors ensuite, c'est un mouvement qui s'est fondé dans les années 90.
22:35 À l'époque, on appelait ça les jeunes croyants.
22:38 C'était, on va dire, assez marginal.
22:40 Parce qu'en fait, il faut comprendre que le nord du Yémen,
22:42 c'est le bastion du zaïdisme.
22:44 Et également la communauté juive yéménite, d'ailleurs, historiquement.
22:47 Et en fait, il y a eu un bouleversement les années 80.
22:49 C'est-à-dire qu'on a mis des instituts salafistes.
22:52 Et donc, deux visions de l'Islam complètement opposées.
22:54 Donc, il y a un bouleversement de l'équilibre religieux
22:56 dans le nord du Yémen.
22:57 Ce qui a amené, on va dire, un revivalisme,
22:59 c'est-à-dire comme ça, reviviscence,
23:01 de l'identité du zaïdisme.
23:03 Parce que je rappelle qu'avant, pendant des siècles,
23:05 le Yémen du nord était dirigé par un imamah de profession zaïdite.
23:07 Donc, à la base, ça se passe comme ça.
23:08 Ensuite, le fondateur Hussein al-Outi,
23:10 donc, il a été député un petit peu,
23:12 mais comme on dit, c'est un moment très marginal.
23:14 Sauf que, bon, de par les interventions ici et là,
23:16 notamment la seconde antifada en Palestine et le 11 septembre,
23:19 il va gagner en popularité par ses prêches
23:21 et commencer à inquiéter un peu le pouvoir central
23:22 qui va lui déclarer la guerre en 2007.
23:24 Et donc, aujourd'hui, les Outis sont au pouvoir.
23:27 Ils contrôlent donc le nord du pays,
23:30 une grande partie du littoral sur la mer Rouge
23:32 et également la capitale Sanaa.
23:33 Ils contrôlent en fait la zone où il y a deux tiers des habitants
23:36 parce que le sud est beaucoup plus grand.
23:38 En fait, vu qu'il y a beaucoup de désert et de montagnes,
23:40 en fait, il est dépeuplé.
23:41 Donc là, ils veulent récupérer les zones pétrolifères.
23:44 À Marrem et à Chabois.
23:47 Parce qu'ils ne contrôlent pas.
23:48 Donc, s'ils veulent une économie pérenne pour l'avenir,
23:50 ils sont obligés de les récupérer.
23:51 Et dans le même temps, je le rappelle,
23:52 parce que là, en effet, ils ont beaucoup agi sur la mer Rouge
23:55 en se servant de ce qui se passe en Palestine.
23:57 Alors, il y a deux points.
23:59 Le premier, c'est que la Palestine a toujours été
24:01 un fondement de leur idéologie.
24:03 C'est-à-dire que le slogan des Houthis, c'est "Mort aux États-Unis,
24:06 mort à Israël, malédiction sur les Juifs, gloire à l'islam".
24:11 Je crois que c'est quelque chose comme ça.
24:12 "Death to America, death to Israel".
24:14 Et ça, ils le mettent de partout.
24:16 Et ça, alors, historiquement, on dit que ça a été prononcé
24:18 lors de la seconde antifada.
24:19 D'autres disent que c'est après le 11 septembre.
24:21 Dans tous les cas, ça a toujours été très fort à ce niveau-là.
24:24 Donc, il y a une idéologie sur la Palestine.
24:27 Par contre, derrière, ils récupèrent ce qu'ils sont en train de faire
24:30 en Meine-Rouge, où ils disent qu'ils auraient créé
24:32 un regain de popularité incroyable dans le monde arabe,
24:34 mais également au niveau local, pour recruter davantage de troupes,
24:36 pour faire ce qu'ils eux-mêmes appellent le "Saint-Djihad".
24:39 Ils ont publié des clips émotionnels là-dessus.
24:41 Et qu'est-ce qu'on voit depuis quelques semaines ?
24:43 Ils sont en train d'amener ces jeunes troupes
24:45 vers les zones pétrolifères et vers les zones qu'ils ne contrôlent pas.
24:47 Et donc, on va voir ces prochaines semaines une nouvelle étape
24:49 de la guerre du Yémen au niveau interne,
24:51 où en fait, on se serve de ce qui se passe en Palestine
24:53 pour des objectifs militaires.
24:55 - Militaire, là, oui.
24:56 - Et le quid de l'intervention américaine, là-bas, en Meine-Rouge ?
24:59 - Ils n'attendaient que ça.
25:00 Les Houthis, ça fait des années qu'ils cherchent
25:02 à attirer l'attention américaine, parce que quelque part,
25:04 ça légitime leur présence, etc.
25:06 Et il y a ce côté aussi martyr qu'ils veulent vraiment mettre en avant.
25:09 Je rappelle que leur fondateur, Bisséna Houthi,
25:11 a été tué en 2004 dans une grotte.
25:13 Et en fait, aujourd'hui, quand vous êtes un journaliste étranger ou autre,
25:15 il y a comme un espèce de pèlerinage.
25:17 On vous amène voir où il est mort, dans la cave de Salman,
25:19 c'est près de la frontière saoudienne.
25:21 En fait, ils le considèrent comme presque un deuxième Karbala.
25:24 Donc Karbala, pour Ashura, c'est la mort de l'imam Hussein,
25:27 une figure de l'imam.
25:28 - Le jichisme, bien sûr.
25:30 - Et en plus, ils vont vous dire, mais regardez,
25:32 il s'appelait également Hussein.
25:33 Donc en fait, là, l'intervention américaine
25:35 leur permet de se victimiser, de passer pour des martyrs encore.
25:38 Et pour le coup, juste une chose,
25:39 qu'est-ce que les Américains pensent régler avec des bombardements ?
25:41 La coalition arabe a mené des bombardements pendant des années au Yémen,
25:44 c'était un désastre absolu niveau humain.
25:46 Est-ce que les Houthis ont été moins forts ? Pas du tout.
25:48 - Si vous dites, oui, ils ont massacré, comme vous dites,
25:50 300 à 400 000 personnes, c'est hallucinant.
25:53 - Les Emirats aussi sont intervenus.
25:55 - Oui, oui.
25:56 - Il ne faut pas oublier qu'ils étaient conseillés et armés
25:58 par les superpuissances internationales,
26:00 entre l'Union des Etats-Unis, l'Europe Unie et la France.
26:02 - Oui, c'est ça.
26:03 On se bat toujours par cette guerre par procuration,
26:08 mais pour les bonnes affaires, comme vous dites vous-même.
26:11 Mais dites-moi, alors, financer,
26:13 financement, c'est l'Iran ?
26:15 Complètement ou pas ?
26:16 - L'Iran est derrière, totalement.
26:18 L'Iran est derrière le mouvement.
26:20 Alors, au début, ils y étaient, mais pas non plus présents
26:22 comme aujourd'hui.
26:23 En fait, ils ont, notamment au fil des années,
26:25 leur investissement a été crescendo.
26:27 Et en fait, là où les Iraniens, ce qu'ils ont réussi à faire,
26:29 c'est ramener par la contrebande des armes au Yémen.
26:32 Donc en fait, comment ils font ?
26:34 Ils se servent notamment des ports d'Arkhan de l'Afrique,
26:36 notamment Berbéra en Somalie,
26:38 aussi un Djibouti et Assab, si je ne dis pas de bêtises,
26:40 en face.
26:41 Et donc, en fait, de ces ports-là,
26:42 il y a des petits bateaux, notamment des tonniers,
26:44 qui ensuite vont accoster sur différents ports yéménites
26:47 contrôlés désormais par les Houthis,
26:48 afin d'amener un certain matériel, aussi un savoir-faire.
26:51 Donc évidemment qu'il y a des échanges,
26:52 évidemment que l'Iran est derrière les Houthis,
26:54 mais les Houthis ont bénéficié surtout
26:56 des erreurs multiples, et donc, on va dire,
26:58 du manque d'union des autres parties yéménites
27:00 et de la coalition arabe,
27:01 et surtout du fait que l'ancien président
27:03 leur a donné l'excès du royaume.
27:04 Sans ça, jamais, jamais, ils n'auront récupéré la capitale.
27:07 Et vu qu'on regardait le Yémen sur le prisme
27:09 de l'antiterrorisme et le prisme d'Al-Qaïda uniquement,
27:12 on a oublié les dynamiques yéménites.
27:14 Et aujourd'hui, pourquoi on parle du Yémen ?
27:15 On ne parle pas parce qu'il y a des gros problèmes,
27:17 il y a encore la guerre dans ce pays,
27:18 on en parle parce que ça perturbe l'activité commerciale
27:21 au niveau international.
27:22 - Ça perturbe le trafic commercial,
27:24 oui, bien sûr, c'est pour ça qu'on en parle, c'est clair.
27:27 - Mais il y a des dirigeants aussi.
27:28 - Et alors justement, pour revenir non seulement à
27:32 Hilal El-Hajj et puis les autres,
27:35 le peuple, alors, c'est assez terrifiant,
27:39 c'est-à-dire que depuis des décennies,
27:41 ce peuple se fait soit massacrer,
27:44 soit assiste en silence, soit se fait manipuler.
27:48 Comment vous êtes allé,
27:50 et puis vous avez parlé effectivement avec Boutan Afarouk,
27:54 mais c'est la résignation, c'est la risque subie,
27:58 et puis voilà, et ça continue encore et encore
28:00 pour le peuple yéménite.
28:02 - C'est une terrible tragédie, en effet,
28:04 vous l'avez dit, qui dure depuis des décennies et des décennies.
28:07 Et c'est un peuple qui a une résilience incroyable.
28:09 Je vais lui donner une petite anecdote
28:11 lors du soulèvement yéménite, donc.
28:13 C'est assez terrible parce qu'en fait,
28:15 on a une scène qu'on décrit avec précision,
28:18 c'est-à-dire qu'il y a des insurgés qui ont balancé une grenade.
28:21 Je ne me rappelle plus, je l'avais vu le séné plus grande vie de vie.
28:23 Et vous avez un jeune homme, il a ramassé la grenade
28:25 pour la faire exploiter sur lui-même pour sauver tout le monde.
28:27 Donc vous avez toute cette résilience,
28:31 et je trouve ça incroyable,
28:33 mais après les gens sont, mentalement,
28:35 surtout Boutaina qui forcément, elle, est yéménite,
28:37 elle sait ce qu'elle a vécu.
28:39 C'est très dur, les nuits sans sommeil, etc.
28:41 Parce que votre famille, maintenant,
28:43 elle est éparpillée un peu dans le monde entier.
28:45 Sachant que si on regarde, je veux dire,
28:47 le Yémen n'en parle jamais au niveau international.
28:49 Même si, OK, ça borde des routes commerciales importantes,
28:51 mais c'est un pays qui a été oublié, qui a été marginalisé.
28:53 On a l'impression, par exemple,
28:55 on a l'impression que tout le monde s'en fout.
28:57 Que c'est des gens qui crèvent en silence.
28:59 Et le pire, le pire de tout,
29:01 c'est, moi je trouve que c'est un peuple qui est très indigne.
29:03 Et la dignité, on la voit avec
29:05 le jeu qu'a fait l'ONU,
29:07 notamment le World Food Programme,
29:09 le programme d'assistance humanitaire de l'ONU,
29:11 en atome alimentaire. En fait, ils ont
29:13 marketé le Yémen comme le pays de la famine.
29:15 Attention, il y a des soucis.
29:17 Pour récupérer plus de fonds,
29:19 et derrière, quand on voit comment ça a été détourné,
29:21 comment, et j'ai les photos et les vidéos,
29:23 il y a eu, je le répète, des centaines de millions
29:25 de tonnes jetées
29:27 de nourriture au Yémen, parce qu'elles étaient
29:29 périmées ou pas bonnes à la consommation.
29:31 Elles sont arrivées périmées, vous voulez dire, Romain Moulinin ?
29:33 En fait, soit elles sont restées trop longtemps
29:35 au port, soit il y a eu des problèmes. On a eu
29:37 même des vidéos où il y avait des barres scélérales pour les enfants
29:39 avec des clous, avec de la moisissure.
29:41 Il y a de l'huile qui a été empoisonnée.
29:43 On a eu des gens qui ont été empoisonnés.
29:45 Ça, ça s'est fait dans le plus grand des silences. Et vous savez le plus gros scandale,
29:47 M. Bercoff ? C'est que l'envoyé spécial
29:49 du Yémen par les Nations Unies,
29:51 il a obtenu une promotion derrière.
29:53 Aujourd'hui, c'est le chef de l'humanitaire.
29:55 Je sais qu'il y a une question moindre. C'est le chef de l'humanitaire ?
29:57 C'est le chef de l'humanitaire à l'ONU,
29:59 après ce désastre absolu, qui a été documenté
30:01 par tous les journalistes yéménites.
30:03 Mais le monde ne veut pas regarder.
30:05 Et je pense que pour certaines personnes de l'ONU,
30:07 le Yémen, ça a été au-delà des bonnes affaires.
30:09 Ça a été inespéré. "Oh, les Yéménites meurent de faim, il faut donner de l'argent."
30:11 Mais qu'est-ce qu'on a fait de l'argent ? Vous vous rendez compte que j'ai les...
30:13 Vous savez, au port, normalement,
30:15 vous avez les contrôles des fraudes.
30:17 Regarde, il y a de la nourriture, des tonnes
30:19 qui ont été refusées parce qu'elle était impropre à la consommation
30:21 pour des enfants.
30:23 Donc il ne faut pas avoir peur des mots.
30:25 J'en parlais avec des gens qui ont été à l'ONU,
30:27 comme Nandoa Dwasari, qui est une Yéménite.
30:29 On a empoisonné des Yémenites.
30:31 C'est délirant.
30:33 Et il faut arrêter avec ces programmes alimentaires qui ne marchent pas.
30:35 Parce qu'il y a des coûts de transport
30:37 beaucoup trop grands, la justice est bien trop grande.
30:39 Ce qui fait que l'ensemble des dons, quasiment, ne va pas
30:41 aux gens qui sont dans le besoin.
30:43 Et on garde les gens sous, comment je pourrais dire,
30:45 "assistant". On les assiste.
30:47 Il y en a beaucoup au Yémen qui ont refusé ça,
30:49 qui ont refusé d'être pris en photo quand on leur donnait quelque chose.
30:51 Il y avait beaucoup de dignité chez ces gens-là.
30:53 Et voilà, c'est pour ça qu'on essaie de les humaniser le plus possible.
30:55 Il ne faut pas oublier que ce sont des êtres humains et pas des statistiques
30:57 ou une manière de faire de l'argent.
30:59 - Bien sûr, c'est ça qu'on oublie le plus, effectivement.
31:01 On reste ensemble, Romain Molina.
31:03 On va continuer à parler de ce drame,
31:05 de ces pays oubliés.
31:07 Nous sommes, nous,
31:09 le pays de l'indignation sélective.
31:11 C'est ça qui me fait le plus...
31:13 réagir, je dirais,
31:15 dans tous les sens du terme.
31:17 On continue après cette petite pause.
31:19 C'est toujours le même numéro, 0826 300 300.
31:21 Vous nous appelez, vous réagissez.
31:23 Le dernier quart d'heure avec Romain Molina
31:25 sur Sud Radio. A tout de suite.
31:27 - Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
31:31 Appelez maintenant pour réagir 0826 300 300.
31:35 - Ici Sud Radio.
31:39 Les Français parlent au français.
31:43 Je n'aime pas la blanquette de veau.
31:47 Je n'aime pas la blanquette de veau.
31:49 - Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
31:53 - 13h49 sur Sud Radio.
31:55 Avec le journaliste d'investigation Romain Molina
31:57 que vous connaissez sûrement pour ses enquêtes
31:59 sur le football, les fédérations sportives
32:01 qui vient nous parler aujourd'hui de son nouveau livre
32:03 sur le Yémen, les pillages organisés.
32:05 Puis nous avons Jean-Marc qui nous appelle
32:07 depuis Narbonne. Bonjour Jean-Marc.
32:09 - Oui, bonjour Jean-Marc. - Bonjour André,
32:11 bonjour M. Molina. Je vous félicite pour le travail que vous faites.
32:13 Bon, M. André, c'est tous les jours qu'on vous félicite.
32:15 M. Molina, je vous félicite.
32:17 On vous donnera mon numéro de téléphone
32:19 si vous voulez, on pourra faire quelques voyages ensemble.
32:21 À Sud Radio, je vous félicite.
32:23 Je vous félicite. Vraiment, vous faites un travail remarquable.
32:25 Alors, les Français peuvent s'en foutre
32:27 un peu du Yémen, mais
32:29 il ne faut pas s'en foutre parce que tout ce qui se passe
32:31 dans le monde aujourd'hui, avec Davos et compagnie,
32:33 - Ah oui.
32:35 - Voilà, il ne faut pas du tout se foutre
32:37 du Yémen et si cela, les conflits d'intérêts,
32:39 on le sait, d'intérêts, ils existent.
32:41 Ils sont de plus en plus nombreux.
32:43 Bien sûr, nous sommes la France, le 3ème
32:45 pays, je crois, vendeur d'armes au monde
32:47 après les États-Unis, je crois, et les Russes.
32:49 Et c'est nous qui avons un panel
32:51 le plus large au niveau... Nous, ça va du pistolet
32:53 jusqu'au missile, voilà, en passant
32:55 partout. Donc,
32:57 je voudrais vous demander, enfin, vous n'avez certainement
32:59 pas le truc, enfin, la réponse,
33:01 mais que faudrait-il
33:03 faire pour que
33:05 il y ait moins de...
33:07 il y ait moins de conflits d'intérêts,
33:09 il y ait moins de guerres qui soient sélectives,
33:11 comme vous l'avez dit André, parce qu'il y a des guerres
33:13 sélectives, c'est-à-dire que Poutine, c'est vraiment le méchant
33:15 et les Américains sont gentils
33:17 et l'Arabie Saoudite sont nos amis.
33:19 Voilà. Donc, qu'est-ce qu'il faudrait faire, d'après vous,
33:21 qui a fait un gros travail d'investigation,
33:23 Romain, pour que ça soit
33:25 un peu mieux
33:27 dans le Moyen-Orient et ailleurs
33:29 tout ce que vous avez visité. Voilà, Romain,
33:31 on vous remercie encore pour les Français.
33:33 Romain Molinar.
33:35 Déjà, je vous remercie pour vos mots.
33:37 Déjà, je n'ai pas de baguette magique, mais
33:39 j'en parlais avec Fawad Talalniq,
33:41 un excellent auteur franco-iraquien,
33:43 qui fait Parfums directs,
33:45 on en parlait une fois et je lui dis, moi, mon impression,
33:47 c'est qu'en fait, toutes les interventions,
33:49 notamment américaines, et toutes les
33:51 ingérences étrangères, ça a généré plus
33:53 de problèmes que ça a apporté de solutions depuis 20 ans.
33:55 Et notamment depuis 2003, cette invasion de l'Irak
33:57 a déclenché un véritable chaos par ricochet
33:59 ici et là. Quand on déstabilise
34:01 un équilibre naturel, malheureusement,
34:03 la réponse, elle peut être assez terrible.
34:05 Il y a d'autres conflits,
34:07 on parle très peu à l'est de la RDC,
34:09 au Soudan, en Birmanie,
34:11 ou le chaos permanent en Haïti,
34:13 qui est voulu par certaines personnes qui s'enrichissent.
34:15 - Les massacres, pardon Romain Molinade,
34:17 pour les terres rares dans la République démocratique du Congo.
34:21 C'est assez terrifiant, quoi.
34:23 - C'est terrible ce qui se passe
34:25 en Haïti et dans plein d'autres pays.
34:27 Honnêtement, il y a aussi, je pense,
34:29 le silence qui permet l'impunité. Parce qu'on remarque
34:31 quand même que lorsque médiatiquement, on met la loupe
34:33 sur quelque chose, je ne dis pas que ça fait
34:35 énormément de changements, mais quand même, les gens se sentent
34:37 observés. Le problème qui est au Yémen,
34:39 c'est que personne n'en parle, quasiment.
34:41 Donc en fait,
34:43 je vais reprendre l'exemple de Hamal Rashugi.
34:45 On a attendu qu'un citoyen saoudien
34:47 se fasse tuer dans des circonstances horribles
34:49 pour en gros mettre la lumière sur ce que faisait
34:51 l'Arabie saoudite au Yémen. Et en plus,
34:53 le pire, c'est de penser que l'Arabie saoudite
34:55 était la seule responsable. Alors je rappelle que l'Arabie saoudite
34:57 intervient sur demande du gouvernement légitimement
34:59 reconnu yéménite. C'est pas l'Arabie saoudite qui est venue
35:01 toute seule. C'est lorsque Prédan Adi
35:03 est délogé de la capitale à Sanaa,
35:05 il est captif en quelques mois, il s'ébade,
35:07 il va à Aden, la capitale du Sud, et il va ensuite demander
35:09 aux prédés des puissances voisines.
35:11 Donc il faut jamais oublier ça, et en fait,
35:13 le fait de peu en parler ou de mal en parler,
35:15 alors qu'il y a d'excellents experts français sur le sujet,
35:17 ça permet ça. Après, il n'y a pas qu'en France.
35:19 Globalement, il y a plein de conflits dans le monde
35:21 qui n'intéressent pas trop pour diverses raisons, peut-être idéologiques.
35:23 Le problème au Yémen aussi, quand même,
35:25 c'est que je ne vois pas des gentils et des méchants.
35:27 Je ne vois que des méchants.
35:29 On voit la truauté de toutes les parties.
35:31 Je vais juste donner une anecdote pour vous montrer
35:33 le problème, mais je ne comprends pas que ça fasse la une en France.
35:35 Je pense que vous vous souvenez, il y a quelques années,
35:37 Al-Qaïda avait récupéré une grande ville au Yémen,
35:39 qui s'appelle Moukalla. Ils avaient dévalisé la banque centrale, etc.
35:41 Pour tous ceux qui ont regardé le film Lucky Luke,
35:43 la balade des Dalton, c'était pareil, sauf avec Al-Qaïda.
35:45 C'est la balade d'Al-Qaïda. Ils ont récupéré la ville en 48 heures.
35:47 On se demande comment, mais bref.
35:49 - Une ville au centre du Yémen, ça ?
35:51 - Voilà, qui est portuaire,
35:53 mais qui est une ville importante.
35:55 Donc, ils avaient récupéré. Ce qui est très rare,
35:57 c'est que tous ces groupes-là, normalement, vont dans des coins
35:59 où on peut reculer. C'est rare dans une très grande ville.
36:01 Parce qu'ils sont plus accessibles.
36:03 10-11 mois après, Rédition, ils partent de la ville
36:05 et on vante l'intervention des Emiratis.
36:07 C'est vrai, ils ont aussi
36:09 leurs propres intérêts au Yémen, notamment dans le sud.
36:11 Je vais vous donner une petite anecdote, quand même.
36:13 Il y a eu des négociations pour la
36:15 Rédition des membres d'Al-Qaïda.
36:17 Les négociations se sont faites à Balhaf.
36:19 Balhaf, c'est le therminus du fameux
36:21 pipeline de Total. Ça a été construit
36:23 par Total. Donc, dans les locaux
36:25 de Total, on a eu des réunions
36:27 entre des responsables Emiratis, puisque depuis le début de la guerre,
36:29 cette base est utilisée
36:31 par les forces Emiratis, ou affiliées aux Emiratis,
36:33 comme un centre de torture et de détention.
36:35 Et ici, on a eu
36:37 des représentants d'Al-Qaïda qui sont venus, donc, dans les locaux
36:39 de Total, négocier leur Rédition
36:41 et ils ont pu partir tranquillement.
36:43 Et médiatiquement, on a sorti quoi ? Ah non, bravo aux Emiratis.
36:45 Donc, c'est là où on se rend compte du,
36:47 je vous le répète, de ce double jeu.
36:49 Et c'est pour ça que c'est important d'en parler, parce qu'au minimum,
36:51 on ne pourra pas empêcher les guerres ici et là.
36:53 Au moins, on va le faire connaître.
36:55 - Alors, Alina, est-ce que Total était au courant,
36:57 évidemment, de ces tractations et tout ça ?
36:59 - Total dit qu'ils n'avaient plus de
37:01 subconscience sur la base et de...
37:03 Depuis le début de la guerre, la base n'est plus utilisée
37:05 par Total. Alors, il y a quand même un point
37:07 à signaler, c'est que nous, on a eu des femmes de ménage.
37:09 Donc, ils ont toujours maintenu
37:11 quand même un minimum au cas où pour la reprise des activités.
37:13 Néanmoins, la base de Total
37:15 n'est plus utilisée par Total depuis le début de la guerre,
37:17 ni par les forces Emiratis, qui s'en ont
37:19 servi pour faire des emprisonnements
37:21 et même des tortures, officiellement, sous la lutte
37:23 anti-terroriste. Donc, c'est toujours pareil, on est toujours eux-mêmes.
37:25 Heureusement qu'il y a Al-Qaïda, parce qu'autrement,
37:27 on ne peut pas déstimer ce qu'on fait.
37:29 - Heureusement qu'il y a Al-Qaïda et comme vous disiez,
37:31 heureusement qu'il y a aussi
37:33 telle ou telle, effectivement, soit prise
37:35 d'otages ou autre, et ça nous permet
37:37 de vivre.
37:39 Romain Moulinas, c'est vrai, on pourrait en parler
37:41 pendant des heures. Moi, je recommande vraiment votre livre.
37:43 Je crois que, pour tous
37:45 ceux qui s'intéressent
37:47 à ce qui se passe à la géopolitique mondiale,
37:49 et comme disait un de nos éditeurs, il faut
37:51 s'y intéresser, parce qu'on ne comprend rien
37:53 à ce qui se passe en France, vraiment,
37:55 si on ne comprend pas aussi ce qui se passe ailleurs.
37:57 Juste un mot,
37:59 vous savez,
38:01 on a parlé, vous savez, avant
38:03 de commencer avec vous, d'Amélie Oudéa
38:05 Castera et du sport. Vous avez
38:07 beaucoup enquêté, vous, sur le sport,
38:09 et il y a des aspects peut-être moins reluvisants.
38:11 Alors, on ne va pas en parler, on va en parler une autre fois.
38:13 Mais, est-ce que c'est toujours là ? Il y a toujours...
38:15 Le sport,
38:17 c'est toujours... Enfin, le sport.
38:19 Les affaires du sport sont
38:21 toujours des affaires encore opaques,
38:23 si l'on peut dire.
38:25 Ça bénéficie d'une impunité.
38:27 On a eu plus de facilité avec Boutaina
38:29 à tracer l'argent des milices
38:31 soudanaises et de mercenaires au Yémen
38:33 que de savoir où va l'argent dans les transferts du foot,
38:35 pour vous donner un peu un ordre d'idée.
38:37 Et vis-à-vis de la France
38:39 et des fédérations sportives françaises,
38:41 j'ai notamment fait une très longue enquête publiée sur Blast,
38:43 sur la FFKMDA, Fédération française de kickboxing,
38:45 moyen d'acier et discipline associée,
38:47 au ministère des sports,
38:49 et j'ai alerté personnellement la chef de cabinet, Mme Bourdet,
38:51 et le conseil sport d'Emmanuel Macron, M. Cyril Mourin.
38:53 J'ai juste posé une question, M. Bercoche.
38:55 Est-ce que vous trouvez normal qu'aujourd'hui, dans une fédération,
38:57 vous pouvez acheter une carte d'identité française
38:59 qui sort de la préfecture ordinaire, pour quelqu'un qui n'est pas français ?
39:01 Que j'alerte les autorités ?
39:03 Rien. Je leur montre le papier,
39:05 et deuxièmement, je leur dis,
39:07 et je vais être très clair, on a un marchand de sommeil
39:09 dans cette fédération, qui est en face de sa fédération,
39:11 et j'ai l'adresse, il y a un bâtiment,
39:13 il y a des clandestins,
39:15 et ils paient très cher chaque mois.
39:17 Donc on a un marchand de sommeil, on pourrait être gentil.
39:19 Rien. Il y a des menaces de mort sur certaines personnes,
39:21 rien. Je n'ai prévenu, rien.
39:23 Donc on a une inaction absolue
39:25 du ministère des sports, en général,
39:27 qui est délirante.
39:29 Moi, aujourd'hui, je vais bientôt puer une sur une autre fédération,
39:31 on a des courriers d'élus de la République,
39:33 alertant sur la corruption,
39:35 les dysfonctionnements financiers,
39:37 et on a le ministre des sports qui ne prend même pas la peine de répondre
39:39 à certains élus de la République.
39:41 Je me demande à quoi ça sert le ministère des sports aujourd'hui,
39:43 à moins que ce soit le ministère du crime,
39:45 c'est-à-dire ouvrir le crime, mais le ministère du sport, non.
39:47 Eh bien, on va reposer la question
39:49 à Amélie Oudéa Castera,
39:51 en tout cas, on le transmet. Merci Romain Molina,
39:53 et merci pour votre livre sur le Yémen,
39:55 et pour le travail que vous faites.
39:57 Yémen, les guerres, des bonnes affaires, Al Qaïda,
39:59 Total et ONU, pillage organisé aux éditions
40:01 ex-UV, c'est disponible et on vous le recommande.
40:03 C'est écrit par Romain Molina.
40:05 Merci d'avoir été avec nous.
40:07 Tout de suite, c'est Brigitte Lahaye sur Sud Radio de Mandré Bercoff.
40:09 On revient de midi à 14h comme tous les jours,
40:11 à demain sur Sud Radio.
40:13 (Générique)