• il y a 11 mois
Xerfi Canal a reçu Virginie Martin, professeure et Directrice du Media Lab à Kedge Business School, pour parler des séries pour comprendre le monde. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00 Bonjour Virginie Martin.
00:10 Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:11 Virginie Martin, vous êtes professeur à Ketch Business School, vous dirigez le MediaLab
00:16 qui vise à propulser un peu la recherche dans le débat public.
00:19 C'est ça.
00:20 Pas qu'un peu.
00:21 Le charme discret des séries, Humaine Science, je vous ai déjà reçu sur cet ouvrage.
00:28 Et là, vous publiez J'assure en géopolitique grâce aux séries avec Annelies Melchion.
00:34 Question brutale, pourquoi il faut s'intéresser aux séries pour comprendre le monde ?
00:39 D'abord parce que déjà aujourd'hui, beaucoup, beaucoup regardent les séries.
00:44 Et c'est important quand même de comprendre aussi cette pop culture, si je puis dire,
00:48 cette culture populaire qui rentre dans les foyers, qui fait parfois 10 millions, 15 millions,
00:54 100 millions, 200 millions de vues sur une semaine.
00:58 C'est la case à des papelles typiquement.
01:00 Voilà.
01:01 Donc, c'est très important quand même de se brancher finalement à l'ère du temps
01:05 et à ce que les gens regardent.
01:06 Et donc maintenant, depuis six ans à peu près, c'est devenu mon corpus de préférence
01:12 et de référence.
01:13 Corpus de référence, de préférence.
01:15 Alors, Orange is the New Black, Parlement, Serviteurs du peuple, Mad Men, Squid Game,
01:21 The Penthouse, Bombay's Begun ou encore Scandal or the Good Fight.
01:29 Qu'est-ce qu'on apprend en parcourant ? Là, c'est vraiment un tour d'horizon
01:33 général.
01:34 Qu'est-ce qu'on apprend qu'on n'apprenait pas avant ?
01:36 On apprend pratiquement pareil que ce qu'on pouvait apprendre avec un Balzac ou un Zola,
01:42 avec la comédie humaine d'une part ou les rougons macquères d'autre part.
01:45 C'est-à-dire qu'on va suivre comme ça des personnages dans des sociétés humaines.
01:51 Elles peuvent être anciennes et on va revisiter un petit peu le passé.
01:54 Par exemple, c'est Mad Men dans les années 50-60.
01:56 On voit la société de consommation qui expose complètement, notamment du côté des États-Unis
02:02 et des publicitaires new-yorkais.
02:03 C'est vraiment toutes les trente glorieuses.
02:06 C'est la consommation sans entrave, sans scrupule.
02:09 Aucune question du développement durable à l'époque, évidemment.
02:13 Et puis, on peut aussi, au contraire, comprendre le présent.
02:16 Ça peut être typiquement, pour le présent, Parlement, qui est une série vraiment truculente
02:21 sur le Parlement européen, justement, et les institutions européennes.
02:24 Et puis, on peut aussi s'interroger sur l'avenir avec des dystopies,
02:29 comme l'effondrement, par exemple.
02:30 Et là, tout d'un coup, on parle développement durable et on se dit,
02:34 est-ce que la planète peut nous donner tout ce qu'on voudrait qu'elle nous donne ?
02:38 Et jusqu'à plus soif ? Point interrogation, sûrement pas.
02:41 Ce qui est absolument fascinant, qui traverse tant le charme discret des séries
02:45 que j'assure en géopolitique des séries, comme son titre l'indique,
02:49 c'est que ce sont devenus de redoutables outils de soft power.
02:52 Alors, c'est ça. Véritablement, ce sont vraiment des outils soft power,
02:55 à la fois pour les pays, chacun des pays,
02:59 mais aussi à la fois pour les États-Unis, au sens strict,
03:02 via les plateformes Amazon, Disney, Netflix, évidemment.
03:07 Donc, c'est très important. Vous voyez, il y a deux niveaux, en définitive.
03:10 C'est-à-dire que les pays eux-mêmes, par exemple Erdogan en Turquie,
03:15 propulse beaucoup de séries pour raconter un peu ce caractère un peu néo-ottoman
03:21 qu'il voudrait continuer à donner et faire vivre en Turquie.
03:24 Ça a beaucoup d'influence, d'ailleurs, dans les pays de la grande région,
03:28 à savoir Maghreb, Égypte, typiquement.
03:31 Mais là-dessus, Netflix et les États-Unis ne dorment pas non plus, évidemment,
03:35 puisqu'il faut en être toujours.
03:37 Alors, à partir de productions américaines type Homeland, évidemment,
03:41 mais aussi à partir de productions qui ont tous les atours de quelque chose de non-américain,
03:47 mais qui est quand même financé par les États-Unis,
03:51 c'est Leïla pour critiquer l'Inde de Modi,
03:54 c'est justement Bisbac Kadir pour la Turquie,
03:59 où là, au contraire, on vient critiquer Erdogan,
04:02 c'est Jean pour la Jordanie, mais ça peut être aussi Narcos pour l'Amérique du Sud,
04:07 où on croit que tout ça est finalement typiquement Amérique du Sud,
04:10 et en fait, non, c'est complètement géré par les États-Unis.
04:13 L'acteur principal de Narcos étant…
04:16 Portugais, déjà, ce qui est quand même déjà un problème.
04:19 Absolument, autre série type faudra.
04:21 Exactement.
04:23 L'histoire vue par les Israéliens.
04:25 Exactement.
04:26 Alors, aujourd'hui, beaucoup disent et essayent de dire quand même que
04:30 cette vidéothèque israélienne essaye quand même de travailler son objectivité
04:34 ou le plus possible sa neutralité,
04:35 ou en tout cas de ne pas complètement mésestimer la Palestine dans cette affaire.
04:41 Mais néanmoins, aujourd'hui, évidemment, le soft power israélien est excessivement puissant,
04:46 avec des séries aussi comme "À tout film" qui ont donné en France en thérapie
04:51 sur les questions terroristes, et ils sont d'une puissance extraordinaire.
04:56 Mais il y a aussi des pays qui ne déméritent pas là-dessus,
04:59 c'est la Corée du Sud typiquement, qui contrairement au Japon,
05:03 qui a beaucoup, beaucoup finalement perdu de place dans cette affaire,
05:06 alors qu'au début, ils étaient partie prenante.
05:08 Finalement, ils ont vraiment atténué leur puissance là-dessus.
05:13 Mais finalement, aujourd'hui, c'est la Corée du Sud qui est un peu toute seule
05:16 à régner sur la grande région dont il est question.
05:20 Merci à vous Virginie Martin.
05:21 Merci Jean-Philippe.
05:23 [Musique]

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