• il y a 10 mois
Haïti _ les mots contre les balles _ ARTE Reportage

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Transcription
00:00 ♪ ♪ ♪
00:08 (brouhaha)
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00:28 - Port-au-Prince, capitale d'Haïti.
00:31 La mort rôde à chaque coin de rue.
00:34 ♪ ♪ ♪
00:37 Ce matin, une tentative de kidnapping a tourné au carnage
00:41 quand la voiture des ravisseurs est tombée en panne,
00:44 juste à côté d'un commissariat.
00:47 - Je vais vous expliquer ce matin, on a eu un cas
00:50 d'enlèvement à Publain.
00:52 Donc, si tu as aléaté, la police a pris toute l'exposition.
00:55 Et heureusement, on a occupé la personne kidnappée
01:00 et les bandits ont été stoppés.
01:03 - Bravo! C'est donc un tir de la police qui a pu arrêter
01:06 ce kidnappeur?
01:07 - Oui.
01:09 - Les sept ravisseurs se sont enfous à pied avant d'être
01:12 mis à mort en pleine rue.
01:15 (brouhaha)
01:18 (brouhaha)
01:21 (brouhaha)
01:24 (brouhaha)
01:27 (brouhaha)
01:30 (brouhaha)
01:33 Les enlèvements se multiplient en Haïti,
01:36 avec en moyenne deux kidnappings par jour.
01:39 Les méthodes se professionnalisent.
01:42 Ainsi, ces membres du gang du caporal Tilapli
01:45 s'étaient même déguisés en policiers pour brouiller
01:48 les pistes.
01:50 - On ne peut pas circuler librement, puisque avec
01:54 le kidnapping, on a peur de sortir.
01:58 Mais le kidnapping n'est pas seulement dans la rue,
02:02 puisqu'on peut entrer chez toi et on t'enlève.
02:06 (bruit de voiture)
02:09 - Depuis l'assassinat du président Moïse Jovenel à l'été
02:13 2021, Haïti ne fait plus de kidnappings.
02:17 Un premier ministre gouverne son vraie légitimité,
02:21 dans un pays où les gangs règnent en maître.
02:25 Au moment où tout semble s'écrouler,
02:29 une jeunesse intellectuelle résiste.
02:33 Litainé Laguerre est l'un des poètes et romanciers
02:37 les plus prometteurs de sa génération.
02:41 (bruit de voiture)
02:44 - "Ceux qui sont morts ne sont jamais partis.
02:48 "Ils sont dans le sein de la femme, ils sont dans l'enfant
02:52 "qui vagit et dans le tison qui s'enflamme.
02:56 "Les morts ne sont jamais sous terre.
03:00 "Ils sont dans le feu qui s'éteint, ils sont dans le rocher
03:04 "qui gêne, ils sont dans les herbes qui pleurent, ils sont
03:08 "dans la forêt, ils sont dans la demeure. Les morts ne sont
03:12 "jamais sous terre."
03:15 - Tous les jeudis et vendredis soirs, on se retrouve
03:18 entre nous. On parle de littérature.
03:22 (rires)
03:25 Il y a l'écrivain Lionel Trujillo et la jeune garde.
03:29 Alphée Lézard, Louise Benah Henry, Esther Montpoint.
03:33 - "Le sang frais d'une tête qui n'est plus,
03:36 "eau d'épouvante sur corps sans vie.
03:39 "Tant de mots sur ce mur, tant de noms sur ce mur,
03:42 "mais que dis-je ? Le mur ? Quel mur ?"
03:45 - La présence à ces rendez-vous littéraires, une vraie bouffée
03:48 d'oxygène pour Littené et ses amis, n'a rien d'évident.
03:51 Car se déplacer en Haïti est une immense prise de risque.
03:55 - Si on prend par exemple Alphée, c'est une amie à moi
03:59 qui, dernièrement, elle ne pouvait même pas venir
04:03 à Port-au-Prince parce que les routes étaient coupées.
04:07 Les tapetapes qui font l'aller-retour vers Carrefour
04:10 et vers Port-au-Prince ne pouvaient pas.
04:13 Donc elle a dû reculer afin d'attendre que la situation
04:16 se calme un peu.
04:18 - Les chefs de gang contrôlent des villes entières
04:21 à la sortie de Port-au-Prince.
04:23 Ils étendent leur territoire.
04:25 Ainsi, le gang de Thi Lapli s'est lancé à l'assaut de Carrefour,
04:29 une ville autrefois paisible, mais toute proche de son fief.
04:33 Pour fuir les combats à Carrefour,
04:36 Alphée, l'écrivaine qui habitait cette banlieue,
04:39 a rejoint sa soeur dans la maison familiale,
04:42 située encore plus loin de ses études.
04:46 (rires)
04:49 (brouhaha)
04:52 - Alors, tu t'en restes ici un peu?
04:55 - Il faut que je porte. Il y a les cours qui reprennent.
04:58 Je dois aller à l'atelier.
05:01 Tu sais, à l'atelier, je me sens bien.
05:04 Je dois y aller.
05:06 Et je travaille aussi sur mon manuscrit,
05:09 donc je dois y aller.
05:11 J'ai besoin de conseils, de présenter ce que j'écris, etc.
05:15 En ce moment, bon...
05:18 Il y a la peur.
05:21 J'ai vraiment peur. J'ai peur.
05:24 J'ai peur d'être...
05:27 touchée par une balle.
05:29 J'ai peur d'être touchée par quelqu'un.
05:32 J'ai peur des gestes protectifs.
05:35 J'ai peur d'être violée.
05:38 J'ai peur d'être...
05:40 Et c'est ce que font les gens quand ils disent
05:43 que je vais prendre ce cas-ci.
05:45 C'est ce qu'ils font.
05:47 Et là, moi, j'ai peur. J'ai peur de ça.
05:50 (bruit de voiture)
05:52 - Son quartier est désormais le théâtre d'un affrontement
05:55 quotidien entre la police et le gang de Tilapli,
05:58 dont voici deux soldats.
06:00 (bruit de pas)
06:03 (paroles en télé)
06:06 (paroles en télé)
06:09 (paroles en télé)
06:11 Le gouvernement a bien envoyé quelques blindés,
06:14 mais pas assez d'hommes pour reprendre le terrain perdu
06:17 face aux troupes de Tilapli.
06:19 (coups de feu)
06:22 (coups de feu)
06:25 (coups de feu)
06:28 (coups de feu)
06:31 (paroles en télé)
06:34 (coups de feu)
06:37 (coups de feu)
06:40 (coups de feu)
06:43 (coups de feu)
06:46 Pris au piège, les habitants ne peuvent que lever les mains
06:49 pour se protéger d'une balle perdue.
06:52 Nombreux choisissent de quitter le quartier.
06:55 (coups de feu)
06:58 (coups de feu)
07:01 (paroles en télé)
07:04 (paroles en télé)
07:07 (paroles en télé)
07:10 (paroles en télé)
07:13 (paroles en télé)
07:16 (paroles en télé)
07:19 (paroles en télé)
07:22 (paroles en télé)
07:25 (coups de feu)
07:28 (coups de feu)
07:31 - Les gens là qu'on regarde, ils n'ont pas le pouvoir
07:34 d'acheter une arme. Les gangs qui luttent ou qui combattent,
07:37 qui s'affrontent, ce n'est pas pour le bien de la population.
07:40 Ce n'est pas pour le bien du quartier. Il y a aussi l'État
07:43 qui joue son rôle dans la présence des gangs.
07:46 Oui, c'est-à-dire que et les gangs, et l'État,
07:49 ils sont dans le même camp. Il n'y a que la population civile
07:52 qui est dans l'autre camp.
07:55 - Ces bandits originaires de Carrefour ont pris
07:58 depuis une semaine le contrôle d'un quartier
08:01 perché sur une colline. Une position en surplomb
08:04 qui leur assure un avantage tactique décisif.
08:07 Les nouveaux maîtres des lieux prennent bien soin
08:10 de marquer leur territoire du nom de leurs parrains.
08:13 (musique)
08:16 - C'est un homme de paix.
08:19 (musique)
08:22 (...)
08:25 (...)
08:28 (...)
08:31 (...)
08:34 (musique)
08:37 - Les jeunes gâchettes de Tilapli déambulent désormais
08:40 sans peur dans leur nouveau fief. Ils s'improvisent même
08:43 défenseurs de la population, car avant eux,
08:47 des policiers corrompus ont commis ici des crimes.
08:52 -
08:55 (...)
09:23 (musique)
09:26 - Ces policiers qui ont tué des civils à Carrefour
09:29 sont bien connus de tous. Ils ont fait dissidence
09:32 pour former une milice du nom de Caravane,
09:35 qui adopte les pires travers des bandits qu'ils sont censés combattre.
09:39 (bruits de la rue)
09:42 Eux aussi ont institué leur enquête de la population.
09:46 Quand les chauffeurs de bus sont récalcitrants,
09:49 les caravanes ont été les plus élevés.
09:52 Les caravanes n'hésitent pas à dégainer.
09:55 (coups de feu)
09:58 (...)
10:02 Ce jour-là, les membres de Caravane font descendre
10:05 tous les passagers pour mieux contrôler les entrées
10:08 du quartier. Passent à ces policiers corrompus.
10:11 Le gang de Tilapli cherche avant tout à protéger
10:14 sa mainmise sur la route nationale, le meilleur moyen
10:17 de financer ses troupes.
10:20 (paroles en tilapia)
10:23 (...)
10:26 (...)
10:29 (paroles en tilapia)
10:32 (...)
10:35 (paroles en tilapia)
10:38 (...)
10:41 Les soldats de Tilapli sont décidés
10:44 à éliminer toute concurrence.
10:47 (paroles en tilapia)
10:50 (...)
10:53 (...)
10:56 (...)
10:59 (paroles en tilapia)
11:02 (...)
11:05 Chaque jour, la bataille pour le monopole du racket
11:08 fait des victimes.
11:11 (musique douce)
11:14 Cette mère de quatre enfants vient d'apprendre
11:17 que son mari, un vrai policier, a été tué
11:20 par le gang du caporal Tilapli.
11:23 -
11:26 (paroles en tilapia)
11:54 (...)
11:57 (...)
12:00 (...)
12:03 (...)
12:06 (musique douce)
12:09 (musique douce)
12:12 (musique douce)
12:15 - L'écrivain Litene Laguerre a grandi dans le quartier
12:18 le plus pauvre de Port-au-Prince,
12:21 Cité-Soleil, un bidonville de 300 000 habitants,
12:25 contrôlé par un autre gang très puissant.
12:29 (bruit de moteur)
12:32 - On est dans le bas de la ville, loin des collines,
12:35 tout près de la mer.
12:38 Et les eaux de tout Port-au-Prince se déversent chez nous.
12:42 Depuis qu'il y a la guerre entre les gangs,
12:45 il n'y a plus d'électricité ni d'eau potable,
12:48 et c'est très sale.
12:51 Ça n'a pas toujours été comme ça.
12:54 (brouhaha)
12:57 (...)
13:00 -
13:03 (paroles en tilapia)
13:06 (...)
13:09 - Litene enseigne à Cité-Soleil,
13:12 où il passe la moitié de la semaine avec son frère Goudi
13:16 et sa petite amie Farah.
13:18 Ils logent tous chez sa mère,
13:20 qui est arrivée à Cité-Soleil il y a 50 ans.
13:24 -
13:27 Ma mère, c'est tout pour moi.
13:29 C'est elle qui m'a élevée seule.
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