L'invité du 6-9 : le politologue lillois Rémi Lefebvre décrypte les enjeux du remaniement

  • il y a 8 mois
Le nouveau gouvernement penche-t-il "à droite" comme le disent certains ? Gérald Darmanin est-il sanctionné en restant à l'Intérieur ? Quelques jours après le remaniement, le politologue Rémi Lefebvre, professeur à l'université de Lille, était ce lundi l'invité de France Bleu Nord.

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00:00 Bonjour Rémi Lefèvre.
00:01 Bonjour.
00:02 C'est quelque chose qu'on a beaucoup entendu ces derniers jours, notamment à gauche, que
00:05 le gouvernement se serait droitisé, un gouvernement même qui a été qualifié de "sarkoziste".
00:09 Alors la majorité officiellement depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017 n'est ni de droite
00:15 ni de gauche.
00:16 Est-ce que cette fois on a un gouvernement qui est clairement à droite selon vous ?
00:18 Ben Gabriel Attal vient du Parti Socialiste, c'était plutôt un signal envoyé à l'aile
00:24 gauche de la Macronie.
00:25 Mais très clairement le gouvernement lui-même, même si on attend les ministres délégués
00:28 pour cette semaine, est très clairement ancré à droite.
00:32 Deux exemples, Catherine Vreutrin et Rachida Dati qui étaient des piliers historiques
00:37 de la Sarkozie.
00:38 Donc franchement le centre de gravité aujourd'hui du gouvernement est très très clairement
00:41 marqué à droite.
00:42 Rachida Dati, effectivement garde des Sceaux, ministre de la Justice sous Nicolas Sarkozie.
00:45 Elle est désormais ministre de la Culture.
00:47 Elle était encore la semaine dernière chez Les Républicains avant d'être exclue de
00:51 son parti.
00:52 Elle vous a surpris cette nomination ?
00:53 Oui, c'est un peu le coup de com' en fait de ce gouvernement.
00:57 C'est Emmanuel Macron lui-même qui a mené les négociations ces dernières semaines
01:01 en secret pour enrôler et même débaucher Rachida Dati, qui avait été très véhémente
01:07 contre Macron et La République En Marche.
01:10 Donc effectivement c'est une prise de guerre.
01:12 Alors concrètement, est-ce que ça va bouger les lignes et permettre à Macron d'avoir
01:16 une vraie majorité au Parlement ? J'en doute beaucoup.
01:22 Donc ça me paraît être un coup de com' sans véritablement conséquence politique.
01:26 Il n'y a aucune stratégie politique derrière.
01:28 Elles vont servir à quoi ces "ministres" Sarkozie, Rachida Dati, Catherine Vautrin
01:32 que vous avez citées, qui est ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités ?
01:35 Ça ne sert à rien ?
01:36 Ça sert à punir d'abord l'aile gauche de la Macronie.
01:40 On en est là.
01:41 On est face à un Macron qui est vraiment très autoritaire.
01:43 Envoyer des signaux à l'électorat, essayer de débaucher peut-être des députés.
01:50 Mais c'est vrai qu'au-delà du coup de com', on voit mal un peu la stratégie d'Emmanuel
01:54 Macron qui risque en plus d'affaiblir son camp.
01:56 Il est 7h47, vous êtes sur France 2 Nord.
01:59 Notre invitée ce matin est Rémi Lefebvre, politologue et professeur à l'Université
02:02 de Lille.
02:03 Rémi Lefebvre, ce nouveau gouvernement, vous l'avez souligné, est pour le moment incomplet
02:05 puisqu'on devrait avoir dans les prochains jours des ministres délégués, des secrétaires
02:09 d'État.
02:10 Tout cela va être précisé.
02:11 Patrice Vergritte, à votre avis, qui était ministre délégué au logement dans la précédente
02:16 équipe, maire de Dunkerque, est-ce qu'il va rester ? Vous dites qu'Emmanuel Macron
02:19 a voulu punir l'aile gauche de la Macronie.
02:21 Pour le coup, Patrice Vergritte en fait partie.
02:23 Oui, il avait hésité à quitter le gouvernement.
02:25 Il faisait partie un petit peu de la fronde qui s'était levée suite à la loi immigration.
02:29 Il a en plus perdu un certain nombre d'arbitrages.
02:31 Il a des relations très compliquées avec Bruno Le Maire.
02:34 Le logement pourtant est un enjeu absolument essentiel parce que c'est une question essentielle
02:38 pour les Français.
02:39 Donc ça, ça va être une des clés de la semaine qui vienne.
02:42 Est-ce que Macron va à nouveau rééquilibrer un petit peu à gauche en mettant par exemple
02:47 Patrice Vergritte en le confirmant au logement ? On va voir.
02:50 Il y a un ministre que nous suivons aussi tout particulièrement dans le Nord, c'est
02:53 Gérald Darmanin en tant qu'ancien maire de Tourcoing.
02:56 Gérald Darmanin que certains annonçaient un temps premier ministre puisqu'il était
03:00 soi-disant en concurrence avec Elisabeth Borne.
03:02 Donc là, il reste ministre de l'Intérieur.
03:04 Est-ce que c'est une punition d'une manière ou d'une autre ?
03:06 C'est un désaveu très clairement.
03:08 Après, Gérald Darmanin paye ce qui s'est passé au moment de la loi immigration.
03:12 Emmanuel Macron lui reproche de ne pas avoir fait le boulot assez bien, même si la loi
03:16 finalement est passée.
03:17 Il faut dire aussi que Gérald Darmanin annonçait qu'il serait sans doute ministre de l'Intérieur
03:22 seulement jusqu'aux élections européennes.
03:23 C'est une manière aussi de dire qu'il est là encore mais il va reprendre sa liberté
03:30 ou il va faire quelque chose par la suite.
03:32 En tout cas, c'est un pilier qui est confirmé.
03:34 Cela fait partie d'une petite phrase de ce week-end, un article que vous pouvez lire
03:38 dans la Voix du Nord, notamment ce matin, Gérald Darmanin qui a laissé entendre que
03:40 sa mission courait jusqu'aux Olympiques.
03:42 C'est un moyen de faire pression pour qu'on lui donne plus de responsabilités ?
03:46 Je ne sais pas, c'est une manière de garder la face et de donner l'impression qu'il
03:49 est libre de son destin parce que là il a quand même un peu subi les choses.
03:52 Vous l'avez rappelé, il est Premier Ministrable depuis maintenant longtemps, ça fait très
03:57 longtemps qu'il est ministre de l'Intérieur.
03:58 Il donne l'impression finalement de ne pas avoir toute la latitude pour s'épanouir
04:03 et qu'Emmanuel Macron le contient fortement.
04:05 Quand Emmanuel Macron a été réélu en 2022, il y avait deux gros chantiers, deux grosses
04:11 nouveautés annoncées pour le quinquennat.
04:12 C'était la loi immigration, on vient d'en parler, qui a été compliquée en tout cas
04:16 pour son adoption à l'Assemblée Nationale.
04:18 Les retraites, également compliquées à faire adopter en raison de la majorité relative
04:24 à l'Assemblée.
04:25 Quels vont être les chantiers dans les semaines, les mois, les années qui viennent ?
04:30 Puisqu'Emmanuel Macron est là jusqu'en 2027, à votre avis ?
04:32 Il y a plein de chantiers.
04:34 Il y a Bruno Le Maire qui a annoncé très clairement une politique de rigueur parce
04:38 que la dette atteint un niveau très élevé.
04:40 Puis en plus avec les taux d'intérêt qui sont élevés, c'est problématique.
04:43 Il y a la fin de vie qui est une question aussi qui va beaucoup occuper.
04:46 Il y a beaucoup de gros dossiers qui sont passés, puis la lutte contre l'inflation.
04:50 Après, il faut quand même rappeler qu'aujourd'hui on peut gouverner sans forcément faire passer
04:54 des lois par des règlements, par des directives.
04:58 Il y a quand même plein de questions à l'agenda et puis il y a quand même les Jeux Olympiques.
05:02 Les Jeux Olympiques, c'est ce qui justifie d'ailleurs que la ministre actuelle de l'Éducation,
05:09 Amélie Oudéa-Castera, cumule d'ailleurs JIO et Éducation nationale.
05:14 L'Éducation nationale étant le dernier grand chantier puisque Gabriel Attal tient
05:18 beaucoup.
05:19 Il avait lancé toute une série de réformes sur le vêtement, l'uniforme, le brevet des
05:25 collègues, etc.
05:26 Il y a beaucoup de choses sur l'agenda dans les mois qui viennent.
05:29 Amélie Oudéa-Castera qui s'est fait remarquer dès sa première sortie puisqu'elle a dû
05:33 justifier le fait d'avoir mis ses enfants dans le privé.
05:37 C'était le pire démarrage possible pour une ministre de l'Éducation nationale de
05:41 devoir dire que dans le public, il y a des profs non remplacés.
05:44 Ce qui par ailleurs peut être vrai, mais devoir dire "oui, oui, mes enfants sont dans
05:47 le privé, j'assume".
05:48 Ça démarre pas très bien.
05:49 En fait, en général, aujourd'hui, c'est bien avec les médias.
05:52 Les médias vont chercher dans la vie des ministres, des jeunes ministres, toujours
05:55 des choses.
05:56 Donc, c'est assez banal finalement d'avoir à rendre des comptes sur ce qu'on a fait.
06:00 Mais c'est vrai que ça donne un signal un peu négatif.
06:03 J'ai eu beaucoup de ministres dont le président ministre Papandiaï, ses enfants aussi étaient
06:09 dans un enseignement privé.
06:10 Donc, c'est pas la première fois.
06:11 - Merci beaucoup de nous avoir analysés, de nous avoir aidés à comprendre les ressorts
06:17 de ce remaniement.
06:18 La nomination de ces ministres annoncée la semaine dernière, Gabriel Attal, nouveau
06:22 Premier ministre.
06:23 Et je préciserai qu'Emmanuel Macron tiendra une conférence de presse demain soir à 20h15
06:29 à l'Elysée.
06:30 Il partira par le ratis de ses chantiers pour les années à venir.
06:34 Merci beaucoup en tout cas Rémi Lefebvre, politologue et professeur à l'Université

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