Dans le cadre de l’Année du documentaire 2023, la Scam, ARTE et le CNC vous proposent ce quatrième volet « Le documentaire a-t-il un genre ? » de la série de rencontres « Le Documentaire : matière à penser » qui s'est déroulé à Paris, le 8 décembre 2023.
Programme de la journée :
• 10h30 : Introduction par Paul B. Preciado, philosophe, écrivain et réalisateur, animée par Fabrice Puchault, responsable de l’unité Société et Culture chez ARTE
• 11h30 : Conversation entre Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, cinéastes et artistes, animée par Elisabeth Lebovici, historienne de l’art, journaliste et critique d’art
• 14h30 : Entretien avec Kirsten Johnson, réalisatrice et directrice de la photographie documentaire, mené par Rémi Lainé, président de la Scam et réalisateur, et Marie Mandy, réalisatrice
• 16h30 : Masterclass avec Tabitha Jackson, réalisatrice, avec traduction par Marguerite Capelle
Programme de la journée :
• 10h30 : Introduction par Paul B. Preciado, philosophe, écrivain et réalisateur, animée par Fabrice Puchault, responsable de l’unité Société et Culture chez ARTE
• 11h30 : Conversation entre Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, cinéastes et artistes, animée par Elisabeth Lebovici, historienne de l’art, journaliste et critique d’art
• 14h30 : Entretien avec Kirsten Johnson, réalisatrice et directrice de la photographie documentaire, mené par Rémi Lainé, président de la Scam et réalisateur, et Marie Mandy, réalisatrice
• 16h30 : Masterclass avec Tabitha Jackson, réalisatrice, avec traduction par Marguerite Capelle
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00:00:00 [Musique]
00:00:22 [Applaudissements]
00:00:33 Eh bien on va reprendre nos réflexions collectives.
00:00:37 Comme j'ai personne pour me présenter, je vais me présenter moi-même.
00:00:42 Donc Rémi Lenné, j'ai l'honneur et le plaisir, je vais dire, vu le thème de la journée, d'occuper la présidence de l'ASCAM.
00:00:49 C'est mieux, ça passe mieux.
00:00:53 On a l'immense plaisir d'accueillir Kirsten Johnson, qui arrive de New York ce matin, fraîche et dispose.
00:01:04 [Applaudissements]
00:01:07 Super fraîche !
00:01:09 Et je vais démarrer par une toute petite expérience personnelle, en lien avec Kirsten.
00:01:16 Partant de Covid, mon métier c'est de faire des films à l'origine, et je devais aller tourner aux Etats-Unis.
00:01:23 Je travaillais avec un réalisateur israélien qui est dans la salle, ici, franco-israélien, Philippe Belaïch,
00:01:28 qui me dit "mais il y a une chef opératrice, si tu veux bosser, contacte-la de ma part et ça devrait bien se passer".
00:01:35 Je rencontre Kirsten, et le lendemain nous partons en tournage.
00:01:39 Nous ne nous connaissions pas.
00:01:43 C'est la première fois, pour ma part, que je travaillais avec une chef opératrice.
00:01:48 Femme, enfin, chef opératrice.
00:01:50 [Rires]
00:01:53 Ça commence.
00:01:54 Ça commence bien.
00:01:55 Mais je suis sous contrôle, ça va.
00:01:57 Et Kirsten commence à filmer, et l'instant où elle a commencé à filmer,
00:02:04 pardon, je n'ai pas d'autre expression, je me suis dit "ouah, c'est quelqu'un, ou quelqu'une".
00:02:10 Et la voir filmer, se déplacer dans l'espace, et puis après l'image, évidemment, j'ai pris des leçons.
00:02:18 Et nous avons tourné deux, trois jours, je ne me souviens plus,
00:02:21 et après Kirsten m'a raconté son parcours.
00:02:23 Et je vais là devoir, en deux phrases, trois phrases, dire quelques mots de ton parcours.
00:02:30 Kirsten traverse les frontières.
00:02:32 Thématiquement, c'est quasiment génétique.
00:02:34 Tu as été, tu as grandi dans une famille très religieuse,
00:02:40 et puis à 18 ans, tu as mis les voiles.
00:02:43 Alors peut-être que ce n'est pas exactement l'âge, mais en gros, c'est ça.
00:02:46 C'est très bien.
00:02:47 Tu m'arrêtes si je dis des bêtises.
00:02:49 Et elle met les voiles, elle traverse l'Atlantique, et elle va au Sénégal,
00:02:53 où, au contact de quelques grands noms du cinéma africain,
00:02:58 elle se familiarise au cinéma.
00:03:01 Et de fil en aiguille, elle arrive en France.
00:03:04 Elle apprend le français au Sénégal.
00:03:06 Elle apprend le français au Sénégal.
00:03:08 C'est excellent français.
00:03:10 Et elle arrive en France, et elle tente l'aphémis.
00:03:15 Tout le monde lui dit, tu n'as absolument aucune chance,
00:03:17 puisque l'aphémis, il faut parfaitement maîtriser le français à l'écrit,
00:03:20 tu n'as aucune chance.
00:03:22 Je crois que ce n'est pas ce petit détail...
00:03:24 Je n'écrivais pas.
00:03:26 ...qui t'a arrêté.
00:03:28 Et donc, Kirsten a intégré l'aphémis, et c'est la promotion, je crois, en 1994,
00:03:33 avec les François Ozon, qui est ce qu'il y avait encore ?
00:03:36 - Yorick Le Sau. - Oui.
00:03:38 Bref, quelques figures du cinéma français d'aujourd'hui.
00:03:43 Et puis, Kirsten est devenue ensuite chef opératrice.
00:03:46 Elle a travaillé aux côtés de Michael Moore, Laura Poitras, beaucoup.
00:03:50 J'ai vu des choses passer avec Werner Herzog, avec Ezra Edelman.
00:03:54 Bref, des grands, grands noms du documentaire.
00:03:57 Et ensuite, tu t'es mis à réaliser.
00:04:01 Et tu as réalisé six films, dont "Caméra personne", dont on va parler aujourd'hui.
00:04:06 Et je le dis dès maintenant, et je le redirai,
00:04:09 mardi prochain, 12 décembre, c'est le 12,
00:04:12 à 19h à l'aphémis, on présente le dernier film de Kirsten,
00:04:16 "Dick Johnson is dead",
00:04:18 avec une rencontre avec Kirsten et les étudiants de l'aphémis.
00:04:23 Vous êtes les bienvenus, vous vous inscrivez.
00:04:25 Je crois qu'il y a de la place, c'est assez ouvert.
00:04:27 Donc, n'hésitez pas à venir.
00:04:29 Mais revenons à "Caméra personne", le film qui, après Kirsten, a fait le tour du monde.
00:04:34 "Caméra personne", je vais peut-être laisser Marie en parler, ou Kirsten en parler.
00:04:39 Film très singulier, autoportrait.
00:04:43 - Une sorte d'autoportrait à travers un certain nombre de séquences que tu as filmées
00:04:48 et que tu as décidé d'assembler.
00:04:51 Pour parler de ton travail, c'est une espèce d'autobiographie
00:04:54 qui traverse les gens, les choses que tu as filmées.
00:04:56 Et peut-être avant qu'on envoie un premier extrait,
00:04:59 tu pourrais, pour nous, nous expliquer un petit peu comment tu as construit ce film.
00:05:03 Est-ce que ce sont que des séquences montées ?
00:05:05 Est-ce qu'il y a des rushs non montés ?
00:05:07 Qu'est-ce qui a présidé au montage que tu as choisi de ces images ?
00:05:13 - Oui, merci, toujours, simprès, Rémi,
00:05:19 pour l'acte de compresser ma vie dans quelque chose de bien serré.
00:05:28 En fait, les gens m'ont dit,
00:05:33 "Tu n'arriveras pas à entrer à la Femis en tant qu'Américaine
00:05:40 si tu tentes la réalisation."
00:05:43 Alors j'ai tenté l'image.
00:05:45 Et là, j'ai rencontré la caméra.
00:05:48 Et je me suis...
00:05:50 J'étais un peu flippée parce que je pensais que le rôle
00:05:54 où tu faisais le plus, c'était quand tu es réalisateur.
00:05:58 Et la rencontre avec la caméra était quelque chose où
00:06:02 c'était et physique et intellectuel et émotionnel.
00:06:06 Et c'est en fait grâce à Jacques Derrida,
00:06:10 qui était la première personne que j'ai filmée
00:06:14 quand j'étais encore élève à la Femis,
00:06:16 où je me suis rendue compte que je pouvais m'exprimer
00:06:20 à travers des images.
00:06:22 Et en fait, quand j'avais tenté la Femis sans avoir vraiment la parole,
00:06:26 j'ai encore...
00:06:28 Ma parole est inhibée en français quelque part.
00:06:33 Cette découverte pour moi de me dire,
00:06:36 "Je peux parler en cinéma."
00:06:39 C'était comme quelque chose qui explosait dans ma tête.
00:06:44 Mais j'ai gardé ce désir d'être un réalisateur.
00:06:49 Et je m'imaginais réalisateur.
00:06:51 Mais en fait, avec la structure du cinéma aux États-Unis,
00:06:55 qui n'est pas soutenue par l'État,
00:06:58 il y a beaucoup de barrières pour l'entrée à la réalisation.
00:07:03 Et en fait, si tu veux survivre et tu n'as pas une source d'argent d'ailleurs,
00:07:08 tu bosses.
00:07:09 Et je bossais en tournant plein de films pour plein de gens.
00:07:13 Je crois que j'ai filmé plus de 100 documentaires.
00:07:18 Et du coup, j'ai vu plein de manières de filmer différemment,
00:07:23 d'être par rapport aux gens différemment.
00:07:26 Et au fur et à mesure, j'ai réalisé quelques films, moi-même.
00:07:31 Mais j'étais en train de regarder toutes ces expériences
00:07:36 et j'ai commencé à vraiment questionner les choses.
00:07:40 Questionner les documentaires, questionner les articles de documentaires.
00:07:45 Pourquoi on faisait ces choses-là?
00:07:48 Et c'était un besoin de faire ce film.
00:07:54 Et c'était presque un besoin…
00:07:57 Je suis psychique.
00:07:59 - Psychique. - Dans ma tête.
00:08:02 C'était un besoin de cœur et de cerveau, quoi.
00:08:05 Parce que j'avais filmé dans l'après-guerre
00:08:10 de cinq génocides différents.
00:08:13 J'avais filmé dans 86 pays.
00:08:17 J'ai encaissé des centaines de témoignages
00:08:22 des gens qui avaient vécu des choses vraiment traumatiques.
00:08:26 Et quelque part, je ne pouvais plus continuer.
00:08:31 Je me demandais pourquoi on faisait ça.
00:08:34 Et c'était un besoin.
00:08:37 Mais par rapport à cette question du genre,
00:08:41 moi j'adore les films où vraiment ils cassent ce qui était.
00:08:50 Ils construisent sur ce qui était,
00:08:53 mais ils ouvrent pour nous une autre manière de voir le monde.
00:08:57 Et je voulais vraiment faire quelque chose
00:09:00 qui cassait cette idée que ce sont que des images sur l'écran.
00:09:05 Pour moi, c'était… Je suis une personne, un corps
00:09:09 qui est là avec les autres personnes qui ont des corps.
00:09:12 Et je veux parler de ça dans mon film.
00:09:17 Et je rigole parce qu'on est filmé par des machines maintenant.
00:09:23 Il n'y a plus de camera person, camera men, camera women.
00:09:26 - Ici, il y a quelqu'un qui a la régie. - Il y en a une.
00:09:28 - Oui, il y a la régie.
00:09:31 Oui, il y a la régie.
00:09:33 Mais ils sont loin.
00:09:36 Quand tu es avec une camera, souvent tu es proche.
00:09:39 - Je vais d'ailleurs…
00:09:40 - Ils sont proches à travers l'optique.
00:09:43 Tu me vois de proche à travers l'optique.
00:09:45 - Il y a une chose qui est très importante dans les images
00:09:50 que tu montes dans ce film.
00:09:51 Et on va voir un extrait tout de suite justement.
00:09:53 C'est le rapport que tu crées avec les personnages.
00:09:56 Et c'est ça que tu mets en œuvre dans "Camera Person".
00:09:59 C'est constamment cette manière dont les gens redeviennent des sujets.
00:10:02 Toi, tu as une présence qui est là.
00:10:04 Ce n'est pas juste une caméra.
00:10:05 Peut-être qu'on regarde un premier extrait ?
00:10:07 - Je voudrais juste rajouter, Marie, par rapport à ce que tu dis,
00:10:09 et rebondir sur ce que tu dis,
00:10:10 pour avoir vu qu'Irsten opérait,
00:10:12 il y a quelque chose d'une étrange douceur,
00:10:15 je dirais, par rapport à la personne que tu filmes.
00:10:18 En tout cas, c'est ce que j'ai ressenti.
00:10:20 Et c'est ce que les images dégagent.
00:10:22 Et peut-être, effectivement, qu'on peut passer le premier extrait.
00:10:25 Celui avec le frère, le jeune garçon, le frère.
00:10:28 - D'accord.
00:10:29 - Dis-moi des choses que tu te souviens de ton frère.
00:10:48 - La seule chose que je me souviens, c'est que mon frère a eu un cri.
00:10:53 Il a dit "Ah !" et on s'est fait capturer.
00:10:56 Après quelques secondes, j'ai réveillé mon frère.
00:10:59 J'ai crié quelques secondes, j'ai vu que personne ne nous a aidé.
00:11:04 J'ai pensé à mon frère.
00:11:07 J'ai regardé mon frère, j'ai vu qu'il était sous la voiture.
00:11:11 J'ai laissé la voiture là-bas.
00:11:13 J'ai vu qu'il n'avait pas de visage.
00:11:20 Il avait un gros morceau de roquette et il avait une petite tête.
00:11:27 Il avait un beau visage.
00:11:30 J'ai pu voir ses cheveux.
00:11:32 J'avais peur de lui.
00:11:34 J'avais peur.
00:11:36 - As-tu vu ces choses quand tu dormais ?
00:11:40 - Excuse-moi ?
00:11:42 - Oui.
00:11:44 - Je ne t'ai pas compris.
00:11:49 - Non, c'est...
00:11:52 C'est... C'est douloureux.
00:11:54 - Oui. - Oui.
00:11:56 Tu me fais pleurer même si je ne comprends pas.
00:12:10 - Oui, c'est vrai.
00:12:12 Donc, c'est...
00:12:19 Je suis enceinte, je ne peux pas parler.
00:12:22 En fait, là, on a fait une chose que je...
00:12:30 Quelque part, on a pris beaucoup de soin.
00:12:37 On a pris beaucoup de soin en faisant le film par rapport au trauma
00:12:42 et comment on traumatise les autres avec nos images,
00:12:46 comment on raconte le trauma des gens.
00:12:49 Et quelque part, c'est...
00:12:51 Quand je sors de l'avion, on est toujours dit...
00:12:54 Il faut qu'on dise avant qu'on monte ce clip.
00:12:57 Qu'est-ce que c'est, quelque part ?
00:13:00 Et dans le film, on a vraiment pris soin parce que...
00:13:05 C'est la violence d'images, la violence des mots.
00:13:09 C'est des choses qui rentrent dans nos corps.
00:13:13 Et pour moi, cette séquence...
00:13:16 Elle est dans le film.
00:13:20 Et tu as vu beaucoup d'occasions
00:13:23 où je suis proche des choses que je ne comprends pas,
00:13:26 que je n'ai pas vécues,
00:13:28 mais je ressens la violence des choses.
00:13:32 Et là, carrément, moi, je ne comprenais pas ce qu'ils disaient.
00:13:37 Parce que je leur avais demandé de parler en Dari.
00:13:41 Mais c'était juste l'émotion que j'ai ressentie.
00:13:45 Et c'était tellement fort que ça m'a fait pleurer.
00:13:49 Ce sont des choses qu'on ne voit jamais dans les films.
00:13:54 Je pleure souvent derrière la caméra,
00:13:57 mais c'est jamais dans les films.
00:13:59 C'est ça que je voulais montrer.
00:14:02 C'est qui je suis, qui j'étais,
00:14:05 derrière la caméra et avec les gens.
00:14:08 Mais par rapport à comment on a assemblé
00:14:14 ce groupe d'images très différent,
00:14:17 on l'a fait exprès dans un ordre qui...
00:14:20 qui disait qu'on est complices dans ce truc,
00:14:26 mais on est tellement forts dans ce moment historique,
00:14:29 tellement forts dans lequel nous sommes tous.
00:14:32 Et du coup, ça m'a heurtée de voir ça,
00:14:35 de vous montrer ça.
00:14:37 Et c'est ça, l'enjeu d'être une personne
00:14:40 avec des personnes qui vivent la violence
00:14:43 ou qui ont vécu la violence.
00:14:45 Et je crois que "Camera Person", pour moi, c'était...
00:14:49 J'ai essayé d'interroger, qu'est-ce qu'on fait
00:14:53 quand on filme une autre personne
00:14:56 et qu'est-ce que ça veut dire, pourquoi on le fait
00:14:59 et comment ça reverbe dans le temps.
00:15:02 Et ça reverbe très fort pour moi,
00:15:05 dans ce moment, dans l'histoire, en fait, quand je le vois.
00:15:08 - Alors, il y a donc toutes ces questions
00:15:13 de ta culture, puisque quand tu arrives,
00:15:16 quand tu commences à filmer, il y a toute ton histoire
00:15:19 qui est derrière, avec laquelle...
00:15:22 Et je me demande que tu as réglé
00:15:25 un certain nombre de questions
00:15:28 qui restent en suspens pour d'autres,
00:15:31 que tu les as réglées et que, pour revenir
00:15:34 à notre thème du jour,
00:15:37 pour toi, ce n'est plus une question.
00:15:40 Est-ce que je me trompe ou pas ?
00:15:43 - Je ne suis pas sûre quelles questions tu me poses,
00:15:46 mais j'ai envie de me lever
00:15:49 comme je suis grande, tu vois ?
00:15:52 Et c'est un peu absurde.
00:15:55 - Je vais me lever à côté de toi, comme ça on verra vraiment comme tu es grande.
00:15:58 - Et je crois que
00:16:01 quand on pense à cette question
00:16:04 "Quelle est la voix qu'un cinéma a ?
00:16:07 Quelle est la manière de fabriquer
00:16:10 qui on est ?"
00:16:13 Pour moi, je commence avec le fait que je suis
00:16:16 dans mon corps.
00:16:19 Et... mon corps ? Mon corps !
00:16:22 Je suis dans mon corps !
00:16:25 Et je suis née quelque part. Je suis née dans une couleur de peau,
00:16:28 je suis née dans une grandeur,
00:16:31 je suis née dans un genre.
00:16:34 Mais tout ça,
00:16:37 ça change.
00:16:40 Physiquement,
00:16:43 ça change tout à travers ta vie.
00:16:46 Mais tu es dans un contexte politique
00:16:49 de pouvoir, de discrimination,
00:16:52 de la haine parfois,
00:16:55 la misogynie, que tu rencontres
00:16:58 de manière différente à chaque stade de ta vie.
00:17:01 Et alors, ce que j'aime
00:17:04 avec le cinéma, c'est que quelque part,
00:17:07 on a tous les éléments.
00:17:10 Le pouvoir, la technique, la machine,
00:17:13 et on a le corps.
00:17:16 Et pour moi, c'est le rapport entre ces choses
00:17:19 qui a un rapport avec le temps.
00:17:22 Parce que si on est juste toi et moi, Rémi, en train de parler,
00:17:25 on ne serait pas formels comme ça.
00:17:28 On parlerait, toi tu m'interromps, etc.
00:17:31 Mais parce que la machine est là,
00:17:34 le pouvoir est là, l'avenir est là,
00:17:37 et on est en train de dire des choses
00:17:40 d'une manière qui va vers l'avenir.
00:17:43 Et nous, on devient une image.
00:17:46 Et pour moi,
00:17:49 c'est ça que je trouve très intéressant
00:17:52 par rapport à ce moment de l'histoire.
00:17:55 C'est que nous, tous les êtres humains,
00:17:58 sommes maintenant des "camera person".
00:18:01 On a tous une caméra dans nos poches.
00:18:04 On ne sait pas où elle va, pourquoi,
00:18:07 mais on ne sait pas où ces images vont.
00:18:10 Et tout ça pour dire que,
00:18:13 moi, mon rapport par rapport à mon corps,
00:18:16 il est toujours en train de changer,
00:18:19 mais mon corps était là avec Najib, à Kaboul.
00:18:22 J'étais proche avec lui.
00:18:25 Ça, c'était le rapport.
00:18:28 Et ça change dans d'autres images
00:18:31 et dans d'autres images.
00:18:34 Et c'est ça que je trouve intéressant.
00:18:37 - Je ne sais pas si tu as une autre question.
00:18:40 - Je voudrais continuer sur cette question du corps.
00:18:43 Tu me disais tout à l'heure que c'est aussi
00:18:46 parce que tu avais un grand corps,
00:18:49 que tu avais pu faire une carrière
00:18:52 de chef opératrice aux Etats-Unis
00:18:55 plus facilement que d'autres femmes.
00:18:58 - Je ne sais pas.
00:19:01 On commence tous dans nos têtes et dans nos familles.
00:19:04 On s'imagine grâce à nos rapports avec nos familles.
00:19:07 Et dans ma famille, tout le monde me disait
00:19:10 que j'ai un bon sens de couleur
00:19:13 et j'avais un bon oeil.
00:19:16 Ça, c'était un peu qui j'étais dans ma famille.
00:19:19 J'avais un frère qui, lui,
00:19:22 il avait un sens du temps
00:19:25 parce que c'était un géologue.
00:19:28 Et ma mère avait aussi un oeil
00:19:31 et mon père était psychiatre.
00:19:34 - Psychiatre, oui.
00:19:37 - Alors on avait un drôle de mélange,
00:19:40 mais aussi on était à l'intérieur d'un système de pouvoir
00:19:43 qui était cette religion du 27e jour
00:19:46 qui était assez rigide et qui disait
00:19:49 que le monde avait 6 000 ans
00:19:52 et qu'il y avait des films,
00:19:55 qu'on ne devait pas danser,
00:19:58 qu'on ne devait pas boire du café, réellement.
00:20:01 Et du coup, je ne savais pas
00:20:04 que j'étais à l'intérieur du pouvoir,
00:20:07 mais je me souviens, à l'âge de 11 ans,
00:20:10 j'avais le choix d'être baptisée
00:20:13 et je me suis dit, mais attends,
00:20:16 il y a Dieu, Jésus et l'Esprit-Saint.
00:20:19 Et j'étais là, mais il y a trois?
00:20:22 Il n'y a même pas une femme?
00:20:25 Et j'étais là, il y a des hommes qui ont inventé ça.
00:20:28 Mais je croyais tellement à Dieu en ce moment-là
00:20:31 que je me suis dit,
00:20:34 je ne peux pas mentir à Dieu et être baptisée.
00:20:37 Mais j'avais déjà à cet âge un truc sur...
00:20:40 Attends, il y a une histoire qui est racontée,
00:20:43 mais il y a autre chose qui se passe.
00:20:46 Et pour moi, le cinéma, ça nous donne cette opportunité-là
00:20:49 d'être dans la complexité des choses,
00:20:52 mais de reconnaître le pouvoir.
00:20:55 Et parfois, de se rendre compte,
00:20:58 nous, on a une certaine partie du pouvoir,
00:21:01 il y en a d'autres qui en ont plus,
00:21:04 mais que ça aussi, le pouvoir bouge,
00:21:07 et ça bouge entre les gens qu'on filme
00:21:10 et nous qui filmons, etc.
00:21:14 - Est-ce que tu disais tout à l'heure que tout ça change
00:21:17 avec la vie, avec le temps? - Oui.
00:21:20 - Et en quoi ça se traduit dans la manière dont tu fais les films?
00:21:23 Est-ce que ça a une influence, la manière dont tu changes?
00:21:26 Très certainement, évidemment, dans les choix des films que tu fais,
00:21:29 mais dans ta manière de filmer, est-ce que tu sens une évolution
00:21:32 par rapport à... - J'ai découvert moi-même.
00:21:35 Parce que les extraits,
00:21:38 le film est fait d'extraits que j'ai filmés pour des gens différents
00:21:41 et à travers 25 ans.
00:21:44 Et je savais pas que j'étais dans les images.
00:21:47 Je savais pas que je pouvais me voir en train de filmer.
00:21:50 Parce que je filmais pour d'autres films.
00:21:53 C'était jamais mon intention de m'inclure.
00:21:56 Alors, du coup, c'était avec la perspective
00:21:59 que j'ai vue, et quelque part,
00:22:02 ce film, ça me donnait plus de sens
00:22:05 que j'étais une femme que j'avais avant
00:22:08 parce que je me suis rendue compte,
00:22:11 je suis dans une...
00:22:14 une clinique de maternité,
00:22:17 et c'est comme un champ de guerre.
00:22:20 Il y a des gens qui saignent, il y a des gens qui meurent,
00:22:23 qui devraient pas mourir.
00:22:26 Et du coup, je pouvais voir ça de loin.
00:22:29 Mais j'avais pas eu des enfants à cette époque-là.
00:22:32 Je savais pas ce que c'était d'être enceinte,
00:22:35 de ne pas pouvoir manger, etc.,
00:22:38 ou d'être une personne
00:22:41 qui devrait livrer le bébé
00:22:44 sans les ressources pour le faire.
00:22:47 Toutes ces choses-là, maintenant,
00:22:50 je me regarde, moi,
00:22:53 en train de découvrir quand je filme.
00:22:56 Et "Camera Person" m'a donné cette perspective sur moi-même
00:22:59 et comme j'étais différente de ce que je suis maintenant.
00:23:02 - C'est comme une leçon de cinéma personnel, en fait.
00:23:05 En montant ces extraits... - Totalement.
00:23:08 - Tous les extraits que tu as montés sont extraits des films
00:23:11 ou certains sont extraits de rush non montés
00:23:14 ou de séquences que tu as gardées telles quelles?
00:23:17 - Oui, j'ai travaillé avec un monteur extraordinaire
00:23:20 qui s'appelle Nels Bangerter,
00:23:23 et lui, il aime bien faire des règles.
00:23:26 Alors on s'est dit, on va faire des règles
00:23:29 pour les scènes qui sont complètement remontées.
00:23:32 Par exemple, ils ont...
00:23:35 Ils ont perdu tous les rushs pour "Derrida",
00:23:38 alors ça, c'est une scène exactement comme c'est dans le film.
00:23:41 D'autres scènes, on a complètement remonté.
00:23:44 D'autres scènes, on a enlevé le son
00:23:47 et remis d'autres sons.
00:23:50 Et chaque fois, on disait, on va faire ça
00:23:53 d'une manière formellement différente
00:23:56 et... mais aussi, on veut juste
00:23:59 qu'on te plonge, toi, le spectateur, dans le présent.
00:24:02 - Est-ce qu'on regarderait?
00:24:05 Du coup, tu as parlé d'accouchement, tu viens d'en parler, là.
00:24:08 - Un peu... faisons le boxeur, un peu de joie.
00:24:11 - Un peu de joie. Juste un peu de joie.
00:24:14 Une question, parce que Marie, ce matin, en introduisant la journée,
00:24:17 disait que nous étions tous inspirés en termes de cinéma,
00:24:20 en tout cas pour ceux qui, comme nous,
00:24:23 ont démarré il y a une trentaine d'années, on va dire.
00:24:26 Les références n'étaient que des références masculines dans le cinéma.
00:24:29 Est-ce que tu as évolué dans tes références, dans ta pratique?
00:24:34 Est-ce que tu es... ta manière de filmer, d'approcher les gens,
00:24:37 est-ce qu'il y a des choses que... est-ce que tu as réussi
00:24:40 à te nourrir d'autres références? Est-ce que tu t'es construit toi-même?
00:24:43 Qu'est-ce qu'on pourrait dire là-dessus,
00:24:46 sur l'évolution de ta pratique par rapport à des références
00:24:49 masculines, comme on dit, patriarcales,
00:24:52 antédiluviennes? - Oui, merci pour cette question,
00:24:55 parce qu'en fait, comme ma mère
00:24:58 avait un esprit très artistique,
00:25:01 mais elle était très croyante, elle ne lisait pas de romans
00:25:04 et elle ne voulait pas aller au cinéma. Mon père était
00:25:07 beaucoup plus intéressé par la psychologie et lui
00:25:10 me passait des romans, mais je n'ai lu que des romans
00:25:13 écrits par des hommes et assez...
00:25:16 style John Updike, des choses assez machos,
00:25:19 tu vois, comme ça, Hemingway,
00:25:22 et vraiment un canon
00:25:25 masculin, patriarcal
00:25:28 du XXe siècle. Et pour les films,
00:25:31 je n'avais pas vraiment vu des documentaires.
00:25:34 Mon père a fait en sorte que je pouvais voir
00:25:37 un film ici, par là, mais aussi j'ai grandi
00:25:40 dans les années 70, alors il y avait des choses assez
00:25:43 extraordinaires qui se passaient dans le monde. Par exemple,
00:25:46 j'ai un souvenir très fort de Patricia
00:25:49 Hearst avec un
00:25:52 assault rifle,
00:25:55 un machine gun, tu vois... - Tu te souviens de Patricia Hearst,
00:25:58 qui était une riche héritière, qui a basculé dans la
00:26:01 lutte armée et dans le banditisme. - Oui, c'est ça.
00:26:04 Alors, ces images des années 70, c'était
00:26:07 les hijackings, les Black Panthers,
00:26:10 toutes ces choses-là, elles étaient dans le monde,
00:26:13 et ça, on ne pouvait pas voir les films, mais je voyais
00:26:16 ces choses-là. Alors, je dirais que le documentaire était
00:26:19 sur la télévision, pour moi, et c'était
00:26:22 très intriguant. Mais tout ça
00:26:25 pour dire que quand je suis venue en France,
00:26:28 mon éducation avant n'était qu'américaine,
00:26:31 et la France m'a ouvert
00:26:34 les yeux par rapport au monde. Alors, j'ai vu
00:26:37 plein de films iraniens,
00:26:40 japonais, sénégalais, et ça, c'était
00:26:43 l'explosion pour moi. Mais c'était
00:26:46 quasiment tous des films d'hommes, même dans
00:26:49 cette grande éducation ouverte au monde.
00:26:52 Et je dirais, c'était petit à petit
00:26:55 que je commençais à découvrir
00:26:58 des choses existantes. Des femmes avaient fait des films
00:27:01 fabuleux, et c'est
00:27:04 un travail maintenant que je fais toujours. Quand les gens
00:27:07 me demandent une liste de mes 10 films préférés, je me dis
00:27:10 « OK, oui, c'est facile à dire. Oui, je connais
00:27:13 10 films faits par des hommes. Je vais chercher. Et si
00:27:16 je ne peux pas en faire cinq,
00:27:19 je cherche encore. » Tu vois, le film de
00:27:22 Mark Cousins, qu'il a fait sur
00:27:25 les films qui ont fait des femmes récemment, ça m'a
00:27:28 explosé la tête aussi. J'ai vu ce film
00:27:31 « The Ascent » par Larissa Shipko.
00:27:34 Incroyable, ce film. C'est un
00:27:37 chef-d'œuvre. Et je me rendais compte
00:27:40 avec les années que les gens font des choses et ça,
00:27:43 c'est... on les oublie.
00:27:46 Certains, on se souvient de certains et on oublie d'autres.
00:27:49 Et ça, c'est pas juste par rapport aux gens. C'est
00:27:52 par rapport au pays, couleur,
00:27:55 argent, tout, quoi. Mais c'est ça
00:27:58 le truc à commencer à chercher à ce qui
00:28:01 était oublié et pas seulement oublié, mais
00:28:04 « buried ». Comment dire « buried » ? « Enterré ».
00:28:07 « Enterré ». Ouais.
00:28:10 Toujours sur cette question de la construction
00:28:13 de ton regard, tu me disais que tu as beaucoup travaillé
00:28:16 avec Laura Poitras et qu'elle avait eu une influence
00:28:19 sur la manière aussi dont ta manière
00:28:22 de filmer avait évolué. Tu peux nous en parler un petit peu avant
00:28:25 qu'on lance l'extrait du « Boxer » ? - Ouais. Laura,
00:28:28 comme vous connaissez, c'est une
00:28:31 personne incroyable dans sa
00:28:34 curiosité et dans son interrogation
00:28:37 du pouvoir. Et elle,
00:28:40 ce qu'elle tente à faire, c'est de
00:28:43 être proche des gens qui sont dans un
00:28:46 moment de vrai enjeu.
00:28:49 Tu vois, les enjeux
00:28:52 sont hauts, comme Edward Snowden
00:28:55 dans Citizenfour, par exemple. - Ouais.
00:28:58 Et le truc qui m'a
00:29:01 qui m'a éblouie en travaillant avec elle,
00:29:04 c'était qu'elle
00:29:07 allait doucement, elle cherchait comment
00:29:10 on pouvait être proche des coeurs des choses
00:29:13 et puis quand
00:29:16 on est arrivé là,
00:29:19 on filme pour peut-être 20 minutes
00:29:22 et on s'arrête.
00:29:25 Parce qu'elle sait qu'on est là,
00:29:28 mais il ne faut pas beaucoup. Parce que c'est
00:29:31 tellement fragile, le pouvoir. Quand tu es
00:29:34 si proche du pouvoir, il faut être très,
00:29:37 très judicieux. Et ça m'a
00:29:40 choquée parce que j'avais filmé avec les gens, on filme
00:29:43 pour 10 heures, on filme, on filme, on filme.
00:29:46 C'était, waouh, on était dans un lieu
00:29:49 le plus incroyable que j'ai jamais été. Ah, non,
00:29:52 on a arrêté, on est fini et maintenant
00:29:55 on va aller parler de ce qu'on a fait,
00:29:58 ce qu'on va faire, on va réfléchir
00:30:01 et puis on va faire la stratégie où on va
00:30:04 pour les prochains 20 minutes. C'était
00:30:07 un autre, c'est vraiment,
00:30:10 je ne sais pas, l'ambition de ce qu'elle faisait
00:30:13 sur le plan cinéma,
00:30:16 ça m'a vraiment encouragée et
00:30:19 quelque part, camera person, je dirais,
00:30:22 ça arrive directement de deux choses.
00:30:25 Il y a Tim Hetherington qui était un
00:30:28 photographe qui avait beaucoup photographié
00:30:31 au Libéria, en Afghanistan.
00:30:34 Et lui, il a fait un court film qui est
00:30:37 magnifique qui s'appelle Diary
00:30:40 où il a appris des choses qu'il a
00:30:43 filmées et c'est style 12 minutes.
00:30:46 Quand je l'ai regardé, j'étais, il est dans ma tête.
00:30:49 Qu'est-ce qu'il fait dans ma tête? Parce que c'était, il était
00:30:52 dans les chambres d'hôtel et puis dans une situation de guerre,
00:30:55 il était dans les chambres d'hôtel et j'ai vu ça
00:30:58 et j'ai dit, ah, j'ai hâte de voir ce qu'il va faire prochainement
00:31:01 et puis il a été tué en Libye en 2012
00:31:04 et aussi
00:31:07 c'était un article que Susan Sontag a
00:31:10 écrit sur Abu Ghraib
00:31:13 dans le New Yorker et
00:31:16 à l'époque, le 11 septembre
00:31:19 avait passé, j'avais filmé
00:31:22 en Afghanistan, dans les camps militaires
00:31:25 aux États-Unis, Yémen,
00:31:28 Guantanamo et
00:31:31 j'avais plein de questions dans la tête et j'étais tellement
00:31:34 contente que Sontag avait écrit quelque chose
00:31:37 et au milieu de l'article, je me suis dit
00:31:40 mais, ouais, elle est
00:31:43 très forte mais elle n'est pas là.
00:31:46 Elle n'est pas là comme je suis là et du coup
00:31:49 il faut que je fasse quelque chose.
00:31:52 Le truc qui est super drôle, c'est que
00:31:55 je suis allée pour pitcher Camera Person devant un groupe
00:31:58 à Toronto, c'était quasi
00:32:01 que des hommes et tout le monde me questionnait
00:32:04 mais comment tu peux faire ce film? Et je disais
00:32:07 mais j'ai déjà filmé le film.
00:32:10 Ça existe déjà
00:32:13 et ils n'arrêtaient pas de m'interroger
00:32:16 en disant que des gens
00:32:19 de documentaires vont être intéressés par ça mais je disais
00:32:22 mais nous sommes les gens de documentaires. Ils disaient non, non, c'est
00:32:25 trop esotérique, non, non. Et je les écoutais
00:32:28 et je disais ah, ils ont raison. Personne ne m'a donné de l'argent
00:32:31 mais pendant cette semaine que j'étais
00:32:34 à Hot Docs, il y avait
00:32:37 jeune fille après jeune fille qui est venue me dire
00:32:40 je veux voir ton film et j'étais assez
00:32:43 surprise parce que pour moi
00:32:46 ce n'était pas un film qui parlait du fait d'être
00:32:49 femme, ça parlait juste de mes expériences
00:32:52 politiques, du travail
00:32:55 et du coup je commençais à compter parce que c'était
00:32:58 un peu bizarre parce qu'aucun homme est venu vers moi
00:33:01 pour dire je veux voir le film que tu veux faire.
00:33:04 Je comptais. Dans une semaine, c'était
00:33:07 64 jeunes filles qui sont venues
00:33:10 me dire ah, j'ai hâte de voir ton film.
00:33:13 Et puis le
00:33:16 jour final du festival
00:33:19 j'étais là en train de parler avec
00:33:22 Tom Quinn qui dirige Néon
00:33:25 et je ne le connaissais pas, je lui parlais comme ça parce qu'on
00:33:28 avait vu un film à côté et
00:33:31 je lui dis écoute
00:33:34 un truc bizarre se passe pour moi
00:33:37 il y a toutes ces jeunes femmes qui veulent voir le film
00:33:40 que je n'arrive pas à financer, je ne sais pas
00:33:43 comment je vais le faire, je ne sais pas si je peux le faire
00:33:46 mais aucun homme est venu vers moi
00:33:49 ça c'est drôle parce que moi j'étais dans ton pitch
00:33:52 et je vais t'avouer un truc
00:33:55 tu sais les gens
00:33:58 qui te disaient je ne sais pas si tu peux le faire
00:34:01 au début quand tu avais fait le pitch tu disais je veux voir son film
00:34:04 mais à la fin du pitch je me suis dit ouais, elle ne va pas
00:34:07 pouvoir faire ça.
00:34:10 Et comment tu expliques que les jeunes femmes te faisaient confiance ?
00:34:13 Elles se voyaient elles-mêmes
00:34:16 et je crois maintenant
00:34:19 nous tous on se voit
00:34:22 en caméra personne parce que
00:34:25 on est tous dans ces dilemmes avec nos
00:34:28 portables, c'est ça, on est dans ce monde
00:34:31 on est tous ensemble dans ça.
00:34:34 On regarde le deuxième extrait ?
00:34:37 Tu veux introduire l'extrait sur le boxeur ?
00:34:40 Non, on plonge dedans, celui-là c'est le boxeur
00:34:43 ça c'est beaucoup moins traumatique
00:34:46 que celui d'avant.
00:34:49 (Applaudissements)
00:34:52 (Applaudissements)
00:34:55 (Applaudissements)
00:34:58 (Applaudissements)
00:35:02 (Applaudissements)
00:35:06 (Applaudissements)
00:35:10 (Applaudissements)
00:35:13 (Applaudissements)
00:35:16 (Rires)
00:35:19 (Rires)
00:35:23 (Rires)
00:35:26 (Bruit de casse)
00:35:52 (Bruit de casse)
00:35:55 (Bruit de casse)
00:35:58 (Bruit de casse)
00:36:07 (Bruit de casse)
00:36:13 (Bruit de casse)
00:36:20 (Bruit de casse)
00:36:23 (Bruit de casse)
00:36:29 (Bruit de casse)
00:36:34 (Bruit de casse)
00:36:40 (Bruit de casse)
00:36:47 (Bruit de casse)
00:36:50 (Cris de joie)
00:36:59 (Cris de joie)
00:37:02 (Applaudissements)
00:37:27 (Applaudissements)
00:37:30 (Applaudissements)
00:37:34 (Applaudissements)
00:37:38 (Applaudissements)
00:37:42 (Applaudissements)
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00:39:02 (Applaudissements)
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01:23:50 (...)
01:23:54 (...)
01:23:58 (Applaudissements)
01:24:02 Elle m'a confié son secret,
01:24:07 c'est de mélanger plus que deux motifs,
01:24:10 trois au minimum.
01:24:13 Je pratique ces conseils toujours.
01:24:17 - Tu veux faire un commentaire ?
01:24:22 - Il y avait encore une question.
01:24:26 Ces moments où on pousse, on pousse,
01:24:30 sa famille a vécu des choses terribles.
01:24:35 Le traductrice est extraordinaire,
01:24:38 elle connaît ce qui se passait pendant la guerre,
01:24:42 elle est très fine.
01:24:45 C'était l'obligation de travail de pousser cette femme,
01:24:49 mais on était tous mal à l'aise et je n'en pouvais plus.
01:24:53 J'ai interrompu.
01:24:56 Parfois, je fais des choses comme ça,
01:25:00 et ce n'est pas approprié du tout.
01:25:04 C'est un lien très...
01:25:06 intime, tendre, etc.
01:25:09 Parfois, c'est une erreur de ma part,
01:25:13 mais on fait des erreurs en cherchant à être des gens décents.
01:25:18 - Tu décides de garder ces moments-là.
01:25:22 Même la scène précédente,
01:25:25 on est toujours dans deux niveaux.
01:25:29 Il y a quelque chose de distance,
01:25:33 et il y a des moments où tu prends une distance par rapport à cette action.
01:25:37 Quand tu interromps la séquence,
01:25:41 le réalisateur a peut-être envie de t'étrangler.
01:25:45 - J'ai eu une pensée qui m'est venue à l'esprit en regardant ça.
01:25:50 Documentaire et cette idée de genre,
01:25:55 ce que je vois dans ça,
01:25:58 c'est que je suis une personne qui sait travailler,
01:26:02 qui sait faire de la cuisine, qui fait l'effort.
01:26:06 Il y a certaines personnes qui font du boulot,
01:26:09 qui portent les choses, qui lavent les vaisselles.
01:26:13 Et souvent, on sait qui c'est.
01:26:16 - Non, non, non, je ne sais pas.
01:26:19 - Et pas pour dire homme-femme,
01:26:22 il y a des gens qui bossent, qui nettoient les choses sales,
01:26:26 qui le font tous les jours.
01:26:30 En regardant ça, je me dis que je suis une personne
01:26:32 qui sait faire le travail de tous les jours.
01:26:35 Et c'est ça qui m'intéresse, c'est ça que je filme.
01:26:38 Je raconte l'histoire de mon fils qui a maintenant 11 ans.
01:26:41 J'étais en train de travailler avec sa soeur,
01:26:44 et lui dit que je suis ennuyée, etc.
01:26:47 Je lui dis qu'on vient de finir le dîner,
01:26:50 il me dit que je pouvais laver la vaisselle.
01:26:53 Il rentre dans la cuisine, il ressort avec un verre,
01:26:58 il dit que je l'ai fait.
01:27:00 Moi, j'étais là, il a 11 ans.
01:27:03 Et normalement, tout ce qu'il dit, je dis que je suis fière de lui.
01:27:07 Et je dis, OK.
01:27:10 Après, il part, et ma fille dit,
01:27:13 je crois qu'il est en train de bouder.
01:27:16 Je vais dans sa chambre, il est en larmes,
01:27:19 il dit, c'est vraiment le premier verre que je n'ai jamais lavé.
01:27:24 Et je disais, normalement,
01:27:26 je te dis que je suis fière de toi,
01:27:29 et je me rends compte que je n'ai pas dit ça,
01:27:32 mais le fait est que dans ce monde, il y a certains gens,
01:27:35 d'autres gens, imaginent qu'ils vont faire la vaisselle pour eux.
01:27:39 Et moi, je fais partie des gens
01:27:42 qui ont fait beaucoup de vaisselle dans ma vie.
01:27:45 Alors, je suis humaine, je sais que je suis ta maman,
01:27:49 mais je n'avais pas le courage de te dire, bravo,
01:27:53 tu as lavé un verre.
01:27:55 Et après, je le quitte,
01:27:59 et quelques minutes plus tard, il rentre dans la cuisine,
01:28:03 il fait toute la vaisselle,
01:28:06 mais le lendemain, il dit, ça suffit, je ne le ferai plus jamais.
01:28:10 - Finalement, tu es une experte en déconstruction,
01:28:13 on a bien fait de te faire venir, Kerstin.
01:28:16 Je crois qu'il y avait une question, je ne sais plus où,
01:28:19 j'ai vu une main se lever là-bas, madame et monsieur.
01:28:22 - Oui, un complément à une des questions précédentes.
01:28:30 On voit dans les extraits une façon de filmer,
01:28:35 et on parle souvent du point de vue de l'auteur,
01:28:39 c'est-à-dire du réalisateur.
01:28:41 Et après ce que vous avez dit aussi,
01:28:44 que vous travaillez avec quelqu'un avec qui vous vous entendez bien,
01:28:47 donc il doit y avoir une fusion dans cette façon de voir les choses.
01:28:51 Dans le documentaire, très souvent, d'aujourd'hui,
01:28:57 on voit beaucoup, il y a une mise en scène un peu artificielle,
01:29:01 chose qu'on ne voit pas dans les extraits qu'on a vus.
01:29:04 Est-ce que vous travaillez un peu une mise en scène,
01:29:08 ou vous laissez faire à la situation, vous improvisez ?
01:29:15 - Ça dépend de la collaboration avec chaque réalisateur.
01:29:20 Par exemple, avec Laura Poitras,
01:29:22 quand on était en train de filmer pour le film "Risque",
01:29:25 ou peut-être c'est dans "Citizen Four", je crois,
01:29:28 on avait regardé le film "La conversation"
01:29:34 pour penser comment mettre en scène les idées de surveillance.
01:29:40 Et on a fait un zoom exprès, en citant le zoom qui est dans ce film.
01:29:47 Alors, parfois, tu as un réalisateur qui veut vraiment aller loin
01:29:52 dans la mise en scène, comme ça, et imaginer comment on peut être
01:29:55 dans des positions pour filmer de cette manière-là.
01:29:58 Et ça demande beaucoup de préparation, tu vois,
01:30:01 et le preneur de son était en bas, et nous, on était dans un bâtiment
01:30:04 en face de l'autre côté, etc.
01:30:07 Mais pour moi, toujours, je parle avec les réalisateurs,
01:30:16 je leur dis "quels sont les thèmes, quelles sont les métaphores,
01:30:18 tu cherches à faire quoi?" Tu vois, je me remplis de leurs idées,
01:30:23 et le plus souvent, le geste du réalisateur, c'est de créer
01:30:30 la situation où je peux être là et filmer avec les gens,
01:30:35 avec toutes ces idées dans ma tête, et du coup, je vais "ah, là,
01:30:39 la surprise dans le visage de Rémi, ah, le plan large",
01:30:44 et je suis en train de chercher toutes ces idées à la fois,
01:30:47 et quand ça arrive, je le vois, tu vois.
01:30:51 Alors c'est d'être vraiment préparé, de la vouloir,
01:30:56 les choses que le réalisateur imagine, espère, veut,
01:31:00 et puis de le voir, de le chercher pour ça dans le monde.
01:31:04 - Mais je l'ai vécu, je l'ai vécu, monsieur, puisque quand on a travaillé
01:31:07 avec Kirsten, on filmait un écrivain new-yorkais qui traitait
01:31:12 d'affaires des années 80, mais qui renvoyait à la guerre froide,
01:31:14 dans un appartement new-yorkais d'aujourd'hui, et Kirsten,
01:31:17 on a eu une très brève conversation avant, je lui ai donné la couleur
01:31:20 de la séquence que je souhaitais faire, et la séquence,
01:31:23 elle est à l'image dans mon film, grâce à qui ? Grâce à Kirsten.
01:31:26 Il n'a pas fallu échanger beaucoup pour que tout d'un coup,
01:31:28 elle se saisisse du décor, du personnage, et me livrée
01:31:34 une séquence quasiment clé en main, qui reflétait très exactement
01:31:39 ce dont je rêvais. J'en profite pour te remercier en public.
01:31:42 Merci. - Merci, Rémi.
01:31:44 Non, mais c'est drôle, c'est vraiment une joie de parler
01:31:48 avec un réalisateur qui a plein de désirs, et du coup,
01:31:53 tu peux chercher pour tous ces désirs, tu vois.
01:31:56 Et Rémi me connaît, j'ai envie de sortir, d'être près de vous,
01:32:02 parce que c'est mon truc, je veux être proche, tu vois,
01:32:08 c'est seulement parce que les camarades sont là.
01:32:09 - D'habitude, ce que veut dire Kirsten, c'est qu'elle se balade dans la salle.
01:32:11 - D'habitude, je vais te poser des questions face à face,
01:32:14 je veux avoir cette expérience avec les gens, d'être proche,
01:32:18 de bouger, de découvrir.
01:32:20 - Une question ? - Oui, une question.
01:32:25 En fait, je voulais vous demander, apparemment, vu la nature du travail
01:32:29 du cinématographe, c'est un métier qui plutôt, du côté pratique,
01:32:34 favorise les hommes, parce que déjà, il a des nécessités physiques,
01:32:38 parce que c'est un... d'accord.
01:32:40 Si vous n'êtes pas d'accord... - Non, non, non, non, non,
01:32:43 c'est juste la physique et l'excuse qu'ils ont utilisée depuis le début
01:32:48 du cinéma pour dire qu'on ne peut pas filmer.
01:32:50 Et c'est une excuse.
01:32:52 On peut physiquement filmer, mais il continue.
01:32:55 - Non, je ne dis pas que c'est impossible, mais je dis qu'il favorise,
01:33:02 donc il élimine. Peut-être que je me trompe, j'espère que je me trompe.
01:33:05 Mais en fait, mettons le côté pratique de côté, sur le plan esthétique,
01:33:10 sur le plan sensibilité, sur le côté regard,
01:33:13 est-ce que vous sentez que le regard de la femme en tant que cinématographe
01:33:18 ajoute ou il est différent ?
01:33:20 Est-ce que c'est quelque chose que vous pourriez définir ?
01:33:22 - OK, juste pour contextualiser, le cinéma, c'est un métier,
01:33:30 c'est une passion. Maintenant qu'il y a des caméras,
01:33:33 n'importe qui peut aller filmer.
01:33:37 Alors on a tout ce spectre de choses.
01:33:44 Par exemple, je fais partie de la société américaine des chef-d'oeuvre.
01:33:51 Il n'y a que cinq personnes qui sont les femmes.
01:33:57 Ça, c'est parce qu'on a eu un système qui n'a pas eu une manière formelle
01:34:04 d'aller contre la discrimination. Point.
01:34:09 Tous ces mecs qui sont chef-d'oeuvre, ils ont des assistants pour porter des caisses,
01:34:13 on met des caméras sur les trépieds, blablabli, blablabla.
01:34:16 Ce n'est pas une question physique du tout.
01:34:18 C'est des gens qui ont gardé leur pouvoir.
01:34:22 Ils ne voulaient pas laisser entrer d'autres personnes.
01:34:26 Je crois que le pourcentage des personnes de couleur dans cette association,
01:34:30 c'est encore quatre personnes.
01:34:33 Alors c'est des problèmes d'exclusion qui sont fabriqués.
01:34:42 On est exclu par la fabrication du racisme, du sexisme.
01:34:48 Après, c'est des copains qui travaillent avec des copains,
01:34:51 qui sont plus confortables avec des copains, et ça ne finit pas.
01:34:55 Mais ça c'est une chose.
01:34:57 Après, je dirais qu'on a chacun nos bannières de regarder le monde.
01:35:03 Et comme je dis, je crois, parce que je suis femme et que j'ai fait beaucoup de vaisselle,
01:35:08 peut-être que je vais filmer quelqu'un en train de faire la vaisselle.
01:35:13 Parce que ça a de la valeur pour moi.
01:35:18 Et chacun, on apporte à cause du corps dans lequel on est,
01:35:22 des sensibilités par rapport à notre vision des choses.
01:35:28 Mais il y a parmi nous les gens qui ont vécu la violence très tôt dans nos vies.
01:35:35 Et du coup, on peut voir quand les gens sont traumatisés.
01:35:38 Moi, j'ai appris à voir ça en filmant beaucoup de gens qui ont vécu des choses terribles.
01:35:46 Mais il y a d'autres personnes, la première fois qu'ils prennent une caméra,
01:35:49 ils le savent déjà parce qu'ils l'ont vécu.
01:35:52 Et tu peux être dans n'importe quel corps d'avoir vécu ça.
01:35:56 Et il y a des gens qui ont un sens de l'absurde et qui cherchent l'absurde.
01:36:02 Mais il y a des choses qui vont avec le fait d'être dans un certain corps.
01:36:08 Et moi, je peux me voir à beaucoup d'âges différents.
01:36:13 Je peux voir quand je faisais plaisir aux gens quand je rentrais dans un espace.
01:36:17 Je vois un moment où je ne regarde que des enfants.
01:36:21 Parce que moi, je me demandais si je voulais avoir des enfants.
01:36:24 Tu vois, il y a des phases différentes dans la vie de chaque personne.
01:36:28 Mais je dirais que je veux toujours voir les systèmes de pouvoir qui nous excluent.
01:36:39 Et je veux toujours voir les différences d'où tu viens,
01:36:46 de ce que tu as vécu, dans quelle famille, de quel continent tu viens, etc.
01:36:50 Mais si tu regardes une situation, tu dis, ah, il n'y a que des gens comme ça dans la situation.
01:36:56 Tu dis, cette situation, elle est exclusionnaire.
01:36:59 Boum.
01:37:02 Il n'y a pas de personnes de couleur ici avec nous.
01:37:07 Il y avait un moment où je disais, je ne participe plus dans les discussions
01:37:11 avec plus de deux personnes et il n'y a pas une personne de couleur.
01:37:15 Et je vais reprendre ça, tu vois.
01:37:19 Il faut lutter pour ces trucs.
01:37:22 Parce que ça ne se fait pas tout seul quand les systèmes ont été exclusionnaires.
01:37:26 Même que je vous aime.
01:37:29 - Et nous aussi.
01:37:32 Une dernière question.
01:37:36 Avant la dernière question, il y en aura une autre après.
01:37:38 - Oui, je veux te souvenir.
01:37:41 - C'est moi en premier.
01:37:43 Je me souviens d'être très content quand j'ai vu Cameron Pearson il y a quelques années.
01:37:47 Je me suis dit, super.
01:37:50 Déjà parce que je cherchais des films sur le documentaire.
01:37:55 Et j'ai vu récemment, la semaine dernière, un film qui s'appelle "Sujet",
01:37:59 dans lequel tu apparaîs, qui parle de gens qui n'apparaissent pas dans les documentaires.
01:38:05 Et je me demandais toujours, est-ce que ce sera possible,
01:38:08 est-ce que tu crois que c'est possible en fait,
01:38:10 de faire un documentaire sur la fabrication d'un documentaire ?
01:38:14 - Il y en a déjà ? - Oui.
01:38:16 - Moi je n'ai jamais vu ça.
01:38:18 - Pour moi, Cameron Pearson, c'est ça.
01:38:21 Je crois qu'il y a plein de films comme ça.
01:38:24 Mais je crois que chaque documentaire se fait d'une manière tellement différente
01:38:30 qu'il faut un documentaire pour chaque documentaire.
01:38:35 N'est-ce pas ?
01:38:37 - Moi je voudrais d'abord te remercier,
01:38:42 parce que tu as une très grande honnêteté dans tes réponses.
01:38:48 Même dans les malaises qu'on peut ressentir face aux images que tu montres.
01:38:53 Tu as dit tout à l'heure,
01:38:56 d'abord tu ne te déchoses jamais sur le réalisateur.
01:39:02 On m'a dit de faire ça, j'ai fait ça.
01:39:05 Tu les as faits, parfois tu ne voulais pas.
01:39:08 C'est ça qui a continué à te travailler,
01:39:11 à faire en sorte que tu as fait ce film, sans doute,
01:39:14 parce qu'il y avait des images que tu as faites,
01:39:17 mais dans un désaccord avec toi-même.
01:39:20 En tout cas dans une position.
01:39:22 Constamment pendant que tu parles,
01:39:25 on voit combien ce positionnement non seulement est difficile,
01:39:29 mais il est changeant.
01:39:31 Il évolue tout le temps, avec le temps, avec le moment,
01:39:34 avec la géopolitique aussi, et tout ce qui se passe.
01:39:38 Quand tu parles de faire des images,
01:39:41 et d'être devant la douleur des autres,
01:39:43 et aujourd'hui que nous tous on fait des images en continu,
01:39:48 ou on les consomme à travers Instagram,
01:39:51 et qu'on est tous les jours face à cette douleur,
01:39:54 et on ne sait pas quoi faire.
01:39:57 C'est ça qui nous rend le plus...
01:39:59 Cette fébrilité qu'on sent, ce désarroi au nez,
01:40:03 était peut-être le tien aussi, quand tu as fait ce film,
01:40:07 ou quand tu as fait ces images.
01:40:10 C'est ça que tu essaies d'exprimer par rapport à maintenant.
01:40:15 Avoir cette conversation aujourd'hui, et montrer ces images.
01:40:19 Le désarroi dans lequel tu étais quand tu les as faites,
01:40:22 c'est notre désarroi aujourd'hui, précisément aujourd'hui,
01:40:26 et on peut faire des images de certains conflits,
01:40:28 entre Israël et la Palestine, et beaucoup d'autres,
01:40:32 le Congo et d'autres encore.
01:40:34 -Totalement.
01:40:36 Parfois on se comporte d'une manière inconsciente,
01:40:41 et vous m'avez dit quels extraits vous alliez montrer,
01:40:47 mais vous avez dit le bébé,
01:40:49 et j'ai pensé au bébé d'une manière joyeuse dans ma tête,
01:40:55 ma tête me protégeait de ces images que je revois,
01:40:59 et que je connais dans mon cœur.
01:41:01 Mais quelque part, ça a vraiment du sens, comme tu dis,
01:41:09 qu'on est ici ensemble, et que cette conversation
01:41:12 est allée dans cette dimension grave et douloureuse,
01:41:20 parce qu'on est dans ce moment,
01:41:24 et ce que je veux suggérer à nous tous,
01:41:27 une provocation pour nous tous,
01:41:29 je suis convaincue qu'on est dans une époque d'humanité
01:41:36 qui n'a jamais eu lieu,
01:41:38 et les guerres, oui, la violence, le viol,
01:41:43 toutes ces choses ont toujours eu lieu dans l'histoire d'humanité,
01:41:47 mais moi, j'ai commencé à filmer avant que l'Internet existe,
01:41:53 avant que les caméras existent,
01:41:54 et je peux vous dire que je suis un peu,
01:41:59 comment dire, le canary dans la mine?
01:42:01 - Marie?
01:42:03 - Le canary dans la mine.
01:42:05 - Le canary dans la mine, oui, oui.
01:42:07 - Le canary dans la mine, parce que je filme depuis 30 ans,
01:42:11 tout le temps j'ai les images,
01:42:13 mais nous tous, on est comme moi maintenant,
01:42:16 depuis que l'Internet a commencé,
01:42:19 que les gens commencent à filmer tout.
01:42:22 Tu vois, dans mes 30 ans,
01:42:24 j'ai filmé très peu de moments de vraie violence.
01:42:27 Nous, on sait qu'il y a des centaines et des centaines d'images
01:42:31 de vraies violences non filtrées,
01:42:34 du point de vue de l'enfant dans sa maison qui vient d'être bombé.
01:42:39 On est en train de voir plus d'images
01:42:42 qu'on n'a jamais vues dans l'histoire de l'humanité,
01:42:45 et notre impuissance,
01:42:50 notre sensation d'impuissance est nouvelle.
01:42:54 Ça, c'est nouveau.
01:42:56 On ne savait pas, on ne savait pas d'autres moments d'histoire,
01:43:00 sauf si on était dans le conflit nous-mêmes.
01:43:03 Alors, je veux penser ensemble
01:43:08 par rapport à comment on gère ça émotionnellement,
01:43:12 comme des êtres humains,
01:43:14 et non seulement ça, on a des machines qui viennent.
01:43:19 Qui vont nous filmer d'une autre manière.
01:43:21 Cette caméra va...
01:43:23 Je sais que vous êtes là, et je vous aime,
01:43:25 et vous êtes en train de faire le zoom et tout,
01:43:27 mais c'est différent de me zoomer à travers l'image
01:43:30 que d'être une personne à côté de moi,
01:43:33 en train de respirer, en train de pleurer à côté de moi.
01:43:37 Parce que c'est dans le corps, tu vois.
01:43:41 Alors, j'aimerais bien qu'on pense tous à
01:43:44 qu'est-ce que ça veut dire que nous, on est toujours dans nos corps,
01:43:48 mais on est en train de voir des images des corps des autres.
01:43:53 Et on a une certaine impuissance par rapport à ces images,
01:43:58 et il y en a trop.
01:44:00 Il y a trop d'injustice dans le monde,
01:44:03 il y a trop de violence dans le monde,
01:44:05 et on cherche quoi faire,
01:44:07 mais je crois qu'on est en train de vivre un expériment
01:44:12 que l'humanité n'a jamais vécu,
01:44:16 et je crois qu'il faut que chacun de nous prenne soin
01:44:19 par rapport à ce qu'on laisse entrer,
01:44:21 et qu'on imagine le temps, quelque part,
01:44:25 de digérer, de rester avec certaines images,
01:44:29 de ne pas aller, d'une manière,
01:44:32 de s'associer avec les images.
01:44:35 Parce que j'ai filmé ce bébé il y a 20 ans,
01:44:39 et je suis toujours hantée par ça.
01:44:44 Il ne faut pas regarder 100 images dans une semaine
01:44:48 qui ont ce niveau de force.
01:44:52 Mais quoi faire?
01:44:55 Je ne sais pas, je n'ai pas de réponse,
01:44:58 mais je veux qu'on dise ensemble
01:45:01 qu'on est dans un autre moment de l'histoire,
01:45:04 et les gens comme nous,
01:45:06 qui sont des gens qui filment, qui imaginent des films,
01:45:09 on a une énorme expérience
01:45:13 avec la différence entre les personnes et les images.
01:45:16 Qu'est-ce qu'on va faire avec ça?
01:45:18 Comment on va communiquer ça à d'autres personnes qui ne filment pas?
01:45:22 Et comment on va reconnaître aussi que tout le monde filme maintenant?
01:45:27 - Mais peut-être qu'il y a aussi,
01:45:29 et ça nous remet au cœur de nos métiers,
01:45:32 dans le documentaire, le temps long du documentaire,
01:45:35 le regard que posent les autrices, les auteurs sur une réalité,
01:45:39 c'est quelque chose qui, effectivement,
01:45:42 dont on a besoin à un moment donné.
01:45:43 Comme ça, on a les images qui arrivent de manière très brutale
01:45:46 et sans filtre.
01:45:48 - Et puis la question du point de vue,
01:45:50 parce que toutes ces images filmées tout le temps
01:45:52 n'ont pas forcément de point de vue.
01:45:54 - Elles ont toujours un point de vue, mais qu'est-ce que...
01:45:56 - Elles ont toujours un point de vue,
01:45:58 mais elles n'ont pas forcément le temps ou les ressources
01:46:01 à digérer le sens des choses.
01:46:04 Et elles n'ont pas non plus de distribution.
01:46:07 - Quel est-ce que tu veux dire de distribution?
01:46:10 - Ils peuvent distribuer un clip super fort,
01:46:13 mais cette même personne qui a filmé le bombe
01:46:16 qui vient dans leur maison,
01:46:18 ils n'ont pas les ressources de créer un film
01:46:22 où on a leur contexte, l'histoire de leur famille
01:46:25 et la capacité de distribuer ça au monde.
01:46:28 Et même nous, les réalisateurs et les chef-up
01:46:32 qui ont eu ces opportunités,
01:46:35 le capitalisme global,
01:46:39 il veut des produits de nous.
01:46:41 Il ne veut pas qu'on réfléchisse,
01:46:43 qu'on cherche des manières différentes
01:46:46 de faire face à la violence.
01:46:49 Et il y a la pression qui vient de tous les côtés pour nous tous.
01:46:53 Et ceux qui ont un peu d'expérience,
01:46:57 il faut qu'on pense différemment.
01:46:59 Pour les gens qui sont jeunes,
01:47:01 qui imaginent ce que tu vas faire,
01:47:04 il faut que tu fasses des choses différemment
01:47:06 que ce qu'on a fait.
01:47:08 Il ne faut pas oublier les luttes et les questionnements éthiques
01:47:12 qui ont toujours accompagné le documentaire.
01:47:15 Mais on est dans des terrains complètement nouveaux.
01:47:18 Totalement nouveaux.
01:47:20 - On va devoir s'arrêter là.
01:47:23 Il y a encore une question.
01:47:25 - Ah, good !
01:47:27 - Merci.
01:47:36 Merci beaucoup pour la sensitivité.
01:47:39 C'est vraiment votre style.
01:47:41 C'est la caméra qui bouge,
01:47:43 votre respiration qu'on entend,
01:47:46 vos réactions très spontanées,
01:47:49 et l'honnêteté aussi,
01:47:51 dans votre style, quand vous filmez.
01:47:55 Je pense que ça peut distancier d'une caméra du réel,
01:48:02 comme on en a parlé.
01:48:05 Mais votre style, c'est vraiment ça qui vous rapproche.
01:48:08 J'ai une question.
01:48:12 C'est quoi être courageuse avec une caméra ?
01:48:15 - Fabuleuse la question.
01:48:17 Je ne dirais pas que ce n'est pas mon style.
01:48:20 Je n'ai pas un style.
01:48:22 J'essaie de travailler avec la mise en scène d'un réalisateur,
01:48:25 d'accomplir quelque chose ensemble
01:48:30 par rapport à l'histoire du cinéma, du documentaire, etc.
01:48:34 Mais c'est la présence.
01:48:37 Et le courage émotionnel,
01:48:40 on a tous de l'expérience avec ça,
01:48:44 dans nos rapports directs avec les gens.
01:48:48 Ce qui change quand tu as une caméra,
01:48:51 c'est que tu amènes l'avenir dans le présent,
01:48:58 tu amènes la mort dans le présent,
01:49:02 tu amènes le pouvoir.
01:49:04 Parce que toi, qui filme,
01:49:08 tu vas prendre les images,
01:49:10 tu vas décider, est-ce que je partage ces images
01:49:13 avec la personne que j'ai filmée,
01:49:15 et on décide ensemble comment, qu'est-ce qu'on fait,
01:49:18 ou une autre manière de faire.
01:49:22 Mais toi, tu as le temps avec toi.
01:49:25 Alors le courage avec une caméra,
01:49:28 c'est le courage de se rendre compte
01:49:31 que tu es en train d'occuper
01:49:33 plusieurs niveaux de temps à la fois,
01:49:36 et plusieurs niveaux de pouvoir à la fois.
01:49:39 Même que je suis la personne à côté de toi en train de pleurer,
01:49:42 moi je pars avec les images, je te laisse là où tu vis.
01:49:46 Je donne l'impression que je suis en solidarité totale,
01:49:51 et je suis, et aussi j'ai plus de pouvoir que toi.
01:49:54 Tu gardes toutes ces contradictions en toi.
01:49:59 Et tu nies rien. Tu nies pas ta honte,
01:50:02 tu nies pas tes faiblesses,
01:50:05 tu nies pas tes sensations d'impuissance,
01:50:07 tu nies pas ton ambition, ta joie,
01:50:10 ton espoir pour changer les choses.
01:50:14 Tu gardes tout.
01:50:16 Tu ne caches pas ces choses de toi-même.
01:50:18 Et c'est ça.
01:50:21 C'est ça le courage.
01:50:23 - Merci Kirsten, merci infiniment.
01:50:27 - De toutes petites informations.
01:50:30 Alors c'est la maison du documentaire, la Scam,
01:50:33 mais on est au CNC en même temps.
01:50:35 Et je voyais au fond de la salle,
01:50:37 pour ceux que c'est question,
01:50:39 la place des femmes dans le cinéma,
01:50:41 Julie Bertuccelli, Jane Campion,
01:50:43 la femme cinéma, coproduit par Arte,
01:50:46 donc toujours visible peut-être sur le site,
01:50:48 en tout cas dans certaines salles.
01:50:50 Et puis Kirsten, on te retrouve mardi à la Fémis,
01:50:53 à 19h.
01:50:56 - C'est une comédie,
01:50:57 Kirsten enterre son père de son vivant.
01:50:59 On peut dire ça comme ça, c'est bien pitché.
01:51:01 Donc si vous voulez participer à ça,
01:51:03 venez donc à la Fémis, mardi 12,
01:51:05 faites le savoir autour de vous.
01:51:07 On aura une discussion sur la pratique de cinéma de Kirsten.
01:51:10 - Et le film de Kirsten,
01:51:12 Dick Johnson is Dead,
01:51:14 est toujours disponible sur Netflix aussi,
01:51:16 pour ceux qui ne peuvent pas aller à la Fémis,
01:51:18 et peuvent le voir.
01:51:20 - Merci.
01:51:22 - C'est à 19h, sur Netflix, 24h/24,
01:51:25 et à la Fémis, 19h.
01:51:26 - Merci tout le monde.
01:51:28 - Mardi 12 décembre.
01:51:30 Merci, ne bougez pas,
01:51:32 parce qu'on va clore cette journée de très belle manière,
01:51:34 avec Tabitha Jackson qui va nous rejoindre ici.
01:51:36 Tabitha Jackson a dirigé pendant plusieurs années
01:51:39 le plus grand festival de cinéma indépendant américain,
01:51:42 j'ai mis les mots dans le bon ordre,
01:51:44 documentaire et fiction, Sundance.
01:51:49 Tabitha, on te laisse la place.
01:51:51 on te laisse la place.