Anne Fulda reçoit Jonathan Siksou pour son livre «Vivre en ville» dans #HDLivres
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00:00 - Bienvenue à l'heure des livres Jonathan Cixous, vous êtes écrivain, vous êtes journaliste,
00:05 vous venez d'écrire "Vivre en ville" aux éditions du Serre, un livre qui vient de recevoir la mention spéciale du prix "Le temps retrouvé"
00:11 présenté par Douglas Kennedy.
00:13 Alors c'est un livre qui est assez délicieux, qui est inclassable, difficile à classer il faut bien dire,
00:18 vrai plaisir de lecture et qui scrute en fait avec un humour mordant et beaucoup de finesse
00:25 ce qu'est le fait de vivre en ville, donc à travers des spectres différents, les jardins, les passants, les animaux.
00:32 Alors vous écrivez dans la préface "Vivre en ville impose une aptitude particulière qui, plus la ville est grande,
00:38 relève de la nécessité vitale, l'indifférence".
00:41 Et vous ajoutez "Habiter en ville c'est aussi pouvoir franchir des porches mystérieux,
00:46 trouver la solitude parmi ses semblables, découvrir l'inconnu en bas de chez soi".
00:50 Finalement on a la ville qu'on se façonne ?
00:52 Exactement, on a le champ des possibles, comme on dit, c'est l'une des beautés qu'une ville,
01:00 une grande ville en particulier, peut nous offrir, c'est-à-dire qu'on a le choix,
01:05 on a le choix de rester chez soi, on a le choix de partir à la découverte de son quartier,
01:11 des quartiers qui constituent une ville, une grande ville qui en plus peut avoir une histoire ancienne,
01:17 c'est la possibilité de feuilleter une ville comme on feuilleterait un livre d'histoire,
01:22 à travers ses monuments, à travers les noms de ses rues.
01:25 Je dis ça en pensant à Paris, mais on peut le dire dans plein de grandes villes de provinces d'Europe
01:32 et ailleurs dans le monde évidemment, qui ont aussi de grandes histoires.
01:36 Et c'est tout cela qui se mélange dans la vie en ville, c'est la possibilité très égoïste,
01:43 effectivement, de se façonner sa vie avec une contrainte aimant des moindres,
01:48 c'est qu'en ville on ne vit pas tout seul.
01:50 Cette indifférence à votre rue, qui peut faire partie des qualités que l'on aime dans une ville,
01:56 elle se caractérise ces derniers temps par des passants qui ont changé d'allure,
02:01 que vous décrivez très bien des espèces de zombies, la démarche titubante,
02:05 parce qu'aujourd'hui ce qui a changé le passant de la ville, c'est le numérique et un narcissisme exacerbé,
02:12 qui attend des sommets.
02:14 - Et comment ? Et je pense qu'on n'a pas tout vu encore.
02:16 Et tout ça c'est quoi ? C'est lié au téléphone, aux petits téléphones, aux écrans et aux écouteurs qui vont souvent avec.
02:23 Et quand je parle effectivement de zombies, de somnambules ou autres,
02:28 c'est-à-dire que les gens ne font plus attention,
02:30 beaucoup de gens ne font plus attention à leur environnement, au monde dans lequel ils évoluent,
02:36 et le décor, la ville extérieure n'existant plus pour eux, autrui qui compose ce décor aussi,
02:45 par définition, n'existe plus.
02:47 Chacun est dans sa bulle, dans le monde qu'il se crée, et évolue au détriment de tout le reste.
02:53 C'est marquant et même attristant de voir parfois le spectacle des trottoirs,
02:58 de ces gens qui marchent sans regarder devant eux,
03:00 et les personnes qui peuvent prendre les transports en commun également s'en rendent compte,
03:05 elles-mêmes n'ont pas les yeux rivés sur un petit écran,
03:07 de voir que tout le monde est dans sa bulle, sur son téléphone,
03:11 et parfois encore on double la coupure avec le monde extérieur par des écouteurs,
03:17 où là on est certains de ne même plus entendre.
03:19 - Totalement isolés. - Exactement.
03:20 - Alors une foule d'individus effacés qui ne voient rien, écrivez-vous.
03:23 Vous évoquez aussi une population qu'on voyait dans la rue et qui a évolué,
03:28 c'est celle des clochards.
03:30 Alors c'est vrai que le clochard d'aujourd'hui en ville, Paris par exemple,
03:34 mais dans d'autres villes, n'est plus celui d'hier.
03:37 - Exactement, c'est le constat que je fais du moins dans ma vie parisienne,
03:42 dans le sens où effectivement on se rend compte qu'à la faveur d'accords politiques divers,
03:49 nos frontières étant ouvertes au sein même de l'Europe,
03:52 c'est souvent une mendicité organisée qui vient dans nos grandes villes,
03:58 bien souvent des gens des pays de l'Est qui sont victimes
04:02 de ce qu'on peut appeler, sans rougir, une traite humaine malheureusement,
04:06 et on voit des femmes, des vieillards, des enfants sur les trottoirs.
04:09 La figure, si vous voulez, du clochard de quartier tel qu'on avait pu l'avoir,
04:15 et qui a même marqué la littérature, je pense à Clébert notamment,
04:21 ou le cinéma, Bouddhu Sauvé des Eaux et autres,
04:25 cette figure urbaine est en place de R.A. d'ores et déjà changé.
04:31 - Alors vous évoquez aussi, si on ne peut pas tout évoquer,
04:33 les jardins et l'exhibitionnisme hygiéniste de ceux qui font leur jogging,
04:37 et puis on terminera là-dessus, il y a à côté des êtres humains,
04:41 la foule des animaux, il y avait des loups dans le temps,
04:43 il y avait des chiens, des chats, et puis à Paris notamment, il y a des rats.
04:46 - Oui, on ne dit plus rats, il faut dire surmulot,
04:49 pour ne pas contrarier leur susceptibilité.
04:51 - Paris, 4ème place des villes les plus infestées.
04:53 - Oui, mais ce qui est intéressant, c'est de voir que si on est 4ème dans le classement,
04:58 on a beaucoup moins d'habitants que les autres villes qui sont devant nous.
05:03 Donc on est quand même champion du monde en proportion d'habitants et de rats.
05:09 C'est une cohabitation avec laquelle les Parisiens s'amusent un peu,
05:13 dès lors qu'ils n'ont pas à être confrontés tous les jours à ces animaux assez repoussants.
05:19 Et c'est aussi ça que j'aime souligner dans cette vie en ville,
05:23 c'est que le quotidien est ce qu'il est, il peut être amusant, il n'est pas toujours rigolo,
05:28 on est contrarié et contraint à beaucoup de choses,
05:31 mais un peu de légèreté fait qu'on s'en sort toujours finalement.
05:36 - C'est vraiment un très joli livre, c'est bien décrit, c'est nostalgique parfois, mais pas que.
05:42 Ça analyse très finement ce qu'est la population des villes aujourd'hui.
05:46 C'est paru aux éditions du Serre. Merci beaucoup Jonathan.
05:49 - Merci Anne Filda.
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