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À l'occasion de la diffusion ce jeudi soir sur CNews de son documentaire "Supernova : massacre à la rave party" consacré au massacre du 7 octobre en Israël, Arthur est l'invité de Culture médias.

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Transcription
00:00 Culture Média sur Europe 1, Thomas Hill, ce matin vous recevez l'animateur et producteur Arthur.
00:06 Bonjour Arthur, merci, merci beaucoup d'être en ligne avec nous ce matin.
00:10 Merci à vous.
00:11 Alors vous co-produisez un long reportage sur le massacre du 7 octobre en Israël,
00:15 précisément lors du Nova Festival, un festival de musique qui avait lieu juste à côté de la bande de Gaza,
00:20 où 360 participants ont perdu la vie.
00:23 Le film s'ouvre sur la fête, sur ces jeunes qui dansent au son de la musique électronique,
00:29 et puis des roquettes commencent à pleuvoir sans que ça panique tout le monde d'ailleurs au début.
00:34 Une des rescapés raconte, on connaît ça, on vit dans un pays où ça arrive,
00:38 ils sont habitués au son des bombes Arthur ?
00:41 Oui, surtout dans cette région-là où c'est quasiment leur quotidien,
00:46 régulièrement les terroristes envoient des roquettes sur le pays et pas uniquement en temps de guerre.
00:52 Et donc pour eux, quand c'est arrivé, ils se sont dit de toute façon il y a le dôme de fer qui va nous protéger.
00:57 Et puis il faut savoir que c'était un festival, il y en a pas mal qui étaient un peu, comme on dit, "high" encore,
01:02 c'est-à-dire qui étaient sous drogue, parce que le propre de ces festivals c'est de planer un peu,
01:08 ils ont même cru pour certains que ça faisait partie de la soirée, que c'était de la pyrotechnie.
01:12 C'est vrai que ça faisait partie du show, sauf que là ça ne passe pas, on finit d'ailleurs par dire aux jeunes d'évacuer.
01:17 En fait c'est l'histoire d'une terrible tragédie ce festival Nova, c'est aussi un énorme paradoxe,
01:24 ce sont 3500 jeunes qui font une soirée avec pour thème la paix avec leurs voisins,
01:29 et ce sont les mêmes voisins qui viennent les massacrer.
01:32 C'est ça.
01:32 Et c'est ça qui est complètement fou.
01:34 Et moi je fais partie de l'équipe de production parce qu'en fait ce documentaire a été monté très rapidement,
01:42 et donc dans ces cas-là qu'est-ce qu'on fait ?
01:43 C'est à la base d'Anna Stern, une productrice allemande, qui a lancé le projet,
01:48 et puis pour que ça aille vite on s'est tous retrouvés chez les Manches,
01:51 on s'est appelés, on se connaît tous un peu, et puis on s'est répartis un peu le travail,
01:55 parce qu'il a fallu recueillir à la fois les images, puis les témoignages,
01:59 et enfin les autorisations à la fois des survivants, mais aussi des familles des jeunes gens décédés,
02:04 et puis il y a des otages qui ont été libérés qui sont dans le documentaire.
02:07 Donc voilà, on n'a pas compté ni les heures, ni les voyages,
02:16 où j'ai dû aller une fois par semaine sur place pour travailler sur ce projet,
02:19 parce qu'on considérait peut-être, j'espère à juste éthique, qu'il y avait un devoir de mémoire
02:25 dans cette période où seules les fake news sont reprises sur les réseaux sociaux,
02:29 et il était important de montrer la vérité, il était essentiel de montrer cette vérité,
02:34 même si celle-ci est terrifiante, parce que je pense que vous allez comme nous tous sur les réseaux sociaux,
02:39 et la grande mode est au négationnisme, quel que soit le sujet,
02:43 et là je peux vous dire, on ne l'a pas mis dans le doc, mais moi j'étais à la morgue,
02:48 où il y a encore une centaine de corps qui sont entreposés,
02:51 où il y a des spécialistes qui essaient tous les jours de reconstituer les corps,
02:55 de retrouver les identités, les ADN.
02:57 Pour vous donner un exemple, les corps de certains jeunes de Nova Festival sont tellement abîmés
03:03 qu'on a fait appel, pas moi, mais que les autorités ont fait appel à des archéologues.
03:08 Aujourd'hui on demande à des archéologues d'essayer de retrouver à qui appartient un tel membre
03:13 pour pouvoir reconstituer un corps et prévenir une famille.
03:17 Donc cette douleur-là, comme c'est quand même un festival de jeunes,
03:20 comme il y en a partout dans le monde, on voulait le montrer.
03:24 Alors ce n'est pas du tout gore le documentaire, parce que des images affreuses il y en a beaucoup,
03:28 mais ce sont des témoignages uniques, avec une particularité,
03:32 et qui fait partie aussi du monde dans lequel nous vivons, c'est que les jeunes se filment tout le temps.
03:38 Et nous avons eu accès à leur smartphone, et ils se filment même quand ils sont à deux doigts de la mort,
03:44 je ne vais pas raconter un détail, mais quand ils sont enfermés dans un bunker,
03:48 ou cachés dans des buissons, ils se filment.
03:51 Donc c'est un témoignage bouleversant.
03:53 Ils se filmaient d'ailleurs souvent pour envoyer des vidéos à leurs proches,
03:57 parce qu'ils pensaient qu'ils allaient mourir pour beaucoup.
03:59 Exactement, c'est une forme de testament, j'ai l'impression.
04:02 Et donc ce testament, on s'est dit qu'il fallait le déployer, le montrer au plus grand nombre.
04:10 Vous dites, ce n'est pas gore, il faut préciser que ce film qui sera diffusé ce soir à 21h
04:15 est quand même déconseillé aux moins de 12 ans,
04:17 mais les corps des victimes seront floutés,
04:20 et ça n'en reste pas moins difficile à regarder par moment, mais important,
04:24 parce qu'on met des images, on met des visages aussi sur des événements qui sont souvent réduits à des chiffres,
04:29 des nombres de victimes, et c'est pour ça, j'imagine, que vous vouliez que ces images soient vues par le plus grand nombre, Arthur.
04:35 Oui, puis au-delà de l'image, il y a aussi les témoignages.
04:38 Et c'était ça qui était important, parce que voir une image brute, c'est toujours très violent,
04:42 et elle n'est pas toujours dans son contexte.
04:44 Et là, vous avez des personnes qui vous racontent comment ça s'est passé,
04:48 comment ils sont passés d'un moment de vie en une fraction de seconde à un moment de mort,
04:56 et comment au-delà de la stupéfaction, ils ont survécu à cette attaque terroriste,
05:03 mais c'est documenté à la fois par des images et par leurs témoignages.
05:07 On a même une belle histoire d'amour au milieu de tout ça, si vous avez vu le documentaire.
05:12 Mais c'est poignant.
05:14 Et le témoignage de ce père aussi, ce père qui avait deux enfants sur place,
05:17 et qui a voulu aller les chercher, même si c'était évidemment très dangereux.
05:21 Ces deux enfants étaient faits au point.
05:22 Et qui allait les chercher, et qui a essayé de les retrouver,
05:25 et qui ont été pris en otage et qui ont été libérés lors de la dernière libération.
05:30 On le voit à la fin du documentaire.
05:32 Voilà, c'est quelque chose de poignant.
05:34 Le réalisateur, je trouve qu'il y a beaucoup de pudeur dans la manière dont ça a été réalisé.
05:38 C'est un monsieur qui s'appelle Yossi Bloch,
05:40 qui est entre autres le réalisateur de, je ne sais pas si vous connaissez cette série,
05:43 « The Girl from Oslo » sur Netflix.
05:45 Donc c'est vraiment un travail collégial.
05:48 Le documentaire est en train de faire le tour du monde.
05:51 Il est essentiel que les gens le regardent, que les jeunes le regardent,
05:55 parce qu'on ne peut plus se contenter des images et des fake news.
06:00 « Mais non, ce n'est pas vrai. On en est moins joyé des débats.
06:03 Est-ce que le bébé a été brûlé ou décapité ? »
06:05 On s'en fout, il est mort le bébé.
06:07 Donc c'est ça le plus important.
06:09 C'est l'objectif de ce documentaire, qui est un devoir de mémoire en tout cas.
06:14 - Et alors depuis le début de la guerre en Israël, Arthur,
06:16 vous vous êtes rendu plusieurs fois sur place, vous nous l'avez dit.
06:19 Vous faites du bénévolat, vous aidez, vous filmez aussi.
06:23 Les images que vous filmez, elles serviront peut-être pour produire d'autres choses,
06:26 d'autres documentaires à l'avenir ?
06:28 - Alors, je ne sais pas que vous aites dit « je fais du bénévolat »,
06:32 mais en fait, je travaille avec plusieurs équipes.
06:36 Moi, je fais ce que je sais faire, c'est-à-dire de la production.
06:39 Et on essaie de témoigner de ce qui s'est passé.
06:42 Et donc, nous avons une équipe qui a filmé,
06:46 qui a accompagné les familles d'otages entre le jour où on leur a annoncé
06:50 qu'un proche était enlevé jusqu'au jour de la libération
06:54 et jusqu'au jour parfois de la mauvaise nouvelle.
06:56 Donc pour montrer, parce que je pense qu'il y aura un monde avant et après le 7 octobre.
07:01 Je crois que les gens n'ont pas encore pris cette conscience-là.
07:04 Et qu'il va falloir le documenter.
07:06 Comme aujourd'hui, je suis en contact avec beaucoup d'artistes
07:09 qui ont fait des œuvres autour de ce qui s'est passé le 7 octobre.
07:12 Et l'idée, ça va être de documenter.
07:14 Et documenter d'ailleurs de tous les points de vue,
07:16 pas uniquement du point de vue israélien,
07:17 mais il faudra aussi le documenter du point de vue palestinien.
07:20 - Et alors sur Instagram, vous écrivez que les images déchirantes
07:23 de ces enfants juifs et palestiniens qui meurent vous hantent chaque jour un peu plus.
07:29 Et pourtant votre engagement Arthur, il a un prix,
07:31 puisque vous êtes victime aujourd'hui de menaces de mort.
07:33 Vous vivez sous protection policière.
07:35 C'est pour ça d'ailleurs que vous ne pouvez pas être en studio avec nous ce matin.
07:39 Comment est-ce que vous vivez tout cela ?
07:41 Comment est-ce que vous allez aujourd'hui ?
07:43 - Alors déjà, je ne suis pas sous protection policière.
07:46 Je suis sous protection, mais par une entreprise privée.
07:49 Donc je le précise, parce que même ça on me l'a reproché.
07:53 Et comment je le vis ?
07:55 C'est triste, on s'habitue presque à tout.
08:01 On sort un peu moins le soir, on fait attention,
08:04 mais c'est en train de se calmer, donc là-dessus je ne veux pas trop en parler.
08:08 Mais ce qui est compliqué, c'est de voir cette nouvelle haine que je ne connaissais pas.
08:13 Et cette déferlante qui fait qu'une fois par semaine,
08:17 je vais avec une clé USB au commissariat de police
08:20 donner la liste de tous les gens qui m'ont menacé.
08:22 Alors il y en a de moins en moins, parce que c'est devenu plus compliqué.
08:26 Et puis je crois que tous les haters se sont déjà exprimés.
08:28 Mais bon, ça ne m'empêchera pas de parler et d'être celui que j'ai toujours été,
08:32 parce que moi je suis quelqu'un qui défend toutes les causes.
08:34 Si vous avez regardé mon compte Instagram,
08:38 vous avez vu qu'il y a le tremblement de terre à Marrakech,
08:41 il y a le haut-gardeur en Arménie.
08:44 Je défends toutes les causes.
08:46 Moi c'est peut-être mon problème, je suis un peu trop…
08:50 pas un peu trop, on ne l'est jamais assez d'ailleurs.
08:52 Moi quand on m'appelle pour marcher pour les Ouïghours, je suis là.
08:57 Quand on m'appelle contre l'homophobie,
09:00 pour les femmes en Iran, en Afghanistan, j'ai déjà dit que je suis là.
09:02 Donc là, l'actualité, et qui me touche de près,
09:06 c'est le conflit israélo-palestinien.
09:08 - Est-ce que vous vous sentez encore un peu trop seul dans ce combat,
09:11 comme vous l'avez dit à une époque ?
09:13 - Écoutez, chacun fait ce qu'il veut.
09:15 Vous savez, au début j'étais un peu déçu,
09:18 parce que j'avais l'impression que les gens de notre industrie
09:23 étaient restés très silencieux.
09:25 Et puis après, chacun souffre à sa manière.
09:27 Je sais très bien qu'on a tous eu mal devant les images du 7 octobre.
09:31 Jamais, j'imagine une seconde, que les gens que j'aime
09:33 et qui je travaille tous les jours n'ont pas été choqués.
09:35 Maintenant, chacun exprime sa douleur.
09:37 Moi quand j'ai mal, je crie.
09:39 Et j'ai crié depuis le 7 octobre.
09:41 D'ailleurs j'ai la voix cassée.
09:42 Mais on ne peut pas reprocher à ceux de ne pas avoir crié,
09:45 de ne pas avoir de cœur, ce n'est pas vrai.
09:47 Vous savez, de l'eau a coulé sous les ponts plus que 7 octobre.
09:51 J'ai discuté avec pas mal de gens.
09:53 Une fois de plus, c'est déchirant ce qui se passe.
09:56 Et il faut témoigner.
09:57 Une fois de plus, je précise, il faut témoigner de tous bords.
10:00 Puisque moi, je vous le dis, la souffrance d'un enfant palestinien
10:04 me touche de la même manière que celle d'un enfant juif.
10:06 Donc je ne fais pas de différence.
10:08 Moi, je fais ce que je sais faire.
10:09 Je suis producteur.
10:10 Et j'essaie de documenter.
10:12 C'est vrai que ce documentaire, je pense que vous l'avez vu,
10:14 à la fin de ce documentaire, on se dit
10:16 « Ah ouais, donc l'homme, l'être humain est capable du pire. »
10:20 C'est vraiment un documentaire à avoir.
10:22 Il est diffusé ce soir sur CNews.
10:24 Est-ce que vous l'avez proposé d'ailleurs au groupe TF1
10:26 avec lequel vous travaillez plus régulièrement ?
10:28 Alors écoutez, c'est simple.
10:29 Je l'ai proposé à toutes les chaînes d'info
10:32 qui ont été toutes d'ailleurs intéressées.
10:35 Mais je voulais que ça passe très rapidement.
10:38 Et les plus rapides en tout cas à la diffusion
10:40 étaient le groupe Canal.
10:42 Mais tout le monde était intéressé par le documentaire.
10:44 Qui n'est pas intéressé par un documentaire comme celui-ci ?
10:47 C'est tellement poignant, criant de vérité.
10:50 Il y a une douleur qui transpire à l'écran.
10:52 Et j'ai contacté les trois.
10:56 Et les trois m'ont dit oui.
10:58 Le premier qui m'a dit « Je voudrais le diffuser très rapidement. »
11:00 Il n'y a pas eu de compétition.
11:02 Encore moins sur un sujet comme celui-ci, vous l'imaginez bien.
11:05 Rendez-vous donc ce soir sur CNews à 21h
11:08 au cours d'une soirée spéciale animée par Olivier Benkemoun.
11:11 Merci beaucoup. Merci à vous tous.
11:13 Je précise une chose, pardon encore une fois.
11:15 L'une des conditions pour diffuser ce documentaire,
11:17 c'est qu'il y a un débat autour du...
11:20 Ce qui s'est passé, il y aura un débat dans la foulée.
11:23 C'était une des conditions pour diffuser ce documentaire.
11:26 Je vous remercie.
11:27 C'est vrai que je n'ai pas l'habitude de parler
11:29 de choses un peu plus tragiques et difficiles.
11:32 Je suis plutôt dans l'entertainment.
11:34 Mais ce travail était pour moi essentiel.
11:37 Et je suis ravi que vous ayez parlé.
11:39 On aura l'occasion de se reparler prochainement
11:41 d'autres choses plus divertissantes.
11:44 Exactement.
11:45 Merci à vous.
11:46 Hélas et heureusement, la vie continue.
11:48 Bien sûr. On vous souhaite de belles fêtes.
11:50 Merci à vous.

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