Ce mois-ci le Journal de la Défense vous propose un document inédit. Le déroulé d'une opération qui a permis d'évacuer du Soudan en avril 2023, près d'un millier de ressortissants dont 700 étrangers de 80 nationalités différentes. Plongez dans les coulisses de l'opération Sagittaire, des premières heures de la crise dans ce pays plongé dans le chaos, au dénouement final. Pilotes, médecin, commando, ambassadrice de France ; les principaux témoins racontent cette mission à hauts risques. Un récit haletant avec des images rares.
Immersion au sein des forces armées.
Au travers d'images réalisées au plus près des entraînements comme en opérations, Le Journal de la Défense pose chaque mois un autre regard sur l'actualité des armées pour mieux appréhender et comprendre l'univers de la Défense.
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NewsTranscription
00:00 ...
00:10 -C'est une histoire qui finit bien.
00:12 Le récit d'une opération qui a permis d'évacuer
00:15 d'un pays plongé dans le chaos, près d'un millier de ressortissants,
00:19 dont 700 étrangers de 80 nationalités différentes.
00:22 Pour la raconter, nous avons rencontré
00:25 celles et ceux qui ont eu un rôle clé dans ce sauvetage,
00:29 un document inédit dans lequel ils reviennent sur ces 15 jours
00:32 où l'audace a su répondre à l'urgence.
00:35 ...
00:38 Coup de feu
00:40 En avril 2023, des affrontements éclatent au Soudan
00:43 entre les forces armées soudanaises
00:45 et les paramilitaires des forces de soutien rapide.
00:48 Après deux guerres civiles, le troisième plus grand pays africain
00:52 est une nouvelle fois fragilisé.
00:53 Rapidement, la capitale Khartoum est coupée de tout.
00:57 Le début d'une longue angoisse.
00:59 -Quand la guerre a commencé, c'était un samedi matin,
01:02 donc j'étais à la résidence, puisque c'était un jour de week-end.
01:06 Il était 9h20 du matin, à peu près,
01:08 quand je reçois un appel de l'un de mes collègues de l'ambassade.
01:12 "La guerre vient de commencer, Mme l'ambassadeur."
01:15 Je n'en croyais pas.
01:16 -Le samedi soir, le général Bouhité,
01:18 qui commande les forces françaises stationnées à Djibouti,
01:22 les FFDJ, convoque l'ensemble de ses grands subordonnés
01:25 pour donner une appréciation de situation
01:27 sur ce qui se passe au Soudan.
01:29 On y apprend que des combats violents font rage
01:33 depuis le début de la journée d'Ankartoum,
01:36 que nos ressortissants,
01:38 qu'on estime à peu près à 250, 300,
01:42 se retrouvent au milieu de ces combats.
01:44 -Tout ce qu'on savait,
01:48 c'était que les RSF,
01:51 les Rapid Support Forces du général Hebeti,
01:54 le vice-président soudanais,
01:55 et les forces armées soudanaises se tiraient dessus.
01:59 On avait constaté, quelques jours avant,
02:01 une intensification des tensions entre les deux hommes.
02:04 Mais de là à s'imaginer que ce ton qui montait entre les deux
02:07 allait déboucher sur des fusillades et des bombardements
02:11 dès le premier jour, comme ça, le samedi 15 avril, non.
02:14 -Moi, j'étais restreinte, donc, au CPCO,
02:18 assez calme, le samedi, il y a quand même moins de monde.
02:22 Là, on a une première alerte avec des combats qui commencent.
02:25 On met en oeuvre toute la chaîne de décision
02:28 et de planification telle qu'elle est conçue.
02:32 On éclenche la cellule de crise dans la foulée,
02:34 dès le dimanche matin.
02:36 On prend contact avec le théâtre
02:37 et on envoie nos éléments de liaison
02:40 vers le MEAE,
02:42 le ministère de la Transition étrangère et de l'Europe,
02:45 au sein du CDCS, pour réaliser
02:47 les premières réunions de consultation avec eux.
02:51 Au centre de crise, nous sommes en permanence d'astreinte.
02:54 On a une équipe de 13 agents d'astreinte toutes les semaines
02:57 qui doit être en capacité d'activer une cellule de crise en une heure.
03:01 C'est ce qu'on fait le 17 avril.
03:03 À ce moment-là, nous rejoignent d'autres agents très vite.
03:06 L'ouverture d'une cellule de crise,
03:08 ça veut dire, très concrètement,
03:10 qu'on commence à contacter l'ensemble de nos concitoyens
03:14 via mail, via SMS, via messagerie instantanée,
03:18 pour leur demander de nous dire s'ils sont bien au Soudan,
03:22 s'ils vont bien, combien ils sont,
03:24 s'ils ont des stocks, des vivres, de l'eau,
03:27 pour qu'on puisse avoir une cartographie assez précise
03:30 de combien de ressortissants on a effectivement sur place
03:33 et de combien on va avoir à en évacuer.
03:36 J'étais responsable de l'échelon national d'urgence du CPA10,
03:41 qui comprend deux groupes actions,
03:44 plus des éléments de renfort, qui sont d'alerte à 6h,
03:47 et contre-terrorisme et libération d'otages.
03:50 Mardi matin, je suis tranquillement en train de me réveiller vers 10h,
03:54 vu que je vais passer la nuit à travailler,
03:56 et je reçois un coup de téléphone de mon escadron qui me dit
04:00 "Tu ne vas peut-être pas faire l'exercice,
04:02 "mais partir sur une alerte."
04:04 Je demande quelques précisions sur la température à prévoir,
04:07 histoire de faire une valise en conséquence.
04:09 Je sais juste qu'on nous demande
04:11 à quelle heure au plus tôt on peut décoller.
04:14 En réfléchissant, on annonce qu'à 17h,
04:17 heure locale France, on peut partir d'Orléans
04:20 pour la destination qu'on nous donnera.
04:23 Donc là, on me dit soit Djibouti,
04:26 soit Khartoum,
04:28 soit en direct, soit en passant par l'Orient
04:30 pour récupérer les commandos marines du COS.
04:33 Je reçois un coup de téléphone vers 20h
04:36 en me disant si j'étais disponible
04:38 pour partir en mission potentiellement le soir même,
04:41 parce qu'une action se déclenchait sans plus de précision.
04:45 Une demi-heure après, le téléphone ressonne
04:47 en disant qu'une mission se déclenche
04:50 avec le module de chirurgie vitale.
04:52 On apprend qu'on ne va pas rejoindre la zone d'action directement,
04:55 mais qu'on va générer l'ensemble de la force sur Djibouti
04:59 et que ça nous servira de base arrière pour effectuer notre opération.
05:03 On a projeté dans les tous premiers jours
05:07 des premiers éléments de renfort
05:10 au sein de l'état-major de Djibouti,
05:13 et puis un certain nombre de capacités particulières,
05:16 de transports, ainsi que de l'attachement
05:18 du commandant des opérations spéciales
05:20 pour réaliser une opération d'extraction de force
05:23 de nos ressortissants, avec un renfort du GIGN
05:26 pour la protection de l'ambassadrice et de l'ambassade.
05:29 Ils sont partis depuis la base ARN d'Orléans-Brécy,
05:34 trois avions A400M et un avion Hercule,
05:38 qui se sont étalés pour ce qui est des départs
05:41 sur une période de 48 à 72 heures.
05:43 D'ailleurs, le général Boïté annonce que le 18,
05:54 les forces françaises stationnées à Djibouti sont en opération.
05:58 À ce moment-là, on ne sait pas exactement
06:01 quel mode d'action va être choisi.
06:02 Est-ce qu'on va y aller par les airs, par la mer,
06:05 par la route ?
06:07 Voilà, donc on prépare tous les cas de figure.
06:11 Et donc, on a franchi Suez le 18 avril.
06:13 Et le 19 avril, on est dans le golfe de Suez,
06:16 en sortie du canal.
06:17 Là, la frégate reçoit la directive
06:20 de rallier rapidement les approches des côtes soudanaises
06:24 pour, dans un premier temps, effectuer du recueil de renseignements
06:27 et puis se tenir paré à toute éventualité.
06:29 Au niveau opératif et tactique,
06:32 évidemment, on a plein d'options qui sont envisagées
06:36 et qui, des fois, malheureusement, s'entrechoquent
06:38 avec la réalité stratégique.
06:40 Il y a des partenaires, il y a des enjeux de territoire,
06:44 de souveraineté, il y a des luttes d'influence
06:47 qui, des fois, peuvent mettre à mal la planification.
06:51 C'est le jeu des opérations.
06:53 C'est donc le président de la République
06:55 qui décide de déclencher l'évacuation
06:57 sur la base des informations que nous lui faisons remonter
07:01 via nos ministres respectifs
07:04 et le chef d'état-major des armées,
07:05 ainsi que le chef d'état-major particulier.
07:08 Un volet aérien est privilégié
07:10 parce que la ville de Khartoum est à 800 km des côtes.
07:12 Donc, il est évident qu'il est plus aisé
07:14 d'aller évacuer les personnes par voie aérienne.
07:17 Malgré tout, côté maritime,
07:19 la Lorraine est prépositionnée et se tient paré au cas où.
07:25 On a étudié, au niveau géographique,
07:27 toutes les options qu'il pourrait y avoir d'aéroport
07:31 autre que celui de Khartoum,
07:33 puisque, très rapidement, c'est un aéroport qui a une piste
07:34 qui va faire à peu près 2 500 m.
07:36 Au fur et à mesure des combats, la voie va se réduire à 1 800, 1 200,
07:39 puis devenir complètement inopérationnelle,
07:40 puisqu'il y a des obus qui sont en permanence dessus.
07:42 On a trouvé assez rapidement, au nord-ouest de Khartoum,
07:46 une base aérienne de l'armée soudanaise.
07:50 Le cas s'est impliqué
07:55 parce que les ressortissants ne seront pas rassemblés
07:57 directement sur l'aéroport,
07:59 mais qu'il va falloir aller les chercher en ville
08:01 à différents points de rassemblement.
08:04 Je serai probablement l'avion qui va ouvrir le terrain
08:09 pour être sûr de le sécuriser avec des éléments du COS
08:12 avant que d'autres avions fassent une noria de réservaques.
08:15 Et le reste de la partie réservaques
08:18 sera réellement géré par la partie conventionnelle,
08:21 que ce soit les avions ou l'armée de terre,
08:23 qui est plus spécialisée dans le tri
08:25 et le rassemblement de tous les ressortissants.
08:27 Je vais partir avec un détachement d'environ 150 personnes,
08:33 un petit PC tactique pour conduire l'opération à mes côtés.
08:37 Je vais avoir des marsouins de la première compagnie,
08:40 avec leur capitaine à leur tête,
08:42 qui vont être en charge principalement
08:44 de la partie sécurisation.
08:46 Je vais avoir un détachement du groupement de soutien
08:50 des forces françaises stationnées à Djibouti,
08:51 dont la mission va être véritablement
08:54 l'accueil des ressortissants, leur filtrage,
08:57 l'organisation un peu administrative de leur évacuation,
09:02 avec le renfort de deux personnes
09:04 du centre de crise et de soutien du Quai d'Orsay,
09:07 sur la partie interministérielle et gestion des ressortissants.
09:11 Je vais avoir également une équipe d'aviatrices et d'aviateurs
09:14 de la base aérienne 188 de Djibouti,
09:17 en charge de la coordination aérienne
09:19 et en charge de toute la partie escale
09:21 et gestion logistique, parking des avions.
09:24 Bien évidemment, un gros détachement santé,
09:27 y compris un module de chirurgie vitale.
09:31 Une de nos premières craintes, c'était notamment
09:32 d'avoir des ressortissants qui soient isolés,
09:35 bloqués chez eux, qui soient tués ou blessés.
09:38 Ça a été une crainte permanente.
09:40 Ça, plus le fait d'avoir un avion abattu en l'air,
09:43 par exemple, au poser ou au décollage,
09:45 les risques ont été très importants.
09:48 Je pense au commandant d'or qui a posé le premier C-130
09:53 en pleine nuit sur un terrain
09:56 dont on ne savait absolument pas comment on serait accueilli.
09:59 Ça a été vraiment des risques qui ont été très importants.
10:03 40, 50 km avant d'approcher de l'aéroport,
10:06 on se prépare pour la phase de descente.
10:08 On commence à réellement observer le sol
10:10 avec des conflits qui sont finalement
10:12 beaucoup plus denses que ce à quoi on s'attendait.
10:13 On était réellement sur une guerre civile
10:15 avec deux forces en présence qui combattaient jour et nuit.
10:19 C'était assez impressionnant, mais comme c'était très silencieux,
10:22 on voyait la guerre sans l'entendre.
10:25 On s'est ensuite donc rapproché de l'aéroport
10:28 et pour la première fois, j'ai eu un contrôleur,
10:30 puisque c'était un contrôleur militaire,
10:31 qui était très surpris d'avoir quelqu'un en fréquence.
10:34 Il avait été informé, mais je pense qu'il était convaincu
10:36 qu'on ne viendrait pas.
10:38 Et donc, sa remarque a juste été,
10:41 "On m'a demandé de vous autoriser à atterrir.
10:43 "Je vous le déconseille.
10:45 "Plus personne ne pose, c'est dangereux."
10:48 Et donc, à partir de ce moment-là, on est passé en autonomie.
10:51 On a sorti notre caméra
10:52 et on a survolé pendant 15 à 30 minutes l'aéroport.
10:56 Le but était, un, d'évaluer s'il y avait une menace,
10:59 donc d'essayer de voir les groupes armés qu'il y avait,
11:01 si on était encore sur de la force du pays ou sur la force rebelle,
11:05 mais aussi principalement de vérifier l'état de la piste.
11:08 Relativement vite, en 15, 20 minutes,
11:09 on confirme que la piste est accessible,
11:12 que le parking est accessible et que nous sommes attendus.
11:15 Un certain nombre de pick-up, le long de la piste,
11:18 sont clairement en train d'attendre notre atterrissage.
11:21 "Pour le moment, on est en sécurité."
11:23 "On est en sécurité."
11:24 "On est en sécurité."
11:25 "On est en sécurité."
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14:15 ...
14:18 -Ce qui m'a beaucoup frappée, quand j'ai été exfiltrée,
14:21 c'était que sur 30 km, à peu près,
14:23 c'est un trajet qui se fait en voiture
14:26 pendant 25, 30, 40 minutes, pas plus, jusqu'à la base.
14:30 Là, on a mis presque deux heures,
14:33 à cause des "checkpoints".
14:35 Et donc, vous avez des gens armés, bien sûr,
14:38 des combattants armés, des soldats,
14:40 enfin, lourdement armés.
14:42 Vous vous sentez bien, qu'il y a une frénésie,
14:46 une sorte de nervosité ?
14:47 ...
14:58 -Une fois que l'ambassadrice de France
15:01 est récupérée et ramenée sur la plateforme,
15:04 je prends la tête d'un convoi motorisé.
15:10 Ma mission, c'est de rallier l'ambassade française.
15:14 Donc là, c'est le deuxième convoi
15:16 qui partira de la plateforme.
15:18 On n'arrive pas à avoir d'escorte.
15:20 On lance quand même le convoi.
15:22 On est 32, on est huit véhicules.
15:24 Et malgré tout, on est la cible à chaque "checkpoint",
15:28 des volontés, des sautes d'humeur
15:31 de jeunes, de moins jeunes,
15:34 qui sont dans un état de nerfs vraiment très avancé.
15:37 On se fait braquer à tous les "checkpoints".
15:39 Je rends compte à ma hiérarchie que je franchis le Nil
15:42 et que la prochaine étape, c'est l'ambassade française.
15:46 En parallèle, j'ai des copains de la marine
15:48 qui ont choisi un autre itinéraire
15:50 et qui sont déjà arrivés à l'ambassade.
15:53 Et eux commencent l'extraction d'une partie des ressortissants
15:58 et les premiers convois entre l'ambassade française
16:01 et la plateforme qui est au nord.
16:03 Et eux reçoivent aussi des tirs sur leur trajet retour,
16:07 donc ils ne peuvent pas m'aider.
16:09 Ils sont en train de gérer des bus, des volumes de Français,
16:12 et en fait, je suis tout seul.
16:14 Donc...
16:16 Là, on s'engage sur le pont.
16:18 On arrive à la moitié, là, on sait prendre la partie.
16:22 On a des...
16:24 Il y a des gerbes de balles
16:27 qui ricochent sur le bitume.
16:30 Assez rapidement, mon véhicule prend un tir sur le capot.
16:34 Et quand on redescend de ce pont,
16:37 on contourne l'aérodrome, l'aéroport international de Khartoum.
16:41 Là, on est à 3 ou 4 km de l'ambassade.
16:44 Je fais accélérer franchement le convoi.
16:46 On roule à 70, 80 km/h.
16:49 On essaie de sortir pour appliquer des feux,
16:51 mais franchement, ça va vite.
16:53 Et là, j'entends...
16:56 5, 10 secondes après, j'entends un blessé, un blessé.
16:59 J'envoie 3 véhicules directement sur le blessé.
17:04 Et moi, je me tiens à 50 mètres
17:07 pour essayer d'avoir une appréciation correcte
17:09 de ce qui est en train de se jouer.
17:12 Là, il y a des mecs qui veulent nous tuer.
17:15 Donc, on a cette info-là qu'il y a un militaire blessé.
17:19 On sait que c'est par balles
17:20 et potentiellement au niveau du thorax et de l'abdomen.
17:23 Donc, on sait que c'est d'emblée une blessure grave
17:25 et qu'on s'attend déjà, nous,
17:27 à devoir le prendre en charge au bloc opératoire.
17:29 Donc, à partir de ce moment-là, on met tout en place
17:32 pour pouvoir l'accueillir le plus rapidement possible.
17:35 On sait ce qu'on a à faire, ça s'organise très rapidement.
17:37 Mon adjoint a déjà récupéré le médecin et l'infirmier.
17:41 Ils sont déjà en train de travailler sur le blessé à la stabilisation.
17:45 Là, quand on a un peu de temps,
17:46 tous les gens qui sont qualifiés dans le domaine médical,
17:49 ils vont se rendre disponibles auprès du binôme santé.
17:53 Les autres essaient de prendre des initiatives,
17:55 c'est-à-dire de regarder avec quel véhicule on va pouvoir repartir,
17:58 quel véhicule est encore en état de repartir.
18:00 Quand on l'a récupéré, il était stabilisé par l'équipe sur place.
18:04 Et après ce premier check,
18:06 on voyait qu'il n'y avait potentiellement pas d'atteinte
18:08 au niveau thoracique, mais au niveau abdominal,
18:11 qu'il y avait un risque d'atteinte abdominale qu'on ne voyait pas bien,
18:13 que l'échographie n'était pas très concluante.
18:16 Donc, là, on a décidé, du coup, de lui faire une chirurgie abdominale
18:20 pour aller arrêter le saignement.
18:23 À dix minutes du posé,
18:24 je me souviens qu'on a reçu un appel à ce moment-là.
18:28 Qui a un petit peu compliqué la mission,
18:31 puisqu'il s'agissait, cette fois-ci,
18:32 non pas seulement d'évacuer des ressortissants,
18:36 mais on nous a parlé d'un blessé au combat, en stade A.
18:41 Comme c'est un militaire, nous, on doit tout faire
18:42 pour qu'il puisse garder ses aptitudes ultérieures.
18:47 Donc, voilà, il ne faut pas trop qu'on en fasse,
18:49 mais il faut qu'on arrive à faire de quoi traiter ces lésions,
18:53 notamment hémorragiques, sachant qu'en aval,
18:55 il sera évacué rapidement vers des structures chirurgicales,
18:58 que ce soit Djibouti et plus tard vers la métropole.
19:01 Je ne dirais pas que ça rajoute un stress,
19:03 mais à ce moment-là, pour être tout à fait honnête,
19:06 il y a un regain de motivation et de concentration
19:09 pour aller au bout.
19:10 Il va falloir sortir des ressortissants
19:13 qui sont, pour beaucoup, complètement désespérés,
19:19 et potentiellement sauver la vie d'un frère d'armes.
19:21 Finalement, on n'a pas eu à attendre beaucoup de temps après la chirurgie,
19:24 puisque l'avion s'est posé une quinzaine, vingtaine de minutes
19:27 après qu'on ait fini l'opération.
19:29 C'est sûr que si le module n'avait pas été mis sur place,
19:32 l'intervention aurait été trop tardive.
19:35 On sait que c'était le bon choix,
19:37 et puis, pour le coup, ça a révélé extrêmement utile,
19:41 puisque c'est ce qui a permis de sauver la vie
19:43 de notre camarade qui avait été blessé.
19:44 Sur le tarmac, une fois qu'on a contrôlé nos armes,
19:47 qu'on a soufflé un coup, qu'on a mangé, qu'on a débriefé,
19:51 en fait, il y a une mission qui nous attend, c'est les ressortissants.
19:55 On est venus pour ça, en fait.
19:57 Donc, on se remobilise, on va voir les opérateurs,
20:00 on leur demande comment ça va,
20:02 et là, on comprend que, rapidement, il y a un convoi,
20:05 on va dire un peu plus lourd,
20:07 qui va recevoir la mission de rejoindre l'ambassade,
20:11 et là, ce coup-ci, on va réussir.
20:14 On est arrivés dans la nuit du samedi au dimanche,
20:16 et on va repartir dans la nuit du lundi au mardi,
20:20 avec l'ensemble du détachement,
20:22 et je vais, malgré tout, laisser sur place
20:24 mon chef opération avec une toute petite équipe,
20:27 avec une mission particulière,
20:30 ça va être, justement, de faciliter
20:32 la coordination de l'opération générale d'évacuation
20:37 qu'on va confier au partenaire allemand,
20:40 d'établir une transition entre les Soudanais et les Allemands
20:45 avec mon chef opération,
20:47 également de nous assurer qu'il n'y ait pas de ressortissants français
20:51 qui arrivent de manière un petit peu isolée
20:53 ou qui n'étaient pas forcément dans le scope
20:55 des autorités consulaires.
20:58 – On a, dans ces 48 heures, 10 combattants restent à peu près,
21:02 et on évacue à peu près 600 ressortissants,
21:05 donc nos 200 Français tels qu'ils étaient prévus,
21:08 et puis, en fait, tous nos alliés européens,
21:11 et il n'y a plus que quatre nationalités qui sont représentées,
21:14 un certain nombre d'autres nations qui se présentent
21:17 et que l'EME fait embarquer dans les avions en direction de Djibouti.
21:20 – Je connaissais Djibouti, mais je n'avais jamais été là,
21:23 c'est très impressionnant, naturellement.
21:25 Une profonde reconnaissance également aux autorités djiboutiennes
21:28 de nous permettre d'avoir une base logistique aussi importante.
21:31 J'ai été accueillie par ma collègue,
21:33 ma collègue et amie Dana Poukareskou,
21:35 elle m'a accueillie sur le tarmac avec le général Boïté,
21:39 qui m'a régulièrement tenue au courant,
21:42 qui a été vraiment très très proche, d'une très grande humanité.
21:47 – On pourrait avoir cette image, et c'est certainement ce qu'on imagine,
21:51 ce qu'on souhaite assez bizarrement avant la mission,
21:53 de se dire qu'on va faire quelque chose
21:55 pour lequel on va être potentiellement récompensé.
21:59 Humainement parlant, on va avoir des regards de gratitude,
22:02 et en fait, ce n'est pas du tout ça, et c'est encore plus fort.
22:04 Et c'est simplement des regards de relâchement, d'apaisement,
22:10 quand les gens descendent de l'avion,
22:12 où on se rend compte que pour eux, le calvaire est terminé.
22:15 – Mais les militaires étaient vraiment très calmes, chacun était à sa tâche.
22:20 Moi, je leur tire mon chapeau, parce que c'est vraiment quelque chose.
22:24 On sent les très grands professionnels,
22:27 et ils savent gérer des gens qui sont peut-être un petit peu fatigués,
22:31 psychologiquement, etc., ils savent les gérer également.
22:35 – Et il faut bien imaginer que certains arrivent sans bagage,
22:40 sans rien, ils ont juste eu le temps de prendre le strict nécessaire,
22:43 pas forcément de change.
22:45 Et à Djibouti, bien évidemment, l'ensemble des militaires des FFDJ
22:50 vont organiser leur accueil,
22:53 faciliter leur départ vers la France ou leur pays de repli.
22:58 Mais il n'y a pas que les militaires, il y a également toutes nos familles,
23:01 qui elles aussi sont bien évidemment sur place,
23:05 et il va y avoir un élan très naturel, de générosité,
23:10 d'aide.
23:10 [Musique]
23:16 – On va essayer au maximum de permettre à nos ressortissants
23:19 de sortir en sécurité, et si on peut en prendre d'autres,
23:22 on va le faire.
23:23 Donc on a une obligation de moyens, c'est une obligation qui est la nôtre,
23:28 c'est vraiment la grandeur de la France de faire ça,
23:31 si je puis le dire en mots peut-être un peu grandiloquents,
23:34 mais qui révèle vraiment la manière dont se font les choses,
23:37 c'est-à-dire que le ministère des Armées,
23:40 le ministère des Affaires étrangères, nos autorités,
23:42 si on peut le faire, on va le faire.
23:44 Donc là, il se trouve qu'il y avait effectivement
23:46 la frégate La Lorraine qui était mobilisable.
23:48 – Le Soudan est un pays où il y avait depuis un certain nombre d'années,
23:52 quasiment une vingtaine d'années, plus d'escalade de bateaux français.
23:55 Donc dans un premier temps, on a cherché à récupérer des cartes à jour
24:00 pour naviguer en sécurité jusqu'aux quais.
24:05 Ensuite, on a envoyé une reconnaissance nautique pour vérifier deux aspects.
24:10 Un aspect sécuritaire, évaluer la situation sécuritaire du port
24:15 et de ses approches, voir si on pouvait s'accoster sans subir une attaque.
24:24 Et deuxième aspect, également vérifier la qualité du quai
24:30 et vérifier les sondes, c'est-à-dire vérifier qu'il y a assez de profondeur
24:34 pour que le bateau puisse s'accoster dans cette zone.
24:37 Nous avions proposé 400 places pour évacuer les personnes sur un convoi de 1200.
24:43 Et donc le choix qui a été fait par les officiers de sécurité des Nations Unies
24:46 était de nous envoyer évidemment les personnes les plus vulnérables,
24:48 les plus fragiles, les plus fatiguées.
24:50 Embarquer une centaine d'enfants, c'est quelque chose d'assez inédit.
24:53 Quand on s'entraîne, en général, on a toujours un ou deux enfants,
24:56 une ou deux personnes âgées.
24:57 Et là, c'était le cœur, quasiment un quart des personnes embarquées étaient des enfants.
25:01 Puis le volume de personnes est également assez inédit,
25:03 on n'avait pas d'expérience sur le frégate multimission.
25:06 C'est la première fois que l'on procédait à une évacuation avec ce type de bateau.
25:09 Une fois que nous avons appareillé de Port-Soudan,
25:14 nous avons fait route vers l'Arabie Saoudite,
25:18 donc on traverse la Mer Rouge.
25:19 C'est une navigation qui dure 8-10 heures à vitesse maximum.
25:24 Nous allons appareiller dans la nuit vers 11h30
25:27 pour arriver le lendemain matin à Jeddah, en Arabie Saoudite.
25:31 Bye bye.
25:32 On va récupérer un autre convoi de terrestres de l'ONU
25:38 qui essaie de sortir par l'ouest du pays,
25:41 qui est bloqué dans la ville d'El Fachar.
25:42 On était donc, cette fois-ci, deux A400M,
25:46 un C-130 du Poitou,
25:49 avec une manœuvre d'infiltration
25:53 qui a été assez similaire à celle de Khartoum,
25:57 avec un C-130 du Poitou qui pose en premier,
26:01 qui nous donne le feu vert pour intervenir.
26:06 Une heure pour que le CPA10 prenne en compte tous les personnels de l'ONU,
26:10 qui, cette fois-ci, devaient rejoindre l'aéroport en autonomie.
26:13 C'était un peu le contrat.
26:15 Et une fois que tous les personnels étaient bien triés
26:17 et pris en compte par le CPA10,
26:19 un A400M posait pour les récupérer.
26:21 On parlait à ce moment-là d'une centaine de passagers.
26:24 C'est une grande satisfaction,
26:26 quand on est fonctionnaire et qu'on travaille pour l'État,
26:29 de voir ce que les agents et les services peuvent faire
26:32 quand ils sont vraiment en symbiose
26:34 et tous motivés par le même objectif.
26:37 Et on a vu toute l'efficacité du travail qu'on fait au quotidien
26:41 avec les ambassades, avec nos homologues,
26:43 avec nos partenaires à l'étranger, pour se coordonner.
26:46 C'est vraiment un moment de réconciliation.
26:49 C'est un moment de réconciliation
26:51 avec nos partenaires à l'étranger pour se coordonner.
26:54 Le vrai point fort de cette manœuvre,
26:56 je pense que c'était la situation de nos forces prépositionnées.
27:00 D'avoir sur place un état-major opératif qui connaît la zone,
27:04 qui a fait des connexions et des liens avec des acteurs sur place
27:08 et qui a une véritable capacité de commandement,
27:10 ça nous a fait gagner plusieurs jours.
27:12 Je retiens ces maisons.
27:14 Ce sont des zones qui n'ont pas forcément besoin d'être commandées,
27:17 qui auraient pu se passer de moi ce jour-là,
27:19 et qui ont fait un travail incroyable.
27:21 Ce que je retiens, c'est ces sourires à l'aéroport.
27:25 Et malgré tout, une fois qu'on a ouvert les portes du bus
27:27 ou qu'on a ouvert les portes de notre voiture,
27:29 on leur souhaite bon vent et on ne les revoit jamais.
27:32 Sous-titrage ST' 501
27:34 ...