Eric de Riedmatten reçoit chaque week-end un invité dans #LHebdoDeLEco pour approfondir un sujet économique.
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00:00 À quelques jours de Noël, on va parler d'un fonds philanthropique peu connu et pourtant d'un genre complètement nouveau.
00:06 C'est le bien commun, le fonds du bien commun.
00:10 Merci d'être avec nous, Alban Durostu.
00:12 Vous êtes un ancien des grands cabinets conseils et vous avez pris la décision, disons, de tout lâcher pour aller vers le social, la philanthropie.
00:20 Comment prend-on une telle décision ?
00:22 Merci de me recevoir.
00:23 Donc Alban Durostu, j'ai 33 ans, j'ai commencé ma carrière en fusion-acquisition et ensuite, j'ai travaillé dans les cabinets de
00:29 conseil en stratégie et puis arrive un moment, au tournant de la trentaine, où on se pose la question du pourquoi, quel est le sens que je
00:35 veux donner à ma carrière et ma volonté, mon désir, était de pouvoir aligner ce que je sais faire et ce que j'ai envie de faire et en particulier,
00:41 ce qu'il y a envie de voir pour notre pays.
00:43 C'est-à-dire qu'on lâche une position confortable où on est bien payé pour aller vers, pas du bénévolat, mais en tout cas, une activité moins rémunératrice.
00:51 Alors le fonds du bien commun, ce n'est pas une ONG.
00:53 On soutient des associations, mais on soutient aussi des entreprises et on crée nous-mêmes des entreprises.
00:57 On en crée une dizaine par an.
00:59 Notre idée, c'est de pouvoir allier les modèles entrepreneuriaux, les modèles d'investissement et les modèles associatifs dans le but de répondre à
01:07 quelques-uns des plus grands enjeux de société, notamment l'éducation, notamment la culture, le patrimoine.
01:11 Mais on va en parler.
01:12 On appelle ça un fonds philanthropique, mais d'un genre nouveau, c'est-à-dire qu'il y a un caractère business derrière tout ça.
01:18 Exactement. Notre inspiration, c'est les modèles américains, par exemple la fondation Gates, qui a réussi à avoir un impact assez extraordinaire sur
01:25 certaines problématiques, notamment de santé en Afrique.
01:28 Et donc, on veut agir de la même manière en agissant aux côtés de tous ceux qui agissent pour un monde meilleur, pour le bien commun, que ce soit des
01:35 entreprises ou des associations.
01:37 Vous savez, moi, à mon avis, dans dix ans, il n'y aura plus les associations d'un côté et les entreprises de l'autre côté.
01:42 Il n'y aura plus d'entreprises qui pourraient lever des fonds, attirer des talents, si elle est là uniquement pour gagner de l'argent.
01:47 Puis de l'autre côté, les associations aussi ont un enjeu de pérennité sur le long terme.
01:51 Les dons stagnent.
01:52 En fait, même ils baissent au-delà de la période de l'Ukraine.
01:55 Et donc, il nous faut inventer un modèle intermédiaire, un modèle qui allie à la fois l'impact entrepreneurial et l'impact social.
02:02 On le voit avec les fonds de dotation, on voit avec les fondations actionnaires, etc.
02:05 Et c'est vraiment dans cette intersection que nous nous plaçons avec le Fonds du Bien commun.
02:10 Donc, c'est vraiment de la gestion de fonds, de capitaux, de dons que vous recevez.
02:14 Il faut faire les bons choix, ne pas se tromper.
02:16 Exactement.
02:16 La conviction, c'est de penser qu'on peut traiter les sujets d'éducation, les sujets de culture de façon aussi professionnelle que tous ces sujets d'investissement
02:24 qui ont transformé nos vies, les réseaux sociaux, maintenant l'intelligence artificielle, etc.
02:28 Cela, on le fait en appliquant certaines méthodes.
02:30 C'est les méthodes qui sont inspirées de l'investissement.
02:33 C'est les méthodes qui sont inspirées de l'entreprenariat.
02:35 Donc, très concrètement, nous, on soutient des associations et des entreprises de leur passage à l'échelle,
02:40 dans le moment où vraiment leur impact peut être multiplié par 10, par 100.
02:43 Et ça veut dire que vous avez quitté quand même un grand cabinet où on est bien payé pour aller vers ce fonds, en fin de compte.
02:50 Il y a des risques personnels, il y a un engagement.
02:52 Qu'est-ce qui explique cette démarche ?
02:53 Écoutez, moi, j'ai eu la chance tout au long de ma jeunesse, de mes études, d'avoir un certain nombre d'engagements,
02:59 notamment auprès des gens de la rue.
03:01 J'ai créé, dirigé des accueils de nuit pour des sans-abri.
03:04 Et à un moment, je me suis rendu compte qu'il était peut-être temps aussi de pouvoir y passer 100 % de ma journée.
03:10 Vous savez, j'avais l'impression d'être toute la journée à travailler pour des grandes entreprises.
03:13 Et j'étais très heureux de pouvoir les aider à se transformer, à se digitaliser, etc.
03:19 Et je gardais pour le soir mes engagements personnels.
03:21 Mais je pense que l'urgence dans notre pays est telle qu'il faut pouvoir allier, quand on le peut,
03:26 ce qu'on sait faire et ce qu'on a envie de faire.
03:29 Vous voulez dire c'est donner du sens à sa vie, donner du sens à son travail ?
03:32 Beaucoup de jeunes, d'ailleurs, recherchent cette quête de sens.
03:35 Bien sûr, les sondages le montrent.
03:36 Entre 50 et 90 % en fonction de la classe d'âge des personnes sont à la recherche de sens dans leur travail.
03:41 Mais cette professionnalisation du philanthropisme, si l'on peut dire, du social,
03:46 ça veut dire que la France fait mal son travail.
03:48 Elle distribue quand même 800 milliards de prestations sociales chaque année.
03:52 C'est un tiers du PIB.
03:54 Ce n'est pas suffisant ?
03:56 800 milliards, vous l'avez dit.
03:58 La philanthropie, les dons des Français, 7,5 milliards. 1 % de ça.
04:02 Donc ça veut dire que l'argent distribué par l'État est mal distribué et mal fléché.
04:07 Ce n'est pas ce que je dis.
04:07 Ce que je dis, c'est que l'argent de la philanthropie est une goutte d'eau par rapport aux grandes dépenses publiques.
04:12 Et on n'appelle pas à plus de dépenses publiques.
04:14 Au contraire.
04:14 Je comprends ce que vous dites.
04:15 Mais ça veut dire que vous, à la tête d'un fonds de gestion de l'État, ça marcherait mieux ?
04:20 Non, je pense qu'en fait, il y a un rôle particulier pour la philanthropie.
04:23 C'est le rôle d'aller aux avant-postes, d'aller sur des sujets sur lesquels l'État ne peut pas aller.
04:28 Je pense que l'État a réussi sur ses grandes missions régaliennes.
04:32 Mais malgré tout, on voit 14 % de pauvreté.
04:34 50 000 personnes qui dorment aujourd'hui dans la rue à Paris.
04:37 Donc on se rend compte que la réponse publique avec 54 % de prélèvements sociaux ne peut pas.
04:41 On ne peut pas attendre uniquement l'État.
04:43 Je précise que votre patron derrière le Fonds commun, il a tout abandonné aussi.
04:48 Il a même légué sa fortune, il faut le préciser.
04:50 C'est lui qui a créé le Fonds du bien commun ?
04:52 Oui, c'est un cas exceptionnel.
04:54 Le premier en France s'appelle Pierre-Edouard Steyrin.
04:56 C'est le fondateur des Smartbox, qui ensuite est un investisseur à grand succès,
04:59 qui a accumulé plus d'un milliard de capital et qui a décidé de donner 100 % de ce capital professionnel
05:05 à des associations, à des entreprises à impact via le Fonds de dotation du bien commun.
05:10 Toute proportion gardée, on n'est pas loin de ce qu'a fait Rockefeller ou Bill Gates, par exemple.
05:14 Exactement, il y a des magnifiques exemples aux États-Unis.
05:17 Mais aujourd'hui, la philanthropie en France est à un tournant
05:19 et elle a l'opportunité, par les modèles américains notamment, mais pas uniquement,
05:23 je pense qu'il y a une voie française à pouvoir inventer sur ces sujets-là,
05:26 d'avoir également un impact très fort aux côtés de l'État.
05:29 Le Fonds du bien commun, c'est son nom.
05:32 Et vous êtes le directeur associé, je précise, à le banc du Rostu.
05:37 Merci d'être venu sur ces news.
05:38 Merci d'être resté avec nous.
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