La conception d'un médicament est un processus complexe s'étalant souvent sur plusieurs, voire des dizaines d'années. Ce parcours implique l'identification des composants, des molécules et des mécanismes d'action, mais également le développement clinique accompagné de phases de tests rigoureusement encadrées par des protocoles stricts. L'enjeu majeur pour les groupes pharmaceutiques réside dans la nécessité d'anticiper de manière précoce une innovation qui ne sera introduite sur le marché que dix ans plus tard.
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00:00 La deuxième partie avec Stéphane Bazoche.
00:06 Salut Stéphane, associé Deloitte en charge de la practice santé.
00:09 Tu voulais faire un focus autour de l'ARD, toujours dans ce cadre de l'accès aux médicaments.
00:14 Oui, je voulais parler de l'ARD parce que je pense que c'est un élément fondamental
00:17 de cette notion d'accès aux médicaments.
00:19 D'abord, peut-être quelques mots sur comment ça se passe l'ARD du médicament parce que
00:24 ce n'est pas quelque chose de complètement évident.
00:25 L'ARD c'est Recherche et Développement et effectivement dans l'ARD du médicament,
00:30 il y a la partie recherche.
00:31 La recherche c'est l'identification des cibles, des mécanismes d'action, des composants,
00:38 des molécules qui vont pouvoir avoir un impact sur les maladies.
00:42 Et puis il y a le développement, le développement clinique pendant lequel on teste le produit
00:48 sur l'homme.
00:49 Tout ça c'est un processus qui prend des années, 10 ans, 15 ans, qui coûte beaucoup
00:55 d'argent et qui est extrêmement normé.
00:57 Quelle que soit la molécule, d'une certaine manière, ces 10 ans, 15 ans de développement,
01:05 tu ne peux pas accélérer les choses aujourd'hui.
01:08 Enfin je vais te dire très franchement Stéphane, c'est un truc que j'apprends et à l'heure
01:12 de l'accélération généralisée de tous les processus que l'on connaît, ça me paraît
01:15 dingue.
01:16 L'industrie y travaille pour justement essayer de compresser ce timing et faire en sorte que
01:22 l'action arrive plus vite aux patients.
01:24 Mais ce qui est sûr c'est qu'aujourd'hui quand tu fais un développement clinique,
01:28 tu dois passer à travers un certain nombre d'étapes.
01:30 Des études cliniques chez l'homme, études de phase 1, études de phase 2, études de
01:36 phase 3, qui sont des études où tu testes la sécurité du médicament, c'est important,
01:41 puis par la suite tu testes l'efficacité.
01:44 Chez de plus en plus de patients, au début quelques dizaines, et en études de phase
01:49 3 plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de patients, et en études de phase 3, tu
01:55 vas effectivement tester l'efficacité du produit, sa sécurité, les effets secondaires
02:00 et être capable de comparer avec les traitements existants.
02:03 Donc tu dois passer à travers ce processus.
02:06 Quels sont les choix décisifs qu'il faut faire dans ce processus pour justement servir
02:13 ce propos d'accès aux médicaments vers les pays en voie de développement ?
02:15 Effectivement, c'est le point clé.
02:17 Parce que quand tu progresses dans ce développement clinique, tu fais des choix.
02:22 Tu fais des choix qui vont avoir un impact absolument structurant sur le succès de ton
02:28 développement clinique, mais aussi sur le potentiel commercial du médicament et sur
02:32 ton impact sociétal.
02:33 Et donc l'accès du produit pour les populations des pays en voie de développement et sa pertinence
02:41 pour ces populations.
02:42 Et typiquement, tu fais des choix comme le choix de la maladie que tu vas traiter, comme
02:47 le choix du mode d'administration du médicament, donc oral, injection, inhalateur.
02:52 Ça, tu dois y penser au départ ?
02:54 Tu commences à y penser.
02:56 En tout cas très tôt.
02:57 Jessica nous disait qu'il faut y penser très tôt en fait, au mode d'administration
03:00 du médicament.
03:01 Tu y penses très tôt.
03:02 Et puis il y a d'autres choix.
03:03 Tu en as évoqué tout à l'heure.
03:05 Il y a le choix des populations que tu inclues dans tes études cliniques.
03:09 Ça peut être effectivement des groupes ethniques ou des classes d'âge par exemple.
03:13 Et puis il y a le choix aussi de là où tu fais tes études cliniques.
03:16 Dans quel pays ? Et est-ce que tu fais des études cliniques dans des centres qui sont
03:20 des centres avec des gros moyens, beaucoup de ressources, beaucoup d'équipements ? Ou
03:24 des centres qui ont peut-être moins d'équipements, moins de ressources, mais qui reflètent un
03:28 petit peu mieux ce qui va se passer en vie réelle, notamment dans les pays en voie de
03:31 développement ?
03:32 C'est ça.
03:33 Donc tu dois d'une certaine manière faire des efforts dès la phase de recherche-développement
03:38 pour arriver au but de ce que tu t'es fixé, c'est-à-dire amener ces médicaments au plus
03:43 grand monde.
03:44 Tu fais des efforts et tu fais des choix.
03:46 Et ces choix, tu dois les faire en connaissance de cause.
03:48 Donne-moi un exemple que je trouve frappant sur l'oncologie, donc sur la lutte contre
03:52 le cancer.
03:53 Oui.
03:54 Alors effectivement, tu as la question du choix de la maladie que tu adresses.
03:58 Et le choix de la maladie, il peut se faire à plusieurs niveaux.
04:01 Il peut se faire très en amont au niveau de la recherche.
04:03 Ça peut être un choix très clair sur "je veux investir, dépenser de l'argent pour
04:09 adresser des maladies qui sont des maladies spécifiques pour les pays en voie de développement".
04:14 Ce que fait Sanofi par exemple avec un certain nombre de ces vaccins là où très clairement
04:18 on sait à qui ça s'adresse.
04:19 Oui, où Vanina évoquait la maladie du sommeil par exemple.
04:22 Ça peut être aussi la malaria, ça peut être la tuberculose, ça peut être la dengue.
04:27 Donc il peut y avoir des choix très clairs sur "je veux adresser ces maladies qui sont
04:32 très souvent des maladies infectieuses spécifiques aux pays en voie de développement".
04:36 Donc ça, ça se fait très tôt.
04:38 Ça se fait vraiment au niveau de la stratégie de R&D.
04:41 Après, de plus en plus, il y a des aires thérapeutiques.
04:45 L'oncologie en fait partie, le cancer en fait partie, où tu peux adresser plusieurs
04:52 types de maladies possibles avec une seule classe de médicaments.
04:56 Typiquement, en immunologie, c'est intéressant, je vais arriver à ta question sur l'oncologie,
05:03 en immunologie, tu as de plus en plus des produits qui peuvent être efficaces sur plusieurs
05:09 cinq, dix, voire quinze maladies différentes.
05:12 Donc là, à un moment, il faut choisir, il faut prioriser, il faut séquencer.
05:16 En oncologie, c'est un petit peu pareil.
05:19 Tu peux avoir des mécanismes d'action qui peuvent être utiles sur plusieurs types de
05:24 cancers.
05:25 Et là, je te pose la même question.
05:26 Sur quel type de cancer est-ce que je vais intervenir ?
05:28 Absolument.
05:29 Je vais développer mon produit et dépenser beaucoup d'argent parce que, effectivement,
05:32 ça coûte très cher.
05:33 Et donc ?
05:34 Et donc, ce que tu me disais, c'est si tu veux élargir l'accès de ton médicament,
05:42 il faut que tu ailles sur des cancers qui sont massivement présents dans ces pays en
05:48 voie de développement et peut-être moins sur des cancers de pays riches qui sont un
05:52 petit peu plus rares.
05:53 Alors, il y a des cancers qui ont une très, très forte incidence à la fois dans les
06:01 pays riches et les pays en voie de développement.
06:02 Mais c'est vrai qu'il y a des cancers qu'on va retrouver spécifiquement, en tout cas,
06:07 tout en haut de la liste, dans certains pays en voie de développement.
06:10 Le cancer du col de l'utérus, par exemple, ou le cancer de l'estomac, le cancer du foie,
06:14 dans certains pays, sont numéro un en termes de décès liés à des cancers.
06:19 Alors que ce n'est pas le cas dans des pays développés, des pays riches, comme les US
06:23 ou l'Europe.
06:24 Et c'est là qu'il faut faire des choix structurels, importants, qui portent ensuite, sur plusieurs
06:30 années, comme tu nous l'as dit, la stratégie du laboratoire.
06:33 Il faut faire des choix et surtout, il faut que ce soit des choix éclairés par une compréhension
06:39 des besoins, qui ne soit pas uniquement centrée sur les patients des pays riches, mais aussi
06:45 une compréhension des besoins des patients dans ces pays en voie de développement.
06:48 Merci Stéphane et merci à vous de nous avoir suivis pour ce numéro de Smart Care en partenariat
06:55 avec Deloitte.
06:56 Et on se retrouve très bientôt.