Depuis les années 70, la France fait face à un cycle de désindustrialisation. La reconquête du Made in France se fait petit à petit et de manière territoriale. Produire à l'échelle nationale et rester compétitif est un défi, mais en innovant, les entreprises gardent leur place sur le marché. La céramique du groupe Kramer est, ici, l'exemple d'une réussite française depuis plus de 40 ans.
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00:00 L'invité de Smart Impact c'est Tristan Rodrigues, bonjour.
00:09 Bonjour.
00:10 Bienvenue, vous êtes le vice-président du groupe Kramer qui faisait partie des 124
00:14 entreprises choisies pour participer à la grande exposition du Made in France qui était
00:18 organisée à l'Élysée, c'était au mois de juillet dernier, bravo.
00:21 Merci.
00:22 C'était quoi, une forme de consécration, vous l'avez ressenti comme ça ?
00:23 Tout à fait, de valorisation aussi de savoir-faire de la part de, enfin de savoir-faire de nos
00:27 équipes puisque, comment dirais-je, on a un savoir-faire qui est assez large sur la robinetterie
00:31 et la céramique et le fait d'avoir été sélectionné par la présidence de la République
00:35 pour ce bel événement, c'était effectivement une source, enfin comment dirais-je, une forme
00:40 de consécration pour nous.
00:41 Comment, quel produit vous avez exposé quand vous vous êtes dit "Waouh, on est à l'Élysée,
00:46 c'est la première, peut-être la dernière fois", qu'est-ce que vous avez essayé de
00:48 montrer ?
00:49 Bah écoutez, vous aviez de tout, de la boîte de sardines jusqu'au vélo en passant par
00:52 le bateau, beaucoup de choses, beaucoup de savoir-faire.
00:54 C'était vraiment tout ce qu'on produit en France.
00:55 Tout à fait, nous on a présenté effectivement un ensemble de robinetterie et de céramique
01:00 qui valorise nos savoir-faire dans cette industrie.
01:03 Produire en France, c'est le thème principal on va dire de cette interview.
01:09 En quoi c'est un défi aujourd'hui ?
01:11 Un défi puisque, comment dirais-je, un défi qui ne date pas d'hier puisque, comment dirais-je,
01:17 ça fait depuis les années 70 qu'on subit une sorte de cycle de désindustrialisation
01:22 de la France.
01:23 C'est quand même plus de 2,5 millions d'emplois qui ont été supprimés depuis les années
01:26 70 et, comment dirais-je, les entreprises françaises que nous représentons n'ont pas
01:30 attendu le Covid, si vous voulez, pour produire en France et essayer d'innover, pour essayer
01:34 d'être le plus compétitif sur nos marchés.
01:36 Mais une entreprise comme la vôtre, elle pourrait produire plus loin, beaucoup plus
01:42 loin ? Ça lui coûterait beaucoup moins cher ?
01:44 Bien sûr, on peut avoir cette logique-là.
01:47 Il est impossible de se passer de production par exemple asiatique à 100%, mais on essaye
01:54 au maximum de fabriquer en France et c'est ce qu'on prouve au quotidien qu'on peut
01:57 fabriquer en France et être productif en France et surtout compétitif.
02:00 Pour un groupe comme le vôtre, Kramer, ce qui vient de justement, comme vous dites,
02:05 il y a certains produits qu'on ne peut pas produire en France, c'est ça ?
02:07 Bien sûr, ça ne va que par le problème de prix, si vous voulez, puisque la tarification
02:13 en vigueur sur nos marchés ne peut pas faire du 100% made in France.
02:18 Vous êtes à quel pourcentage aujourd'hui ? Aujourd'hui, on affirme du 90 et plus.
02:21 C'est notre fierté.
02:22 C'est pas loin.
02:23 Et justement d'être compétitif sur nos marchés avec ce taux-là.
02:27 Réindustrialisation, c'est vraiment l'objectif affiché depuis plusieurs années et accéléré
02:33 on va dire après à la fois la crise Covid et la guerre en Ukraine, l'invasion de l'Ukraine
02:39 par la Russie, avec évidemment une importance du soutien de l'État, du soutien des collectivités
02:45 locales.
02:46 Ça passe par quoi pour vous ? Des subventions, des aides à l'investissement, des réglementations
02:53 simplifiées ? Qu'est-ce qui vous semble important ?
02:55 Je pense que ce qui est le plus important dans le sujet de la réindustrialisation de
02:58 la France, c'est vraiment partir des territoires.
03:00 Qu'est-ce que c'est ? C'est que nos entreprises françaises doivent tisser un lien, un maillage
03:05 industriel et économique autour de leur savoir-faire.
03:08 Je dis souvent que les sociétés doivent sortir un petit peu de leur mur et puis aller tisser
03:12 des liens politiques avec les organismes économiques de leur territoire et ensuite de créer des
03:18 écosystèmes au niveau national qui permettent justement de connecter l'ensemble de ces
03:22 écosystèmes et de ces entreprises pour essayer justement d'avoir un maillage le plus fin
03:26 possible sur la France.
03:29 Alors si on parle, vous dites que le plus important c'est l'enjeu territorial.
03:34 On va prendre un autre exemple.
03:36 Vous êtes basé où et quel lien vous avez tissé justement dans le territoire ?
03:39 Monsieur, alors nous le groupe Kramer, on est sur une part grand est de la France puisqu'on
03:43 a deux marques aujourd'hui qui sont Kramer et Horus, renforcées par trois sites de production
03:49 que un est dans la Meuse, notre site historique.
03:52 Un deuxième à Aubernais qui représente notre marque Horus qui est l'appellisée entreprise
03:56 du patrimoine vivant, d'ailleurs qui a été une des sociétés sélectionnées pour participer
04:01 à l'événement de l'Elysée et la troisième qui est l'usine historique, ex-usine historique
04:07 de Jacob Delafond que nous avons sauvée justement de la fermeture il y a peu, depuis 2021 exactement.
04:12 Donc on est présent vraiment sur la partie serre-mécanique.
04:14 Donc grand est.
04:15 Alors ça veut dire quoi concrètement ? La région, les départements vous aident ? Vous
04:19 voyez quand vous dites on doit tisser un écosystème, ça passe par quoi ?
04:23 Je vais vous donner un exemple concret.
04:24 Je vous dis, on préambule, enfin juste avant qu'on a sauvé une société qui était menacée
04:30 de fermeture, qui est l'ex-usine, le site historique de Jacob Delafond, Jura, et on
04:34 a prouvé que bien sûr on était porteur d'un projet, donc cette usine pour la petite histoire
04:38 fabrique de la céramique sanitaire, un savoir-faire ancestral qui date de 1899 tout de même,
04:43 donc il y a plus de cinq générations sur site.
04:46 Voilà où on a posé le contexte et qu'est-ce qu'on a réussi à faire ? C'est qu'on a
04:49 été porteur d'un projet pour sauver cette entreprise et lui permettre d'évoluer encore
04:56 dans le marché.
04:57 On a pu à la fois renforcer nos liens avec la région, puisque la région nous a aidés,
05:05 on a prouvé qu'on a pu mettre autour de la table la région, les pouvoirs publics, politiques,
05:10 les syndicats, la CFECGC en la personne de François Oméril que je salue, jusqu'au plus
05:16 haut sommet de l'État, puisque les salariés avaient informé de la fermeture à l'époque,
05:20 le premier ministre de l'époque qui était Jean Castex, et jusqu'au président de la
05:24 République, pour montrer qu'il est possible en partant des territoires de mettre tout
05:27 le monde autour de la table pour pouvoir justement formaliser des projets industriels.
05:31 Qu'est-ce qui vous manque encore pour lutter à armes égales contre des concurrents étrangers
05:35 ?
05:36 Je pense que c'est de prendre conscience aussi au niveau environnemental.
05:38 Alors la RSE est un superbe sujet, on parle de FDES aussi, qui permet aussi d'avoir
05:44 un passeport écologique de nos produits et de les mettre face à la concurrence étrangère
05:51 où effectivement il y a de la concurrence.
05:54 Il y a moins d'exigences en l'infra-tier.
05:55 Il y a beaucoup moins d'exigences et pour avoir visité des usines pas très loin de
05:59 l'Europe, je peux vous assurer qu'il y a certains salariés qui travaillent en tongs,
06:02 qui ont des conditions de travail très compliquées, des salaires très bas.
06:06 Et en fait l'idée c'est de pouvoir prendre conscience de ça, d'avoir beaucoup de transparence
06:10 sur les produits et de permettre justement au client final de faire son propre choix.
06:15 Est-ce qu'on peut lier les deux ? Je disais réindustrialisation, décarbonation.
06:19 La réindustrialisation c'est un levier de RSE aussi ?
06:23 Bien sûr, alors c'est sûr que si on se base, si on se dit on veut la même industrie
06:27 que dans les années 70, c'est perdu d'avance.
06:29 Si on construit une nouvelle usine, ce n'est pas pour les faire pareil.
06:31 C'est très compliqué, mais au contraire je pense que les sociétés françaises, et
06:35 on a la chance d'en représenter sur le marché sanitaire et sur le marché de la céramique
06:41 et robinetterie, on est capable de prouver qu'il est également possible de proposer
06:45 des produits à faible émission de carbone et avec des solutions toujours plus innovantes
06:49 en termes de fabrication pour pouvoir justement…
06:52 On peut donner des exemples.
06:54 Comment vous avez fait améliorer le bilan carbone de vos entreprises, de votre groupe ?
06:59 Ça passe déjà par le processus de fabrication, dans l'éco-responsabilité même du produit
07:03 et l'éco-conception de nos produits.
07:05 Il faut savoir que par exemple, je donne l'exemple de la jurassienne de céramique,
07:09 où nous fabriquons notre céramique, savoir que tous les produits sont…
07:12 Par exemple quand nous faisons nos moules en plâtre, les moules en plâtre sont récupérés
07:16 après utilisation au bout de X utilisations.
07:18 On est capable de récupérer également les rebuts, remettre ce rebut justement dans
07:23 la matière première qui nous permet de construire, de reproposer des produits neufs à nos clients.
07:29 Donc vous avez mis de la circularité dans votre processus.
07:31 C'est l'économie circulaire, c'est ça.
07:32 Et jusqu'à, même sur de la robinetterie, on accompagne tout le processus de fabrication
07:38 et la vie du produit jusqu'à remettre en état des produits qui ont 10 ans d'existence
07:45 et qui sont sur le marché, qu'on arrive à remettre en état avec les pièces détachées,
07:48 du traitement de surface, etc.
07:49 On lit souvent des engagements zéro plastique aussi.
07:52 Oui, tout à fait.
07:53 Je ne sais pas si vous êtes aussi dans cet engagement-là, mais qu'est-ce que ça veut
07:55 dire pour une entreprise comme la vôtre ?
07:57 Le zéro plastique, c'est une composante, si vous voulez, une toute petite composante
08:01 de notre action RSE, mais effectivement, on essaye de réduire au maximum notre émission
08:05 carbone.
08:06 C'est quoi ? Sur les emballages par exemple ?
08:08 Les emballages, les emballages de pièces détachées, effectivement.
08:11 Même le packaging aujourd'hui a son rôle à jouer en termes d'éco-responsabilité.
08:16 Quand on parle d'éco-conception des produits, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que tous
08:23 les nouveaux produits que vous sortez, ils passent forcément par ce crible-là, par
08:27 ce tamis-là ?
08:28 Bien sûr.
08:29 Et puis, vous avez aussi l'aspect normatif qui est extrêmement important.
08:31 Vous parliez tout à l'heure des FDES qui est le passeport environnemental du produit
08:36 que nous mettons à disposition.
08:38 Et c'est une transparence.
08:39 Si vous voulez, toute cette démarche doit reposer sur la transparence et sur le parcours
08:46 et le cycle de vie justement du produit.
08:48 Vous travaillez aussi sur la logistique, la chaîne d'approvisionnement ?
08:51 Bien sûr, tout à fait.
08:52 Alors, comment vous avez amélioré le billet en carbone de cette logistique ?
08:56 Déjà, sur la partie céramique, on est totalement autonome.
08:59 C'est-à-dire qu'on reçoit notre kaolin, notre feldspat et nos matières premières
09:03 et tout est réalisé sur site.
09:05 Donc, on recherche l'autonomie totale sur nos sites de production.
09:07 Ça, c'est un premier point.
09:08 Bien sûr, les sites, nos sous-traitants sont forcément au minimum européen.
09:12 C'est-à-dire qu'on essaie bien sûr d'être en France, mais on a aussi l'industrie qu'on mérite
09:15 et on est obligé parfois d'aller en Italie, en Espagne, au Portugal pour pouvoir continuer
09:20 à proposer certains produits spécifiques.
09:23 Donc voilà, aujourd'hui, le groupe affiche un bilan carbone de moins de 10 000 tonnes de CO2.
09:30 Au niveau global, c'est moins de 10 000 tonnes de CO2 émises par…
09:37 Et ça veut dire que ça, vous l'avez nettement amélioré depuis…
09:42 Alors, je ne sais pas si vous aviez une année de référence, mais cet empilement-là d'actions de décarbonation,
09:50 vous étiez à quoi ? 15 000 par an, 20 000 par an ?
09:52 Écoutez, en 2021, on a baissé notre émission de CO2 de 2 000 tonnes de CO2 par an.
09:59 Donc, c'est déjà… C'est en moyenne 2 000 tonnes de CO2 par an.
10:02 On essaye bien sûr d'arriver à la neutralité carbone avec un maximum d'énergie
10:06 et nos salariés, nos employés qui ont un savoir-faire extraordinaire
10:09 et qui sont des techniciens à repère, justement, pour étudier ces questions.
10:12 Merci beaucoup, Tristan Rodrigues.
10:14 À bientôt sur Bismarck.
10:15 On passe à notre débat.
10:17 Les entreprises s'engagent.