A chaque étape de nos existences, les voix des comédiens et comédiennes doubleurs de films, séries et dessins-animés nous ont bercé, alors que nous serions bien incapables de les reconnaître dans la rue... Nous recevons ce soir celle qui prête depuis des années sa voix à Julia Roberts !
Retrouvez "La question qui" de Maïa Mazaurette sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
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AmusantTranscription
00:00 La question de Maya aujourd'hui c'est ? C'est quoi la voix d'une génération ?
00:03 Alors évidemment, Marine et moi on a une opinion mais franchement elle ne mérite pas
00:06 d'être exprimée sauf en commentaire sur Twitter.
00:08 Et puis surtout elle mérite d'être étoffée.
00:11 C'est ébugnant.
00:12 C'est pourquoi je me tourne vers Maya, la voix des femmes rousses expertes en sexo.
00:17 C'est un petit échantillon.
00:18 C'est déjà ça.
00:19 C'est la question de Maya Masorette.
00:21 Je vous ai compris ! Alors l'énergie, elle vient du Québec.
00:32 Finalement j'en doute pas.
00:33 J'aime pas la démagogie donc...
00:40 Ah ouais.
00:41 C'est que la jeunesse désespère.
00:46 Je n'ai jamais été déçue.
00:47 Elle ne croit plus en la politique française.
00:48 Yo tout le monde, c'est Squeezie.
00:49 C'est quoi la voix d'une génération ? Cette question donne le vertige.
00:58 Penser à la voix des générations passées, forcément, c'est réaliser l'ampleur de
01:01 ce qui a disparu.
01:02 Alors bien sûr, quand le passé est proche, c'est différent.
01:04 Ma mère me dit que la voix de sa génération, c'est Daniel Cohn-Bendit.
01:07 Pour mes grands-parents, j'imagine la voix du général de Gaulle.
01:09 Pour mes arrière-grands-parents, je pense à Edith Piaf.
01:12 Mais si je devais remonter encore plus loin dans le temps, je serais complètement perdue.
01:15 Il y a un siècle, en 1923, j'imagine que les gens parlaient fort, j'imagine qu'il
01:19 y avait des accents régineux qui ont disparu.
01:20 Mais c'est tout.
01:21 D'ailleurs, même au niveau de l'environnement sonore, je suis larguée.
01:23 Sur les enregistrements du Paris de l'époque, je crois entendre le bruit des sabots et des
01:27 usines.
01:28 J'ai retrouvé les mélodies du violon.
01:29 Mais ça ne me raconte pas vraiment la bande-son.
01:31 À quoi ressemblaient les grandes voix de la France ? Victor Hugo, Marie-Antoinette,
01:35 Charlemagne, on ne sait pas.
01:36 Par contre, je remarque une chose.
01:37 La voix d'une génération vient soit de la politique, soit de la culture.
01:40 C'est-à-dire soit de la vie réelle, soit de la vie imaginaire.
01:43 Il y a des générations dont on se souviendra pour l'histoire et d'autres dont on se
01:46 souviendra pour leur rêve.
01:48 Question.
01:49 Qui incarnera la voix de ma génération ? Ça peut être Kurt Cobain, mais ça peut
01:52 être Koolchain, c'est peut-être Houellebecq, mais c'est peut-être Marlène Schiappa.
01:55 L'histoire fera le tri.
01:56 Et là, je réalise un truc terrible.
01:57 Quand une génération trouve sa voix, c'est sans doute qu'elle a passé le flambeau.
02:01 Et du coup, quand ma mère me parle de Daniel Cohn-Bendit, elle me dit en creux que l'histoire
02:05 de la génération X est encore en train de s'écrire et que j'ai intérêt à me
02:08 réveiller tout le matin pour faire des trucs cools, histoire de pas être trop sévèrement
02:11 jugée par les générations qui viennent.
02:12 Et d'ailleurs, tenez, c'est quoi la voix des générations futures ? Bizarrement, je
02:18 la trouve plus facile à imaginer que celle des générations passées.
02:21 Dans un siècle, la voix de nos petits petits petits enfants, ce sera probablement celle
02:24 d'une personne qui n'existe pas.
02:26 Une voix numériquement créée pour être agréable à toutes les oreilles et capable
02:29 de nous convaincre d'acheter n'importe quoi.
02:30 Oui, j'imagine qu'il y aura encore du capitalisme en 2008.
02:32 Mais t'es optimiste que presque.
02:33 123.
02:34 Oui, tout à fait.
02:35 Et que qu'il en soit, ces générations des futures ne devraient pas être aussi perdues
02:37 que moi devant l'ampleur d'un passé littéralement inaudible.
02:40 Grâce aux enregistrements qu'on laisse renaître partout, nos voix devraient nous
02:44 survivre.
02:45 Et pas seulement les voix des puissants, celles de tout le monde.
02:47 Alors je ne dis pas ça pour vous encourager à laisser des vocaux interminables à vos
02:50 amis, parce que si vous faites ça, vous êtes une mauvaise personne et point barre.
02:53 Mais mine de rien, ma génération sera peut-être celle qui pour la première fois ne perdra
02:57 aucune voix.
02:58 On n'en aura pas une, mais des millions, des milliards.
03:00 Je reconnais bien là ma très chère génération X, incapable, absolument incapable de faire
03:04 bloc.
03:05 Mais attachée à cette idée importante, chaque voix compte.
03:08 Et Maya, aujourd'hui pour tes cordes vocales, tu reçois Céline Monsard.
03:11 Bonjour Céline Monsard.
03:12 Bonjour mesdames.
03:13 Vous avez doublé des voix qu'on connaît par cœur.
03:16 Julia Roberts dans Pretty Woman et plein d'autres films, Marie Ingalls dans La Petite Maison
03:20 dans La Prairie, Bulma dans Dragon Ball.
03:22 Les plus jeunes vous reconnaîtront aussi dans la voix de la…
03:25 Arrêtez, arrêtez.
03:26 Je trompe faite.
03:27 C'est bon que la je trompe faite avec nous.
03:29 Et aussi Dory du Monde de Némo.
03:30 Est-ce qu'il arrive qu'on vous reconnaisse quand vous ouvrez la bouche dans un magasin ?
03:33 Oui.
03:34 À la caisse des magasins on me dit « c'est normal que je reconnaisse votre voix ? ». Alors
03:38 je dis « bah normal, je ne sais pas mais oui peut-être ».
03:42 C'est vrai qu'on a l'impression de parler avec Julia Roberts.
03:44 Mais c'est vous.
03:45 Et c'est moi.
03:47 Comment vous êtes devenue Julia Roberts ? Comment vous êtes devenue doubluse ?
03:50 Comment je suis venue au doublage ? C'est un peu une histoire de famille.
03:55 Je suis arrivée à Paris, je venais de province.
03:57 Je suis arrivée à Paris, j'avais un oncle et une tante qui avaient une société de distribution
04:02 de films et ils avaient un département doublage.
04:04 Je me suis essayée à la chose.
04:06 J'avais fait un conservatoire en province et je voulais être comédienne bien sûr.
04:09 Et puis voilà.
04:11 Je me suis essayée à l'exercice.
04:14 L'exercice m'a plu et j'ai continué.
04:18 Parallèlement à ça j'étais en tournée théâtrale et j'ai continué.
04:22 Dans un interview vous avez dit qu'en fait pouvoir utiliser seulement sa voix c'est
04:27 pouvoir dépasser son physique et pouvoir jouer plein d'autres personnages potentiellement.
04:30 Bien sûr.
04:31 C'est vrai que j'ai eu la chance d'incarner, de doubler énormément de personnages que
04:36 je n'aurais pas pu tourner ni même jouer au théâtre parce qu'un physique est réducteur.
04:40 Enfin bon, vous avez un physique.
04:42 Surtout à une époque où tout à coup il fallait avoir vraiment le physique de l'emploi
04:46 et particulièrement en France.
04:48 Donc oui, ça m'a apporté plein de choses.
04:50 J'ai doublé… ne serait-ce que de doubler un poisson bleu.
04:53 Je ne vais pas donner à tout le monde.
04:56 Est-ce que vous incarnez une forme de patrimoine de la France ?
05:00 Oui, parce que tout le monde vous connaît.
05:01 Oh là là !
05:02 On a rêvé avec vous quand même.
05:05 Non, je sais que je vais parfois dans des conventions, vous savez les salons, manga,
05:12 jeux vidéo et c'est vrai que je vois des gens qui ont des étoiles plein les yeux,
05:18 qui me regardent comme si j'étais une espèce de doudou.
05:20 C'est mon cas actuellement.
05:22 C'est vrai ?
05:23 Oui, mais pour moi vraiment je suis trop contente de vous parler.
05:26 J'adore.
05:27 Je suis attachée à vous alors que je ne vous connais pas.
05:30 Je trouve ça formidable.
05:31 Oui, c'est magnifique.
05:32 Et donc c'est vrai que là, tout d'un coup, on se rend compte, je dis « on » parce
05:35 que mes camarades sont dans le même cas que moi, on se rend compte qu'en effet, on a
05:40 été des espèces de nounous, d'enfants qui…
05:44 Qui vous sont rentrés dans vos têtes.
05:45 Complètement, qui sont restés devant la télé pendant des heures, ce qui n'est
05:49 pas toujours bien.
05:50 Et c'est assez formidable et c'est très touchant.
05:55 Là, vous avez mentionné par exemple les salons du manga et c'est vrai que la voix
05:58 de notre génération, c'est aussi celle des mangas.
06:00 Est-ce qu'il y a une voix spécifique propre au dessin animé ?
06:02 Vous pouvez répéter votre question ?
06:06 Est-ce que faire une voix de dessin animé, c'est très différent de faire une voix
06:10 de film ou de série ?
06:11 Il y a plus de liberté.
06:12 Bien sûr, il y a plus de liberté.
06:13 Alors bien sûr, moi j'ai fait de la création de voix, c'est-à-dire que vous avez un
06:17 storyboard, vous avez les dessins et puis à vous d'imaginer une voix.
06:20 Mais par exemple, pour ce qui concerne Dory, Anastasia, Bulma dans Dragon Ball, il y avait
06:26 un… enfin, les dessins animés japonais, à l'époque, on était quand même très
06:31 libre de faire un petit peu ce qu'on voulait.
06:32 Les choses ont changé parce que là, actuellement, quand on reprend la série, on a un superviseur
06:38 qui parle couramment japonais, ce qui ne nous arrange pas du tout.
06:41 Et donc voilà, on est un peu moins libre.
06:45 Mais c'est vrai qu'il y a beaucoup plus de liberté.
06:47 Vous permettez des choses qu'on ne se permettrait pas sur des humains.
06:51 Mais il donne quoi comme indication ? Il faudrait une voix un peu espiègle ?
06:54 Mais non, c'est pas du tout ce qu'elle dit en japonais.
06:56 Oui, mais on se moque ! Complètement, on a l'énergie du truc.
07:01 Mais quand vous faites Dory, par exemple, il vous donne des indications de voix ?
07:05 Vous avez l'original, bien sûr, et là, pour le cas de Dory, c'était Hélène de
07:11 Généresse qui était tout à fait formidable en original.
07:13 Et bien sûr que j'ai essayé de la trahir, d'être aussi crédible qu'elle, d'avoir
07:23 autant de fantaisie qu'elle pouvait en avoir sur sa création de voix.
07:29 Mais il y a une liberté beaucoup plus grande, bien sûr, quand vous doublez Julia Roberts,
07:34 vous essayez de l'abîmer, entre guillemets, le moins possible.
07:38 Parce que le doublage, c'est une trahison.
07:39 Et justement, en parlant de Julia Roberts ou de l'âge trompette, vous avez des personnages
07:44 très associés à la féminité.
07:45 Est-ce que vous pourriez m'apprendre à avoir une voix très sexy, très féminine ?
07:48 Mais non, vous l'avez déjà.
07:49 C'est gentil de votre part, mais il n'y a pas un petit tuto quand même, pour savoir
07:52 comment ? Je ne sais pas, si j'ai un rendez-vous galant ce soir, je voudrais pouvoir être
07:57 à mon avantage, s'il vous plaît.
07:58 Non, mais je n'ai aucune crainte, vous le serez.
08:03 Et puis en fait, c'est l'image qui amène la voix.
08:08 Ah d'accord, donc il faut quand même que je passe par le maquillage avant de faire
08:12 le tuto.
08:13 Non, non, c'est important.
08:14 Parce que je joue l'acteur à l'image, il y a un sentiment, vous jouez le sentiment.
08:21 Donc c'est difficile comme ça.
08:23 Et qu'est-ce qui menace aujourd'hui votre métier ? Parce qu'il y a à la fois les
08:27 stars qui se doublent elles-mêmes, il y a Chad Gipity, enfin il y a l'intelligence artificielle.
08:31 Non, alors les stars, ce n'est pas du tout une menace.
08:33 Je trouve ça totalement normal qu'un comédien très très connu au cinéma ou au théâtre
08:40 vienne faire du doublage, on fait le même métier.
08:42 Non, ce qui est menaçant, mais pas seulement pour nos métiers artistiques, c'est l'IA,
08:49 l'intelligence artificielle.
08:50 C'est déjà le cas, il y a déjà des films sur Netflix qui ont été doublés par des
08:54 IA.
08:55 Absolument, mais on est les deux pieds dedans et on est en train d'essayer de faire comprendre
09:01 à nos instances culturelles et autres qu'il faut prendre le problème à bras-le-corps
09:07 et qu'il faut vraiment faire quelque chose à ce niveau-là.
09:09 Parce que le doublage en France, il n'y a pas que le doublage qui sera touché, mais
09:13 le doublage en France c'est quand même un secteur assez particulier qui emploie 5000
09:19 comédiens à peu près et des directeurs de maisons de doublage et des techniciens et
09:24 encore bien d'autres métiers, des auteurs.
09:26 Il faut réagir, il faut essayer de faire comprendre que l'humain passe avant tout,
09:34 qu'on ne va pas être régi par des machines.
09:36 En un mot, est-ce qu'une voix artificielle pourrait être la voix d'une génération
09:40 ou jamais ?
09:41 J'ai bien peur que oui, mais il faut tout faire pour que non.
09:46 Alors on reprend le flambeau et on mène le combat.
09:49 Merci infiniment Céline Monsara.
09:51 Je rappelle que vous êtes comédienne, vous êtes la voix de plein… Je viens de te
09:55 couper la parole.
09:56 Non, mais c'était dans ton flot, donc je ne voudrais pas te déranger, je demanderai
09:59 quelque chose à Céline juste après.
10:01 Je reprends mon flot.
10:02 Vous êtes la voix de plein de nos personnages préférés de films et dessins animés,
10:05 mais on vous retrouve en avril sur les planches, au théâtre et avec votre physique.
10:09 Céline Monsara, elle est comment la voix de Bulma ? Je ne me rappelle plus.
10:13 Oh mon dieu, quelle horreur.
10:15 Vous n'avez pas vu ?
10:16 Allez, si vous voulez.
10:17 Non mais elle purge tout le temps.
10:18 C'est fantastique pour la radio quand on ne voit pas votre tête.
10:21 Oui, mais alors, moi quand je n'ai pas de texte, c'est difficile.
10:24 Bon, bah tant pis alors.
10:25 Oh tant pis.
10:26 Elle essaie de nous garantir.
10:27 Là vous ne voyez pas, mais Marie fait des yeux de chat.
10:31 Non mais c'était Dragon Ball.
10:32 Si vous menacez par exemple de nous frapper à coups de poing en voix de Kouchi avec la
10:36 voix de Bulma, est-ce que c'est possible ? Non, il me faut l'image.
10:39 Tant pis, tant pis.
10:40 Une autre fois.
10:41 Je regarderai sur internet.