• l’année dernière
Transcription
00:00 tardé par la présentation d'Eliott Mott, que j'invite à rejoindre le pupitre.
00:15 Eliott Mott, vous êtes doctorant en sciences économiques à l'université Pompéo-Fabra
00:22 de Barcelone et votre travail de thèse porte sur le rôle des médias dans la polarisation
00:26 des opinions et des comportements politiques. Et donc, vous nous présentez ce premier article
00:31 qui s'appelle, du panel, qui s'appelle "Expériences, narration et changement climatique".
00:37 Merci beaucoup. Merci également d'avoir organisé cette journée. Je vais vous présenter
00:45 l'un de mes projets que je réalise au cours de ma thèse, qui est réalisé avec Ruben
00:54 Durante qui est à Singapour, ainsi que Milena Djurilova et Leonora Patachini qui sont tous
00:58 les deux à Cornell, qui est intitulé, en titre anglais, "Experience narratives and
01:03 climate change", mais je ferai cette présentation en français. Donc, qu'est-ce qui se cache
01:09 derrière ce titre quelque peu obscur ? Pour vous donner juste une toute première idée
01:16 de ce qu'on cherche à faire, on essaie de mesurer l'impact des catastrophes naturelles
01:21 sur les perceptions environnementales des individus. Et au travers de cette question,
01:26 on essaie de répondre à une question un peu plus générale, qui est de savoir dans
01:30 quelle mesure l'attention qui est portée par les médias sur un signal, un événement
01:36 précis dans l'actualité, renforce des divisions idéologiques préexistantes. On
01:46 utilise cette étude dans le contexte des États-Unis, qui est un contexte très particulier.
01:53 Vous voyez ici sur ce graphique que les perceptions environnementales des individus qui se disent
02:02 de gauche, les démocrates, et des individus qui se disent plutôt affiliés à droite,
02:08 les républicains, sont très similaires à la toute fin du XXe siècle et en une vingtaine
02:19 un peu plus d'années divergent. Et ça, ça contraste avec un autre fait empirique
02:26 qu'on documente, c'est qu'il y a une augmentation de la fréquence des catastrophes
02:31 naturelles au cours des trente dernières années. Alors c'est assez paradoxal parce
02:38 qu'on pourrait se dire qu'un signal commun pourrait induire une réaction similaire,
02:46 une convergence des opinions, des préoccupations climatiques, mais ce n'est pas exactement
02:52 ce qu'on constate. Ce qu'on pense, c'est qu'il y a un signal commun, mais qui est
03:00 en fait de manière différente et les médias vont jouer un rôle dans la transmission de
03:08 ces interprétations, de ces visions du monde par rapport à un même événement.
03:12 En réalité, les médias vont, quand il y a une catastrophe naturelle qui se passe,
03:21 vont parler de cette catastrophe naturelle et c'est le thème du changement climatique
03:27 qui va faire l'actualité et les individus vont se braquer sur leurs opinions politiques
03:37 préexistantes, on va constater une polarisation. Ça c'est en deux mots un peu notre projet
03:43 maintenant. Je vais vous dire exactement ce qu'on fait. Je vais d'abord vous présenter
03:48 assez rapidement plus de faits et je vais essayer de mettre en évidence un lien causal
03:56 de l'effet des catastrophes naturelles sur les opinions environnementales, sur les perceptions
04:02 environnementales des individus, avant de m'étendre, j'espère un peu plus longuement,
04:05 sur le rôle des médias dans la formation de ces perceptions environnementales.
04:11 Quelles données est-ce qu'on utilise ? On utilise les données de l'agence gouvernementale
04:19 aux Etats-Unis qui est chargée de la gestion des catastrophes naturelles. On a des données
04:27 sur les catastrophes naturelles qui affectent différents comtés aux Etats-Unis, donc
04:33 on sait exactement quels comtés sont affectés pour chacune des environ 2600 catastrophes
04:40 naturelles qui sont dans notre base de données. Et comme vous voyez sur ce diagramme, on parle
04:44 surtout de tempête et d'ouragan. Ces deux types d'événements constituent environ 75%
04:50 des événements qu'on analyse. On va lier cette base de données à une deuxième base
04:57 de données qui est issue d'une des plus grandes enquêtes électorales aux Etats-Unis,
05:05 qui est faite annuellement, qui ont environ 50 000 individus interrogés chaque année
05:12 autour de la période électorale, surtout entre octobre et novembre. On a deux questions
05:21 sur les perceptions environnementales des individus, que je vais détailler plus tard,
05:24 et elles sont disponibles entre 2006 et 2013. Donc la manière dont on lit ces deux bases
05:31 de données, c'est qu'on sait pour chaque personne interrogée le comté dans lequel
05:38 ils habitent, ainsi que la date à laquelle ils ont été interrogés. Donc ça nous permet
05:44 de savoir exactement si dans le comté dans lequel la personne réside, il y a eu une
05:50 catastrophe naturelle dans les quatre dernières semaines. Et on va utiliser ce groupe-là,
05:55 on va le comparer aux personnes qui sont interrogées dans un comté qui va être affecté dans
06:03 les quatre prochaines semaines. Donc on a un groupe de traitement et un groupe de contrôle.
06:07 De manière très schématique. Là, je vais vous parler maintenant d'une des questions
06:14 qu'on utilise pour approcher les perceptions environnementales des individus. En réalité,
06:23 c'est une question qui essaye de savoir à quel point l'individu pense qu'il y a une
06:28 urgence à agir contre le changement climatique, ou une question générale de préoccupation
06:34 environnementale, sur une échelle de 1 à 5. 1 étant "je ne pense pas que le changement
06:39 climatique est quelque chose qui est en train de se passer". A 5, il faut immédiatement
06:43 agir pour faire face au changement climatique. De manière très descriptive, ce qu'on constate,
06:52 c'est que... je vais voir si ça marche... non. Sur le graphique de gauche, pour les
06:59 individus qui se disent libéraux, on observe qu'il y a une augmentation de ceux qui se
07:08 positionnent sur l'échelon numéro 5, donc avec de fortes préoccupations environnementales
07:12 après par rapport à avant la catastrophe naturelle. A l'inverse, pour les conservateurs,
07:20 on observe le mouvement inverse. Il y a moins de personnes sur les échelons 4 et 5 après
07:25 la catastrophe naturelle par rapport à avant, et il y en a plus qui sont sur les échelons
07:29 1 et 2. Ça c'est de manière très descriptive. Il peut y avoir tout un tas de choses qui
07:37 viennent perturber ces corrélations, qu'on va essayer de gommer avec une analyse économétrique
07:42 des données. On va inclure des effets fixes pour essayer de gommer toute chose qui est
07:49 liée par exemple à la temporalité ou à l'endroit au comté qui est touché par telle
07:58 ou telle catastrophe naturelle. Et également, on va essayer de comparer des individus qui
08:02 sont très similaires sur des variables socio-démographiques. Donc, la variation qu'on utilise pour identifier
08:13 l'effet des catastrophes naturelles sur les perceptions environnementales des personnes,
08:17 c'est vraiment au sein d'un même comté et au sein d'une même année, est-ce que
08:23 j'ai été interrogé 4 semaines après une catastrophe naturelle ou 4 semaines avant.
08:29 Et nous on pense que cette variation-là, enfin, j'essaie de vous convaincre qu'elle
08:34 est aléatoire. En fait, c'est complètement aléatoire s'il y a une catastrophe naturelle
08:38 qui vient de m'impacter ou qui va m'impacter très prochainement. Donc, on compare au
08:45 sein d'un même comté et d'une même année ces deux groupes d'individus. Les résultats
08:52 sont très en ligne avec ce que je vous ai montré descriptivement, c'est qu'on a
08:55 une hausse pour les libéraux et les modérés des préoccupations environnementales et à
09:02 l'inverse, on voit un retrait, une réduction des préoccupations pour les individus conservateurs.
09:08 Alors, on fait différentes analyses pour voir dans quel cas cette polarisation est
09:16 plus prononcée. J'aimerais vous en présenter une qui me semble être assez importante.
09:21 C'est la suivante. C'est qu'on va colorer en bleu le coefficient pour les individus
09:30 qui se trouvent dans un comté où il n'y a pas de présence de médias locaux. Il
09:35 n'y a pas de quotidien local dans cet endroit pour le coefficient bleu. Et on voit qu'il
09:42 n'y a pas de différence entre libéraux, modérés ou conservateurs, alors que les
09:49 phallopolarisants demeurent pour ceux qui habitent dans un comté où il y a la présence
09:54 d'un quotidien local. Donc, ça vient nous suggérer que les médias peuvent jouer un
10:00 rôle dans la formation des opinions environnementales. Alors, on va du coup s'intéresser à ce
10:07 qui se passe sur le volet médias. Quelles sont les données qu'on utilise ? On utilise,
10:14 donc on acquiert des données auprès de Newsbank et ProQuest qui sont deux agrégateurs de
10:20 données un peu comme Factiva, pour ceux d'entre vous qui sont familiers avec l'outil. On
10:25 a la quasi-totalité des quotidiens locaux aux États-Unis, 1300 quotidiens entre 2000
10:32 et 2021. Et on construit deux bases de données en faisant des requêtes. Donc, on va avoir
10:42 une base de données de tous les articles qui parlent de changement climatique, enfin qui
10:46 mentionnent les termes changement climatique ou réchauffement climatique. On obtient un
10:51 million d'articles, comme ça. Et on fait une deuxième requête où on fait la même
10:59 chose mais pour les mots qui sont liés aux événements climatiques extrêmes. Et là,
11:05 on obtient un peu plus de 9 millions d'articles. Avec ces deux bases de données, on va les
11:10 agréger. On les agrège au niveau du quotidien et de la semaine. Donc, pour chaque quotidien
11:17 et pour chaque semaine, on sait exactement le nombre d'articles qui ont été publiés
11:21 sur le changement climatique. On sait exactement le nombre d'articles qui ont été publiés
11:24 sur les catastrophes naturelles. Et en fait, on va faire exactement le même exercice que
11:29 pour l'analyse des perceptions environnementales. On va voir comment le nombre d'articles change
11:35 après contre avant la catastrophe naturelle, les catastrophes naturelles qu'on examine.
11:40 Puisqu'on sait exactement où se trouve le quotidien. On connaît le comté où il est
11:47 situé. Je vais passer ça. Je vais vous montrer ce qui se passe semaine après semaine. Ce
11:57 qu'on voit, c'est pour les articles qui sont publiés sur les catastrophes naturelles.
12:04 Après une catastrophe naturelle, on remarque que pour les quotidiens qui sont situés à
12:12 gauche sur l'échiquier politique ou qui sont situés à droite, selon où ils sont
12:17 situés, on sait exactement le nombre de votes que le candidat démocrate ou le candidat
12:22 républicain reçoit. Et c'est ça qu'on utilise pour déterminer où se situe chaque
12:28 quotidien sur l'échiquier politique. On remarque qu'il y a une hausse pour ces deux
12:33 types de quotidien, quotidien de gauche ou quotidien de droite. Et qu'en fait, on ne
12:37 voit pas de mouvement important avant la catastrophe naturelle. Donc ça vient nous conforter dans
12:47 une interprétation causale de ces résultats. Ça, ce n'est pas très intéressant. Ce
12:52 qui est intéressant, c'est ce qui se passe ici. C'est que les quotidiens qui sont de
12:57 gauche, on observe une hausse du nombre d'articles qui sont publiés sur le changement climatique,
13:04 alors qu'on ne voit pas beaucoup d'effets chez les quotidiens de droite. J'ai parlé
13:10 de la quantité d'informations qui est donnée sur la question climatique. Reste à savoir
13:17 comment est-ce que les quotidiens parlent de changement climatique. Et ça, c'est
13:23 quelque chose qui est important. Et on sait relativement peu de choses dessus. Donc qu'est-ce
13:26 qu'on fait ? On prend tous les articles qui mentionnent à la fois un mot lié aux
13:32 catastrophes naturelles et un mot qui est lié au changement climatique. Dans les quatre
13:39 semaines après une catastrophe naturelle, on a un échantillon d'environ 8000 articles
13:46 en faisant ça. Et on a envie de savoir certaines choses assez précises sur ces articles. On
13:53 va utiliser ChatGPT. On parlait d'intelligence artificielle générative plus tôt. Ça peut
13:59 être utile en recherche. On va poser à ChatGPT certaines questions pour avoir plus de connaissances
14:09 sur les articles. On va chercher à savoir si l'article fait une relation, une connexion
14:15 causale entre changement climatique et catastrophe naturelle. S'il dit que le changement climatique
14:21 est quelque chose d'important, est un problème important. S'il tourne en dérision, s'il
14:26 utilise du sarcasme en parlant de changement climatique. Parmi ces 8000 articles, on en
14:31 prend 300. On les donne aussi à des assistants de recherche. Et on va comparer comment les
14:38 assistants de recherche annotent ces articles par rapport à ChatGPT. Et on voit qu'ils
14:42 les annotent de manière similaire. Donc ça nous conforte dans l'idée que ChatGPT est
14:45 un bon outil pour réaliser quelque chose qui peut être assez coûteux, a priori, sans
14:51 intelligence artificielle générative. Alors il me reste une minute. Je vais vous présenter
14:57 ces résultats et ensuite on pourra peut-être parler plus lors de nos échanges. Ce qu'on
15:03 constate c'est quoi ? C'est que le plus un quotidien est à droite sur l'échec et politique,
15:10 le plus il a tendance à dire que le changement climatique est quelque chose d'important.
15:16 Enfin, pardon, c'est l'inverse. Le plus il aura tendance à nier activement une relation
15:23 causale entre changement climatique et catastrophe naturelle, le plus il aura tendance à tourner
15:29 en dérision changement climatique et catastrophe naturelle. Et le plus on est à gauche sur
15:34 l'échec et politique, le plus on aura tendance à faire une connexion causale entre changement
15:39 climatique et catastrophe naturelle. Alors je vais passer toutes ces slides, on fait
15:44 la même chose pour les trois chaînes câblées aux Etats-Unis d'informations en continu,
15:52 on remarque des faits similaires. Et ensuite, j'étais un petit peu ambitieux, grosso
16:01 modo ces dernières slides montrent que l'exposition A, par exemple Fox News qui est de droite,
16:07 va influencer les perceptions environnementales des personnes. Donc juste pour récapituler
16:13 ce qu'on a fait dans ce projet, c'est qu'on montre que les catastrophes naturelles peuvent
16:21 générer une polarisation dans les perceptions environnementales des personnes et que cette
16:28 polarisation est induite en partie au moins par les médias. Je vous remercie et on pourra
16:37 parler ensuite.
16:38 [Applaudissements]

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