L'avocat du policier auteur du tir qui a entraîné la mort de Nahel, Laurent-Franck Liénard, était l'invité du Live Toussaint sur BFMTV pour réagir à sa remise en liberté sous contrôle judiciaire.
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00:00 Merci d'être avec nous ce matin en direct sur BFM TV.
00:02 Merci pour cette réaction après la remise en liberté de votre client qui, d'ailleurs, est dans quel état d'esprit aujourd'hui ?
00:10 – Il est soulagé parce que cette détention a été très très pesante, extrêmement pesante.
00:18 – Vous aviez déclaré d'ailleurs qu'elle était illégale. Vous maintenez ces propos ?
00:23 – Elle est légale puisqu'elle est prise par des magistrats mais elle n'est pas conforme à notre droit positif.
00:31 Ce policier n'avait rien à faire en prison, il avait des garanties de représentation, comme le ministre l'a rappelé.
00:37 Il a utilisé son arme dans un cadre légal, c'est-à-dire en application d'un texte qui l'autorisait à le faire
00:44 et il est représentant de l'État, ce n'est pas un meurtrier, ce n'est pas un délinquant,
00:48 c'est quelqu'un qui travaille pour protéger les autres.
00:51 Donc ce policier n'avait strictement rien à faire en prison et cette détention,
00:56 elle était manifestement politique et c'est pour ça qu'elle est tout à fait insupportable pour nous.
01:01 – Maître, vous dites que votre client n'est pas un meurtrier, c'est la justice qui décidera
01:06 puisqu'il est mis en examen pour meurtre, justement.
01:12 – Oui, nous en débattrons dans le cadre du fond, évidemment.
01:15 Ce sont bien sûr des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner
01:19 et nous militerons en faveur du non-lieu.
01:22 Lorsque je dis qu'il n'est pas un meurtrier, c'est qu'il ne s'est pas levé le matin
01:25 en se disant qu'il allait tuer quelqu'un.
01:27 Son intention n'a jamais été de tuer, jamais de donner la mort
01:32 et il est le premier dévasté par la mort de Nahel.
01:35 Ça dépasse très largement l'intention qu'il avait au moment où il a appliqué ce tir.
01:40 – Est-ce que ces 4 mois d'ailleurs de détention lui ont permis de revenir sur ce qui s'est passé ?
01:50 Comment dire, d'analyser ces quelques secondes où tout a basculé ?
01:56 – Il a analysé les faits dès le départ, dès que je le vois dans les locaux de l'IGPN
02:01 au cours de ses gardes à vue, il avait déjà analysé, il était ferme sur sa prise de décision
02:06 et jeudi dernier lorsque nous avons été entendus enfin par le juge d'instruction
02:10 qui a quand même mis 4 mois et demi pour nous entendre,
02:13 il a répété exactement ce qu'il avait dit dès le départ.
02:16 Puisque sa prise de décision, elle était réfléchie,
02:19 c'est quelqu'un qui a porté les armes pendant plus de 20 ans,
02:21 c'est quelqu'un qui n'a jamais tiré un coup de feu de toute sa vie
02:25 et ce jour de juin, quand il a ouvert le feu, c'était véritablement nécessaire à son sens
02:32 à la suite de l'analyse qu'il avait faite de la situation.
02:35 – En quoi c'était nécessaire Maître, selon vous ?
02:39 – Eh bien il ne fallait pas laisser repartir ce véhicule,
02:43 ce véhicule il avait manqué d'écraser des personnes totalement innocentes,
02:46 un cycliste, une femme qui traversait la rue,
02:50 il est passé très très près de ces gens, il a vraiment failli les tuer
02:54 et il appartenait à ce policier qui est là pour nous protéger,
02:58 qui est payé pour nous protéger, d'interdire à cette voiture de repartir
03:02 et le seul moyen qu'il avait à ce moment-là, c'était son arme de service.
03:05 Il n'a pas de stopstick, il n'a aucun élément qui lui permette de stopper la voiture
03:10 autrement qu'appliquer un tir sur le conducteur.
03:13 C'est ce qu'on lui a appris en école de police,
03:15 c'est ce qu'on lui a appris pendant sa formation continue
03:17 et c'est ce que permet la loi.
03:19 – À quoi va ressembler aujourd'hui la nouvelle vie de votre client ?
03:23 Est-ce qu'il va reprendre le travail ?
03:26 Est-ce que ça va être un travail de bureau ?
03:27 Sur la voie publique on sait qu'il n'a pas le droit de porter d'arme.
03:30 À quoi peut ressembler son nouveau quotidien ?
03:33 – Eh bien déjà, mon client, il va embrasser les siens,
03:38 il va les serrer très fort dans ses bras,
03:40 parce que ça fait 4 mois et demi qu'il ne les a pas serrés dans ses bras.
03:43 Donc il va commencer par là et ensuite nous allons voir,
03:46 parce qu'il a subi un énorme choc, un terrible choc.
03:49 Vous savez, on parle du choc carcéral pour les délinquants,
03:52 mais pour un policier qui se lève tous les matins pour faire appliquer la loi,
03:55 le choc d'être placé en détention, c'est terrible.
03:58 Donc d'abord il va se remettre de ce choc,
04:01 il va lui falloir plusieurs semaines à mon avis pour reprendre pied,
04:04 et puis ensuite il verra bien ce qu'il voudra faire.
04:06 C'est lui qui décidera en fonction de l'endroit où il vivra,
04:11 en fonction de ce qu'on lui proposera,
04:13 et en fonction de son envie tout simplement à ce moment-là.
04:16 – Justement, est-ce qu'il a pu réintégrer son domicile
04:19 ou est-ce que pour des questions de sécurité il doit aller ailleurs ?
04:23 – Il vit dans une autre ville que celle où il habitait avant,
04:29 et il a déménagé loin évidemment,
04:31 et il a dû refaire totalement sa vie ce monsieur,
04:34 puisqu'il était menacé de mort comme vous le savez.
04:36 Et c'est une des choses qui sont insupportables dans ce dossier,
04:41 c'est qu'il a fait son travail,
04:44 et pour avoir fait son travail maintenant il doit se protéger,
04:46 il doit vivre de manière anonyme,
04:48 et c'est évidemment très très lourd à gérer.
04:51 – Est-ce qu'il repense régulièrement à cette matinée de juin ?
04:55 Est-ce que son geste, est-ce que son tir le hante encore aujourd'hui ?
04:59 – Il portera toujours la mort de Nahel dans son cœur et dans son esprit.
05:06 Vous savez c'est une personne qui n'avait absolument aucune intention
05:10 d'enlever la mort à quiconque.
05:12 Il a été cinq ans militaire, il a été déployé en Afghanistan,
05:15 il n'a jamais tiré un coup de feu.
05:17 C'est un homme qui ne veut pas donner la mort,
05:19 il ne voulait pas donner la mort.
05:21 Et cette mort-là, il va falloir la porter.
05:23 Et d'ailleurs il se fait aider régulièrement,
05:26 il a eu en détention plusieurs entretiens avec un psychologue,
05:29 il va continuer à avoir ces entretiens,
05:31 parce que la rencontre morbide, le fait d'avoir donné la mort,
05:34 et d'être confronté à la mort de l'autre, c'est insupportable.
05:37 Et c'est tout aussi insupportable pour lui
05:39 que pour n'importe quelle personne normalement constituée.
05:43 – Alors maître Lénard, à l'instant Pauline Rovna vous demandait
05:47 si ces quelques instants hantaient votre client,
05:51 il y a une question qui est au cœur de cette affaire,
05:56 c'est évidemment la décision prise de tirer,
06:00 et j'allais dire aussi l'orientation de l'arme,
06:03 parce qu'en tirant, on ne tue pas forcément,
06:08 vous comprenez ce que je veux dire.
06:10 Est-ce que c'est quelque chose qu'il a essayé d'expliquer auprès de vous ?
06:14 Est-ce qu'il a tenté quelque chose ?
06:16 – Qu'est-ce qu'il visait précisément ?
06:18 – Est-ce qu'il a voulu tenter quelque chose ?
06:20 Et comment est-ce qu'il l'exprime précisément ?
06:23 – Écoutez, dès le départ on a expliqué ce qu'il avait fait,
06:26 il a visé vers le bas du corps du conducteur,
06:30 de manière à faire un tir fichant,
06:32 ce tir fichant, ce tir qui était destiné à aller dans la direction du sol,
06:37 était destiné à ne surtout pas blesser les passagers du véhicule,
06:40 puisqu'il avait vu qu'il y avait des passagers,
06:43 qui étaient destinés à toucher Nahel dans le bas de son corps,
06:46 soit ses jambes, soit son bassin.
06:48 L'idée de ce policier, c'était de le blesser et évidemment pas de le tuer.
06:52 En revanche, lorsque vous verrez de manière attentive la vidéo,
06:56 vous voyez que la voiture l'a poussé, l'a déstabilisé,
07:00 et qu'au moment où il prend la décision de tirer,
07:03 il a le canon dirigé vers le bas,
07:05 et au moment où le coup de feu part, le canon est remonté.
07:09 Mais ça c'est parce qu'il a été poussé par le véhicule.
07:11 Il l'a toujours expliqué, il n'a jamais jamais visé une zone létale.
07:15 Son but n'était pas de tuer Nahel, bien évidemment.
07:18 – Alors, on le sait, ce drame avait provoqué de grandes émeutes,
07:26 de graves émeutes d'ailleurs, au mois de juillet.
07:31 Est-ce que c'est quelque chose dont votre client a conscience ?
07:36 Est-ce qu'il a mesuré les conséquences de son geste ?
07:40 – Ecoutez, ces conséquences-là l'ont complètement dépassé évidemment,
07:45 puisque lui a fait cet acte de tir,
07:48 ensuite il a été placé en garde à vue,
07:50 ensuite il a été placé en détention,
07:52 et évidemment il est totalement étranger à tout ce qui se passe ensuite à l'extérieur.
07:56 Ce n'est pas lui qui a mis de l'huile sur le feu, loin de là.
08:00 J'en profite pour dire, à ce moment-là,
08:03 que ce n'est pas parce qu'il est sorti aujourd'hui qu'il faut renouveler l'huile sur le feu.
08:08 Il ne faut pas ré-enflammer les banlieues, ça ne sert à rien.
08:11 – Alors peut-être faut-il justement préciser,
08:14 est-ce que votre client fait une sorte d'appel au calme
08:17 pour éviter justement ce nouveau risque ?
08:20 – Mais bien évidemment nous appelons au calme,
08:24 nous avons toujours appelé au calme,
08:25 et d'ailleurs mon client est un homme paisible,
08:27 et donc véritablement il ne faut pas ré-enflammer les banlieues,
08:31 et j'invite tous ceux qui, politiciens, commentateurs,
08:35 ont poussé à mettre le feu dans les banlieues,
08:38 je les invite à garder leur calme cette fois-ci,
08:41 et à laisser la justice travailler convenablement,
08:44 c'est-à-dire dans le respect des lois, dans le respect de la paix publique.
08:47 C'est très important.
08:48 Nous aurons une enquête qui va continuer,
08:51 nous allons avoir des expertises, nous allons avoir une reconstitution,
08:54 nous aurons encore un débat qui va durer plusieurs années.
08:57 Il faut accepter que ce débat dure des années,
08:59 il faut accepter que ce policier placé sous contrôle judiciaire
09:03 ne soit pas entre quatre murs.
09:06 C'est la justice qui l'a décidé, cette décision elle s'impose à tous,
09:11 et tous les citoyens doivent garder leur sang-froid
09:13 et doivent garder leur calme.
09:14 – Plus prosaïquement, de quoi vit votre client aujourd'hui ?
09:17 Est-ce qu'il touche encore son salaire ?
09:18 Et deuxième question, qu'en est-il de la cagnotte
09:21 qui a été versée à son épouse ?
09:22 – Alors son salaire, ça le regarde,
09:26 je suis tout couvert par le secret professionnel,
09:29 donc tout ce qui concerne la vie privée
09:31 et notamment la rémunération de mon client,
09:33 ça le regarde et je ne vais pas venir dessus.
09:35 S'agissant de la cagnotte, elle ne nous concerne pas
09:38 parce qu'elle a été faite par Jean Messiaen, comme vous le savez.
09:42 Il y a énormément de contributeurs qui ont voulu marquer
09:45 le caractère illicite de cette détention,
09:47 le caractère insupportable de cette détention
09:49 et qui ont contribué à cette cagnotte.
09:51 L'argent, il a été reçu, il a été mis de côté
09:54 et eux n'y pensent pas, ils ne considèrent pas encore
09:58 cet argent comme véritablement à eux.
10:00 Et vous savez, ce sont des gens très simples,
10:02 ce sont des gens paisibles et véritablement,
10:06 cette question-là, ils vont s'y intéresser un jour,
10:10 mais pour le moment, ils ne s'y intéressent pas.
10:12 – Surtout si ce que vous dites est vrai
10:14 et que le temps judiciaire va s'étirer,
10:15 il va falloir effectivement s'inscrire dans la durée
10:18 et c'est peut-être qu'à ce moment-là, ils en auront besoin.
10:23 – Je ne peux pas vous répondre à ça,
10:25 je n'ai pas de boule de cristal, je ne sais pas l'avenir,
10:27 nous verrons bien de quoi demain sera fait.
10:30 – Mais pour aller un tout petit peu plus loin
10:33 sur cette histoire de cagnotte, on a le sentiment
10:35 que vos clients ne sont pas forcément ultra favorables
10:43 à cette cagnotte ?
10:45 – Ils n'étaient pas en demande à l'origine,
10:50 évidemment ils reçoivent les dons de manière favorable,
10:55 quand ils ont vu qu'il y a près de 100 000 personnes
10:57 qui ont donné, ça les a énormément touchés,
10:59 toutes les marques de soutien d'ailleurs les touchent énormément,
11:02 vous savez que quand j'allais voir mon client,
11:05 je lui apportais des livres, des lettres,
11:07 je lui montrais qu'on avait reçu beaucoup de lettres,
11:09 beaucoup de soutien, donc tout ça, ça leur réchauffe le cœur.
11:13 Après, la cagnotte, ils n'en étaient pas demandeurs à l'origine,
11:16 ils en bénéficient maintenant, ils verront quoi en faire.
11:21 – Maître Lienaer, comment s'est passée la détention de votre client ?
11:25 Un policier en prison ?
11:27 – Il était à l'isolement je crois, à la santé.
11:30 – Un choc mental terrible, une souffrance mentale,
11:35 parce que heureusement qu'il était militaire
11:38 et qu'il a donc pu supporter convenablement le placement en détention.
11:42 Il était prêt, on l'avait préparé, il était prêt,
11:45 il y est allé fort mentalement,
11:48 mais au bout de 4 mois et demi, il n'en pouvait plus, véritablement.
11:51 Pendant 4 mois et demi, il n'a parlé à personne,
11:53 il était seul au monde, il lisait des livres toute la journée
11:56 et il était seul au monde.
11:58 Et véritablement, il avait l'impression qu'on l'oubliait au fond de son trou.
12:01 Ça a été extrêmement compliqué, vraiment très très dur pour lui
12:04 et je suis admiratif de sa force mentale,
12:08 parce que ce qu'il a reçu, c'est un terrible choc.
12:11 Vous savez que tous les matins, il se levait pour protéger les gens
12:13 et pour assurer le respect des lois.
12:16 Ce matin-là, il s'est levé aussi pour assurer le respect des lois
12:19 et il se retrouve en prison quelques heures après.
12:22 C'est juste inadmissible, humainement, mentalement, c'est inadmissible.
12:28 Il a réussi à rester debout.
12:31 – Est-ce que, comment dire, c'est difficile évidemment de l'envisager de cette façon,
12:36 mais je ne sais pas si c'est un message,
12:38 mais en tout cas, est-ce qu'il a une pensée pour la famille de Naël ?
12:43 – Il a eu une pensée dès le départ, il a toujours exprimé le fait
12:49 que jamais il n'aurait souhaité avoir cette issue
12:52 et que c'était totalement décalé par rapport à son intention,
12:56 par rapport à son geste.
12:58 Lui, tout ce qu'il voulait, c'est que ce jeune ne reparte pas.
13:01 Et effectivement, ce jeune est reparti,
13:04 il est reparti en mettant à nouveau en danger les autres
13:06 et dans ces cas-là, il a fallu, pour ce policier, le stopper.
13:10 Mais c'est un acte qui est terrible et donc, à chaque fois qu'il en a l'occasion,
13:15 il exprime ses regrets concernant les conséquences létales de cet acte, évidemment.