On connait Johnny le chanteur (et c'est peu dire), mais Johnny l'acteur lui est moins connu. Malgré tout, sa carrière cinématographie mérite qu'on s'y attarde (Le Spécialiste, Vengeance, Jean-Philippe, etc). Du western, au cinéma hongkongais, en passant pour la comédie française, laissez moi vous parler de la filmographie de Johnny Hallyday.
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Court métrageTranscription
00:00 Et est-ce que tu vas continuer dans la branche cinéma ?
00:03 Oui, certainement.
00:04 Tu as des projets de films ?
00:05 J'ai des projets de films.
00:06 On te propose beaucoup de films ?
00:08 Ça vient, ça vient.
00:09 Et qu'est-ce que c'est comme genre de films qu'on te propose ?
00:13 On propose des films de toutes sortes, des films comiques, des films de santé mentale, des films de bagarre.
00:18 Des films de bagarre.
00:19 Et est-ce qu'on te demande de chanter dans ces films ?
00:22 Bien sûr, on me demande toujours de chanter.
00:24 Toujours de chanter.
00:25 Mais enfin, le moins possible, une ou deux chansons.
00:28 Et cette carrière cinématographique que tu envisages, tu penses pouvoir l'amener en même temps que ta carrière de chanteur ?
00:35 Oui, avec une impèche qu'un peu plus haute.
00:38 Et si tu avais à choisir vraiment entre le cinéma et la chanson ?
00:42 Laquelle je choisirais ?
00:44 Oui.
00:45 En plus de 50 ans de carrière, dire que Johnny Hallyday a laissé sa marque serait un pléonasme.
00:53 Plus de 3000 concerts, 30 millions de spectateurs, plus de 100 millions d'albums vendus.
00:58 Un chanteur que l'on ne présente plus et que je connais bien malgré moi, la preuve avec cette photo de ma chambre bébé.
01:04 Pourtant, Johnny est un artiste bien plus complet qu'il n'y paraît.
01:08 Et bien avant sa carrière de chanteur, il se rêve déjà acteur.
01:11 Son père biologique, Léon Smet, est comédien.
01:14 Son père de chœur, Lee Hallyday, est chanteur-danseur dans les musicals.
01:17 Son destin est tout tracé et il sera les trois à la fois.
01:20 C'est monsieur Henri-Georges Clouseau qui l'immortalisera sur une pellicule pour la première fois dans Les Diaboliques.
01:25 Nous sommes en 1955, Johnny a 11 ans, fait de la figuration et s'affiche aux côtés de Simone Signoret.
01:31 Quatre ans plus tard, la France fait connaissance avec le chanteur.
01:34 C'est dans l'émission Paris Cocktail qu'il popularise un style musical alors peu connu en France, le rock'n'roll.
01:40 "Avant de savoir s'il a une carrière devant lui ou s'il n'en a pas. En tout cas, on lui dit bonne chance."
01:45 Johnny fait sensation, peut-être même un peu trop.
01:48 Ses apparitions scéniques sont très souvent signe de foules incontrôlables, provoquant des émeutes et autres dégradations.
01:54 L'idole des jeunes n'est pas au goût de tous.
01:56 Les adultes le voient comme un voyou, bougeant sur scène de manière inappropriée et ne donnant pas le bon exemple aux adolescents de l'époque.
02:02 Plusieurs villes de France refusent les concerts du chanteur.
02:04 Johnny a du mal à se produire en province.
02:06 Il ne lui reste qu'un seul moyen pour que la France entière continue à suivre sa carrière musicale, le cinéma.
02:12 En 1961, il fait une apparition scénique dans Dossier 1413.
02:17 En 1962, il est à l'affiche du film à sketch "Les Parisiennes" où il participe à un segment aux côtés de Catherine Deneuve.
02:23 Une rencontre au sommet qui permet à Johnny de faire découvrir son nouveau tube "Retient la nuit".
02:27 En 1963, le film porte carrément son nom.
02:30 "Les gardiens, les gitants, tout le charme, toute la poésie sauvage de la Camargue.
02:36 D'où viens-tu Johnny ?
02:39 Un grand film d'action produit par Réventura."
02:43 "D'où viens-tu Johnny ?" est l'occasion de faire découvrir la Camargue.
02:46 Mais aussi pour Johnny de redorer l'image du rockeur à travers son personnage de gentil blouson noir.
02:50 Il étoffe son répertoire musical avec plusieurs nouvelles chansons dont "Pour moi la vie va commencer".
02:55 Il fait une apparition furtive la même année à la télévision dans "Un coup dans l'aile" où il interprète le temps d'une scène son propre personnage.
03:01 Et enchaîne sa tournée cinématographique avec "Chercher l'idole" en 1964.
03:05 Un film qui rend hommage à la période des Yeye qui met en scène toutes les vedettes de l'époque.
03:10 De Johnny bien sûr à Sylvie Vartan en passant par Charles Aznavour.
03:13 Son début de carrière cinématographique ressemble à s'y méprendre à celle d'un certain Elvis Presley, son idole.
03:19 Qui ne tournait que dans des films à sa gloire.
03:21 Présentant ses nouveaux titres et tendant son influence sur différents supports afin de vendre plus d'albums.
03:26 Avec ses 4 films, Johnny alimente sa popularité dans tout le pays.
03:29 Présente ses nouveaux titres sans avoir besoin de faire de tournée.
03:32 Et continue de travailler sur son image de chanteur franco-américain.
03:35 Entre le look à la James Dean et les prestations scéniques à la Presley.
03:39 Johnny a l'idée et a eu cette force de s'inspirer des plus grands.
03:41 A la fin des années 60, la période hippie bat son plein.
03:44 Et Johnny se doit de suivre ce mouvement à travers une musicalité plus engagée, plus psychédélique mais aussi plus romantique.
03:50 Ses rôles au cinéma ne dérogent pas la règle.
03:52 En 1968, il fait une apparition des plus remarquées dans le film "Les Pwnate".
03:56 Qui n'aura le droit qu'à une projection unique à l'Olympia à l'époque, avant que les fans ne redécouvrent le film à travers sa sortie DVD.
04:03 La proposition artistique est des plus surprenantes, c'est le moins qu'on puisse dire, mais ne convainc pas.
04:08 Dans ce film, il joue officiellement son propre rôle.
04:10 Et vous allez voir que Jean-Philippe Smet au cinéma sera surtout assimilé à ses apparitions en tant que Johnny Hallyday.
04:15 Bien que ce dernier n'ait jamais vraiment aimé ça.
04:17 "Moi je ne veux pas chanter dans le film parce que...
04:21 Justement comme vous dites, il y a des gens qui ne m'aiment pas en tant que chanteur donc...
04:25 Et puis...
04:27 Ça m'enlève des possibilités de créer des personnages, si au cinéma je suis obligé toujours de chanter.
04:31 En même temps je...
04:34 Ça finirait par être comme Elvis Presley où je serais obligé de chaque fois que je fais un film,
04:38 de ne pas pouvoir faire des films intéressants parce qu'on ne propose que des rôles de chanteur."
04:41 Des films où Johnny joue Johnny, il y en a pas mal.
04:44 Et on va en parler.
04:45 En 1972 déjà, dans "L'Aventure c'est l'Aventure" de Claude Lelouch,
04:48 où il va organiser son propre enlèvement afin de se faire de la publicité et remonter les ventes de ses disques.
04:53 "Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, bonjour.
04:54 Un grand titre dans l'actualité de ce matin, Johnny Hallyday.
04:57 Depuis hier soir on était sans nouvelles du chanteur.
04:59 On sait maintenant qu'il s'agit d'un enlèvement, mais oui.
05:01 L'enlèvement sans doute le plus incroyable de ces dernières années.
05:04 Bien entendu, comme nous vous posez un certain nombre de questions, d'abord pourquoi Johnny Hallyday ?
05:08 S'agit-il d'un rap politique ?"
05:10 Une belle preuve d'autodérision quand on sait qu'à cette époque sa popularité est au plus bas.
05:14 Il arbore cette longue chevelure, toujours dans un style très hippie,
05:17 et partage l'écran le temps de quelques minutes avec Lino Ventura et Jacques Brel.
05:21 Dans "L'Animal" de Claude Didi en 1977, on l'aperçoit sur un faux tournage,
05:25 joué dans un film de Claude Chabrol aux côtés de Jane Birkin.
05:28 "Bon allez, les casques carrières ça suffit, c'est bien comme ça.
05:31 C'est pas grave, on prend le passion aux choses sérieuses.
05:34 Johnny Hallyday, Jane Birkin, c'est à vous les petits, venez vite."
05:38 Dans "Paparazzi" en 1998, où il fait un petit coucou pour menacer un photographe un peu trop insistant.
05:43 "Tu vois ma gueule ? Tu vois ma gueule ?
05:47 Si jamais je vois une photo dans un de vos torsons, ta gueule tu vas la prendre en même temps."
05:51 Il débarque en hélicoptère dans Michka, le temps de faire un petit pipi,
05:54 et de réconforter un de ses fans, joué par Jean-Paul Roussillon.
05:57 Il a même le droit à sa version dessin animé dans le film "Titeuf" en 2011.
06:01 "Tu sais j'en ai vu passer des kilomètres, ça n'a pas toujours été facile.
06:05 Baloté entre mes parents, jeté dans des wagons, seul sur la route.
06:10 Ouais."
06:12 Des apparitions qui sont simplement là pour augmenter la popularité de tous ses films,
06:16 sans pour autant donner un véritable rôle à Johnny,
06:18 qui a du mal à se détacher de cette image de rockeur.
06:21 Voilà pourquoi quand on lui propose un énième film, où il doit jouer son propre rôle,
06:25 il ne prend même pas la peine de lire le scénario.
06:27 Mais sous le conseil de sa famille et de ses amis,
06:29 il décide finalement de se plonger dans ce récit qu'on connaît aujourd'hui sous le nom de Jean-Philippe.
06:34 "Dans mon grenier j'ai une collection Johnny."
06:37 "Une collection de quoi ?"
06:38 "Une collection consacrée à Johnny Hallyday, je suis un très grand fan."
06:42 "C'est un acteur américain ?"
06:44 "Vous vous foutez de moi là ?"
06:45 "Non."
06:46 "Je suis en train de vous parler de Johnny Hallyday, le plus grand chanteur français de tous les temps là."
06:52 "Désolée je sais pas qui c'est."
06:55 "Ok ok sorry."
06:57 Le film sort en 2006, réalisé par Laurent Tuel, il part d'un principe simple,
07:08 et si Johnny n'avait jamais existé ?
07:10 On suit Fabrice dans le film, gros fan du chanteur, qui vit une vie plus que moyenne,
07:14 cadre d'une entreprise ennuyeuse, une famille qui ne comprend pas sa passion,
07:18 et donc un homme qui n'a que pour seul refuge les chansons de son idole, Johnny Hallyday.
07:22 Un soir, alors qu'il a bu un coup de trop,
07:24 il se met à crier le répertoire du chanteur sous la fenêtre de son voisin,
07:27 qui n'a pas d'autre choix que de lui en coller une pour le faire taire.
07:30 Le lendemain, Fabrice se réveille de son chaos et s'aperçoit très vite qu'il est dans un monde parallèle,
07:34 où Johnny Hallyday n'existe pas.
07:36 Désemparé, il décide de partir à la recherche de son idole, en prenant comme base son vrai nom, Jean-Philippe Smet.
07:41 Il finit par le retrouver, ce dernier étant devenu patron d'un bowling,
07:45 et va le convaincre de commencer sa carrière de chanteur à plus de 60 ans.
07:48 Voilà en gros le résumé de Jean-Philippe,
07:50 et c'est une idée brillante, car elle est le moteur de plusieurs péripéties
07:53 qui rendent le film incroyablement amusant, qu'on soit fan du chanteur ou non.
07:56 Le fait que Johnny soit passé à côté de son destin et que personne ne le connaisse est quelque chose d'assez impensable.
08:01 Et c'est là où pour la première fois, il a l'occasion de jouer son propre rôle sans véritablement le jouer,
08:06 puisqu'il joue un Johnny qui n'est pas vraiment Johnny, mais Jean-Philippe, un patron de bowling de quartier.
08:11 Il avait déjà joué le rôle d'un chanteur raté dans Love Me en 2000,
08:14 drame romantique aux côtés de Sandrine Kiberlin,
08:16 mais où il ne jouait pas son propre rôle, simplement un chanteur se produisant dans des bars miteux.
08:21 Ici on traite le sujet avec un ressort comique et une touche de science-fiction,
08:24 où on est dans un univers parallèle, où Fabrice, ayant pris des cours de théâtre étant jeune,
08:28 a dû s'arrêter pour s'occuper de sa famille et ne deviendra jamais le Fabrice Lucchini qu'on connaît,
08:33 où Benoît Poulvoorde est véritablement un des sosies de Claude François,
08:36 avant que Fabrice ne lui conseille de devenir acteur,
08:38 et où Chris Somer est la plus grande star de la chanson en France.
08:42 Et c'est à travers le personnage de Chris Somer, véritable parodie de Johnny Hallyday,
08:46 que ce dernier nous prouve qu'il est conscient de l'image qu'il renvoie,
08:49 celui d'un chanteur un peu bof que le grand public prend un peu pour un demeuré.
08:52 Ce qui est dommage, car quand on se concentre sur sa vie,
08:55 on se rend compte qu'elle est faite de bien plus de subtilité qu'on ne pourrait le croire,
08:58 et que l'artiste est brillant par bien des aspects.
09:00 "Le problème c'est que tu me fascines, si je peux me permettre,
09:04 parce que je suis hanté par le mystère que j'ai essayé de percer pendant des nuits et des nuits,
09:11 à essayer de savoir ta structure psychique.
09:14 Car ta structure psychique est totalement mystérieuse, singulière, poétique.
09:20 Tu es quelqu'un qui revisite les évidences.
09:23 Je ne me retrouve jamais dans les caricatures qu'on a fait de toi,
09:27 bêtement parce que, d'abord tu ne dis jamais à que, tu es simplement un phrasé.
09:31 Et moi ce qui me plaît, c'est ce phrasé.
09:33 Tu es une énigme énorme, et comme tu as un instinct affectueux et abondant,
09:39 et que tu as une tragédie interne, parce que tu sais ce qu'est l'abandon,
09:42 parce que tu sais ce qu'est l'existence, parce que tu sais que tu n'es pas une star riche,
09:47 mais que tu es un être humain qui connaît exactement son métier,
09:50 par sa passion, par son génie, parce que tu as de l'instinct,
09:52 parce que tu es une grande intelligence, et que tu observes tout."
09:55 Malgré ça, il alimentera souvent cette image qu'on a de lui, notamment au cinéma.
09:59 Dans Rock'n Roll, de Guillaume Canet en 2017,
10:02 il fait une apparition hilarante où sa femme Laetitia l'interdit de fumer,
10:05 où il veut allumer le feu parce qu'il fait froid,
10:07 et où le moindre prétexte est bon pour chanter devant ses invités.
10:10 "Ça caille non ? Je vais allumer le feu."
10:14 Pareil dans Chacun sa vie en 2017, également réalisé par Claude Lelouch.
10:18 Son dernier film, où il interprète son propre rôle, mais aussi le rôle d'un de ses sosies.
10:22 Le film est inégal, mais la scène réunissant Alidée, Dujardin et Dulleri au commissariat est géniale.
10:27 "Oui, parce que je vois Jean-Marie De Villars."
10:31 "Oui, c'est moi."
10:32 "C'est pas Jean-Philippe Smet ?"
10:35 "Ah non, non, non, j'ai une idée pour les autres, non, je chante pas, vous savez,
10:41 les... moi on me paye pour chanter dans les anniversaires, dans les mariages..."
10:48 "Vous êtes bien marié à Laetitia, Laetitia Niels ?"
10:52 "Ah non, non, non, non, ma femme s'appelle Thérèse."
10:56 Sans parler du fait qu'il joue lui-même un de ses fans,
11:00 et qu'il se regarde donc en concert dans le film,
11:02 ce qui rend la séquence assez délirante.
11:05 Bref, Johnny Hallyday, l'acteur, savait faire preuve d'autodérision.
11:07 Avec Jean-Philippe, il prend du recul sur son statut d'icône.
11:10 Etant plus balin qu'il n'y paraît, le film fait l'analyse de ce qu'est être fan,
11:14 et de l'importance primordiale de ces derniers auprès d'une idole
11:16 qui ne le devient qu'à travers celles et ceux qui l'idolâtrent.
11:19 En plus, la réalisation suit le propos.
11:21 La caméra est rarement fixe, offrant parfois de belles choses,
11:24 et le concert final n'est pas en reste pour ce qui est de galvaniser le spectateur.
11:28 Une belle comédie à la gloire d'un grand,
11:30 qui pourtant a toujours su garder les pieds sur terre.
11:33 Revenons maintenant dans le passé, à la fin des années 60,
11:36 où après quasiment une décennie de films identiques,
11:38 on lui propose pour la première fois de véritables rôles.
11:40 Toujours dans l'air du temps, il suit désormais la mouvance du Nouvel Hollywood,
11:43 en se la jouant Easy Rider dans A tout cassé en 1968.
11:47 *Musique*
12:06 Mais aussi Cowboy à l'italienne dans le Western Spaghetti,
12:09 Le spécialiste en 1969.
12:11 *Musique*
12:23 Réalisé par Sergio Corbucci, le film ne trahit pas le genre, à aucun moment.
12:27 Un héros solitaire, peu bavard, débarque dans une petite ville pour venger la mort de son frère.
12:32 Un récit à la Sergio Leone, à ceci près que la réalisation est loin derrière la trilogie du dollar.
12:37 On s'en rend compte dès l'introduction des personnages.
12:39 Là où le personnage d'Eastwood est introduit à travers ses gestes, sans un mot,
12:42 et dans une tension qui monte crescendo,
12:44 celui d'Halliday l'est de manière expéditive, il parle beaucoup trop.
12:48 Aucune tension ne s'en dégage,
12:50 et le fait que le film soit redoublé en post-prod est très visible et donc déconcertant.
12:54 Ça ne sera pas la première fois que Johnny se la jouera Clint.
12:56 En 89, avec la mini-série David Lansky,
12:59 où on ne peut s'empêcher d'y voir un alter-ego de l'inspecteur Harry,
13:02 mais en moins réussi encore une fois.
13:07 Tu vois, je te l'avais dit que je te mettrais une balle dans le ventre.
13:11 Maintenant, Johnny a une présence qu'on ne peut pas nier.
13:19 Une vraie gueule qui fait la différence.
13:21 Et je ne peux pas m'empêcher de me demander ce qui se serait passé
13:23 si le spécialiste avait tout autant fonctionné que la trilogie du dollar.
13:27 Johnny serait-il devenu aussi populaire au cinéma qu'Eastwood ?
13:30 On ne le saura jamais.
13:31 Maintenant, Corbucci n'est pas un débutant.
13:33 On lui doit pas mal de belles choses.
13:34 Et le film se tient.
13:35 Il n'est pas extraordinaire, mais c'est acceptable.
13:37 Certains plans sont même plutôt très beaux.
13:39 Et c'est enfin l'occasion pour Johnny Hallyday de jouer un vrai rôle,
13:42 sans avoir besoin de chanter ou d'être lui-même.
13:45 Un an plus tard, il enchaîne avec un autre film
13:47 où on lui propose de nouveau un véritable rôle,
13:49 celui de Vlad le Roumain dans Point de Chute,
13:51 réalisé par Robert Hossein,
13:52 qui voulait absolument Hallyday, non pas pour sa popularité,
13:55 mais pour le talent qu'il avait à offrir.
13:57 Si vous voulez, il apporte à ce personnage quelque chose de plus
14:01 que simplement le ferait même un très très bon comédien,
14:04 puisqu'on lui demande pas de jouer, on lui demande d'être.
14:06 Le film est dans la contemplation.
14:08 Il raconte une simple histoire de kidnapping contre une rançon,
14:10 en exploitant ce qu'on appelle le syndrome de Stockholm,
14:13 au moment où le ravisseur et la victime vont commencer à créer des liens.
14:16 Cette cabane lugubre, c'est le cœur et l'âme du personnage de Vlad,
14:19 qui va être purifié par la présence de la jeune fille innocente,
14:22 qui va faire prendre conscience à l'antagoniste que ce qu'il fait est mal.
14:25 Un vrai rôle de composition que Johnny parvient à interpréter à merveille,
14:28 et qui continue de creuser l'écart entre l'icône de la chanson et le comédien.
14:33 Les années 80 débutent mal au cinéma,
14:35 avec la comédie "Le jour se lève et les conneries commencent" en 1981,
14:39 où Johnny joue un petit rôle, le sien encore une fois,
14:42 où il est de nouveau dans l'autodérision,
14:44 mais un film qu'il considérait comme le pire de sa carrière.
14:47 Cependant, c'est à cette même époque que Johnny prend un virage étonnant.
14:50 Il se marie avec Nathalie Baye, la comédienne,
14:53 et cette dernière va plus ou moins orienter la carrière de Johnny
14:56 vers une certaine subtilité qu'il n'avait pas auparavant.
14:58 Pour la musique, il fait appel à Michel Berger,
15:00 un auteur-compositeur très réputé,
15:02 qui va remettre la carrière du chanteur sur les rails,
15:04 et ce renouveau chez Johnny, cette élévation culturelle, si je puis dire,
15:08 elle va se concrétiser quand il obtient le premier rôle du prochain Jean-Luc Godard,
15:12 détective.
15:14 Le film est une simple commande pour Jean-Luc Godard,
15:22 qui n'a même pas écrit le scénario.
15:24 En revanche, pour Johnny, c'est bien plus.
15:26 C'est l'occasion de s'éloigner de son image de chanteur populaire
15:29 pour devenir un acteur accompli.
15:31 Godard le choisira en personne.
15:33 Johnny sera complètement décontenancé par ses méthodes de travail,
15:35 donnant les répliques à l'acteur 15 minutes avant de tourner.
15:38 Voilà d'ailleurs ce qu'il dira de son expérience avec le réalisateur dans Télérama.
15:42 Le film, lui, est une succession de plans fixes,
15:46 sans véritable intrigue.
15:47 Godard fait le minimum syndical,
15:49 mais l'objet en lui-même reste fascinant pour différents aspects.
15:51 Et bien que Détective soit un de ses films les moins bons,
15:54 il reste un bon film pour autant,
15:56 notamment de par la fulgurance de ses comédiens.
15:58 C'est d'ailleurs assez cocasse de découvrir les premiers mots de Johnny à sa femme de l'époque
16:01 dans leur première scène au cinéma.
16:03 "Vous cassez pas le cul, j'ai envie d'être seul.
16:06 Et vous me faites pas bander."
16:09 Son interprétation sera saluée par la critique.
16:12 Il monte les marches à Cannes pour présenter le film en sélection officielle.
16:15 Johnny est désormais un acteur, un vrai.
16:18 Et il brandira ce film fièrement durant le reste de sa carrière.
16:21 Comme pour remercier Godard de lui avoir offert cette crédibilité qu'il recherchait tant.
16:25 Le 28 février 1998, le jour de mes 4 ans,
16:29 Johnny a l'idée de remettre un César d'honneur à Jean-Luc Godard.
16:32 Un beau moment qui boucle la boucle.
16:34 Un an après Détective, Johnny continue sur sa lancée
16:37 puisqu'il tourne cette fois-ci sous la direction de Costa Gavras dans Conseil de famille.
16:41 Le film est à l'opposé de ce que fait Gavras habituellement.
16:43 Ici on a affaire à une comédie familiale qui ne se prend jamais vraiment au sérieux
16:47 et qui permet à Johnny de prouver une fois de plus qu'il est un acteur éclectique
16:50 et ouvert à tous les projets cinématographiques pour peu qu'il les trouve novateurs et intéressants.
16:55 Deux ans plus tard, en 1987, ça se confirme quand il accepte de jouer le rôle principal
17:00 dans un film de genre français, Terminus.
17:03 Terminus est l'exemple parfait de ce qu'est un scénario mal écrit.
17:06 Les personnages y sont bâclés, les enjeux incompréhensibles,
17:09 les dialogues horriblement mal écrits,
17:11 et c'est dommage parce que la proposition initiale avait de la gueule.
17:14 Cette course de camion dans un monde post-apo c'est cool sur le papier,
17:17 bien qu'un peu tiré par les cheveux, à mi-chemin entre le Paris-Dakar et le football américain.
17:22 Bref, le film n'est clairement pas une réussite.
17:24 Johnny joue mal, du moins il essaye de jouer ce qu'on lui donne et c'est pas fameux.
17:28 Le reste du casting est à côté, le film est lent, la photo est moche,
17:32 et les combats sont dignes d'une parodie.
17:34 C'est un échec que Johnny aura du mal à digérer.
17:42 Ce Mad Max à la française ne convainc pas.
17:44 Johnny sera bien plus pertinent dans son rôle sur scène en 1982 au Palais des Sports,
17:48 quand il présente un spectacle où les thématiques des deux films de George Miller offrent une prestation scénique unique en son genre,
17:54 enfin en tout cas en France.
17:55 Les décors de la scène sont impressionnants.
17:58 Johnny débarque sous le nom du survivant, peau de bête sur les épaules,
18:01 il brûle ses ennemis en les pointant du doigt avant de commencer à chanter.
18:05 Entre deux chansons, des chorégraphies de combats sont mises en scène.
18:08 Le tout est très visuel, raconte une véritable histoire.
18:11 "Avec un décor comme ça, des lumières comme ça, les peaux de bête, enfin tout,
18:16 quand je monte sur scène j'ai l'impression d'être un acteur à tourner la télé."
18:21 Parce que oui, Johnny sur scène c'est aussi du cinéma.
18:24 Les concerts du chanteur sont l'occasion de mettre en avant ses références,
18:27 raconter quelque chose, offrir un spectacle complet.
18:30 Il est le premier à le faire en France, utilisant la fiction dans ses concerts,
18:33 rajoutant effets spéciaux et pyrotechnies.
18:36 Quelque chose qui peut paraître évident aujourd'hui mais qui ne l'était pas forcément à l'époque.
18:40 Tout ça avec un seul mot d'ordre, soigner son entrée et sa sortie.
18:43 Déjà à l'Olympia en 1962, Johnny se met en scène dans une bagarre contre trois voyous
18:48 avant d'interpréter sa chanson "La Bagarre".
18:50 Cohérent vous me direz.
18:51 En 1969, il s'improvise champion de boxe au milieu de son concert.
18:55 En 72, il mélange spectacle de cirque et spectacle musical avec le Johnny Circus.
19:00 En 79, il balance des lasers avec ses yeux dans un spectacle sous le thème de la science-fiction.
19:05 Il fait son entrée au Zénith en 1984 dans une main articulée qui se balade au-dessus de la foule,
19:10 abattant un mur du Zénith dans la foulée pour faire entrer cette énorme machinerie.
19:14 En 92, c'est une introduction à la David Copperfield qui voit Johnny débarquer sur la scène de Bercy
19:19 pour finir le concert attaché à une grue mécanique qui l'amène vers les cieux.
19:23 Il se bat sur le Golden Bridge au Parc des Princes en 93
19:26 et continue ses entrées et ses sorties spectaculaires durant les décennies à venir.
19:30 Toutes ces idées lui viennent des films qu'il regarde.
19:33 Tous les jours de sa vie, Johnny sera devant un film.
19:35 Et c'est selon ses proches qu'il affirme qu'il était un véritable cinéphile,
19:39 ce qui l'inspirera beaucoup pour ses shows.
19:41 Mais revenons à Terminus.
19:42 Le film est suivi par de nombreux échecs.
19:44 Le Triangle de Fer en 1989, où il campe un vétéran français de la guerre d'Indochine.
19:49 Et la gamine, une comédie sortie en 1992.
19:52 Des films et des échecs qui signeront le début d'une pause cinématographique pour Johnny.
19:57 Durant la première décennie des années 2000, il fait son grand retour sur grand écran,
20:01 mais enchaîne les films un peu foireux.
20:02 Wanted en 2003, une espèce d'ovni qui met en scène Johnny, Renaud et Depardieu en cambrioleurs,
20:08 contre Hervé Keitel en chef de mafia.
20:10 Les rivières pourpre 2, un an plus tard, où il joue un borgne.
20:13 Quartier VIP, où il est matant de prison aux côtés de Pascal Legitimus, une catastrophe.
20:18 Et la Panthère Rose 2 en 2009, où il donne la réplique à Jérémy Irons.
20:22 Malgré tout ça, il y a certaines choses qui valent le détour durant cette période.
20:26 Love Me, j'en ai déjà parlé.
20:27 Récit romantico-onirique où Johnny joue un rocker raté et harcelé par une de ses groupies.
20:32 Mais aussi L'Homme du train en 2002 de Patrice Lecomte, où il donne la réplique à Jean Rochefort.
20:37 Un film qui raconte comment deux hommes que tout oppose vont finir par devenir amis
20:41 et tenter de vivre la vie de l'autre.
20:43 Un récit qui prend son temps, suit ses personnages de façon assez intimiste,
20:47 et qui est porté par un duo légendaire qui se complète à merveille.
20:50 L'éloquent Jean Rochefort et le plus discret Johnny Hallyday.
20:53 Ce dernier recevra d'ailleurs le prix Jean Gabin en 2003 pour son interprétation.
20:57 Maintenant ça ne sera pas la seule fois où on verra Johnny tout de noir vêtu.
21:01 Le col relevé, le regard déterminé et un flingue à la ceinture.
21:04 Dans Commissaire Moulin en 2004, il jouera pour la première fois un véritable antagoniste sans pitié.
21:09 Puis en 2009, via une rencontre inattendue, celle de Johnny et de Johnny.
21:14 Vengeance, c'est la collaboration improbable de Johnny Hallyday et du cinéma hongkongais.
21:19 A travers ce film, Johnny Tho, le réalisateur, voulait rendre hommage à Jean-Pierre Melville.
21:23 Le personnage du film s'appelle d'ailleurs Costello, comme le personnage d'Alain Delon dans le Samouraï.
21:28 Tho demandera d'ailleurs à Alain Delon de jouer le premier rôle de vengeance.
21:32 Mais celui-ci refusera et il se tournera donc vers Johnny Hallyday.
21:35 Et pour boucler la boucle, il faut savoir que Melville le voulait pour le Cercle Rouge.
21:39 Mais les producteurs italiens imposeraient un acteur italien pour le rôle.
21:43 Aux grandes dames de Melville et évidemment de Johnny,
21:45 qui aurait sans doute eu une autre carrière cinématographique après ça.
21:48 Mais revenons en 2009.
21:50 A cette époque, il est plutôt prisé à l'étranger.
21:52 Au même moment, Quentin Tarantino le voudra pour Inglourious Bastard.
21:56 Mais Johnny préférera diriger son choix vers vengeance.
21:59 Le film ne brille pas par son histoire, assez convenu.
22:02 Mais par sa mise en scène et surtout ses gunfights signés Johnny Tho,
22:05 typique du cinéma d'Hong Kong à la John Woo.
22:07 Johnny Hallyday, lui, n'est pas des plus à l'aise.
22:09 Physiquement, il colle parfaitement au personnage, sorti tout droit d'un polar français des années 70.
22:14 Mais son jeu dénote avec le reste du casting.
22:16 C'est sa gueule unique qui parvient à rendre son personnage acceptable.
22:19 Johnny Tho dira d'ailleurs qu'il n'avait jamais vu un regard aussi puissant que le sien.
22:24 Le film ramènera de nouveau Johnny à Cannes,
22:26 mais financièrement, ce sera un échec.
22:28 Cependant, c'est encore un pari risqué pour Hallyday,
22:31 qui continue son étonnante carrière d'acteur.
22:33 Son dernier film au cinéma, c'est Chacun sa vie en 2017.
22:36 J'en ai parlé, il joue son propre rôle et le rôle de son sosie.
22:40 Claude Lelouch aura donc l'honneur de capter les dernières images de l'acteur au cinéma.
22:44 Mais c'est aussi lui qui lui offre son dernier véritable rôle,
22:47 celui du photographe de guerre, Jacques Kaminsky, dans Salaud, on t'aime.
22:51 La construction du film en elle-même est très inégale.
23:00 C'est du Lelouch, ça part dans tous les sens,
23:02 et ça parle beaucoup pour ne pas dire grand-chose.
23:04 Mais il y a un côté méta assez fascinant dans cet ultime personnage qu'est Kaminsky.
23:09 Cet ancien photographe de guerre, qui a préféré consacrer sa vie à sa carrière plutôt qu'à ses enfants,
23:13 qui a changé de femme à tour de bras,
23:15 qui a un meilleur ami qui ressemble beaucoup à Eddie Mitchell,
23:18 tout ça c'est un peu Johnny.
23:20 Et le titre du film est un résumé parfait de la vie de la star, mais surtout de l'homme.
23:24 Il y a quelque chose de très tangible qui se dégage du film,
23:27 une spontanéité qui fait plaisir à voir.
23:29 Et quant à Johnny Hallyday, on ne peut pas tellement dire que ce soit l'acteur du siècle,
23:33 mais il a toujours eu ce truc en plus qui le rend brillant.
23:36 Un regard, un geste, un mot.
23:39 Puis quand on y pense, quel acteur a enchaîné Western Spaghetti,
23:42 films d'anticipation, films sur sa vie, films hongkongais, comédies françaises,
23:46 et films de grands réalisateurs comme Godard, Clouseau et Gavras.
23:50 Johnny sait tout autant le cinéma que la musique.
23:53 C'est la France et l'Amérique.
23:55 Et je crois que je ne peux pas mieux l'illustrer et lui rendre hommage
23:58 qu'avec cette scène hors du temps, où deux amis de toujours chantent sur le chef-d'oeuvre Rio Bravo.
24:03 Parce que c'est aussi ça, Johnny Hallyday au cinéma.
24:06 * Extrait de Johnny Hallyday *
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