Sorti en 1979, Apocalypse Now a connu différentes versions au fil des décennies. Aujourd'hui considéré comme un monument du cinéma, le film est légendaire par bien des aspects, de sa mise en scène, à son récit, en passant par son tournage chaotique.
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#ApocalypseNow #Analyse
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Category
🎥
Court métrageTranscription
00:00 *Musique*
00:10 L'horreur.
00:11 C'est ce qui définit sans doute le mieux Apocalypse Now de Francis Ford Coppola.
00:15 L'horreur qu'il nous raconte dans son film et qu'il a vécu durant le tournage.
00:19 A part avec ce mot, il est difficile de définir Apocalypse Now.
00:22 Film de guerre hallucinatoire, road trip temporel,
00:25 ou encore mis en image de la folie meurtrière américaine durant la guerre du Vietnam,
00:28 on ne sait pas vraiment ce qu'est Apocalypse Now.
00:31 Mais ce qu'on sait c'est qu'il est un film puissant, ambitieux dans bon nombre de ses aspects,
00:34 et surtout unique en son genre.
00:36 L'histoire sur le papier se veut relativement simple.
00:38 Le capitaine Willard, enfermé dans une chambre d'hôtel à Saigon,
00:41 en pleine dépression nerveuse, baignant dans l'alcool,
00:44 attend désespérément qu'on lui confie une mission.
00:46 Ce qui va finalement se produire puisque l'état-major va lui confier comme mission secrète
00:49 de trouver et tuer un certain Kurds.
00:52 Colonel émérite de l'armée américaine qui a complètement perdu le contrôle de lui-même
00:55 et dont les différents meurtres ne sont pas tolérés par l'armée.
00:58 Willard va donc remonter le fleuve jusqu'au Cambodge en bateau
01:01 accompagné de quelques soldats afin de mener à bien sa mission.
01:04 Voilà le résumé d'Apocalypse Now.
01:06 Mais tout ceci n'est qu'un prétexte pour offrir aux spectateurs
01:08 une expérience sensorielle et psychologiquement intense.
01:11 Le film raconte entre autres les dérives d'une guerre dont l'utilité est à remettre en cause,
01:15 la fine frontière qui sépare le bien du mal,
01:18 la vanité américaine et ce besoin constant de faire le show quelles que soient les circonstances,
01:22 la fragilité d'un capitaine dont l'esprit est iraillé entre la peur de la violence et la peur de l'embrasser.
01:27 Car plus le récit va avancer, plus Willard va être impatient de rencontrer Kurds.
01:31 Ce dernier est une sorte de test pour Willard.
01:34 Va-t-il accepter ses démons ou leur faire face ?
01:36 Tout ce rapport entre l'homme et la guerre est magnifiquement mis en scène
01:39 par la légende vivante qu'est Francis Ford Coppola.
01:41 Un film spectaculaire, notamment à travers sa bande-son et sa photographie incroyable.
01:45 Un film né dans le chaos.
01:47 Je vais donc tenter d'en décortiquer tous les aspects,
01:50 tout en vous racontant ce qui se cache derrière sa production.
01:53 Dans le milieu des années 70, Francis Ford Coppola est au sommet du monde.
02:01 Grâce au succès incroyable du parrain numéro 1 et numéro 2,
02:04 Coppola a acquis richesse, notoriété et admiration.
02:08 A cette époque-là, il est tout bonnement intouchable.
02:10 Et ce statut aura son importance durant la longue réalisation du film.
02:13 C'est en 1975 qu'il dévoile son nouveau projet.
02:16 Une adaptation du roman "Au coeur des ténèbres" de Joseph Conrad,
02:19 mais dans le contexte du Vietnam,
02:21 avec John Milius au scénario, qui pondra un manuscrit de 1000 pages, rien que ça,
02:25 et George Lucas à la réalisation.
02:27 Mais ce dernier étant occupé par un autre projet, une sorte de space opéra,
02:31 c'est Coppola qui se chargera finalement de la réalisation.
02:33 Et ce qui est drôle, c'est que malgré la réputation du film aujourd'hui,
02:36 Coppola l'a simplement réalisé pour l'argent,
02:38 et parce que personne d'autre ne voulait le faire.
02:41 Son but était de réaliser un film de guerre spectaculaire
02:43 afin d'en faire un énorme succès commercial,
02:45 pour ensuite se concentrer sur des films plus personnels.
02:48 Il voulait faire d'Apocalypse Now la plus grosse production hollywoodienne possible.
02:52 Mais la Warner refusera le projet,
02:54 ne voulant rien avoir à faire avec un film qui retrace ce que les américains tentent d'oublier.
02:58 Coppola se tournera donc vers United Artists pour un début de tournage en mars 1976.
03:03 Je reviendrai en détail sur les divers éléments de tournage plus tard dans la vidéo.
03:07 Mais ce qu'il faut comprendre tout d'abord, c'est que Coppola à travers son film
03:10 veut dénoncer la vanité et l'extravagance des Etats-Unis durant la guerre du Vietnam.
03:14 L'armée américaine est partie au combat sans trop savoir pourquoi.
03:17 Mais surtout dans des conditions beaucoup trop luxueuses.
03:19 Trop d'argent a été investi sans véritablement d'intérêt durant cette guerre.
03:23 Et c'est montré durant le film.
03:25 Les soldats qui se nourrissent de viande de premier choix,
03:27 qui boivent de la bière, qui surfent,
03:29 les généraux installés dans des complexes climatisés avec de la nourriture gastronomique,
03:33 le show des bunnies, les motos, etc.
03:36 Là où je veux en venir, c'est que Coppola en partant pour les Philippines tourner son film,
03:40 fera exactement les mêmes erreurs.
03:42 Il fera exactement ce qu'il dénonce dans le film.
03:45 Dans l'apocalypse, j'étais aux Philippines, j'avais toutes ces responsabilités,
03:50 et j'ai commencé à prendre la position que je pouvais faire tout ce que je voulais,
03:54 qu'il n'y avait pas de restraints, qu'il n'y avait pas de limites.
03:57 Il partira à l'autre bout du monde avec toute sa famille,
04:00 avec un budget énorme, de la nourriture gastronomique à chaque repas,
04:03 la livraison de vin français, d'un énorme gâteau d'anniversaire venu tout droit de San Francisco,
04:08 de cigares de premier choix et autres extravagances pas vraiment utiles.
04:11 Et c'est tout ce luxe qui va entre autres causer la folie qui règnera tout au long du tournage.
04:16 *Musique*
04:23 C'est le groupe The Door qui nous introduit dans l'univers de la guerre.
04:27 Pas de générique d'intro, pas de nom qui défile à l'image,
04:30 seulement le titre musical The End qui vient mettre en image les souvenirs de guerre du capitaine Willard.
04:34 Un homme qui n'a plus comme repère que l'image du feu, l'odeur d'une apalme,
04:38 et les bruits des hélices d'un hélicoptère qu'il n'a aucun mal à confondre
04:41 avec le ventilateur de sa chambre d'hôtel à Saigon.
04:43 Cette première scène introduit parfaitement le protagoniste sans le moindre dialogue.
04:47 Grâce notamment aux différents fondus qui mêlent le visage de Willard,
04:50 sale et mal rasé avec des images d'explosion,
04:52 mais également avec son arme, une bouteille d'alcool et ses photographies poissonnes.
04:56 Grâce à tout ça, on connaît déjà le mal-être qui habite le personnage.
04:59 Et si ça ne suffit pas, l'introduction se poursuit avec un Martin Sheen en roue libre,
05:03 possédé par la folie de son personnage allant jusqu'à sourire la main en cassant un miroir.
05:07 Martin Sheen est d'ailleurs d'une justesse incroyable durant tout le film.
05:10 C'est donc un choix judicieux de la part de Coppola de l'avoir choisi au détriment d'Hervé Keitel,
05:14 qui avait déjà le rôle mais dont le jeu ne convenait pas à Coppola.
05:17 En effet, ce dernier trouvait que Keitel emprisonnait le cadre de sa présence.
05:20 Alors que le personnage du capitaine Willard avait été écrit pour se confondre dans le décor
05:25 et laisser place au véritable héros du film, le Vietnam.
05:28 L'entretien avec les généraux est là pour introduire l'intrigue,
05:31 mais également pour mettre en avant le luxe que s'offrait l'armée américaine durant cette guerre.
05:35 On y voit des généraux installés dans des bâtiments luxueux pour une période de guerre,
05:38 se nourrissant de viandes de premier choix importées du pays, de crevettes, de grands vins.
05:42 Mais le plus flagrant sera durant la scène du show des bunnies,
05:45 où toute l'extravagance américaine sera dénoncée.
05:48 Faire venir des femmes qu'on présente comme des morceaux de viande aux soldats,
05:51 entourées par des vietnamiens qui assistent à ça derrière un grillage,
05:55 comme s'ils assistaient au repas d'un tigre dans un zoo.
05:58 Mais je me suis sans doute trop avancé.
06:00 Revenons au début de ce road trip, qui a pour première escale une plage en plein conflit,
06:04 dirigée par un certain Kilgore.
06:07 Cette partie du film est sans aucun doute la plus spectaculaire,
06:10 mais surtout la plus représentative de ce conflit.
06:13 Le groupe du capitaine Willard débarque sur cette plage ravagée par la violence.
06:17 Une violence que le gouvernement américain aime à immortaliser à travers des caméras et autres appareils photos.
06:22 Il faut savoir qu'à cette époque, le peuple américain pouvait suivre l'évolution de la guerre tous les soirs à la télévision.
06:27 Un exemple de plus que l'Amérique à cette époque était incapable de faire les choses dans la sobriété.
06:31 Constamment dans l'entertainment, dans le too much.
06:34 D'ailleurs c'est Francis Ford Coppola lui-même qui fait un caméo dans son film
06:37 en jouant ce reporter de guerre avide d'images à sensations fortes.
06:41 Et quand ce personnage à première vue anecdotique dit ça,
06:44 il résume en une phrase l'état d'esprit des soldats durant cette guerre.
06:53 Incapable de donner une réponse claire à une question simple,
06:56 "Pourquoi vous battez-vous ?"
06:57 Cette interrogation sera remise plus d'une fois en avant durant le film.
07:00 Notamment durant la scène de la tuerie
07:02 où les soldats ne feront même plus la différence entre la population et ce qui est considéré comme l'ennemi.
07:07 Maintenant ce qu'il faut retenir de ce segment sur la plage, c'est le lieutenant colonel Kilgore.
07:11 Représentation de l'extravagance américaine et de la folie ambiante.
07:15 Son arrivée est accompagnée de fumigènes colorés.
07:17 Et c'est assez intéressant de constater que quand la folie s'empare des personnages,
07:20 ces fumigènes ne sont jamais bien loin.
07:22 Durant l'arrivée de Kilgore du coup, son discours après un bombardement massif,
07:26 quand les soldats envahissent la scène durant le spectacle des Beniz,
07:29 quand il débarque au dernier avant-poste en pleine nuit,
07:31 au moment où Lance est sous emprise de drogue et compare les lieux à Disneyland.
07:35 Bref, c'est comme si à chacun de ces moments on débarquait dans une autre dimension.
07:39 "Dead from above".
07:41 Voilà ce qu'on peut voir inscrit sur son hélicoptère.
07:43 La mort qui vient d'en haut, qui vient du ciel.
07:45 La mort qui vient du lieu saint et béni par les dieux, l'Amérique.
07:49 Voilà comment Coppola ironise cette guerre jusque dans les plus petits détails.
07:53 Kilgore pris en photo pendant qu'il signe avec des Descartes les morts d'hommes, de femmes et d'enfants.
07:58 Lui-même qui balance un discours moralisateur en donnant de l'eau à un ennemi à l'agonie,
08:02 avant de le laisser complètement de côté en apprenant qu'il y a un surfeur dans le groupe de Willard.
08:06 C'est ça, Kilgore.
08:08 C'est une absence totale d'empathie.
08:10 Un homme qui s'est laissé prendre par le jeu de la guerre
08:12 et qui n'a plus la notion de ce qui est important ou non,
08:14 de ce qui est juste ou non.
08:16 C'est en apprenant l'existence de vagues de 2 mètres qu'il décidera de bombarder un village
08:20 en tuant des innocents et en risquant la vie de ses hommes.
08:23 Et ce sentiment de nostalgie est avant tout accentué par la gestion catastrophique
08:26 de l'armée américaine durant cette guerre.
08:28 Et d'ailleurs, Willard le dit très bien.
08:30 "The more they tried to make it just like home, the more they made everybody miss it."
08:34 En reconstituant le même train de vie américain aux soldats,
08:37 ils ont perdu la notion du lieu.
08:39 Persuadés qu'ils sont chez eux et qu'ils peuvent aller surfer sur une plage occupée
08:42 en bombardant tout au napalm, puisqu'on leur donne les moyens.
08:45 Ce qui nous amène à la fameuse scène des hélicoptères.
08:48 *Musique*
08:57 Passés les nombreux plans iconiques qui ont inspiré maintes et maintes réalisateurs par la suite,
09:01 ce qu'il faut savoir c'est que ce raid en hélicoptères est la scène qui a demandé
09:04 le plus de travail et le plus de logistique à Coppola.
09:07 Le plus compliqué étant de gérer les hélicoptères appartenant au dictateur Marcos,
09:10 qui prêtera ses engins à Coppola pour les besoins du film,
09:13 mais qui ne se gênera pas pour les réquisitionner en plein milieu d'une scène
09:16 afin d'aller combattre contre les rebelles de son régime politique.
09:19 L'explosion au napalm fut également quelque chose de compliqué à gérer.
09:22 Il a fallu couvrir un espace de 750 mètres dans la jungle,
09:25 ce qui terrifia Coppola, espérant que personne n'ait pénétré dans la zone,
09:28 malgré les panneaux d'interdiction.
09:30 Concernant la prise de vue, pas moins de 5 caméras ont filmé l'explosion
09:33 sous des angles différents ce jour-là.
09:35 D'ailleurs, pour la petite anecdote, l'explosion qu'on peut voir durant l'intro du film
09:38 est bel et bien cette explosion au napalm, mais sous un angle différent.
09:41 Coppola récupérera ce rush à la base destiné à finir à la poubelle
09:44 et le proposera au monteur pour l'intro du film
09:47 en suggérant d'y ajouter la musique "The End" du groupe The Door.
09:50 Aujourd'hui, cette introduction reste encore l'une des plus mythiques
09:53 de l'histoire du cinéma américain. Mais revenons à cette attaque en hélicoptère.
09:56 Durant cette scène, le colonel Kilgore laisse entrevoir toute sa folie.
09:59 On a d'ailleurs l'impression que seul Willard parvient à rester lucide
10:02 et conscient de ce qui l'entoure.
10:04 Sur la légendaire chevauchée des Valkyries de Wagner,
10:06 qui illustre parfaitement la scène et qui donne encore tout son sens
10:09 à cette fameuse petite phrase sur l'hélico de Kilgore,
10:11 les soldats se dirigent vers une énième tuerie pour des raisons futiles une fois de plus.
10:15 Kilgore n'a plus aucune notion de survie et son discours en dit long sur son état psychologique.
10:20 Rien que sa position ici pose les bases de son état d'esprit.
10:23 Il est dos au conflit et se concentre uniquement sur les surfers,
10:26 sur ceux qui se rapprochent le plus de sa culture.
10:29 Il ne prend pas la mesure de ce qui se passe autour de lui.
10:31 Il est figé sur ce qu'il imagine être la réalité.
10:34 La prestation de Robert Duval vient bien évidemment ajouter toute l'aura autour de ce personnage.
10:40 "Someday this war is gonna end."
10:42 Dit-il sans véritablement y croire lui-même.
10:46 C'est à partir de là que l'équipe de Willard va commencer la remontée de ce fameux fleuve.
10:52 Une remontée que Francis Ford Coppola aime à comparer à un voyage dans le temps.
10:56 Des playmates des années 60-70,
10:58 en passant par la guerre d'Indochine avec la fameuse scène de la plantation française,
11:02 jusqu'au retour à l'air sauvage avec la tribu de Pygmé en fin de film.
11:06 Cette vision du réalisateur est très intéressante.
11:08 Et ces trois moments clés du film, je vais essayer de revenir en détail,
11:11 afin que l'on continue vous et moi ce voyage.
11:14 Avec le show Playboy, on en remet une couche.
11:20 Tout d'abord avec ce sergent qui fait office ici de marchand de super-hêtes,
11:23 et qui met plus d'énergie à préparer le show Playboy qu'à ravitailler un capitaine pour une mission importante.
11:28 Mais surtout avec le show en lui-même,
11:30 qui fait perdre encore un peu plus la notion de priorité chez les soldats.
11:33 Incapable de gagner cette guerre, donc obligé de rester bloqué au Vietnam.
11:37 Et vu que cette armée américaine ne pouvait pas rentrer au pays,
11:40 ils ont fait venir le pays à eux.
11:42 Et c'est comme ça qu'ils ont perdu la guerre.
11:44 Car comme le dit Willard, du côté des Vietcong, il n'y avait pas de spectacle, pas de perme.
11:48 Le seul festin auquel ils avaient droit, c'était un bol de riz et de la viande de rat.
11:52 Et s'ils voulaient rentrer chez eux, ils n'avaient que deux solutions.
11:55 A ce moment-là du film, Coppola venait de refaire tout le décor de la scène qui fut initialement détruit,
12:05 ce qui stoppa net le tournage et qui fera rentrer au pays toute l'équipe avec plus de 90 heures de rush.
12:10 Quand Coppola revient, il tourne cette scène et enchaîne avec une scène
12:14 où les gars de Willard échangent des tonneaux contre un petit moment privilégié avec les Bunnies.
12:18 Une scène qui sera coupée du montage original,
12:20 rajoutée à la version Redux et recoupée pour la Final Cut.
12:24 Après ça, il s'apprête à enchaîner avec la scène de la plantation française.
12:27 Mais Martin Chin, du haut de son mètre 70 et de ses trois paquets de cigarettes par jour,
12:31 fait une crise cardiaque.
12:32 Il est arrêté cinq semaines et en attendant, Coppola filme des plans larges et serrés avec la doublure de Chin.
12:37 Il est également obligé de mentir à ses investisseurs sur l'état de santé de ce dernier
12:41 et d'investir son argent personnel dans le film au vu du dépassement trop important du budget.
12:45 Au retour de Martin Chin, Coppola peut enfin tourner la scène de la plantation française.
12:49 Une scène qu'on peut retrouver dans la version Redux du film sorti en 2001 avec 49 minutes supplémentaires
12:55 et la version Final Cut sortie en 2019.
12:58 Mais une scène totalement absente de la version originale.
13:01 Tout simplement car Coppola n'était pas satisfait de la scène à l'époque.
13:04 Et ce, pour les mauvaises raisons.
13:06 Il voulait que le service à table soit réaliste au possible, jusqu'à la température du vin.
13:10 Mais la restriction de budget empêcha ça.
13:12 De plus, il n'était pas en phase avec le décor, les lumières, enfin tout ce qui concernait cette scène.
13:17 Voilà pourquoi il décidera à l'époque de la supprimer du film.
13:20 Et si pour David Lynch, les scènes supplémentaires d'Apocalypse Now ont endommagé le film,
13:24 pour d'autres, ces scènes rajoutent une couche supplémentaire à l'aura génialement étrange que peut dégager ce dernier.
13:29 Notamment grâce à ce fameux segment de la plantation française.
13:33 C'est dans une brume presque onirique que débarque Willard et son équipe chez les Français.
13:42 C'est là qu'ils enterreront leur camarade Clint,
13:44 joué par un certain Lawrence Fishburne, alors âgé de seulement 14 ans.
13:48 Son corps sera ironiquement recouvert d'un drapeau américain déchiré,
13:52 à l'image de cette Genève sacrifiée dans un conflit inutile et que personne ne voulait.
13:56 Plus on navigue à travers le récit, plus la folie se concrétise,
13:59 et plus les inégalités sont évidentes.
14:01 Un exemple avec la scène de l'avant-poste à l'abandon,
14:04 défendu par des hommes de couleur qui tentent tant bien que mal de défendre leur pays sans trop de raison,
14:08 à une époque où ce dernier est enclin au racisme et à la discrimination.
14:11 Et ceci pose une question existentielle du film.
14:14 Pourquoi un tel conflit ?
14:16 Et d'ailleurs le chef de la famille française soulève ce point très important durant le repas.
14:20 "While you Americans, you are fighting for the biggest nothing in history."
14:28 Ceci est l'état d'esprit de bon nombre de soldats américains envoyés au Vietnam,
14:32 et surtout du peuple américain à cette époque.
14:34 J'ai déjà évoqué plusieurs fois ce point, mais les soldats ici ne savent pas pourquoi ils se battent.
14:38 Voilà pourquoi à la fin de cette guerre, les vétérans ne sont pas rentrés chez eux en héros.
14:42 Voilà pourquoi cette guerre, les Etats-Unis ont tout fait pour l'effacer de la mémoire collective.
14:46 Car non seulement elle était inutile, mais en plus elle ne fut pas victorieuse.
14:50 Une armée dans le déni, financée à outrance pour commettre des actes violents et abusifs par moment,
14:55 il était plus qu'évident que la plupart allaient sombrer dans la folie.
14:58 Et cette folie était représentée de nombreuses manières dans le film.
15:01 Mais la plus marquante reste durant l'acte final, porté par un Marlon Brando dans son dernier grand rôle,
15:07 le colonel Kurds.
15:10 *Musique*
15:16 On connaît tous l'histoire du tournage chaotique d'Apocalypse Now.
15:19 Et si vous ne la connaissez pas, elle vous est racontée dans le documentaire Heart of Darkness,
15:23 réalisé en 1992 par Eleonore Coppola, la femme du réalisateur.
15:28 La partie chaotique de ce tournage interminable, on la doit également à la superstar du film, Marlon Brando.
15:34 Ce dernier qui en acceptant le rôle, promettra à Coppola de perdre le poids nécessaire
15:38 et d'être opérationnel à son arrivée aux Philippines.
15:40 En sachant que Brando a négocié un contrat de 3 millions de dollars pour 3 semaines de tournage.
15:45 Résultat, il arrivera sur place avec des semaines de retard, obèse,
15:49 sans avoir lu le livre de Conrad d'où l'histoire est tirée et sans connaître son texte.
15:53 Et c'est à partir de là que Francis Ford Coppola est au bord du burn-out.
15:57 Il le dit clairement, ce film est un désastre de 20 millions de dollars.
16:00 Il y voit la fin de sa carrière, il est littéralement au bord du suicide.
16:04 A ce moment là, il ne reste même pas un mois de tournage.
16:07 La fin n'a toujours pas été écrite et il ne peut pas s'y atteler,
16:09 puisqu'il doit s'enfermer pendant des heures dans la péniche de Brando,
16:12 afin de négocier avec lui la façon dont son personnage va être présenté.
16:15 Et en lui faisant également répéter son texte et lire le livre de Conrad à voix haute.
16:19 Bref, voilà comment on se retrouve avec une fin écrite à la dernière seconde
16:22 et des dialogues improvisés par Brando la plupart du temps.
16:25 Mais le plus important ici, c'est que malgré tout ça,
16:28 le personnage de Kurtz en roue libre et cette fin chaotique
16:30 collent parfaitement à l'ambiance que dégage le film.
16:33 Cette folie ambiante qui s'est emparée de l'équipe en fin de tournage
16:35 est en adéquation totale avec l'histoire finalement.
16:38 Et c'est sans doute pour ça que cette fin prévue pour être un désastre
16:41 se voudra finalement incroyable.
16:43 En étudiant le dossier de Kurtz, Willard était tiraillé entre l'interrogation et l'admiration.
16:49 Comment un homme aussi exceptionnel dans son domaine a-t-il pu sombrer ?
16:52 Willard apporte qu'il a simplement abandonné ce qu'on attendait de lui
16:55 pour devenir ce qu'il a toujours voulu être, libre.
16:58 Quand il arrive au camp de Kurtz et tombe sur ce temple
17:01 et cette tribu d'autochtones venus d'un autre temps,
17:03 l'attention s'installe, monte petit à petit, et puis là...
17:07 Le personnage du photographe apparaît, au milieu de ce lieu unique,
17:15 coupé du monde, que le temps n'a pas atteint.
17:17 Preuve encore une fois que l'Amérique implante sa culture partout.
17:20 Tout d'abord, sachez que contrairement aux idées reçues,
17:22 non, les corps visibles dans le film ne sont pas des vrais.
17:25 Et l'inscription "Apocalypse Now" qu'on peut apercevoir sur le mur
17:28 est là pour de simples raisons de droit juridique.
17:30 Le film original n'ayant ni générique d'intro, ni générique de fin,
17:33 il fallait que le titre apparaisse quelque part.
17:36 Toutes les personnes présentes ici, qu'elles soient américaines,
17:38 cambodgiennes, vietnamiennes,
17:40 suivent aveuglément Kurtz dans sa quête meurtrière.
17:43 Et ce personnage qui a nourri nos fantasmes depuis le début du récit
17:46 est ici vu comme une sorte de divinité.
17:48 Le photographe le dit très bien.
17:50 Et l'introduction du personnage en question dans cette pénombre
17:56 à la base due au surpoids de Marlon Brando
17:58 qui ne voulait pas que son état physique soit visible,
18:01 est une aubaine.
18:02 Toute l'aura mystique du personnage découle de là.
18:04 En dehors bien sûr de la présence exceptionnelle de Brando.
18:07 Même si avec la version Redux et cette scène où il lit le Time à Willard,
18:10 le côté mystique quasiment surnaturel du personnage en prend un sacré coup.
18:14 C'est compliqué d'analyser un personnage aussi rare et complexe que le Colonel Kurtz.
18:18 Un personnage né dans le chaos d'un auteur au bout du rouleau.
18:21 Un personnage extrêmement profond.
18:23 Libéré de tout préjugé et autres jugements.
18:26 Lucide du monde qui l'entoure malgré son confinement.
18:29 Mais surtout un personnage dont tous essayent d'en saisir la nuance.
18:32 Le spectateur, l'armée américaine, Willard et même Kurtz lui-même.
18:37 Ce voyage où la folie s'accumule à chaque escale
18:39 est peut-être simplement la représentation de l'esprit de Kurtz
18:41 qui a sombré au fur et à mesure de sa vie.
18:43 Kurtz c'est la représentation du monstre créé par la guerre.
18:46 C'est ce que la violence a fait de pire à l'esprit humain.
18:49 A la fois lucide et barbare.
18:51 Kurtz a tellement été confronté à la mort qu'aujourd'hui il s'en sert comme support,
18:54 comme sujet de réflexion, comme manière de comprendre l'homme.
18:57 Il n'a pas d'ennemi à proprement parler, il tue tout simplement.
19:01 En tant que spectateur, on ne parvient pas à poser un jugement sur ses actes
19:04 car il apparaît comme étant tout aussi captivant que sans pitié.
19:07 Mais Kurtz est aussi un personnage en quête de rédemption, dans une souffrance intense.
19:11 N'attendant qu'une seule chose qu'on le libère de ce fardeau qu'est la vie.
19:15 Et c'est la mission qui fut confiée à Willard, c'était devenu son destin.
19:18 Il tuera Kurtz de plusieurs coups de machette
19:21 et la scène sera mise en parallèle de ce sacrifice païen,
19:24 histoire de bien ancrer dans nos esprits la vision divine de Kurtz.
19:27 Tout comme cette bête, son âme sera enfin libérée de cette prison faite de chair et de sang.
19:32 Et ces derniers mots sonneront comme la conclusion d'une vie guidée par les atrocités de la guerre.
19:36 Comme un dernier souffle venant du cœur, comme une libération.
19:40 "The horror."
19:42 "The horror."
19:48 Car l'horreur n'est plus qu'un mauvais souvenir.
19:51 238 jours plus tard, le tournage du film est enfin terminé.
19:58 Francis Ford Coppola revient au pays avec 50 kilos en moins,
20:01 près de 250 heures de rush et une dette de 17 millions de dollars.
20:05 Le succès critique et public du film sera un vrai miracle pour Coppola.
20:09 Palme d'or au festival de Cannes, deux Golden Globes, deux Oscars,
20:12 succès financier international,
20:15 Coppola sort de cette épreuve grandie et acclamée et équipusée.
20:18 Il rajoute un autre chef d'oeuvre à son palmarès.
20:21 Encore aujourd'hui, Apocalypse Now est considéré comme une des oeuvres les plus importantes de l'histoire.
20:26 D'ailleurs, on peut remercier le cinéma couleur d'exister
20:28 rien que pour la photographie incroyable du Vittorio Storaro.
20:31 Bref, ce road trip unique en son genre est une leçon de cinéma.
20:35 Et je ne vais pas plus le brosser dans le sens du poil, parce que j'en ai pas besoin.
20:38 Sa réputation parle pour lui-même.
20:40 Quoi qu'il en soit, si vous n'avez pas encore vu le final cut d'Apocalypse Now, je vous le conseille.
20:44 C'est pour moi la version la plus aboutie du film.
20:47 Du coup voilà, j'espère que cette analyse vous aura plu.
20:49 Quant à moi, je vous dis à très bientôt et je vous laisse avec les mots de Monsieur Francis Ford Coppola.
20:54 Et très souvent, si vous êtes permis de suivre votre idée jusqu'au bout, vous trouvez que c'est vrai.
21:01 Vous trouvez que votre instinct est généralement bon.
21:04 Et donc, je pense que l'entretien, les films et l'art ont été faits trop comme des sports,
21:10 où il y a un gagnant et un perdant.
21:12 Je pense que la presse, vraiment, souhaite qu'ils soient des auteurs de sport ou qu'ils soient des auteurs de sport.
21:18 Et ils regardent les choses toujours de ce point de vue, c'est qui a gagné, qui a perdu.
21:23 Mais l'art n'est pas comme ça. L'art, tout le monde gagne avec l'art.
21:26 [Musique]