«Peut-on violer la République impunément ?»

  • l’année dernière

Chaque lundi dans la matinale de Dimitri Pavlenko, Philippe Val livre son regard sur l'actualité.
Retrouvez "Philippe Val - Les signatures d'Europe 1" sur : http://www.europe1.fr/emissions/philippe-val-les-signatures-deurope-1

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Transcription
00:00 - D'abord, comme chaque lundi sur Europe, Philippe Valle est avec nous. Bonjour Philippe.
00:03 - Bonjour Dimitri, bonjour à tous.
00:05 - On va se poser avec vous ce matin une question absolument vertigineuse, Philippe.
00:09 - Oui, dans une tribune du Figaro, l'ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, Jean-Éric Schöttel,
00:16 attire notre attention sur un délicat point de droit.
00:19 La limite à partir de laquelle l'État laïque doit se mêler de la pratique religieuse.
00:25 À quel moment la religion se rend-elle incompatible avec la République ?
00:29 - Alors la question s'est posée en pratique récemment avec l'imam de Bocquer.
00:33 - Effectivement, le 12 octobre, 5 jours après l'attaque terroriste du Hamas,
00:38 l'imam a posté sur son compte Facebook le fameux hadith, dit "Hadith du Rocher",
00:44 appelant à l'assassinat des juifs où qu'ils se trouvent.
00:48 Les hadiths étant des textes sacrés de l'Islam, la prédication de certains d'entre eux
00:52 met la République laïque dans l'embarras.
00:55 C'est aux responsables religieux, musulmans, de les désactiver.
00:59 En l'occurrence, là c'est le préfet du Var qui a pris la décision de saisir le parquet.
01:04 L'imam a été arrêté, jugé, condamné d'origine marocaine.
01:09 Il aurait également pu être expulsé s'il ne jouissait de la double nationalité française et marocaine.
01:17 Cette affaire m'a rappelé le débat sur la déchéance de nationalité
01:21 qui avait agité le pays après les attentats de 2015.
01:24 - On s'en souvient, le débat s'était achevé par une bérésina politique.
01:28 Oui, à l'époque, la garde des Sceaux, Christiane Taubira,
01:31 s'était dressée contre ce projet de réforme constitutionnelle
01:35 suivi par une meute indignée de moralistes généreux.
01:39 Les arguments contre la déchéance de nationalité des binationaux
01:43 étaient tous sous-tendus par la même mise en accusation de la démocratie française.
01:49 Comment ce pays de Nantie, ancienne puissance coloniale,
01:53 pays aux inégalités criantes avec sa laïcité qui sert de prétexte à l'oppression des minorités,
02:00 comment ce pays pelé, ce pays galeux, peut-il encore ajouter à son infamie
02:05 le déshonneur de la déchéance de nationalité ?
02:07 - Et le débat avait été d'une grande violence.
02:09 Oui, au point que la garde des Sceaux, Christiane Taubira, a démissionné
02:13 en déclarant avec sa modestie habituelle "parfois résister, c'est partir".
02:18 Toutes propositions gardées, j'ai cru entendre ce qui se disait dans les prétoires
02:24 avant que ne fût votée en 1980 la criminalisation du viol
02:28 à la suite de la célèbre plaidoirie de Gisèle Halimi.
02:32 Jusque-là, dans les affaires de viol, la femme violée était accusée d'avoir mis du rouge à lèvres,
02:39 d'avoir porté une jupe trop courte ou d'être sortie avec un décolleté après 22h,
02:44 autant de circonstances atténuantes pour le violeur.
02:47 En 2015, après l'épouvante des attentats que nous avons subis,
02:52 les fleurs n'avaient pas encore fané sur les tombes des victimes
02:55 que la même petite musique s'est fait entendre.
02:58 Reconnaissons, à la décharge des terroristes, que la France met trop de rouge à lèvres,
03:02 que sa jupe est trop courte et que si elle sort avec un décolleté après 10h du soir,
03:06 il ne faut pas qu'elle vienne pleurer s'il lui arrive malheur.
03:09 - Mais vous êtes favorable, vous, Philippe, à la déchéance de nationalité ?
03:13 - D'abord, la double nationalité est un privilège
03:16 dont on peut discuter la légitimité.
03:18 Ceux qui en sont titulaires, qu'elles soient algériennes, canadiennes, israéliennes, américaines,
03:22 qu'importe, bénéficient de facilités juridiques que n'a pas le commun des mortels.
03:27 C'est une rupture d'égalité discutable, mais c'est ainsi.
03:31 Mais, comme tout privilège, ce statut d'exception oblige à une loyauté
03:36 encore plus sourcieuse avec le pays de résidence, avec ses lois,
03:40 avec le respect de la paix civile.
03:42 Il n'est évidemment pas question de fabriquer des apatrides,
03:45 mais je n'arrive pas à trouver ce qu'il y a de scandaleux,
03:48 de déchoir de la nationalité française,
03:50 les binationaux qui violent les principes fondamentaux de notre Constitution.
03:54 - Mais vous n'avez pas peur, Philippe, de jeter de l'huile sur le feu, comme on dit ?
03:59 - Au contraire, c'est avec le droit, généralement, que l'on éteint la brûlure des crimes.
04:03 Oui, la République, oui la République,
04:05 accueille en son sein des personnes de toute origine et de toute confession,
04:10 et c'est ce qui la rend désirable.
04:12 C'est sa façon, à elle, d'aller légère et courvettue dans les rues populaires.
04:16 Et les vrais coupables, ce sont ceux qui la violent.
04:19 - Il faut déchoir l'imam de Bocquart de la nationalité française ?
04:21 - Moi, je ne serais pas défavorable à ça.
04:23 - Voilà, on a bien compris. Merci beaucoup, Philippe Vallès.
04:25 C'était votre signature du lundi. On vous retrouve lundi prochain.

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