Pape à Marseille : «On est pas là pour se faire engueuler !»
Chaque lundi dans la matinale de Dimitri Pavlenko, Philippe Val livre son regard sur l'actualité.
Retrouvez "Philippe Val - Les signatures d'Europe 1" sur : http://www.europe1.fr/emissions/philippe-val-les-signatures-deurope-1
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00:00 Jean-Philippe Ball. Bonjour Dimitri et bonjour à tous. Mais qu'est-ce que vous avez ce matin, vous avez l'air épuisé.
00:04 Ah, je vais me crever. La semaine dernière était sympathique mais quand même épuisante.
00:08 On a reçu tellement de monde à la maison, un pape, un roi, on a passé le week-end à ranger et à faire la vaisselle
00:13 et comme toujours, dès qu'il tourne le dos, on peut enfin parler librement des invités.
00:18 C'est vrai ça. Et le week-end sort sympa, rien à dire, un couple charmant.
00:22 Ils ont bien mangé, bien bu, ils nous ont fait des compliments sur la déco du château de Versailles,
00:27 ils se sont excusés pour Jeanne d'Arc et Napoléon. On leur a dit "bon, on a passé l'éponge",
00:32 on a trinqué à l'amitié franco-britannique. Bref, on ne regrette pas la dépense.
00:37 Charles et Camilla, ils reviennent quand ils veulent. On ne peut pas en dire autant du pape.
00:42 Vous n'avez pas apprécié le pape François, vous ?
00:44 Franchement, il n'a rien fait pour nous mettre à l'aise. Il n'a pas arrêté de répéter qu'il venait pas en France mais à Marseille.
00:51 Déjà, il nous avait fait le même coup à Extrasbourg, vous vous souvenez ?
00:54 Mais Dimitri, si vous m'invitez à dîner et que pendant le repas je m'harmonne en boucle,
00:57 que je ne viens pas dîner chez vous mais que je suis là parce que c'est l'heure de se mettre à table,
01:02 je vais plomber l'ambiance. Mais le pape préfère considérer que Marseille est la porte d'un continent égoïste,
01:09 jouisseur et indifférent à la misère du monde. Peut-être que si le Vatican était au bord de la mer
01:14 et que si les esquives démigraient à Costes et Place Saint-Pierre, ils verraient les choses autrement.
01:18 Il est quand même dans son rôle, Philippe, quand le pape prêche la fraternité et la solidarité.
01:23 Tout à fait, et tout le monde est d'accord avec lui. Mais quand il évoque la tragédie des migrants, on est avec lui.
01:28 Mais on attend la suite. Or la suite ne vient pas. Il ne parle que de notre impuissance coupable.
01:34 Jamais un mot sur les régimes africains corrompus qui laissent piller leurs richesses par les Russes ou les Chinois
01:41 au mépris de leur population qui agonise dans l'ignorance et la violence.
01:45 Pas un seul mot sur les raisons pour lesquelles des milliers d'hommes et de femmes et d'enfants sont désespérés
01:51 au point de fuir leur terre natale, de se livrer aux raquettes des passeurs et de risquer les slavages, le viol et la mort
01:57 pour atteindre une Europe des droits de l'homme et de la sécurité sociale.
02:02 Il nous fait la leçon à Marseille, mais il s'est gardé d'évoquer les centaines de migrants africains
02:07 qui, selon UN Watch, viennent d'Akoste en Arabie Saoudite et se sont fait massacrer dès qu'ils ont touché terre.
02:14 - Alors apparemment, pour être une bonne victime, il faut être victime des Européens, Philippe ?
02:18 - Et ben voilà, c'est cela même. Or, les migrants sont des êtres humains, comme vous et moi.
02:22 Leur misère est un scandale, leur souffrance est un cauchemar et ils méritent mieux que de servir de prétexte
02:29 à une leçon de morale aux Européens débordés par la situation.
02:33 Parmi les causes de leur malheur, par exemple, il y a Erdogan qui les instrumentalise pour faire chanter l'Europe
02:38 et la Russie poutinienne qui s'implante en Afrique et provoque des putschs militaires pour réaliser son fantasme
02:44 de faire disparaître nos états de droit sous le flot des malheureux qui fuient la misère et la guerre.
02:49 - Mais qu'est-ce que vous reprochez au peuple, fondamentalement ?
02:51 - De ne jamais dénoncer les régimes arbitraires et prévaricateurs, mais toujours l'Europe et plus précisément la France.
02:58 Nous méritons sans doute la critique de mal accueillir la misère du monde.
03:03 Mais la critique n'a aucun sens si elle ne s'exerce pas également sur les causes de la misère.
03:09 En écoutant son discours, j'avais l'impression d'entendre Thomas Piketty.
03:13 "L'Europe n'est pas un tambour magique sur lequel il suffit de taper pour abolir le drame des migrants."
03:19 "Oserait-on encore dire que l'Europe pourrait être au contraire un modèle politique à promouvoir ?"
03:24 "Pourtant, si ça n'était pas le cas, pourquoi serait-ce l'Europe que rêve d'atteindre tous les désespérés du continent africain ?"
03:31 "La prochaine fois qu'il viendra nous voir, au lieu de nous engueuler, peut-être le Pape éclaircira-t-il ce mystère ?"
03:37 - Signature européen, Philippe Vallée. Il a eu cette phrase, le Pape. "Marseille est une porte qui ne peut être fermée."
03:43 - Bah oui, sacrée phrase quand même. Allez, à tout de suite. Merci Philippe, à lundi prochain.