Chaque lundi dans la matinale de Dimitri Pavlenko, Philippe Val livre son regard sur l'actualité.
Retrouvez "Philippe Val - Les signatures d'Europe 1" sur : http://www.europe1.fr/emissions/philippe-val-les-signatures-deurope-1
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00:00 - Mais d'abord, comme chaque lundi, Philippe Val donc avec nous ce matin, Philippe, vous semblez...
00:04 vous avez l'air un peu ballonné ce matin, vous n'avez pas digéré la soupe qui a souillé la Joconde la semaine dernière.
00:10 - Oui parce que d'autant qu'à la télévision, un historien de l'art, dont j'ai oublié le nom opportunément,
00:15 interrogé sur l'événement a répondu que, bien qu'il admira Léonard de Vinci et Emma la Joconde, il avait trouvé le geste de l'écologiste
00:24 formidable, efficace et justifié par la bonne cause.
00:28 Que même un historien de l'art s'abaisse à renier ce à quoi il a consacré sa vie
00:34 pour flatter ce qu'il croit être l'opinion à la mode et que dans la guerre absurde,
00:38 qui oppose nature et culture et prenne le parti de la nature,
00:41 est stupéfiant. - Pourquoi parlez-vous d'une guerre absurde, Philippe ?
00:46 - Parce qu'il n'y a pas d'un côté la nature et de l'autre la culture.
00:50 La culture n'est qu'une manière parmi d'autres dont la nature se manifeste. La Joconde est aussi naturelle qu'un arbre ou qu'une montagne.
00:57 Elle est le produit de matériaux et d'un génie humain qui sont des phénomènes naturels.
01:01 Hors de la nature, il n'y a rien sauf à considérer qu'il existe une surnature pensante
01:07 qui condamne les effets de la présence de l'homme dans la nature.
01:11 C'est de cette surnature divine dont les écologistes lanceurs de soupes sont les prêtres autoproclamés.
01:18 C'est précisément cette croyance à une surnature pensante et ennemie de l'homme à laquelle adhèrent,
01:25 consciemment ou non, les écologistes antiscientifiques et notamment les plus radicaux.
01:29 Quant à la folle dingue qui a aspergé la Joconde avec de la soupe,
01:33 qu'elle ait su que le tableau était protégé ou non par une vitre blindée,
01:36 ne change rien à la haine du génie humain qui s'exprime dans son acte.
01:41 - La haine du génie humain, vous y allez fort quand même.
01:44 - Oui parce que la Joconde est un sommet de l'intelligence humaine,
01:48 une apogée de l'esprit et de l'esthétique qui fait courir le monde entier.
01:52 C'est pourquoi, comme le disait l'historien de l'art dans la grande librairie,
01:56 la Joconde est un choix judicieux, oui effectivement judicieux,
02:00 de la part d'un mouvement écologiste naturaliste qui ignore superbement les réalités humaines
02:06 et dont l'influence insensée a contraint l'Allemagne à fermer ses centrales nucléaires,
02:11 rouvrir les centrales à charbon et mettre son destin énergétique entre les mains de Poutine.
02:16 Méprisant la réalité humaine au point de jeter sur les routes d'Europe
02:20 les tracteurs des paysans désespérés par des normes qu'ils leur ont imposées sans réfléchir une seconde,
02:26 qu'il aurait peut-être fallu les imposer aussi à la concurrence,
02:29 mais comme ce sont des paysans européens, donc des dominants,
02:32 ils ont toujours tort et comme au sud ce sont des paysans dominés, ils ont toujours raison.
02:37 Mais revenons à la Joconde.
02:38 Elle symbolise le foisonnement des savoirs et de la culture humaine
02:42 et lui jeter un bol de soupe, c'est affirmer que ce n'est pas la connaissance
02:48 mais l'ignorance qui sauvera la planète.
02:50 - C'est quand même un pari risqué ça.
02:51 - Oui et profondément débile pour l'esprit libre
02:54 qui a conscience de la frontière fragile qui sépare la décence de l'indécence,
02:59 l'héroïsme de la lâcheté, la bonté de la méchanceté.
03:03 Le sourire de la Joconde est un sourire de complicité.
03:07 Son sourire est la frontière qui sépare la barbarie de la civilisation.
03:11 C'est elle qui est accrochée au mur dans un cadre
03:14 mais le tableau c'est nous et le spectateur c'est elle.
03:18 Si le monde entier défile au Louvre, ce n'est pas pour la voir, c'est pour être vu par elle.
03:24 Son sourire n'est énigmatique que si l'on ne saisit pas
03:28 que nous sommes en train d'observer quelqu'un qui nous observe.
03:31 Pour l'âme humaine capable de pleurer et de rire d'une même chose,
03:34 ce demi-sourire est une caresse, échappée du pinceau de Léonard
03:39 et qui voyage à travers les siècles.
03:41 L'asperger de soupe au prétexte de sauver la planète,
03:45 c'est en réalité vouloir la fin du monde.
03:47 - Signature Europe 1, Philippe Val, comme chaque lundi. Merci beaucoup Philippe.
03:50 C'est Thomas Schlesser, l'historien de l'art dont vous recherchiez le nom.
03:54 - Très bien.
03:55 - Il a écrit un livre qui s'appelle "Les yeux de Mona". Il est très à la mode en ce moment.
03:58 - Très à la mode, oui.
03:59 - Allez, dans un instant sur Europe 1, Pascal Praud nous rejoindra pour le sommaire de Pascal Praud et vous.
04:03 Ce sera tout à l'heure à 11h sur Europe 1.