Une plongée avec 4 spécialistes de l'exploration souterraine dans l'un des réseaux spéléo les plus profonds de la planète. Voyage dans un monde inconnu aux portes de Grenoble...
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00:00 (Générique)
00:23 -Bonjour à tous. Vous pouvez respirer à fond
00:25 ces grands terres, le magazine de la montagne
00:27 et des sports de pleine nature de Télé-Grenoble.
00:30 Aujourd'hui, on va partir en exploration près de chez nous,
00:33 aux portes de Grenoble, dans le massif du Vercors,
00:35 où l'on trouve encore les derniers lieux sur Terre
00:38 que l'homme n'a pas encore foulés.
00:40 Je dis "sur Terre", mais c'est plutôt "sous Terre".
00:42 Pour nous accompagner dans cette plongée,
00:45 j'ai à mes côtés quatre spéléologues expérimentés,
00:48 Léa Varnereau et David Parot. Bonjour à tous.
00:50 -Bonjour. -En face de vous,
00:51 Emmanuel Tessane et Alex Lopez. Bonjour également.
00:55 -Bonjour. -Bienvenue.
00:56 Alex, qui, en plus d'être spéléologue,
00:58 a la particularité d'être réalisateur de films,
01:01 notamment d'un film qui s'appelle "On a marché sous la Terre",
01:04 primé dans de nombreux festivals,
01:06 qui a été présenté au Rencontre Cinémontagne de Grenoble,
01:11 et qui retrace l'exploration au long cours
01:13 que vous avez menée dans l'un des réseaux
01:16 les plus célèbres de France,
01:18 dans le Vercors, le gouffre, le réseau du Berger.
01:22 Qu'est-ce qui vous a donné envie, Alex, de faire ce film ?
01:25 -Ca faisait des années... Non, la vraie raison,
01:27 c'est une vraie question, c'est les Rencontres Cinémontagnes.
01:31 Cette idée est née au Rencontre Cinémontagne.
01:33 -Il y a quelques années ? -Oui.
01:35 À chaque fois, je suis un...
01:37 un féru de films de montagne, comme beaucoup de Grenoblois,
01:41 et en allant à mon petit rendez-vous annuel,
01:43 je me disais que ça manque de films spéléaux.
01:46 Ou alors, les films spéléaux que je voyais,
01:48 je me disais qu'il y a peut-être moyen de pousser plus loin,
01:52 la qualité, la narration.
01:53 Et à partir de là, ça a été un processus qui a mis des années,
01:56 jusqu'au moment où David et Cédric ont posté une vidéo
01:59 de leurs aventures sur Facebook.
02:01 Et là, je me suis dit que c'est là, quoi.
02:04 C'est ça, le sujet.
02:05 J'ai appelé David, et il m'a dit "Bingo, on y va", quoi.
02:09 Et cinq minutes après, mon téléphone sonnait.
02:11 Cédric, au bout du fil, me dit "T'es prêt à bouffer de la corde ?"
02:15 Je fais "Ouais", et là, c'était parti, quoi.
02:17 -Et le projet s'est lancé.
02:19 Alors, il a mis du temps, on va le voir, à aboutir.
02:22 Ce projet, pourtant, David, cette exploration,
02:25 elle est à la maison, aux portes de Grenoble.
02:28 C'est un terrain de jeu accessible.
02:31 -Oui, oui, c'est ça, l'avantage de la Spéléo,
02:36 aux portes de Grenoble, c'est d'être à côté de la maison
02:39 et d'explorer son massif d'une manière un peu particulière
02:42 par rapport à tous les grenoblois.
02:44 Nous, on va plutôt aller sous terre
02:46 pour découvrir le massif du Bercor.
02:48 -On le voit, là, sur ces images, ce plateau du Bercor,
02:52 recèle de nombreuses cavités,
02:54 dont l'une, qui est l'une des plus célèbres au monde.
02:58 Alex, je me tourne vers un spécialiste, le gouffre berger.
03:01 -Oui, le gouffre berger, symboliquement,
03:04 il est important dans le monde de la Spéléo,
03:06 car c'était le premier gouffre à avoir atteint
03:08 et dépassé les moins 1 000 m de profondeur.
03:11 Donc, dans les années où il a été découvert, c'était en 1953,
03:14 il a fait...
03:17 Il y a eu un mouvement médiatique autour de ça,
03:20 et ça a été un des moments où la Spéléologie a été mise à l'honneur,
03:24 au même titre que les ascensions himalayennes à cette époque.
03:27 -Manu, t'essaies de faire de la découverte,
03:30 à quelques kilomètres de chez soi,
03:33 il n'y a qu'en Spéléo, finalement, qu'on peut avoir ce privilège.
03:36 -On peut dire que c'est un privilège,
03:38 mais globalement, ce n'est pas un privilège si facile.
03:41 Quand ils disent que c'est à côté de la maison,
03:43 c'est le fin fond du fin fond du fin fond du fin fond d'un placard
03:47 juste à côté de la maison.
03:48 En oeuvre, ce n'est pas non plus à la portée de tous,
03:51 mais c'est vrai que le Vercors, 3 000 cavités,
03:54 et puis tout un chacun peut faire de la découverte en Spéléo.
03:58 Si vous n'êtes jamais allé dans la grotte,
04:00 chaque virage est une découverte pour vous.
04:03 -Il y a un historique sur ce massif.
04:05 Alex le rappelait, le gouffre berger,
04:08 dans les années 50, on les voit,
04:09 ces pionniers du Vercors et de la Spéléo,
04:13 qui, avant d'arriver à -1 000,
04:15 ils ont fait -50, -100.
04:17 J'imagine, descendre par étape,
04:19 -1 000 m quand on fait de la montagne,
04:22 ou +1 000 m, ça paraît accessible à tout le monde.
04:25 En Spéléo, c'est un autre engagement.
04:27 -Ca dépend de l'époque.
04:28 Il mettait 15 jours pour aller au fond.
04:31 Aujourd'hui, David, l'été,
04:32 quand il fait le camp de la Fédération française,
04:35 il fait l'aller-retour en 5 ou 6 heures.
04:37 -Aller 5 ou 6 heures. -Voilà.
04:39 Le matos a évolué.
04:40 -L'entraînement, j'imagine.
04:42 On comparait ça à l'Everest, à l'époque,
04:44 avec le Gouffre berger,
04:46 l'Everest à l'envers, comme sur une coupure de presse.
04:49 -Oui, complètement.
04:50 Cédric en parle très bien dans le film.
04:52 Il dit une phrase forte.
04:54 Il dit que tout le monde peut aller à -1 000 m.
04:57 C'est comme aller à 8 000 m.
04:59 Si t'es entraîné, tout le monde peut y aller.
05:02 Mais attention,
05:03 parce qu'il faut faire attention à tout ce que tu fais.
05:06 Il y a une forme d'engagement qui est très présente.
05:09 Cédric met des guillemets quand il dit
05:11 que tout le monde peut y aller.
05:13 C'est évident que ça engage, que c'est loin.
05:16 Et de faire ce parallèle avec la montagne,
05:18 je le trouve assez juste.
05:20 -Ce projet de film, David,
05:22 est reposé sur un défi,
05:23 c'était d'arriver à connecter, on l'a vu,
05:26 les deux réseaux, le Gouffre berger
05:28 et celui de la Fromagère,
05:29 qui sont à quelques kilomètres,
05:32 voire quelques centaines de mètres d'écart,
05:34 mais qui ne sont pas aujourd'hui connectés.
05:37 C'est ça que vous aviez envie d'aller explorer,
05:40 un chemin éventuel.
05:42 -Oui, effectivement,
05:43 dans les spéléos, il y a deux pratiques.
05:46 Il y a ceux qui pratiquent la spéléoplongée
05:48 et ceux qui ne font pas de plongée,
05:50 moi, en l'occurrence.
05:52 Ces deux réseaux sont connectés par des siphons
05:54 que Manu a très bien plongé, lui.
05:56 Par contre, vu que je ne fais pas de plongée,
05:59 je cherche une autre manière
06:01 de connecter ces deux réseaux.
06:02 -Pour y aller à pied. -Oui, par des galeries sèches.
06:06 C'est ce que je recherche,
06:07 et c'est ce qui nous a pris un petit moment
06:10 pour essayer de faire ça.
06:11 -On voit cette représentation numérique de ce réseau.
06:17 C'est une sorte de labyrinthe, quand même,
06:20 le berger et la fromagère.
06:22 -27 km de labyrinthe, en effet.
06:24 Le vrai challenge que David et Céric ont relevé,
06:27 c'est de permettre à chacun qui ne plonge pas
06:29 de faire cette traversée extraordinaire.
06:32 Les plongeurs, il faut trop de matériel,
06:34 et peu de gens peuvent...
06:36 Ca met en oeuvre quelque chose de compliqué.
06:38 Là, c'était un superbe challenge.
06:40 -En suivant le courant d'air,
06:42 c'est un très bon indice pour savoir si on peut passer.
06:45 -Si on sent de l'air,
06:46 il y a un trou qui communique ?
06:48 C'est ça, l'idée ? -Oui.
06:50 -Il y a un déplacement de la masse d'air sous terre.
06:53 Comme eux, ils avaient beaucoup d'air à l'entrée.
06:55 Ils ont fait quelque chose que les autres n'ont pas fait.
06:59 -C'est Cédric, un autre protagoniste
07:01 de cette exploration aux portes de Grenoble.
07:03 Cédric Lacha, qui est plus connu pour ses qualités de grimpeur.
07:08 Il a été champion du monde d'escalade,
07:10 grimpeur suisse, mais qui vit à Grenoble.
07:13 Il est également un pratiquant,
07:15 un amoureux de la spéléo.
07:17 On peut même imaginer, quand on regarde le film d'Alex,
07:21 qu'il est accro à cette discipline.
07:23 -J'ai tellement pas envie d'aller dans l'eau !
07:26 Ah !
07:27 J'aime pas l'eau !
07:29 Franchement, je déteste l'eau !
07:32 A chaque fois, on vient là-dedans.
07:34 Musique douce
07:36 Les gens, quand ils voient ça, là,
07:40 ça va donner envie de faire la spéléo !
07:43 -Bon...
07:44 Si on aime pas l'eau, on aime pas la boue,
07:47 normalement, on fait pas de spéléo.
07:49 -C'est sûr, c'est une évidence.
07:51 Cédric, c'est quand même...
07:53 C'est un cas particulier.
07:54 Par contre, je vous garantis qu'il est amoureux de la spéléo
07:58 depuis très longtemps.
07:59 Voilà.
08:01 -Léa, la boue, l'eau, ça vous dérange pas ?
08:03 -Pas du tout. Ça fait partie du jeu.
08:05 Ca nous arrive de faire la spéléo plus propre ou plus calme,
08:09 mais nous, on a eu chance ou pas chance, certains jugeront,
08:12 mais on avait toujours des conditions un peu aquatiques,
08:15 et le trou en lui-même, il est stylé,
08:17 et au fond, il y a beaucoup de boue, on sort marron.
08:20 -C'est un bon client, Alex Lopez, Cédric Lacha, pour un film.
08:24 -Je crois qu'on peut le dire.
08:26 Dans ce milieu-là, c'est pas évident de trouver des personnages
08:29 qui puissent porter des valeurs qu'on a envie de porter,
08:33 une spéléodynamics souriante, des histoires d'amitié,
08:36 et à travers Léa, David, Cédric, Manu, toutes les équipes,
08:39 tous les gens qu'on voit pas,
08:41 il y a plein de gens qu'on voit pas dans le film,
08:44 qui ont énormément œuvré pour que ça puisse exister.
08:47 C'est une super famille.
08:49 Mais Cédric, oui, super client.
08:51 Et d'ailleurs, il est un peu à l'image de ce qu'on peut ressentir bientôt.
08:55 Cédric, c'est tout ou rien.
08:57 On va le voir à fond, fond, la caisse,
08:59 et d'un coup, on va le voir en boue, comme ça,
09:02 dans un coin de la salle, à plus bouger,
09:05 à plus parler pendant des heures.
09:07 C'est Cédric, quoi. Il fait pas semblant. C'est lui, quoi.
09:10 Il aime pas l'eau et la boue.
09:12 J'imagine que le matériel audiovisuel que vous avez utilisé
09:15 pour faire des images de ce réseau de la Fromagère
09:18 aime pas l'eau et la boue.
09:20 Ça doit être un souci pour un réalisateur.
09:22 On va pas se cacher, c'est un gros challenge.
09:25 Faut être prêt à casser du matos. On en a laissé pas mal sous terre.
09:28 Mais ça fait partie du jeu, c'est clairement ça.
09:32 On voit l'état de votre matériel.
09:34 Ça, c'est la petite boîte qui est censée protéger vos objectifs.
09:38 - C'est ça, Alex ? - Ouais, c'est ça.
09:40 - C'est ma boîte principale. - Elle est pas hyperhermétique.
09:43 Elle l'est, mais quand on voit l'état des bonhommes,
09:46 on peut plus rien faire pour le matériel.
09:48 On fait ce qu'on peut pour le conserver le plus longtemps possible.
09:52 Et on filme avec ce qu'on a.
09:53 Quand je dois retourner faire de la pub trois jours après
09:57 pour travailler dans des entreprises un peu...
10:00 Voilà, un peu standard, c'est...
10:03 - Faut bien... - Vous leur ressortez l'appareil ?
10:05 Faut bien laver le matos si je leur raconte pas tout.
10:09 - Le temps de lavage. - Le temps de lavage.
10:11 Léa, David, la présence d'une caméra
10:15 sur une expédition de la spéléologie depuis longtemps,
10:17 mais le fait d'être filmé, ça change la donne ?
10:20 Non, parce qu'en plus, on se sentait pas filmés ou suivis.
10:24 C'était naturel. Alex nous suivait en image,
10:27 mais y avait pas de contraintes. On était naturels.
10:29 Que ce soit dans les dialogues, dans nos actions,
10:32 on savait qu'on allait faire de l'explo au fond.
10:35 Et...
10:36 - David a pas l'air d'accord. - Moi, je suis pas d'accord.
10:40 C'est vrai que...
10:41 L'emprise de la caméra sur soi, ça va, c'est pas trop ça qui dérange.
10:45 Après, c'est plus faire attention à ce qu'on dit,
10:48 bien parler au micro, parce qu'autrement, la scène,
10:50 faut la refaire plein de fois.
10:52 Des fois, sous terre, on a pas un langage très adapté.
10:55 Ce que je veux comprendre, c'est que j'ai jamais eu besoin
10:58 de demander aucune consigne à Léa, quoi.
11:00 Alors que vous, c'est impossible, en fait.
11:03 Si tu leur demandes pas de faire des phrases,
11:05 y aurait pas de film, en fait.
11:06 Ça serait des syllabes...
11:09 Ce qui est vraiment impressionnant, je trouve, c'est que Alex,
11:13 il est réalisateur, il fait les images,
11:15 mais il est spéléo.
11:16 Ça veut dire que l'équipe, parce qu'il parlait des autres,
11:19 tes collègues qui étaient là pour faire tout ce qu'on voit pas,
11:22 ils ont fait un job de dingue.
11:24 C'est parce qu'ils sont spéléos dans l'âme, eux aussi.
11:26 Et ça, c'est vraiment hyper appréciable.
11:28 Y a pas eu de temps à devoir les gérer, en fait.
11:30 C'est hyper autonome.
11:31 -Ouais, y a...
11:33 En fait, mon envie sur ce film, c'était de faire du cinéma du réel.
11:36 Donc, franchement, des prises doublées,
11:39 y en a quasiment pas.
11:41 Y en a une, voilà, donc je détaillerai pas,
11:44 pour ceux qui n'ont pas encore vu le film,
11:47 mais voilà, sinon, c'est du cinéma du réel, quoi, au maximum.
11:50 Donc, on sort la caméra, on filme,
11:51 et puis je leur donne des coups de coude au fur et à mesure,
11:54 en disant "Putain, mais fais des phrases."
11:56 -Non, pas "Putain", justement. -Ne jure pas, justement.
11:58 (Rires)
12:00 -Bon.
12:01 Alors, y a beaucoup d'eau dans le mot "spéléo",
12:03 y a beaucoup d'eau, E-A-U, aussi, dans la pratique.
12:07 S'il y avait pas d'eau, d'ailleurs, y aurait pas de cavités comme ça.
12:11 Ça aussi, j'imagine que ça complique la donne pour filmer, Alex.
12:15 -On est dans l'eau 80 % du temps,
12:17 donc il faut adapter le matériel en fonction de ça.
12:19 Et un des gros enjeux techniques de ce film,
12:22 c'est d'enregistrer des dialogues.
12:24 En fait, il faut comprendre que s'il n'y avait pas eu
12:27 un dispositif mis en place pour ça, on n'entendrait rien, en fait.
12:30 Y aurait pas de dialogue. Et faire un film sans dialogue,
12:32 c'est pas très... -Ça résonne, y a trop de...
12:34 -En fait, on entendrait... (Bruit de bruit)
12:37 Tout le temps. (Rires)
12:40 Voilà.
12:41 -C'est à peu près le bruit constant.
12:43 -On a la tête comme ça quand on sort.
12:45 -En tout cas, ça donne des images très spectaculaires.
12:49 Léa, effectivement, il faut être capable aussi
12:51 d'évoluer dans un milieu aquatique,
12:53 au-delà des techniques de cordes et de grimpe.
12:56 -Bah, particulièrement dans la gouffre de la Fromagère.
12:59 On n'est que dans la rivière, en fait.
13:01 Une fois qu'on a passé le D35 et qu'on rejoint
13:03 la rivière du D35, la rivière de la Fromagère,
13:05 nous, on est dans une partie totalement aquatique tout le temps.
13:08 Donc on n'est pas dans du canyoning non plus, mais pas loin.
13:11 -C'est de l'eau qui finit à Grenoble,
13:12 qui se jette dans l'isère, celle qu'on voit, finalement ?
13:15 -Oui, qui rejoint les tuves de sassenage, tout en bas.
13:17 -Cette eau, David, c'est elle qui façonne ces cavités,
13:22 ces réseaux et qui donne toute la beauté
13:25 qu'on peut admirer quand on fait de la spéléo,
13:27 notamment les fameuses stalactites, stalagmites,
13:29 qu'on voit tous quand on visite une grotte ouverte au public,
13:32 que vous, vous avez peut-être le loisir d'apprécier autrement
13:34 quand on fait de l'exploration ?
13:37 -Alors, on est toujours émerveillé par ce qu'on découvre, en fait,
13:41 parce que c'est la première fois qu'on illumine, on va dire,
13:44 ces paysages. Donc oui, on est toujours un peu ébahis par ça.
13:49 Après, c'est vrai que parfois, la calcite,
13:53 enfin, en tout cas, les concrétions,
13:55 elles nous font un peu chier, pour le dire clairement.
13:59 Et donc, du coup, elles nous barrent le chemin.
14:00 Et bon, des fois, on a plutôt envie de passer.
14:03 -Et puis, ça doit être compliqué de les enlever,
14:07 de les casser, ces concrétions.
14:08 -Mais après, on essaie quand même de respecter un maximum
14:11 l'environnement et effectivement, oui, il y a des choses
14:13 qui sont vraiment... Enfin, en tout cas, on a découvert
14:16 des endroits, là, dans ce réseau, qui sont vraiment jolis.
14:19 -Emmanuel, l'eau, c'est beau, ça fait des belles formations,
14:23 mais c'est dangereux aussi en spéléo,
14:26 notamment quand il y a des crus.
14:27 -Oui, alors c'est comme en canyon,
14:30 c'est comme en rivière à l'extérieur.
14:31 Quand il pleut beaucoup, s'il y a la fonte de neige, etc.,
14:34 on va être sur des débits d'eau qui sont conséquents.
14:36 Les images qu'on a vues, elles vont impressionner tout le monde.
14:39 Il faut savoir que dans 99,999 % des gens qui font de la spéléo,
14:44 on n'est pas dans ces conditions-là.
14:45 Même dans cette grotte-là, il y a eu,
14:47 pour les besoins du film, le fait de devoir y aller souvent
14:50 et de devoir y aller parfois dans des conditions particulières,
14:52 mais la réalité, c'est que la plupart du temps,
14:54 on n'a pas besoin de se protéger de l'eau
14:56 parce qu'il n'y en a pas tant que ça.
14:57 C'est vraiment un calcul.
14:58 -Qu'est-ce qui gérait la prise de risque, Alex, sur cet expé ?
15:03 -Qu'est-ce qui fait qu'on s'est retrouvés dans ces conditions ?
15:04 -Non, qu'est-ce qui gérait la prise de risque ?
15:05 Qui disait là, c'est trop, on n'y va pas ?
15:07 -Comme tout le temps en spéléo, c'est-à-dire c'est collectif.
15:11 Après, forcément, il y a des gens plus expérimentés que d'autres.
15:15 Dans notre cas, mes anges gardiens, il faut le dire,
15:17 c'est David et Cédric.
15:19 Moi, quand je suis sous terre, j'aurais jamais pu faire ça
15:22 sans avoir une sorte de confiance aveugle en ce qu'ils disaient,
15:27 mais n'empêche que dans tous ces sports-là,
15:29 et puis en montagne, c'est pareil, j'ai l'impression,
15:31 il faut absolument être capable de garder son libre arbitre
15:33 et de dire "non, moi, je le sens pas"
15:35 ou "là, non, c'est une connerie, j'y vais pas".
15:37 Et ça, tout le monde est capable de l'entendre,
15:39 et que ce soit n'importe qui dans l'équipe.
15:41 S'il y en a un qui dit "stop", il n'y a aucun problème, c'est entendu.
15:45 D'ailleurs, ça nous a arrivé d'annuler plusieurs fois des sorties,
15:49 on est arrivés sous terre et on s'est rendu compte
15:51 que non, en fait, c'est pas pour aujourd'hui.
15:53 Et globalement, il faut savoir aussi,
15:55 c'est qu'avant chaque mini-expédition, chaque sortie,
15:59 on passait globalement la semaine à checker la météo,
16:02 à avoir des discussions tous les jours,
16:04 tous les jours, "est-ce qu'on y va, est-ce qu'il ne va pas,
16:05 s'il se passe ça, s'il y a-t-il vent, s'il y a-t-il le truc ?"
16:07 Et ça, c'était tout le temps, c'était épuisant même.
16:10 Et puis la forme de chacun aussi, ça, on en parle pas spécialement.
16:12 C'est vrai.
16:14 - C'est un gouffre qui a été marqué dans son histoire
16:16 par des drames, par des accidents mortels.
16:19 Manu, vous l'évoquez dans votre film en 1979
16:22 où les deux spéléologues grenoblois étaient restés coincés
16:25 et finissent par mourir dans ce gouffre berger.
16:28 - C'est souvent ce que les gens vont retenir d'une activité,
16:31 ce qui peut être dramatique, ce qui peut marquer.
16:33 En l'occurrence, 99,99 % des cas,
16:36 tout se passe bien et tous les feux sont dans le verre.
16:40 Mais il est vrai que pour des grenoblois,
16:42 le réseau du berger et la grotte des cuves de Sassnage,
16:45 ça représente une histoire qui est complexe.
16:48 Et en effet, ce qui est bien dit par Cédric,
16:51 c'est "c'est accessible, mais ça doit être réfléchi,
16:54 ça doit être construit".
16:56 C'est comme tout ce que tu disais, toute sortie en montagne,
16:59 en fait, elle se construit et il faut mettre les paramètres dans le verre
17:02 et aussi en fonction des personnes.
17:03 Donc on prendrait des gens qui, contrairement à Léa, à David,
17:07 à Cédric, à Alex et ses collègues,
17:09 seraient allés dans cette grotte-là, ils seraient mis en défaut.
17:11 Eux ne se sont pas mis en défaut par leurs conditions physiques,
17:13 leur habitude et même par du matériel très spécifique
17:15 que moi je n'avais pas expérimenté.
17:17 J'ai expérimenté pour la première fois quand je suis allé avec eux,
17:19 puisqu'on passe dans l'eau, mais on est en combinaison étanche.
17:22 Donc ça, c'est quelque chose que les gens peuvent ne pas voir
17:24 sur ces images-là.
17:25 Quand on voit les images des premiers exploits au berger,
17:28 ils sont en habit, c'est des bleus de travail,
17:30 ils sont imbibés d'eau.
17:31 Nous, là, on était secs.
17:32 Quand on arrive au bivouac, on se déshabille, on est secs,
17:34 on se met dans les habits secs, on dort,
17:36 on se remet dans l'étanche pour repartir.
17:39 Donc il y a toute une conception qui est importante
17:42 avant d'aller dans ces lieux-là.
17:43 -Votre spécialité, David l'a dit, vous êtes spéléo tous les quatre,
17:48 mais Alex, lui, en plus, il filme, et vous, en plus,
17:51 vous plongez sous terre.
17:53 Vous êtes nombreux à pratiquer les deux activités comme ça ?
17:56 -Alors, il y a beaucoup de plongeurs qui font de la spéléo plongée
18:01 et il y a moins de spéléos qui font de la spéléo plongée.
18:05 En revanche, dans des conditions comme celles où on était,
18:08 il faut avant tout être spéléo pour faire aussi de la plongée.
18:11 Et puis, c'est des plongées qui peuvent être courtes
18:14 ou qui peuvent être très, très longues.
18:16 -Ça demande une préparation particulière
18:20 d'aller plonger sous terre par rapport à une plongée classique
18:23 dans la mer ou dans un lac ?
18:24 -Déjà, il faut avoir des amis, parce que le matériel est lourd
18:27 et pour l'emmener jusqu'à l'endroit où il doit s'en servir,
18:29 il faut avoir beaucoup d'amis.
18:30 Donc ça, merci, David, Cédric, Léa, tout le monde a participé.
18:35 Ensuite, les conditions sont les mêmes.
18:36 Au niveau métabolique, hormis le fait qu'on est en montagne,
18:38 c'est toute une plongée normale.
18:40 On peut utiliser de l'air, de l'oxygène, des mélanges, etc.
18:44 La grande particularité, c'est qu'on est sous un plafond
18:47 et le fait d'être sous un plafond fait qu'on ne peut pas rejoindre
18:48 une surface directement, donc on déroule un fil d'ariane.
18:51 Là, vous voyez mon collègue, c'est David sur les images.
18:54 Donc ce fil d'ariane, c'est ce qui nous ramène à l'extérieur.
18:56 Et on le pose toujours.
18:58 Donc c'est important.
19:00 -J'imagine qu'il faut bien calculer aussi son autonomie,
19:02 parce que le retour est aussi long pratiquement que...
19:04 -Tout est calculé sur un système de redondance.
19:06 Il faut imaginer qu'on a deux lampes,
19:07 deux ordinateurs pour la décompression,
19:09 qu'on va avoir deux systèmes de respirabilité
19:11 qui sont séparés.
19:12 On va consommer alternativement de l'un sur l'autre.
19:14 Voilà, tout un tas de règles
19:16 et qui permet de ne pas se mettre en danger.
19:18 -On fait des paliers de décompression aussi quand on est en...
19:22 -Tout pareil. -Tout pareil.
19:23 -Avant-hier, record du monde de plongée souterraine,
19:27 profondeur atteinte, -308 m sous l'eau,
19:30 à fond d'Estramare dans les Pyrénées,
19:32 par un Français qui a battu le record précédent,
19:34 qui était de 287 m.
19:35 -Il avait 300 m d'eau au-dessus de lui ?
19:37 -Il était à peu près à 1 km de l'entrée de la grotte
19:39 et 308 m sous l'eau.
19:40 -Il a mis combien de temps ? 15 h pour remonter ? 20 h ?
19:43 -Je n'ai pas l'info, mais ce n'est pas de l'ordre de 20 h.
19:45 20 h, c'était il y a 8 ans en arrière.
19:47 Aujourd'hui, ils sont plutôt de l'ordre de 8 h.
19:50 -Ah ouais ? -Voilà.
19:51 -Les produits ont un peu changé, oui.
19:53 -C'est surtout les ordinateurs et les logarithmes de décompression.
19:56 Il y a Comex et tout qui travaille là-dessus.
19:58 Ce qu'il faut savoir, quand on parle de Manu
20:01 qui va plonger au fond du gouffre de la Fromagère,
20:04 quand je suis au fond du gouffre,
20:05 j'ai l'impression d'être au fond du fond
20:07 de ce que je suis capable de faire.
20:09 Lui, il démarre à peine.
20:11 Lui, il a fait la marche d'approche, en fait.
20:14 Et ça, c'est quand même...
20:16 Pour moi, même quand j'y suis, je me dis "Le mec est barjou".
20:19 -Oui, mais j'ai de la chance. J'ai des gens qui peuvent lasser mes palmes.
20:22 Et ça, ça me fait gagner du temps. Voilà.
20:24 -On en parle, Manu, aussi, de te réchauffer tes gants ?
20:27 -Non, il y a des choses qui restent dans l'intimité.
20:30 -Il a dit que c'était un travail d'équipe.
20:32 Il a été honnête là-dessus.
20:34 C'est quoi la durée maximale d'une plongée
20:36 que vous avez pu faire, Emmanuel ?
20:37 -Alors moi, je suis pas un vrai plongeur.
20:39 Je suis vraiment un spéléo.
20:40 C'est-à-dire que s'il faut plonger après 24 heures d'exploration,
20:43 je suis capable de plonger.
20:45 Sur mes compétences de plongeur,
20:47 je dépasse pas les 60 m de profondeur,
20:49 ce qui est déjà beaucoup sous terre,
20:50 et je vais pas faire des distances de plus de 1 200 m
20:54 en plusieurs morceaux. Voilà.
20:56 Donc c'est des immersions d'une heure et demie, deux heures,
20:58 au maximum, pour moi.
20:59 -On peut faire aussi parfois un peu d'apnée,
21:02 sous terre.
21:03 -Ca arrive, c'est rare.
21:04 Oui, en effet, c'est des images...
21:06 C'est une grotte du sud du Vercors, le Cholet,
21:09 où celle-là, c'est celle de Pré-Rouge, peut-être.
21:11 -Je crois que c'est le Cholet.
21:13 -Où on passe des petits siphons courts.
21:15 Donc là, plutôt que de porter une bouteille,
21:17 on va la laisser avant et on passe comme ça.
21:19 -Faut être sûr que ça débouche bien derrière.
21:21 -En général, on laisse rien au hasard dans ce genre de cas.
21:23 -On repère.
21:24 -En tout cas, ça permet d'aller plus loin qu'à pied,
21:26 en spéléo, d'aller parfois découvrir des lieux
21:30 que personne n'a encore vus.
21:31 Sur cette grotte Cholet, justement, dans le Vercors,
21:34 au bout de l'exploration, vous étiez tombé sur un trésor.
21:37 -Tout à fait. J'espère que c'est un film
21:39 qu'on aura l'honneur de présenter à Télé-Grenoble un jour.
21:41 Et en effet, dans le sud du Vercors,
21:43 en passant des siphons, on trouve une galerie
21:45 qu'on a appelée la Galerie des Merveilles,
21:47 où il y a des concrétionnements qui sont très particuliers,
21:49 qui correspondent à des moments où la galerie était noyée
21:52 et les concrétions sont faites sous l'eau.
21:54 Et quand l'eau est partie, ça fait des dents de cochon.
21:57 C'est vraiment assez exceptionnel, c'est très préservé,
21:59 parce qu'en effet, quasiment personne ne peut y aller.
22:02 -Ce sont des images et un film de Johan Perrier
22:04 qu'effectivement, on diffusera un dimanche soir,
22:07 puisqu'on a une case-montagne tous les dimanches soirs.
22:10 Vous pourrez suivre Manu Tessin et toute son équipe,
22:12 parce que là aussi, vous étiez nombreux
22:14 pour porter les bouteilles, le matériel,
22:16 une grosse logistique. -On était une bonne vingtaine.
22:18 -Léa, quand on part en exploration souterraine,
22:22 peut-être plus qu'en extérieur, il faut avoir des repères.
22:25 Et c'est aussi le job des premiers spéléos
22:30 à fouler une cavité, d'aller cartographier
22:32 un peu l'endroit où ils s'avancent.
22:34 -Tout à fait, c'est ça.
22:36 Elle est complètement vierge et inconnue.
22:38 Donc pour en parler et s'y retrouver après,
22:41 il faut la topographier.
22:42 Donc ça fait partie des premières étapes
22:45 suivant l'exploration.
22:46 -Vous avez ce petit outil que vous m'avez amené.
22:48 Avec ça, simplement, on arrive à s'en sortir ?
22:52 -Avec ça, c'est vraiment la dernière évolution
22:55 de la topographie.
22:57 Avant, on avait des carnets, on reprenait tout.
22:59 -J'imagine qu'à l'époque,
23:00 les découverts du gouffre berger, ça faisait pas partie de la tiraille.
23:05 -Ca, en fait, c'est un disto.
23:07 Ca va nous permettre de prendre des mesures
23:10 avec une inclinaison et une orientation magnétique.
23:14 Avec ça, on va envoyer ces données par Bluetooth
23:17 sur un téléphone portable avec une application.
23:20 En temps réel, on va enregistrer nos données,
23:23 pouvoir faire un dessin, que ce soit du plan ou de la coupe.
23:27 Ensuite, on va traiter ça.
23:28 Une fois que la sortie est finie,
23:30 on va faire un beau dessin sur ordinateur et publier ça.
23:33 -On vous voit en train de topographier avec David.
23:36 C'est les parties que vous explorez de ce réseau de la Fromagère.
23:40 Ca prend du temps, j'imagine, de tout bien référencer ?
23:43 -Oui, c'est hyper important, parce que chaque étape...
23:47 Si on rate une étape,
23:48 ça peut fausser l'orientation.
23:50 Si y a un problème de magnétisme,
23:52 on va penser qu'on part à l'est, mais à l'ouest.
23:54 Il faut être hyper minutieux. Ca prend énormément de temps.
23:58 On a envie de manger la première, d'aller découvrir.
24:00 Une fois qu'on a découvert une branche,
24:03 on va aller ailleurs. Il faut y revenir
24:05 pour aller d'un bout à l'autre,
24:06 prendre toutes ces mesures et ensuite faire cette carte.
24:10 Sans cette carte, on ne peut pas savoir
24:12 si on se rapproche du berger, si on s'en éloigne.
24:14 -On ne peut pas regarder le soleil
24:16 pour savoir si on est à l'ouest, à l'est ou au sud.
24:19 La boussole fonctionne, sous terre ?
24:21 -Bien sûr. -Les outils type GPS, etc. ?
24:23 -Pas le GPS, parce qu'on n'a pas la réception satellite.
24:26 Mais la boussole fonctionne totalement.
24:29 Avant, c'était un inclinomètre.
24:31 Avant, on avait des fils aussi.
24:33 Lui, il fait tout en un.
24:34 Mais c'est un peu plus fragile, il faut en prendre soin.
24:37 Et puis, il faut en faire attention.
24:39 -On balise les parcours spéléaux,
24:41 une fois qu'ils sont assez fréquentés,
24:43 où chacun doit trouver son itinéraire
24:46 par rapport à des topos et des cartes.
24:48 Aujourd'hui, il y a des couleurs, des repères, David ?
24:52 -Non, c'est pas trop un milieu
24:54 où on utilise le balisage souterrain.
24:57 Après, pour des réseaux vraiment complexes,
25:00 et pour le spéléo en lui-même,
25:01 des fois, on organise juste des cairnes,
25:04 un peu comme en montagne,
25:05 juste pour nous s'orienter
25:07 dans ce qu'on est en train d'explorer, on va dire.
25:10 Mais c'est pas du tout à l'ordre du jour
25:12 de baliser les grottes.
25:14 -Ouais. -Je suis pas d'accord.
25:15 A côté de Grenoble, vous avez la Dente-Crolle,
25:18 un des plus grands réseaux français,
25:20 plus de 50 km, 11-12 entrées.
25:22 À chacun des puits, c'est marqué le nom du puits
25:25 avec une flèche et les directions.
25:27 Pourquoi ? Parce qu'il y a trop de gens qui se perdaient.
25:30 Avec intelligence, la collectivité spéléo a dit
25:33 "On va aider les gens dans le fait de ne pas s'égarer."
25:36 Les plus grandes classiques sont balisées,
25:38 mais sur des zones d'exploration, on va pas forcément le faire.
25:42 -C'est vrai que dans la Dente-Crolle,
25:44 il y a certains accès, le trou du Glas,
25:46 accessible avec un chemin de randonnée.
25:48 Les premiers dizaines de mètres de la grotte
25:51 sont aussi accessibles à pied.
25:53 -Il existe des topos pour chacun des massifs,
25:56 avec des grottes, des références.
25:58 -On voyait le fil d'Ariane qu'utilisait Emmanuelle en plongée.
26:01 C'est pareil en exploration pédestre.
26:03 Quand vous savez pas où vous allez,
26:06 vous êtes sûr de retrouver votre chemin en retour ?
26:08 -C'est pas tellement labyrinthique.
26:11 Là, on va mettre des petites flèches ou des cernes
26:13 ou des petits signes pour montrer d'où on vient.
26:16 Là, c'est du tout droit, il y a une rivière.
26:19 Si on veut visiter une branche, on va s'embarquer,
26:22 mais on va jamais trop se perdre.
26:24 Globalement, dans tout type de classique en spéléo,
26:27 les gens préparent leur sortie avec la topographie
26:30 et l'emmènent avec eux.
26:31 Même s'ils savent pas où ils sont sur le plan,
26:34 ils savent où ils sont dans cette avancée.
26:36 Ils se retrouvent grâce à ça.
26:38 -Emmanuelle a dit que le GPS ne fonctionne pas.
26:41 Le portable non plus.
26:42 Sous terre, on peut pas passer un coup de fil.
26:45 -Pas tout le temps.
26:46 -Vous aviez testé, il y a quelques années,
26:49 dans les Boges, un système de communication
26:51 pour arriver à parler avec des membres de l'équipe
26:54 qui resteraient en surface.
26:56 -C'est quelque chose qui a été développé depuis longtemps
26:59 par le Secours spéléo français, le système Nikola
27:02 ou transmission par le sol.
27:03 On déploie des grandes antennes pour communiquer.
27:06 On s'en sert souvent.
27:08 Là, on s'en était servi parce que c'était un bivouac
27:11 et on regardait la météo, comme on aurait pu le faire au D35.
27:14 Aujourd'hui, il y a un mois en arrière,
27:16 nous, dans la Savoie,
27:17 on a testé même un système de wifi souterrain
27:21 qui se branche sur un fil
27:22 et qui permet d'envoyer des images de l'intérieur vers l'extérieur.
27:26 Ca a été fait par la 3SI, le Secours spéléo isère,
27:29 dans des grottes ici.
27:30 Ca s'est désavancé, mais de là à dire que le téléphone passe,
27:34 non, le téléphone ne passe pas.
27:36 C'est d'ailleurs tant mieux.
27:37 C'est ce qui fait la beauté des lieux.
27:40 On se sépare pendant un instant de tout ce qui est l'extérieur.
27:43 -On pourra voir Netflix au fond de la Fromager ?
27:46 -Il faut dérouler un fil tout du long.
27:48 -Alex a des perspectives à pouvoir faire son montage.
27:51 -On va y rester un mois, quoi.
27:53 -Mais comment on prévient les secours en cas de nécessité ?
27:56 Justement, parce qu'on parlait de profondeur à -800, -1000 m,
28:00 même si on est 5h pour remonter.
28:02 Quand on est à un accident,
28:03 il faut prévenir au plus vite les secours.
28:06 -Ca se passe assez simplement.
28:08 La 1re règle de base, comme pour la montagne,
28:10 c'est de dire où on va, avec qui, et ce qu'on fait.
28:13 En spéléo, on parle d'une sonnette.
28:15 On a quelqu'un en surface qui s'attend à notre sortie,
28:18 on donne un delta d'horaire qui est raisonnable.
28:21 Si on ne sort pas, les gens font le 112,
28:23 et on tombe sur des conseillers techniques secours spéléo.
28:26 Sinon, si on a des gens qui sont efficaces et rapides...
28:29 C'est pour ça que la spéléo, à une ou deux personnes,
28:32 ça reste très engagé.
28:34 A trois personnes, si quelqu'un s'est fait un bobo,
28:37 un mec et l'autre va déclencher un secours.
28:39 -On peut perdre la notion du temps sous terre, Léa ?
28:42 Là, il n'y a pas de repère, il fait noir tout le temps ?
28:45 -Il n'y a plus de...
28:46 On a une montre, mais on oublie aussi de la regarder.
28:50 Comme on le dit aussi dans le film,
28:52 on oublie de manger, de dormir,
28:54 on est tellement absorbé par ce qu'on fait.
28:56 On se laisse absorber par l'exploration.
28:58 Le temps n'a plus tellement d'importance.
29:01 -Votre expé à la durée, à peu près 2 ans,
29:03 votre exploration, David, ça demande beaucoup,
29:06 Emmanuel le dit, de matériel, d'amis,
29:08 de logistique pour porter tout ça,
29:10 même si on est aux portes de Grenoble,
29:13 il y a quelques kilomètres à pied pour atteindre l'entrée du réseau.
29:17 -Oui, ça demande beaucoup de temps
29:19 et surtout, ça demande de la forme physique aussi.
29:24 Du coup, la réunir sur deux ans, c'est hyper compliqué, je trouve,
29:28 parce que la forme physique, ça va, ça part, ça va, ça part.
29:31 Donc, à chaque fois, pour réunir,
29:35 on va dire tout l'environnement optimal pour faire les sorties,
29:38 ça demande beaucoup de temps.
29:40 -On voit l'entrée du réseau, ça a l'air anodin,
29:43 un petit trou, on pourrait passer devant sans s'en rendre compte ?
29:47 -Ce qu'il faut savoir, c'est que ce trou,
29:49 il a été ouvert par la communauté Spéléo.
29:52 Il a été débouché à l'époque,
29:54 c'était complètement bouché par des blocs,
29:57 donc on n'avait aucune visu sur l'entrée de la grotte
30:00 et à force des obstructions,
30:03 le trou s'est dévoilé.
30:06 -Vous les avez suivis à chaque fois, Alex, sur chaque plongée ?
30:09 -Oui, j'en ai raté que la dernière, qui n'est pas dans le film.
30:13 -Et la première. -Et la première.
30:15 Avant de vous contacter. Non, j'y étais à chaque fois,
30:18 mais je peux vous dire que les premières sorties,
30:21 je n'étais pas le fier. J'avais vraiment peur.
30:24 Il était prévu que j'aille jusqu'à -400 m
30:27 et qu'après, je les laisse se démerder.
30:29 Et puis, très vite, ils se sont rendus compte
30:32 que j'étais capable.
30:33 Je me suis rendu compte que j'avais envie.
30:36 -L'un dans l'autre.
30:37 -Et c'est devenu une histoire bien plus complète
30:40 que celle de faire un film.
30:42 -Et nous aussi, on avait vraiment l'envie
30:44 de partager ça avec le réalisateur.
30:47 Autrement, ça n'avait aucun sens de se filmer nous,
30:50 alors qu'Alex était là pour faire un film.
30:52 C'était aussi une volonté de notre part.
30:55 -Je tiens juste à préciser, c'est important pour moi de le dire,
30:58 j'étais jamais tout seul en technique.
31:01 Il y avait toujours un bon copain qui m'assistait
31:03 pour m'aider à porter du matériel,
31:05 pour m'apporter un soutien psychologique.
31:08 Ils se sont relayés, mais c'est important de le dire.
31:11 -Vous avez calculé le nombre d'heures
31:13 que vous avez passées au total sur cette exploration ?
31:16 -Non. -Non ?
31:17 -Euh...
31:19 On va dire qu'en moyenne,
31:20 on y passait une trentaine d'heures, quoi, sur le week-end.
31:24 Et je sais pas, sur les deux ans,
31:26 combien de séances on a fait, mais...
31:28 -Avec vos sorties à vous, il y a eu 12 sorties,
31:31 une trentaine d'heures.
31:32 On parle que du moment où on rentre sous terre,
31:35 alors qu'il y a beaucoup de préparation.
31:37 Donc on fait le calcul, ça doit faire dans les 400 heures.
31:41 -Quand on aime, on compte pas. -Vous y avez même dormi.
31:44 On vous voit en train de préparer, d'installer un bivouac sous terre.
31:48 -Il nous avait dit "Vous verrez, les gars,
31:50 "on a une super salle, c'est super grand,
31:52 "on va trop bien dormir."
31:54 Et là, on arrive à -900, et il nous présente ce truc.
31:57 -Il y a même pas de quoi foutre une tente.
32:00 -Ah si, regarde, elle tient à la tente.
32:02 -Il y en avait une. -Tu l'as pas trop essayé.
32:04 -Nous, on l'a pas essayé.
32:06 On s'est mis dans des coins sous des couvertures de survie.
32:09 -Dormir à la belle étoile, c'est pas mal,
32:12 mais le terme est peut-être pas approprié
32:14 quand on est sous terre.
32:15 -C'est le seul endroit où il y a pas le bruit de l'eau,
32:18 qui est là pour te déranger constamment,
32:21 où il fait relativement sec, donc c'est agréable,
32:24 mais il faut bien saisir que ces endroits,
32:26 ils sont assez rares dans ce trou.
32:28 -En tout cas, ça permettait d'explorer plus rapidement
32:32 les parties inconnues.
32:34 On gagne pas tous les coups en exploration spéléo.
32:37 David, vous y avez cru longtemps,
32:39 à arriver à connecter ces deux réseaux
32:41 sans avoir besoin de plonger sous l'eau ?
32:44 -Mais j'y crois encore, en fait.
32:46 J'y crois encore, c'est juste que là,
32:48 je fais une pause physique dans ces explorations-là,
32:51 mais rien n'empêche que plus tard,
32:54 soit des autres spéléos vont reprendre le projet
32:56 ou moi, pourquoi pas, dans quelques années,
32:59 me replonger dans cette exploration,
33:01 mais c'est jamais fini, une exploration.
33:03 -Là, on vous voit en train d'essayer de chercher
33:06 un passage dans ce lac souterrain.
33:09 -Oui, c'est...
33:11 J'avais vraiment espoir, voilà,
33:13 de pouvoir se glisser entre l'eau et la paroi
33:15 et de ressortir facilement derrière.
33:18 -Et j'adore, parce qu'à ce moment-là,
33:20 on l'entend pas, mais il dit, "Ah, ça va m'exciter, cette histoire."
33:23 -A chaque fois que j'entends ça, je me dis, il est barjot, ce gars.
33:28 -Tu es à ta gauche, non ?
33:29 -C'est vrai qu'il y a plusieurs étages,
33:31 et cet étage-là, en fait, il est soit colmaté par de l'eau,
33:35 soit par de la boue.
33:36 Les étages inférieurs, il y a l'eau qui coule,
33:39 et les étages au-dessus, peut-être qu'ils ne sont pas encore trouvés.
33:42 -En spéléo, Léa, il faut être capable
33:45 de rentrer des fois dans des trous
33:47 qui paraissent complètement inaccessibles à corps humain.
33:51 Il y a la boue, mais il y a aussi les étroitures.
33:54 Il n'y a pas un côté un peu angoissant
33:56 quand on part comme ça dans un orifice aussi petit ?
33:59 -Non, parce qu'après, c'est jamais le premier.
34:02 On a quand même l'habitude de passer ce genre d'étroiture.
34:05 Et puis, si à un moment donné, on sent qu'on n'y arrive pas,
34:08 on va pas se forcer et se coincer.
34:10 Là, ça peut paraître effrayant pour personne lambda,
34:13 mais bon, on a l'habitude.
34:16 -Ca fait partie du quotidien d'un explorateur ?
34:19 -Personnellement, avec toute l'expérience que j'ai de la spéléo,
34:22 je suis pas fan des étroitures.
34:24 Par contre, il y a un moment donné,
34:26 quand en première, il se passe quelque chose dans ta tête,
34:29 où tu l'oublies et tu veux voir ce qui se passe.
34:32 Et c'est là où tout bascule.
34:34 Voilà.
34:35 -Bon, alors, parfois, malgré les étroitures,
34:37 malgré votre exploration, ça coince.
34:40 Il y a de l'eau partout.
34:41 On fait un appel à un ami, c'est Emmanuel,
34:44 qui arrive avec ses bouteilles de plongée.
34:48 Emmanuel, il faut dire qu'il est, au-delà d'être un plongeur expérimenté,
34:53 c'est aussi quelqu'un qui a un matériel high-tech,
34:56 j'ai envie de dire.
34:57 -De très haut niveau. -De très haut niveau.
35:00 -Je dirais même sponsorisé
35:01 par la direction départementale de l'équipement.
35:04 -Ca, ce sont vos palmes de plongeur.
35:06 -Ca, c'est une quille ramassée au bord de la route
35:09 qui avait été cassée par une voiture,
35:11 et j'ai fait des palmes de plongeur.
35:14 Pour que ce soit plus léger.
35:15 -C'était quoi, l'intérêt ? -C'est le poids.
35:18 -Pour ne pas avoir à descendre. -C'est ça.
35:20 Ca se met autour des bouteilles de plongée, ça les protège.
35:24 -Quand vous avez vu ça, vous avez douté
35:26 de ses compétences de plongeur de haut niveau ?
35:29 -Je dois avouer qu'à ce moment-là, je comprenais pas trop.
35:32 J'étais concentré sur des histoires de matos qui se passaient mal,
35:36 en technique audiovisuelle,
35:38 puisque j'avais perdu mon assistant,
35:40 qui avait noyé toutes mes batteries.
35:42 Bref, ça, je sais même pas si Manu en a eu conscience.
35:46 -Pas du tout. -Voilà.
35:48 Mais après coup,
35:49 et surtout en revisionnant les images,
35:52 c'est pas possible, quoi.
35:55 -Alors...
35:56 -Ah, voilà les originaires.
35:58 -Cadeau de ces deux palmes, on va les appeler comme ça,
36:01 car c'est comme ça que vous les avez utilisées.
36:04 Qu'avez-vous pensé, David, en les voyant ?
36:06 -Bah... Improbable.
36:08 -C'est vraiment de bout de plastique.
36:11 -C'est qui de la DDE ?
36:12 -Je m'y ai récupéré. -C'est les bords de route.
36:15 -T'as fait. -Je croyais que c'était
36:17 un spéo, moi, dans ma tête, à la base.
36:19 Il t'explique le programme et tout, et t'arrives sous terre.
36:22 J'ai loupé un truc ou j'ai mal compris.
36:25 -Mais les sacs étaient légers. -Les sacs étaient légers.
36:28 -Il y avait que deux sacs pour un plongeur.
36:30 Avec des palmes comme ça, effectivement,
36:33 on a moins de poids sur le dos.
36:34 Vous l'avez quand même faite, cette plongée à -900 m,
36:37 comment ça s'est passé ? -Ca s'est passé très bien.
36:40 C'était beaucoup plus court que ce que je pensais.
36:43 Comme on disait, les étages qu'ils ont découverts
36:46 et qu'ils ont certainement donné dans le gouffre berger,
36:49 c'est des vieux étages qui ont été colmatés,
36:52 par la calcite, comme disait David, qui a pu tout boucher,
36:55 ou par de la boue.
36:56 Là, on voit l'image sous l'eau. En fait, c'est très étroit.
36:59 Quand l'eau a quitté cet étage-là,
37:01 l'étage s'est rempli d'argile ou de dépôts calcités.
37:05 Aujourd'hui, ça ne passe pas.
37:07 Après, je leur ai donné une piste.
37:10 On peut vider le siphon avec un tuyau.
37:12 Si ça se trouve, le courant d'air pourrait s'installer.
37:15 Je suis persuadé qu'il y a un truc à jouer là-dessus.
37:18 -A chaque fois qu'on regarde ces images,
37:20 on est comme des fous.
37:22 Dans ces images, à un moment donné,
37:24 il tourne la tête et on voit un petit trou noir au fond.
37:27 C'est très dur de savoir quelle taille il est.
37:30 Est-ce la taille de ça ou si c'est ça ?
37:32 -La taille d'une tête.
37:34 -Mais à chaque fois qu'on voit ces images,
37:37 on est comme des fous.
37:39 -De l'autre côté, côté berger,
37:40 il y a des galeries similaires qui sont noyées de la même manière.
37:44 C'est la même unique galerie qui s'est remplie d'eau,
37:47 qui s'est colmatée et qui ne permet pas de passer.
37:50 -Quand on part sur un projet d'exploration
37:53 pour faire un film, Alex, on se fait son scénario dans la tête
37:56 et on se dit que ça finira avec la jonction des deux réseaux
38:00 et ce sera la pionne du docus.
38:02 Vous avez été déçus que,
38:03 même avec l'apport d'Emmanuel Tessin,
38:06 vous n'arriviez pas à connecter ces deux réseaux ?
38:09 -Forcément déçu, parce que...
38:12 Un peu déçu, dans le sens où ça aurait pu porter le film plus loin.
38:16 Mon intention, c'est de porter la Spéléo auprès du grand public.
38:20 Après, voilà, ça reste une histoire de Spéléo
38:23 et je savais très bien, pertinemment,
38:26 que la chance, elle était infime.
38:28 Quand j'ai présenté le film au producteur,
38:30 il me posait la question.
38:32 "Tu mesures à combien de pourcentages ta jonction serait possible ?"
38:36 Du coup, je disais au moins 50 %,
38:39 mais dans ma tête, j'étais largement dessous.
38:42 -Vous l'avez bien vendu.
38:44 La déception était aussi de votre côté, Léa et David ?
38:48 -On espère toujours que ça jonctionne.
38:50 Après, on s'éclate à faire cette exploration.
38:53 Si ça passe, c'est formidable.
38:55 Si pas, on sait qu'on y retourne.
38:57 -Il reste la sensation d'avoir été les premiers
39:00 à fouler une terre, enfin, une "souterre".
39:03 J'imagine que ça, c'est particulier,
39:05 quand on se dit qu'on est peut-être le premier homme
39:09 à aller dans un endroit comme celui-là.
39:11 -C'est une expérience qui est assez...
39:15 J'ai du mal à expliquer ou à faire ressentir ça aux gens,
39:19 mais oui, c'est...
39:21 C'est assez étrange, quoi, comme situation.
39:24 C'est plutôt plaisant, on va dire, d'être le premier
39:27 à illuminer, à mettre sa lampe, à éclairer ce qui nous entoure
39:31 et à marcher sur un sol vierge.
39:32 J'ai toujours ces images du premier homme
39:35 qui marche sur la Lune,
39:36 où on voit sa première empreinte,
39:38 et je me compare un peu à ça, c'est un peu pareil, quoi.
39:42 Voilà.
39:43 -J'ai l'impression qu'Alex, en choisissant le titre de son film,
39:46 a fait un parallèle aussi avec ça.
39:48 -C'est sûr. -Oui, c'est sûr, bien sûr.
39:51 Oui, on est encore dans les derniers espaces d'exploration
39:54 de notre planète, et pour moi, ce qu'ils font,
39:57 c'est admirable.
39:58 C'est admirable, c'est beau, à plein dégât.
40:01 L'énergie qui est mise à ça, je la trouve belle,
40:05 rien que ça, en fait.
40:06 -Emmanuel, vous avez fait aussi des premières dans la même ocean ?
40:10 -Énormément. J'ai eu cette chance-là.
40:12 Avec la plongée, on a de la chance.
40:14 -Ca limite le nombre de concurrents qui peuvent venir.
40:18 -Quand on a eu fini la plongée et qu'eux étaient déçus,
40:21 moi, je l'étais pas, j'ai laissé mes bouteilles sous terre.
40:24 Je compte bien retourner avec Océane, ma chérie,
40:27 faire la traversée le printemps prochain.
40:30 On imagine bien rentrer par là et ressortir.
40:32 C'est vrai, j'avais utilisé la même notion que toi.
40:35 Comme le titre du film, le fait de marcher
40:37 où personne n'est jamais allé, c'est vraiment une chance qu'on a.
40:41 Après, je trouve que la chance, elle existe aussi
40:44 pour chacun qui ferait de la spéléo pour la première fois,
40:47 même dans des grogues connus.
40:49 David a choisi d'en faire son métier,
40:51 il est rentré en formation, il a bossé l'été dernier.
40:54 Emmener des gens, leur permettre de découvrir un virage,
40:57 voir leur laisser passer devant,
41:00 ils n'auront peut-être pas la même sensation que nous,
41:02 mais ils l'auront quand même.
41:04 -Pour vous, David, elle existe, cette jonction ?
41:07 Manquer de temps ou de chance pour ne pas la trouver ?
41:10 -Je fais confiance à la géologie, et je pense qu'elle existe.
41:14 -Ca veut dire qu'un deuxième chapitre peut s'écrire ?
41:17 Alex, il faudra être persuasif pour le producteur.
41:20 -Là, il va vraiment falloir.
41:22 Pour le moment, c'est pas à l'ordre du jour,
41:25 mais on a d'autres projets.
41:27 -On parlait sur cette émission d'exploration à la maison,
41:30 mais vous êtes partis tous les trois,
41:32 Manu avait piscine cet été,
41:34 vous êtes partis tous les trois beaucoup plus loin, en Papouasie.
41:38 C'était cet été.
41:39 Qui a eu l'idée de partir aussi loin,
41:41 faire de la spéléo ?
41:43 -On va dire qu'indirectement,
41:45 c'est moi qui ai proposé aux copains
41:47 de se joindre à une expédition en Papouasie-Nouvelle-Guidée.
41:51 Mais initialement, c'est un ami à moi
41:55 qui organise cette expédition depuis de nombreuses années,
41:59 une vingtaine de fois.
42:00 Et du coup, là, c'est tellement un voyage fabuleux
42:04 que c'est comme la bonne première,
42:06 je trouve, que ça se partage avec les amis.
42:09 -C'est très loin de Grenoble,
42:13 mais c'est aussi un peu plus compliqué à arriver
42:16 que sur le plateau du Vercors.
42:18 On voit cette forêt, cette jungle de Papouasie.
42:22 Il a failli se frayer un chemin là-dedans, Léa.
42:25 -On a mis, déjà, en partant d'Europe, trois jours.
42:28 Après, il y a eu 17 heures de bateau.
42:30 Et encore deux jours et demi, trois jours à pied,
42:33 dans la jungle, à ouvrir le chemin,
42:35 parce qu'il n'y avait pas d'accès.
42:37 On voulait aller à un tel endroit sur la carte.
42:40 Et depuis la plage, il a fallu faire deux jours de machette.
42:43 Donc, oui, c'était une sacrée expédition.
42:46 -Vous saviez où vous alliez, Alex,
42:48 où vous tentiez de filmer et de suivre le groupe ?
42:51 -Cette expédition s'enchaînait
42:53 avec la post-production de "On a marché sous la terre".
42:56 J'étais catapulté. J'ai fait confiance à David,
42:59 qui m'a dit que j'aimerais bien qu'il vienne avec nous.
43:02 C'était une expérience de barjot.
43:04 Complètement de barjot.
43:05 C'est très dur de décrire ce que j'ai pu vivre là-bas.
43:08 -L'accès est différent du Vercors.
43:10 Est-ce que ce qu'on trouve en dessous, David,
43:13 ressemble à ce qu'on peut avoir dans les grottes chez nous
43:16 ou il y a une spécificité dans chaque continent ?
43:19 -Déjà, on va dire l'aspect de la grotte en elle-même.
43:22 C'est les mêmes formations, etc.
43:24 Sauf que là-bas, il fait plus chaud et plus humide sous terre.
43:27 C'est un vrai plaisir, comparé au Vercors,
43:30 où il fait 8 degrés et très humide.
43:33 -Vous étiez en mode exploration ?
43:35 Ou c'était un réseau qui était déjà fréquenté ?
43:38 -Donc là, c'est la première année
43:41 où on est partis sur une zone vierge,
43:43 complètement vierge de la planète,
43:46 où l'idée, c'était de découvrir et de sonder un peu,
43:49 en tant que première expédition,
43:51 sonder l'endroit pour savoir s'il y avait des grottes ou un réseau.
43:56 C'était une première reconnaissance sur ce milieu
43:59 qui était vraiment vierge.
44:00 -Léa, l'appareil de topo était de sortie aussi ?
44:03 -Bien sûr. Il est indispensable.
44:05 Quasiment tous les jours, on trouvait une nouvelle grotte.
44:09 On ne prenait pas la peine de se dire qu'on allait explorer
44:12 et voir si c'était intéressant.
44:14 Là, c'était tellement des heures de marge d'approche
44:17 qu'on emmenait tout pour équiper, topographier,
44:20 on faisait tout dans la foule.
44:21 Mais oui, bien sûr, chaque équipe avait un disto
44:24 et le téléphone pour faire le dessin,
44:26 prendre des notes, faire des comptes rendus,
44:29 pour rien oublier.
44:30 -On a vu David regarder la carte sur cette séquence,
44:33 entre le nord et le sud.
44:34 Il a fait confiance à sa partenaire.
44:36 C'est bien.
44:37 Il reste encore beaucoup d'endroits inexplorés sur Terre, Emmanuel.
44:41 Les montagnes, on les connaît, elles ont toutes été gravies.
44:45 L'aspect léo...
44:46 -On dit souvent le fond des océans ou ce qu'il y a sous terre.
44:50 Ce que disait David à propos de la Papouasie,
44:52 c'est qu'il y a des zones où très peu d'humains y sont allés.
44:55 En plus, il faut aller sous terre, il y en a encore moins.
44:58 C'est vraiment incroyable.
45:00 Ce qu'il faut savoir, c'est que pendant qu'ils ont tourné,
45:03 on a marché sous la terre.
45:05 De l'autre côté, dans le gouffre berger,
45:07 il y a un collectif de 20 spéléologues
45:09 qui ont découvert plus de 3 km de nouvelles galeries
45:12 dans les étages supérieurs du berger.
45:14 Même à côté de la maison, c'est ce qui fait le côté incroyable
45:18 de la proximité de chez nous.
45:20 On peut vivre ça, aller le faire à l'autre bout du monde
45:23 avec toute une organisation de fous.
45:25 J'espère que les images, on les verra,
45:27 de votre voyage, mais on peut le faire aussi à côté de la maison.
45:30 -Il y a un film en préparation sur la Papouasie ?
45:33 -Il y a un projet, c'est difficile de s'avancer pour le moment,
45:37 mais on a le projet d'y retourner en début 2025.
45:39 Là, on va dire que pour moi, c'était un repérage.
45:42 -C'est un repérage qui se mérite.
45:44 -On peut dire ça, oui.
45:46 -Bon, à suivre, en tout cas,
45:48 et puis on suivra aussi les prochaines explorations
45:51 de David dans ce gouffre, la Fromagère.
45:53 Je sais pas s'il embarquera encore, Léa.
45:56 -Moi, je suis. -C'est bon.
45:57 Cédric, est-ce qu'il est vacciné ou il est prêt à y retourner ?
46:01 -Cédric, il... Non, il est...
46:03 Sur la Fromagère, il est un peu vacciné.
46:06 Il a d'autres projets en tête, mais c'est une question de temps.
46:09 -Il s'est remis en mode monomaniaque de l'escalade.
46:12 -Voilà. -Il est pas avec nous.
46:14 -Bon, ça, voilà. Il est sorti du monde spéléo,
46:17 mais il y reviendra sûrement prochainement.
46:20 En tout cas, c'était très sympa de venir,
46:22 nous qui restons sur la surface,
46:24 nous plonger un peu dans vos aventures.
46:27 On va finir cette émission en feuilletant quelques pages.
46:30 (Générique)
46:31 ---
46:35 La montagne est belle aussi à l'air libre.
46:38 J'ai quelques livres à vous présenter.
46:40 Ce beau livre vient de sortir aux éditions Glénat.
46:43 Ca s'appelle "Montagne majestée",
46:45 un livre construit autour des photos de Robert Bosch,
46:48 alpiniste suisse, qui nous présente le fruit
46:51 de 40 ans de passion pour la montagne.
46:53 "Comme si l'esprit du monde nous avait surpris dans notre passion."
46:57 C'est Reinold Messner.
46:58 Pour accompagner ces photos,
47:00 on y retrouve des textes d'une douzaine d'alpinistes
47:03 et grimpeurs de haut niveau, dont Nina Caprese,
47:06 qui fait souvent équipe avec Cédric Lacha,
47:08 sur les parois des Alpes.
47:10 Au fil des 320 pages, on balaie la plupart des sports de montagne
47:13 et on voit que les alpinistes sont très forts.
47:16 Il manque juste une discipline dans ces photos.
47:19 Laquelle, à votre avis ?
47:20 - Comme toujours.
47:21 - Comme toujours.
47:22 - Bon, c'est vrai.
47:24 La spolio, il faudra penser à inviter le photographe Robert Bosch
47:27 sur une de vos sorties.
47:29 Il pourrait avoir de l'inspiration.
47:31 Et toujours dans la série des beaux livres de montagne,
47:34 voici "Alpes, calligraphie sauvage".
47:36 Ce ne sont plus des photos, mais des illustrations
47:39 qui sont mises en avant, des dessins d'Eric Alliber,
47:42 qui font un peu de l'art.
47:44 C'est un peu comme un livre de l'art,
47:46 mais avec des images, des images de l'art.
47:48 C'est un peu comme un livre de l'art,
47:50 mais avec des images, des images de l'art.
47:53 C'est un peu comme un livre de l'art,
47:55 mais avec des images, des images de l'art.
47:58 C'est un peu comme un livre de l'art,
48:00 mais avec des images, des images de l'art.
48:03 C'est un peu comme un livre de l'art,
48:05 mais avec des images, des images de l'art.
48:08 C'est un peu comme un livre de l'art,
48:10 mais également aux éditions Gleina.
48:12 C'est signé Georges Marbac.
48:14 Je pense qu'on peut le trouver encore, notamment en ligne.
48:18 Voilà. Merci à tous les quatre.
48:21 On va remonter à la surface
48:23 pour la prochaine émission de Grand'Air.
48:25 Je vous souhaite de belles aventures
48:27 dans vos prochains projets de découverte.
48:30 -Merci. -Merci.
48:31 Générique
48:33 ...