TW : vi*ls / inceste
Laurent Boyet est un héros du quotidien.
Victime de viols commis par son grand frère lorsqu'il était enfant, il a su faire de son histoire une force, en créant l’Association Les Papillons
Le but de cette association ? Lutter contre les maltraitances infantiles et aider les enfants victimes à libérer leur parole.
Laurent Boyet est un héros du quotidien.
Victime de viols commis par son grand frère lorsqu'il était enfant, il a su faire de son histoire une force, en créant l’Association Les Papillons
Le but de cette association ? Lutter contre les maltraitances infantiles et aider les enfants victimes à libérer leur parole.
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00:00 C'était important pour moi de créer cette association, puisque moi j'ai été victime de viol dans mon enfance,
00:03 de l'âge de 6 ans jusqu'à l'âge de 9 ans par mon frère, qui avait 10 ans de plus que moi.
00:07 Bonjour, je suis Laurent Boyer, je suis le président fondateur de l'association Les Papillons.
00:11 Je sais pas si je suis un héros du quotidien, en tout cas ce que je sais,
00:13 c'est que je me suis promis lorsque j'ai libéré ma parole, 30 ans après ce que j'ai vécu dans mon enfance,
00:18 que les enfants ne vivraient pas la même chose que moi.
00:21 Le but de l'association Les Papillons, c'est de mettre des boîtes aux lettres dans les écoles,
00:25 pour que les enfants puissent nous écrire, nous envoyer un petit mot,
00:27 au moins deux fois par semaine, des personnes de confiance qui sont désignées,
00:30 récupèrent les courriers, nous envoient ces courriers à notre pôle d'analyse des courriers papillons,
00:35 qui est composé de psychologues qui analysent et qui traitent tous les mots qu'on reçoit chaque jour dans nos boîtes aux lettres.
00:39 J'ai créé l'association après avoir publié mon témoignage.
00:43 Je témoignais derrière un documentaire dans lequel une petite fille de 9 ans, Lily,
00:48 nous expliquait comment elle avait été elle-même victime par son grand-père.
00:51 Dans ce documentaire, à un moment, Lily dit à quel point elle aime les papillons,
00:54 elle aime leur humeur, leur couleur.
00:56 Ça a été comme un déclic, je me suis dit "c'est ça en fait,
00:58 quand on est victime et quelles que soient finalement les violences qu'on subit,
01:01 tout ce qu'on veut c'est sortir de notre chrysalide,
01:04 et puis libérer nos paroles, prendre notre envol pour devenir des papillons".
01:07 C'était important pour moi de créer cette association,
01:09 puisque moi j'ai été victime de viol dans mon enfance, de l'âge de 6 ans jusqu'à l'âge de 9 ans,
01:13 par mon frère qui avait 10 ans de plus que moi.
01:15 Et en fait, mon frère était dans un internat,
01:17 et à chaque fois qu'il revenait de son internat pour les vacances,
01:20 j'étais victime de viol parce qu'on dormait dans la même chambre.
01:23 Tout s'est arrêté quand notre mère nous a séparés de chambre,
01:26 et forcément ça devenait plus compliqué pour lui de venir m'agresser.
01:30 Mais ça a été 3 années de cauchemars,
01:33 et moi il m'a fallu 30 ans pour trouver le courage, la force de libérer ma parole,
01:36 et ces 30 années ont été un vrai calvaire.
01:38 On s'attache beaucoup à la libération de la parole par l'oral, et c'est normal.
01:42 Moi j'étais incapable de le faire lorsque mon frère me faisait du mal,
01:45 en revanche j'écrivais dans une sorte de journal intime,
01:47 et c'est pour ça que je me suis dit que l'écrit était peut-être le maillon manquant
01:52 dans toute la chaîne de la libération de la parole.
01:54 Libérer ma parole pour moi c'est devenu vital parce que j'étais trop en colère,
01:57 et cette colère me faisait du mal.
01:59 En regardant mon frère qui lui vivait sa vie tranquillement,
02:01 je me suis dit que non, ça devait être terminé,
02:03 c'était pas à moi d'être en colère, d'avoir honte, de baisser la tête.
02:06 Quand j'ai libéré ma parole, je dirais que ça s'est pas très bien passé.
02:10 On m'a dit que je faisais plus partie de ma famille,
02:12 sauf ma mère qui m'a dit qu'elle me croyait parce qu'elle s'en était toujours doutée.
02:15 Ça j'avoue que pour moi, dans le cheminement que j'étais en train de faire,
02:18 ça a été un autre cataclysme, une autre source de colère,
02:21 de me rendre compte que finalement, tous ces signaux que j'avais envoyés
02:25 et je pensais que ma mère ne les avait pas vus,
02:26 et bien tous ces signaux, elle les avait vus,
02:28 et malgré tout, elle avait choisi de ne pas m'aider.
02:31 Et ça pour moi, ça a été extrêmement compliqué,
02:33 il m'a fallu encore quelques années pour pouvoir digérer tout ça.
02:36 Quand on a été victime, et notamment de violences sexuelles,
02:39 on a cette propension naturelle à vouloir se faire du mal
02:42 et à se dire qu'on n'a pas le droit au bonheur.
02:43 Et moi, alors que j'étais en train de construire mon bonheur,
02:46 alors que j'allais me marier, j'avais des enfants,
02:47 et bien sans aucune explication, sans aucune raison,
02:51 j'avais décidé de tout arrêter, de tout claquer, de m'éloigner, de partir,
02:55 parce que je n'avais pas le droit au bonheur,
02:57 puisqu'on m'avait fait du mal et que finalement, quelque part, c'était un peu de ma faute.
03:00 C'est cette colère-là qui m'a fait vraiment libérer ma parole
03:03 en me disant "stop, ça suffit maintenant".
03:04 La dernière fois que j'ai eu des nouvelles de mon frère,
03:06 c'était lorsque notre mère est décédée,
03:08 et au moment de l'annonce de son décès,
03:10 mon frère m'a envoyé un messenger dans lequel il me disait
03:13 "malgré tout, je te présente mes condoléances".
03:15 Je lui ai dit que son "malgré tout", je ne l'acceptais pas,
03:17 et qu'il n'imaginait pas que notre mère allait emporter avec elle
03:20 tout le mal qu'il m'avait fait dans sa tombe.
03:22 Et je n'ai plus jamais eu de nouvelles,
03:23 et il ne m'a jamais répondu à ce message.
03:24 Je pense avoir fait de mon histoire une force.
03:27 Il faut simplement accepter ce qu'on a vécu,
03:29 puisqu'on aura beau s'ouvrir toutes les veines de notre corps,
03:32 ça ne partira jamais, ça restera en nous.
03:34 Le but, c'est de se dire "ok, ça m'est arrivé, on ne peut pas oublier,
03:37 on n'oubliera jamais, il faut juste qu'on essaye de vivre avec".
03:39 Avoir vécu le pire, ça m'aide à comprendre finalement
03:44 ce que les enfants peuvent nous dire à demi-mot.
03:46 Ça m'aide à réfléchir à comment aller atteindre ces enfants
03:49 lorsqu'on leur présente notre dispositif pour pouvoir nous écrire.
03:52 Je pense qu'effectivement, j'aurais certainement écrit dans la boîte aux lettres papillon,
03:56 parce que finalement, la boîte aux lettres papillon,
03:57 c'est un peu la main tendue que chaque victime espère,
04:00 sans oser la demander.
04:01 J'aurais saisi cette main tendue, puisque finalement, inconsciemment,
04:04 j'ai envoyé les bons signaux, puisque ma mère les avait compris.
04:07 Mon héros du quotidien pour moi, c'est un enfant
04:10 qui va trouver le courage, quand on va mettre une boîte aux lettres,
04:13 de faire ce que moi je n'ai pas fait, c'est-à-dire de libérer sa parole.
04:15 Et ça, c'est vraiment un héros, parce qu'il en faut du courage,
04:18 quand on a 7 ans, 8 ans, pour mettre un petit mot et pour dire
04:21 "maintenant, ça suffit, voilà ce qu'on me fait,
04:22 et je ne veux plus que ça continue".
04:24 C'est l'héros du quotidien, il nous écrive tous les jours,
04:26 et c'est ce qui me remplit.