La présence de chars ce matin à Gaza ville et le fait que l'armée israélienne semble vouloir couper cet axe entre le nord et le sud de la bande de Gaza soulève une question : est-ce un tournant dans cette offensive terrestre ? Pour en parler, Peer de Jong, ancien colonel des troupes de Marine et vice-président de l'Institut de formation Themiis.
Regardez L'invité de RTL Midi du 30 octobre 2023 avec Céline Landreau.
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00:02 RTL midi avec Céline Landreau.
00:06 Des chars israéliens en bordure de Gazaville, cette grande ville au nord de l'enclave
00:10 palestinienne et qui coupe le principal axe routier entre le sud et le nord de la bande de Gaza.
00:16 Israël poursuit son offensive terrestre au 24e jour de ce conflit déclenché par l'attaque du Hama sur le sol israélien. C'était le 7 octobre dernier.
00:24 Bonjour Pierre de Jong.
00:27 Bonjour. Vous êtes ancien colonel des troupes de marines, vice-président de l'institut de formation Temis.
00:32 La présence de ces chars ce matin à Gazaville, le fait que l'armée israélienne semble vouloir couper cet axe entre le nord et le sud de la
00:39 bande de Gaza, c'est un tournant dans cette offensive ?
00:42 Vous savez je pense qu'il va y avoir un certain nombre.
00:47 Parce que c'est une opération qui est extrêmement difficile à monter et ce qu'on voit aujourd'hui c'est que les israéliens cherchent
00:54 à cloisonner le terrain, c'est ça qu'ils sont en train de faire. Donc le cloisonner ça veut dire qu'en fait faire des
00:59 surfaces relativement faibles de quelques dizaines de kilomètres carrés ou même de mètres carrés pour le contrôler, pour être sûr que
01:06 c'est contrôlé et qu'il n'y a pas un danger particulier. Donc ça va être extrêmement dur et surtout extrêmement lent.
01:12 Et donc cette activité va leur prendre je pense plusieurs semaines puisque
01:15 aujourd'hui ce qu'ils cherchent c'est un, c'est des tunnels. Le deuxième point c'est éventuellement est-ce qu'il y a des
01:22 est-ce qu'il y a des, comment dire, des résistances localisées, ce qui n'est pas impensable et enfin essayer de déterminer où sont
01:28 les otages. C'est ça qui les ralentit également.
01:31 C'est ça l'idée c'est de faire des sas dans la bande de Gaza pour prendre petit à petit le contrôle du territoire en fait ?
01:37 Oui c'est exactement ça. En fait ça s'appelle le compartimentage. Ils vont compartimenter le terrain
01:43 avec des objectifs différents et en fait ils vont attribuer probablement ce qu'on appelle des zones de chasse.
01:48 Ils vont attribuer des zones de chasse à des unités d'infanterie j'imagine et qui vont prendre en compte si vous voulez
01:53 une surface donnée. Concrètement une compagnie de combat ou un bataillon
01:56 va prendre une surface de 1 km sur 1 km par exemple. Et à partir de là s'il vous plaît ils vont rechercher
02:02 systématiquement toutes les entrées de tunnels. Ils vont rentrer dans les tunnels, ils vont essayer de
02:06 chercher les gens du Hamas et les détruire et éventuellement de retrouver les otages s'ils peuvent le faire.
02:12 Les tunnels, c'est un sujet dont on parle beaucoup, ces tunnels du Hamas, ce réseau souterrain à Gaza.
02:18 Justement on pourrait s'interroger en quoi c'est si important de couper la route si le Hamas peut passer sous terre ?
02:25 Ils coupent la route tout simplement pour éviter qu'ils s'enfuient parce qu'on peut imaginer que
02:31 les gens du Hamas une fois qu'ils ont posé une arme par terre on sait pas s'il est du Hamas ou si c'est un simple
02:36 citoyen
02:39 palestinien. C'est tout le coeur du problème. En fait c'est une force terroriste qui se mêle totalement à la population.
02:44 Donc c'est extrêmement difficile. Aujourd'hui on voit bien ce que veulent les Israéliens.
02:49 Ce qu'ils veulent c'est vraiment contrôler et être sûr que les gens qui sortent,
02:52 en tout cas qui essaient de sortir de Gaza,
02:55 ne soient pas des terroristes. C'est ça qu'ils sont en train de faire.
02:58 Ils sont en train de cloisonner. C'est une opération de police en même temps qu'une opération militaire.
03:01 Donc en fait il faut qu'ils contrôlent ça avec leurs effectifs, avec leurs moyens.
03:05 Et j'imagine que du niveau de motivation des Israéliens ils vont rien laisser passer.
03:10 Vous dites ça peut prendre des mois. A votre avis le plan de l'armée israélienne c'est de descendre
03:15 jusqu'où ? Parce qu'elle a demandé aux civils de se masser dans le sud de l'enclave. Ça veut dire qu'on ne prendrait le contrôle que
03:21 du nord en prenant le risque de laisser les combattants du Hamas justement aller se replier dans le sud ?
03:26 Alors c'est trop tôt pour le dire parce qu'encore une fois
03:30 l'opération terrestre vient de commencer il y a 48 heures. Donc c'est trop tôt pour le dire.
03:34 J'imagine que les Israéliens vont vraiment, comme ils ont une expérience de 2014 où ils sont rentrés dans Gaza,
03:40 ça s'est très mal passé. J'imagine qu'il y a ce qu'on appelle chez les militaires un rétexte, un retour d'expérience.
03:46 Et je pense qu'aujourd'hui ils n'en essayent pas, ils essayent d'en faire le minimum.
03:50 Même si aujourd'hui ils utilisent massivement des tirs d'artillerie et leurs appuis pour limiter les pertes chez leurs hommes.
03:57 Ils savent très bien que plus ils vont utiliser l'artillerie, plus ils vont utiliser les moyens de destruction,
04:02 plus les opinions publiques mondiales et israéliennes également vont être réfractaires à l'opération.
04:07 Donc c'est tout le cœur du problème aujourd'hui pour Tzahal.
04:11 C'est en fait d'avoir un équilibre entre l'efficacité sur le terrain, la destruction du Hamas
04:15 et les opinions publiques qui vont leur imposer une sorte de pression généralisée.
04:20 Donc plus ça va aller, moins ça va être facile pour Tzahal d'agir sur le terrain.
04:24 Donc encore une fois les objectifs terrains vont se définir progressivement, en tout cas étape par étape.
04:30 - Tout ça avec bien sûr en arrière-plan toujours la question des otages, 239 d'après le dernier bilan.
04:35 Et alors vous le disiez que les bombardements se poursuivent.
04:38 L'armée israélienne dit avoir frappé plus de 600 cibles en 24 heures dans la bande de Gaza.
04:43 Ça veut dire qu'on est entrés cette fois ça y est dans une guerre totale ? On peut le dire comme ça ?
04:47 - Non, je pense qu'il ne faut pas les mots... Les mots ont un sens si vous voulez.
04:53 Guerre totale ça veut dire qu'ils voudraient raser Gaza. Je pense que ce n'est pas ça l'objectif.
04:57 L'objectif qu'ils ont aujourd'hui, d'abord c'est de préserver leurs hommes, donc Tzahal qui est une petite armée.
05:02 Donc ils font ce qu'on appelle du "carpet bombing", c'est ce que les américains faisaient en Normandie.
05:06 Donc c'est un tapis de bombe qui est sur les objectifs, sur une espèce de front de quelques kilomètres.
05:11 Et à partir de là, l'infanterie peut éventuellement s'engager.
05:14 La deuxième chose c'est que vous savez qu'à Gaza il y a deux villes, il y a la ville souterraine et la ville aérienne.
05:19 Et le problème c'est qu'aujourd'hui, si vous voulez, les gens du Hamas continuent de tirer des roquettes anti-chars
05:24 et des roquettes contre les villes israéliennes.
05:27 Ça veut dire qu'ils arrivent à sortir de ces tunnels, si vous voulez, qui sont en sous-sol,
05:31 ils sortent par des tunnels verticaux quelque part et ils arrivent en ville.
05:36 Donc aujourd'hui ce que cherche à faire Tzahal, c'est de détruire systématiquement tous les départs de coups.
05:41 Et Dieu sait s'il y en a. Donc encore une fois, eux ce qu'ils veulent, si vous voulez,
05:44 quelque part c'est qu'il n'y ait plus de possibilité pour le Hamas de tirer sur leurs hommes
05:50 ou éventuellement sur les villes israéliennes à partir de la surface.
05:53 Merci beaucoup Pierre de Jong. Je rappelle que vous êtes ancien colonel des troupes de marine,
05:57 vice-président de l'Institut de formation Temis.
05:59 Merci pour cet éclairage sur la stratégie de l'armée israélienne aujourd'hui dans la bande de Gaza.
06:05 On va marquer une pause dans un instant. RTL midi, votre vie, tout autre chose.
06:09 On va parler de cette campagne de l'agence de biomédecine Fête des parents.
06:13 Campagne pour encourager les Français à donner leur gamète.
06:16 Ça vous fera peut-être réagir d'ailleurs au 3210.
06:19 Vous savez que vous prenez la parole dès 13h chers auditeurs.
06:22 Car aujourd'hui les dons restent très insuffisants face à la demande.
06:25 A tout de suite.
06:27 RTL midi.
06:28 avec Céline.