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Le nouveau chef du Hamas Yahya Sinouar, porté à la tête du
mouvement palestinien en août à la suite de l'élimination
d'Ismaïl Haniyeh à Téhéran, a très probablement été tué lors
d'une opération de l'armée israélienne dans le sud de la bande
de Gaza, ont déclaré jeudi deux sources israéliennes autorisées. Pour en parler, Frédéric Encel, géopolitologue, spécialiste du Moyen-Orient.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 17 octobre 2024.

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Transcription
00:00D'après plusieurs sources israéliennes et palestiniennes, le chef de Yamas, Yair Sinwar,
00:07aurait été tué lors d'une opération de l'armée israélienne dans le sud de Gaza.
00:11Nous sommes en ligne avec Frédéric Ancel, spécialiste du Proche-Orient.
00:14Bonsoir, est-ce que vous avez des informations, on va dire, plus précises ?
00:17Oui, a priori, non seulement il a été éliminé, mais de manière extrêmement
00:21« chirurgicale » puisque tous les observateurs s'accordaient.
00:25Ce n'était pas idiot d'ailleurs, considérer depuis plusieurs mois qu'il s'entourait
00:28de plusieurs dizaines d'otages, évidemment à titre de boucliers humains.
00:32Manifestement, ce n'est pas le cas.
00:33Ou alors, autre hypothèse, les israéliens ont réussi à l'abattre au moment,
00:37à un moment précis de la journée où il s'était départi de ses otages.
00:41Ils évoquent une opération dans la bande de Gaza, dans les premières dépêches qui sont tombées.
00:45Si c'est le cas, c'est un coup décisif qui est porté au mouvement islamiste palestinien ?
00:49Oui et non. Sur le plan militaire, oui, incontestablement.
00:51Un peu à la manière de ce qui s'est passé avec le Nasrallah, avec le Hezbollah.
00:54Pourquoi ? Parce que c'était quelqu'un qui était un véritable stratège militaire.
00:58Malheureusement, on l'a vu le 7 octobre dernier, d'une part.
01:01D'autre part, c'est quelqu'un qui disposait d'une aura extrêmement forte,
01:05non seulement politique, mais religieuse.
01:06Donc ça, sur le plan militaire, oui, bien sûr, c'est un coup très dur.
01:09C'est d'autant plus vrai d'ailleurs qu'a priori, on ne lui connaît pas de numéro 2 pour l'instant.
01:12En revanche, n'oublions jamais que le Hamas, comme le Hezbollah,
01:15ne sont pas que des mouvements militaires.
01:17Ce sont des mouvements pluridimensionnels, autrement dit,
01:21ils ont aussi une dimension sociale, politique, éducative et religieuse.
01:25Vous nous confirmez qu'il est quasi-officiellement l'un des cerveaux de l'attaque
01:29menée par le Hamas le 7 octobre 2023 ?
01:32Ce n'est pas l'un des, c'est le cerveau.
01:34C'est le cerveau ?
01:35Ah oui, c'est le cerveau.
01:36Incontestablement, ça je peux vous le garantir.
01:38Après, vous avez deux hypothèses arborescentes à partir de là.
01:41De deux choses d'une.
01:42Soit il a intégralement organisé le massacre,
01:46y compris dans sa dimension pogromiste, en l'assumant totalement.
01:49Soit il s'est laissé déborder par toute une foule de sympathisants et de barbares.
01:55Mais le problème, c'est que de toute façon,
01:57même si ce n'est pas lui qui a organisé l'intégralité du caractère tuerie,
02:01massacre et pogrom, il l'a assumé.
02:04Et donc, à la fin des fins, pour les Israéliens, ça revient un peu au même.
02:07Ceux qui l'entouraient, ceux qui l'ont aidé,
02:09ceux qui font partie de son engagement,
02:12peuvent-ils être dangereux dans les heures et dans les jours qui viennent ?
02:15Oui, bien sûr, c'est vraiment le syndrome de la bête blessée.
02:17C'est-à-dire que le Hamas, aujourd'hui, a cruellement besoin de montrer au monde entier,
02:21à commencer par ses propres troupes et par les Palestiniens de manière générale,
02:24qu'il n'est pas mort.
02:25Mais après un an d'un régime extrêmement dur imposé par Israël sur le plan militaire,
02:31il ne reste plus grand-chose du Hamas.
02:32Il reste quelque chose, mais il ne reste plus grand-chose.
02:34Je veux dire par là qu'en termes de risques et de menaces vis-à-vis de la population israélienne,
02:39on a affaire à un mouvement qui, aujourd'hui, est quasiment anéanti.
02:42Pouvez-vous nous décrire la nature et l'importance des opérations israéliennes de ces derniers mois ?
02:48Car je crois qu'on ne mesure pas encore, en tout cas en France,
02:51tous les trois jours, quelqu'un est éliminé.
02:52Et je suis sûr, en plus, qu'on ne sait pas tout.
02:55Oui, c'est ça, c'est-à-dire que ces dernières semaines,
02:57on s'est beaucoup focalisé, et avec raison d'ailleurs, sur le Liban,
03:00avec toute une série de succès tactiques et militaires pour Israël face au Hezbollah,
03:04et même d'ailleurs face à l'Iran.
03:05Et manifestement, ce n'est pas terminé.
03:07Mais effectivement, on a oublié ce qui se passait au Gaza.
03:10Depuis le printemps dernier,
03:12depuis que les Israéliens ont coupé le couloir de Philadelphie,
03:15cette fameuse frontière qui sépare Gaza de l'Égypte,
03:19on a affaire à une tactique différente.
03:21On a affaire à moins de bombardements très destructeurs,
03:24comme c'était le cas les premiers mois, notamment au nord de la banque de Gaza,
03:29et à des frappes effectivement plus ciblées, notamment sur des responsables.
03:32Le pari des généreux Israéliens, qu'ils ont imposé d'ailleurs à Netanyahou,
03:36c'est le suivant.
03:37En décapitant les unes après les autres, les têtes,
03:41on arrivera finalement en face à des capitaines,
03:45de jeunes lieutenants, de jeunes sergents qui sont vraiment expérimentés
03:49et qui n'auront pas l'aura de leurs grands frères.
03:52En quelque sorte, je mets tout ça entre guillemets.
03:54Et c'est exactement ce qui est en train de se passer.
03:55Et je pense que l'assassinat ciblé de Sinoir
03:59intégrait parfaitement cette tactique israélienne.
04:02Comment est-il devenu le chef du Hamas ?
04:03Comment Yahya Sinoir s'est-il imposé ?
04:06D'abord, il s'est imposé en passant beaucoup de temps en prison en Israël.
04:08Ça, évidemment, pour la population palestinienne,
04:10c'est quelque chose d'extrêmement valorisé.
04:12C'est le premier point.
04:12Le deuxième point, il s'est imposé parce qu'il a appris l'hébreu en Israël.
04:18Il a été sauvé d'une tumeur maïne au cerveau,
04:21d'ailleurs par un professeur de chirurgie israélien par définition.
04:24Donc, c'est considéré malgré tout comme une survie miraculeuse
04:28pour beaucoup de Palestiniens du Hamas.
04:30Et lorsqu'il a été échangé dans la fameuse, lors de l'échange Chalit,
04:34vous savez, ce jeune soldat israélien qui, il y a 12 ans,
04:38avait été échangé contre 1 072 prisonniers palestiniens,
04:40eh bien, parmi ces 1 072, il y avait Sinoir.
04:43Et depuis, il avait été organisé ou réorganisé en quelque sorte le Hamas
04:47de manière, et à la manière, dans ce qu'on a vu le 7 octobre,
04:50c'est-à-dire une véritable micro-armée en imposant,
04:53j'ajoute un point important,
04:54en imposant une véritable terreur au sein même de ses troupes,
04:56puisque c'est lui qui avait créé une section,
04:59on va l'appeler une section d'assaut qui était littéralement consacrée à la chasse,
05:03à ce qu'ils appelaient les collaborateurs,
05:05dont il faisait réellement régner la terreur.
05:06Quel est celui qui peut prendre sa suite ?
05:09A priori, l'organigramme n'est pas connu pour une raison bien simple
05:12et d'ailleurs, tactiquement, très, très fine,
05:14c'est que le Hamas se méfiait de pratiquement tout le monde.
05:18On est dans un système de paranoïa à la tête du Hamas.
05:21Pourquoi ? Parce qu'on l'a bien vu, ces dernières heures, ces dernières minutes,
05:24les Israéliens ont développé une capacité,
05:26et pas seulement à Gaza, mais au Liban et ailleurs,
05:28une capacité de renseignement proprement stupéfiant.
05:31Donc là, aujourd'hui, au moment où vous me posez la question,
05:33je ne suis pas capable de vous dire qui est nécessairement, statutairement,
05:37le numéro 2 qui va prendre sa place.
05:38Il avait 61 ans, il était chef depuis 2017 du mouvement islamiste palestinien à Gaza.
05:43Est-ce qu'il peut y avoir de vraies luttes, on va dire,
05:46des vrais combats, si je puis dire, pour prendre la tête du mouvement ?
05:49Alors, pour prendre la tête du mouvement, je ne sais pas,
05:51mais pour arrêter la guerre, ça, je le sais.
05:53C'est-à-dire que vous avez, depuis un petit peu moins de six mois,
05:56c'est-à-dire depuis des coups extrêmement durs
05:59portés par Israël sur le plan militaire au Hamas,
06:02vous avez une partie de ce mouvement qui considère,
06:05alors pas nécessairement qu'il fallait reconnaître Israël, ce n'est pas le problème,
06:08mais en tout cas, qu'il faut absolument accepter un cessez-le-feu,
06:12y compris à des conditions difficiles,
06:14c'est-à-dire rendre l'intégralité des otages pour, entre guillemets,
06:17seulement quelques centaines de prisonniers.
06:19Et jusqu'à présent, avec Sinoir qui était un dur parmi les durs,
06:22cette tendance n'avait pas la cote.
06:24Je pense que là, le clivage aujourd'hui qui va s'accroître en quelque sorte
06:30au sein même du Hamas, c'est entre les…
06:32on va dire fanatiques pragmatiques,
06:34qui considèrent que là, on est au bord de la survie
06:36et qu'il faut un cessez-le-feu sans quoi le Hamas périt,
06:39et les autres qui souhaitent aller jusqu'au bout.
06:41C'est une page d'histoire qui se tourne dans la région ?
06:43Dans la région, non, mais pour les Palestiniens et en particulier pour le Hamas, oui.
06:48Et je vais vous dire quelque chose qui va peut-être surprendre certains de vos auditeurs,
06:50c'est une excellente nouvelle pour l'autorité palestinienne
06:52et pour les modérés chez les Palestiniens,
06:54qui avaient en face d'eux quelqu'un d'une telle dangerosité et d'une telle aura
06:59qu'il était très difficile de pouvoir concurrencer.
07:01Et à l'instant même, le ministre israélien des Affaires étrangères
07:05annonce tout à fait officiellement que le chef du Hamas, Yair Sinouar, est mort.
07:10Réaction aussi en direct de Washington et des États-Unis,
07:13la mort de Yair Sinouar est source d'espoir
07:15selon le chef de la Chambre américaine des représentants.
07:18Vous savez que c'est l'équivalent de notre Chambre des députés.

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