France : "le sentiment d’insécurité pour les Français juifs est réel"

  • l’année dernière

Visitez notre site :
http://www.france24.com

Rejoignez nous sur Facebook
https://www.facebook.com/FRANCE24

Suivez nous sur Twitter
https://twitter.com/France24_fr#

Category

🗞
News
Transcript
00:00 Voilà, il va retourner en France avec mon invité Yonatan Arfi, le président du CRIF.
00:03 Bonsoir à vous, merci d'être là ce soir.
00:06 Un mot déjà, parce que vous organisez des projections sur un des murs de la mairie du 3e,
00:11 ce sont les portraits des otages, c'est ça ?
00:16 Les otages donc du Hamas.
00:18 Et vous allez avoir d'autres projections également dans les mairies du 7e et du 19e.
00:23 Pourquoi ?
00:24 Tout simplement pour éveiller les consciences et les cœurs des Français au destin des otages.
00:30 C'est une question qui n'est pas politique, c'est une question qui est humanitaire tout simplement.
00:34 Et notre responsabilité, c'est de nous faire un peu les porteurs de ce message.
00:39 Il y a aujourd'hui dans la bande de Gaza, détenus par le Hamas, des civils qui n'ont rien demandé à personne,
00:46 qui sont pour certains mineurs, dont des enfants très jeunes, 1, 2, 3 ans parfois,
00:50 qui sont aujourd'hui entre les mains du Hamas et dont on demande la libération.
00:53 Donc leurs portraits vont défiler, les portraits des 220 parce que c'est ça ?
00:57 Il y a effectivement les portraits des otages qui sont aujourd'hui identifiés,
01:01 qui défileront sur, projetés sur les mairies de certains arrondissements parisiens.
01:06 Et nous ferons ça régulièrement, aussi longtemps que nécessaire,
01:09 pour maintenir cette conscience éveillée parce que l'actualité passe,
01:13 on a tendance à se réfugier entre guillemets derrière les chiffres des otages,
01:17 un chiffre important, plus de 200, mais derrière ces chiffres il y a des noms et des visages,
01:21 et c'est l'objectif de cette opération.
01:22 Vous êtes en relation avec les familles françaises, on parle de 9 disparus.
01:26 J'étais en Israël en début de semaine, j'ai pu rencontrer un certain nombre de familles françaises d'otages,
01:32 de familles aussi françaises de personnes qui sont décédées dans ces attaques.
01:36 Il y a une vraie attente par rapport à la France pour elles, parce qu'elles savent qu'en France,
01:41 nous avons la tradition de nous battre pour récupérer tous nos otages.
01:45 Nous avons toujours mis la libération des otages français.
01:48 Et elles ont ce sentiment, elles, vraiment, que la France se bat pour cela ?
01:52 Le président de la République les a rencontrées lors de son passage en Israël,
01:55 elles ont été, je crois, très touchées des mots qu'il a pu employer.
01:58 La France a des liens particuliers avec des pays comme le Qatar, avec l'Egypte,
02:02 avec peut-être la Turquie aussi, qui peuvent intervenir et faire levier sur le Hamas.
02:06 C'est en tout cas l'objectif, je crois, de ce genre de rencontre.
02:10 Un mot sur la France quand même, c'est important.
02:11 Le ministère de l'Intérieur qui fait état de 588 actes antisémites,
02:15 c'est aussi votre chiffre, j'imagine, mais il y a 336 interpellations.
02:20 Et cela depuis le 7 octobre.
02:22 Donc, en 15 jours, il y a eu pratiquement autant d'actes antisémites que sur un an auparavant.
02:27 Quels sont ces actes en fait ? De quoi s'agit-il ? Des agressions ?
02:31 Écoutez, c'est très variable.
02:32 Il y a des actes, si j'ose dire, les moins graves,
02:35 même s'il n'y a jamais d'actes totalement anodins,
02:38 des graffiti antisémites, des expressions sur les réseaux sociaux qui peuvent être très violentes,
02:43 qui ne sont souvent pas comptabilisées d'ailleurs dans ces actes-là,
02:46 mais également des insultes, voire des agressions physiques.
02:49 Une des particularités de l'antisémitisme, c'est que c'est beaucoup moins de discrimination,
02:54 mais beaucoup plus de risque d'agression.
02:56 C'est une constante à travers le temps et ça, c'est quelque chose qui nous inquiète beaucoup
03:00 parce que l'atmosphère est inflammable.
03:02 Donc la communauté juive en ce moment, elle se sent en insécurité en France ?
03:05 Elle vit dans l'anxiété.
03:06 L'anxiété parce qu'elle sait que dès qu'il y a un conflit au Proche-Orient,
03:11 il y a mécaniquement en France une recrudescence des actes antisémites.
03:15 Vous savez, ça a été le cas en 2014.
03:17 Il y avait eu un conflit entre le Hamas et Israël
03:19 et nous avions eu, en marge de manifestations pro-palestinienne à Paris
03:22 et à Sarcelles, des attaques de synagogue.
03:24 Nous avions aussi, souvenons-nous, des terroristes de Toulouse et de l'Hypercacher
03:29 qui avaient fait référence au conflit israélo-palestinien pour justifier leurs actes vis-à-vis de Français juifs.
03:33 Donc c'est lié aussi à ce qui se passe là aujourd'hui,
03:35 cette recrudescence, cette guerre entre le Hamas et Israël.
03:37 Tout à fait, directement. Il y a le lien, et j'allais dire statistique, mathématique, immédiat.
03:42 Nous avons un déclenchement qui se fait d'ailleurs pas tant sur les images de Gaza
03:47 que sur les images de la tuerie de départ.
03:50 Autrement dit, c'est l'antisémitisme qui déclenche derrière encore plus d'antisémitisme
03:53 au lieu de déclencher, comme on aurait pu l'imaginer, de la sympathie ou de l'empathie.
03:56 Vous avez l'impression que les tensions sont plus fortes aujourd'hui entre les communautés en France ?
04:00 Il y a plus de tensions, mais je vous avoue que je me refuse toujours au vocable de tensions intercommunautaires
04:05 parce que ce que nous constatons, ce sont une recrudescence des actes antisémites.
04:10 Il n'y a pas de juifs qui vont aujourd'hui agresser qui que ce soit au nom de l'identification à la cause d'Israël.
04:18 Alors qu'aujourd'hui, malheureusement, l'identification dévoyée, je le précise, à la cause palestinienne produit des actes antisémites.
04:25 Certains retirent la Mézouza. Vous avez entendu ce type de témoignage sur leurs portes ?
04:29 Ou des civils ne plus porter la kippa.
04:31 Vous leur dites d'être prudent, de ne plus porter la kippa ou d'enlever la Mézouza ?
04:36 C'est une décision qui appartient à chacun en fonction, évidemment, de son évaluation, de son risque personnel.
04:41 Mais je connais des familles qui ont fait le choix de retirer la Mézouza de leurs portes.
04:47 Je connais des personnes qui, aujourd'hui, font attention avant de monter dans un Uber.
04:51 Je connais des gens qui sont discrets, qui changent leur nom sur un certain nombre d'applications, par exemple,
04:55 pour ne plus être identifiés comme juifs. C'est une réalité.
04:57 Alors, elle peut être rationnelle ou irrationnelle.
05:01 Peu importe, aujourd'hui, ce sentiment d'insécurité pour les Français juifs est réel.
05:04 Et ça, c'est quelque chose qui nous pose problème, parce que c'est un problème français.
05:08 Ce n'est plus le problème israélo-palestinien, c'est un problème français que la France doit traiter en tant que tel.
05:13 Et justement, est-ce qu'elle le traite bien, ce problème ?
05:16 Il y a effectivement une protection beaucoup plus forte, manifestement, depuis le 7 octobre, des synagogues.
05:21 Mais la guerre, manifestement, risque de durer.
05:24 Est-ce qu'il faut cette protection en permanence ?
05:28 C'est malheureusement une des particularités de la vie juive en France.
05:32 C'est qu'aujourd'hui, si vous allez déposer vos enfants dans une école juive le matin,
05:36 vous vous rendez compte qu'une école juive, ça ressemble beaucoup à un bunker avec des murs pour protéger des agressions potentielles.
05:42 C'est ça auquel on a dû arriver, malheureusement, pour assurer la vie juive depuis une vingtaine d'années en France.
05:47 Alors évidemment, dans le contexte actuel, on est d'autant plus prudent.
05:50 Il faut des mesures renforcées de sécurité avec la mobilisation des forces publiques.
05:55 Il faut qu'elles durent, bien sûr, aussi longtemps que durent les menaces.
05:58 Mais c'est aussi une culture de la vigilance qui doit être partagée le plus largement possible.
06:02 Le recteur de la Grande Mosquée de Paris a parlé d'un antisémitisme rampant chez nos confrères de BFM.
06:07 Il était avec Ayme Corsia, ils étaient ensemble pendant cette interview.
06:11 Et il a dit même qu'il voulait faire de l'antisémitisme une grande cause nationale.
06:14 Ayme Corsia a dit la même chose. Est-ce qu'il faudrait prendre ce type d'initiative ?
06:18 Oui, ce serait formidable. Et je veux saluer effectivement ses propos de Shams Eddin Hafiz,
06:22 le recteur de la Grande Mosquée de Paris sur l'antisémitisme.
06:25 Je sais que c'est un terrain sur lequel il est très engagé.
06:28 Il a besoin de ces paroles parce que, vous savez,
06:32 beaucoup de gens s'identifient à ce qui se passe là-bas et peuvent, par le poids des images,
06:38 considérer qu'attaquer des Juifs en France, c'est une manière de prendre part au combat des Palestiniens.
06:43 Mais c'est évidemment faux, c'est évidemment des esprits vulnérables qui se penchent vers ce genre de comportement.
06:49 Et on a besoin de repères et d'affirmations fortes pour couper court à ce genre d'identification.
06:54 Et la République ne parvient pas à l'empêcher.
06:57 La République fait beaucoup. La République n'est pas malheureusement infaillible sur la question de la sécurité, on le sait.
07:03 Le sujet de l'islamisme, on l'a vu, a tué également un professeur récemment à Arras,
07:08 de manière indirectement liée aussi à ce conflit,
07:11 quand c'était le jour de l'appel au djihad lancé par le Hamas ce fameux vendredi.
07:15 Donc il y a toute une série de conséquences en cascade qui nous concernent tous en France
07:20 et sur lesquelles il va falloir que nous soyons engagés et vigilants.
07:23 Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce soir.
07:25 Merci.
07:26 Jonathan Harfi, président du CRIF. Merci à vous tous de nous avoir suivis. Restez avec nous.

Recommandée