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Episode I: le Souffle des Pionniers.

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00:00 *Musique*
00:07 *Musique*
00:22 *Musique*
00:32 *Musique*
00:48 Je sais quand la passion elle est.
00:51 Elle est née autour des événements de 1972.
00:57 Et quand je dis ça, vous voyez après je fais référence à la coupe d'Afrique des Nations
01:02 que nous avons préparée en pensant que nous allions la gagner.
01:07 Et malheureusement que nous n'avons pas pu gagner.
01:12 La passion naît à la fois pour le football et pour le journalisme sportif.
01:19 Parce que je suis accroché quand le Cameroun joue surtout au reportage de Peter Isoca et Abedin.
01:28 J'étais passionné de radio.
01:31 Je ne comprenais pas tout à fait ce qu'on racontait à la radio,
01:33 mais j'avais toujours la radio sur mes genoux.
01:37 Et j'écoutais, j'écoutais les informations, j'écoutais la musique, j'écoutais tout ce qui passait à la radio.
01:44 Ma passion pour le journalisme a été motivée par plusieurs choses.
01:48 En première évidence, la curiosité, le goût de la lecture, le goût de l'écriture,
01:57 le goût des voyages, le goût des échanges, la recherche de l'inérité,
02:05 une certaine aversion pour l'injustice et la volonté de défendre une cause.
02:12 Je n'avais pas une idée assez claire de ce que c'était le journalisme.
02:19 Et contrairement à beaucoup de mes camarades de l'époque,
02:23 je n'avais jamais vraiment fréquenté le journalisme et les médias.
02:29 Il y avait quand même quelques personnalités assez connues du monde de la presse.
02:35 Jean-Vincent Tineum, Henri Vandolo, c'était des noms qui revenaient,
02:39 des gens qui étaient très connus au Cameroun, que je découvre d'ailleurs en rentrant.
02:45 J'avais une idole, lorsque j'étais au lycée technique de Gemsys,
02:50 qui s'appelait Henri Vandolo, avec une célèbre émission Dominique.
02:56 Et donc j'avais dit, moi aussi, je serai journaliste.
03:00 Il m'est arrivé de me rendre compte qu'il y avait un journaliste à la radio
03:05 qui faisait quasiment l'unanimité.
03:09 Je dois dire que nous habitions Douala, qui est une ville frondeuse comme on le sait.
03:14 Mais ce journaliste, chaque fois qu'il prenait la parole,
03:17 même la ville de Douala se taisait pour l'écouter.
03:20 Il s'appelait Henri Vandolo et présentait une édition extrêmement critique.
03:25 J'avais choisi moi très tôt, un peu comme Victor Egou qui disait,
03:31 je serai château brillant ou rien.
03:33 Moi j'aurais dit, je voulais être Vandolo ou rien.
03:37 Vous voyez que j'avais un modèle qui pour moi était une espèce d'asymptote.
03:41 C'était un homme particulièrement brillant, d'une très grande culture, et très charismatique.
03:49 Je crois que c'est le journalisme qui me choisit.
03:57 À un moment donné, je suis arrivé à l'ESTIQ, c'était les CIGI, une école internationale.
04:07 Un peu parce que je voulais être journaliste,
04:11 mais un peu parce que j'avais déjà été à la faculté de lettres,
04:16 juste en face de les CIGI qui se trouvaient quelque part en haut là-bas.
04:25 Donc j'ai fait le concours, je l'ai passé,
04:31 et puis après je me suis mis dans la peau d'un journaliste,
04:34 et non plus jamais d'un enseignant de littérature.
04:39 À partir de là, c'est toute une vie.
04:42 La vie est une somme d'aléas,
04:45 et ce sont des aléas qui me conduisent à faire du journalisme.
04:53 Je suis au lycée de Jons,
04:56 et à la terminale, j'ai un itinéraire qui me prépare à rentrer au séminaire,
05:05 au grand séminaire.
05:07 Les contacts ont déjà été pris d'ailleurs,
05:09 c'était fait parce que j'étais parti du moyen séminaire pour le lycée de Jons,
05:14 et au comté de Jons, inattendu, ce produit dans ma vie familiale,
05:20 et donc j'ai perdu mon père.
05:23 J'ai perdu mon père, c'est un moment assez particulier,
05:26 et je dois me projeter.
05:29 Je n'ai jamais avé un visager, une autre perspective
05:32 que celle de poursuivre mes études au séminaire.
05:37 Et donc il y a, à la terminale A dans ma classe,
05:41 quelqu'un, un ami, Paul Haribola,
05:45 qui me dit, incidemment,
05:48 "Je vais faire le concours de l'école du journalisme."
05:52 Je lui dis "Mais c'est quoi une école?"
05:56 C'est une école du journalisme,
05:58 c'est une école très intéressante, très importante,
06:01 sa forme au journalisme.
06:04 Je savais qu'il y avait des gens qui parlaient à la radio,
06:08 je savais qu'il y avait des gens qui écrivaient dans les journaux, dans la presse,
06:12 du Cameroun à l'époque, en l'occurrence,
06:15 et il me dit "Tu sais, tu viens d'avoir un problème grave,
06:19 je voulais peut-être te demander que tu allais faire ce concours-là."
06:22 J'étais à l'université,
06:26 la faculté des droits et des sciences économiques de l'époque,
06:29 et j'avais toujours voulu être journaliste ou enseignant.
06:33 J'ai donc appris par la radio que le Cameroun
06:36 allait créer avec l'aide de la France une école de journalisme.
06:41 La première fois que je présente le concours,
06:43 je n'ai pas le bac, je n'obtiens pas le bac à la première session,
06:48 comme c'était exigé ici,
06:50 je vais donc entrer à l'école normale,
06:52 j'avais passé parallèlement le concours de l'école normale supérieure,
06:54 mais je ne me renonce pas,
06:57 et je vais me présenter une deuxième fois.
07:00 Je n'entre pas parce que j'ai des hésitations,
07:04 et je me présente une troisième fois.
07:06 Ça veut dire que la passion du journalisme me tenait,
07:09 et je finis par la souvenir en entrant ici.
07:12 Je décide de faire le concours de l'ESIGI,
07:16 mais je ne l'ai pas, ça aussi c'est un détail d'histoire important,
07:20 je ne l'ai pas reçu la première année,
07:22 parce que je suis en faculté de droit,
07:26 j'apprendrai plus tard que j'ai été recalé pour peu de choses.
07:30 Et donc, je remets cela l'année d'après,
07:35 et je suis plutôt brillant d'ailleurs ici,
07:39 parce que je suis parmi les meilleurs.
07:42 Dès lors, c'est le rêve qui progressivement devient réalité.
07:47 Le Cameroun avait 15 places.
07:51 15 places.
07:53 Et il fallait non seulement être parmi les 15 candidats retenus,
07:58 mais également avoir passé le baccalauréat à la première session,
08:04 parce qu'à l'époque il y avait le bac en première session et en deuxième session.
08:09 Donc j'ai fait le concours, et je suis 16e,
08:13 donc je suis le premier sur la liste d'attente.
08:17 On publie les résultats provisoires avec les candidats qui ont réussi,
08:23 mais ce n'est pas les résultats définitifs,
08:25 parce qu'on attend la publication des résultats du bac en première session
08:28 pour donc rendre public la liste définitive des candidats.
08:32 Il se trouve que parmi les 15 qui ont réussi le concours dans le parti camerounaise,
08:38 il y en a un qui n'a pas réussi le bac en première session.
08:42 Et automatiquement, il est remplacé par ma modeste personne,
08:47 qui se trouvait être le premier sur la liste d'attente.
08:50 La première promotion, qui n'avait pas encore de bâtiment,
08:53 a fait ses premiers cours ici au rectorat,
08:57 dans la salle de réunion de l'université fédérale de l'époque.
09:03 Parce que M. Hervé Bouge avait estimé qu'il ne pouvait plus trop attendre
09:08 et qu'il fallait lancer l'école.
09:11 Donc c'est dans cette salle que les 25 premiers étudiants de l'ECIG de l'époque
09:17 faisaient les cours en première année.
09:24 Je suis l'une fille de ma promotion,
09:27 parmi les jeunes hommes, 32 jeunes hommes venus du Cameroun, bien évidemment,
09:34 du Congo, du Gabon, du Tchad.
09:38 De cette période, je garde de tendres souvenirs,
09:43 car pour mes collègues, j'étais à la fois la sœur, la petite maman,
09:49 qui aidait à boucler les fins de mois,
09:53 alors que la bourse avait fondu comme neige au soleil.
09:56 J'étais porté par une sorte d'innocence, d'une crainte d'heure,
10:00 d'une crainte de naïveté, qui me faisait considérer le journalisme
10:06 comme un amusement.
10:09 Il faut dire que pour moi, les études, c'était aussi une partie de la distraction.
10:14 Je n'étais pas un étudiant très concentré,
10:19 dans sa tâche, très soucieux de la réussite, etc.
10:25 Pour moi, c'était une grosse distraction.
10:28 Donc les années ESIGI ont été pour moi une sorte de plaisir, de jouissance,
10:38 parce que j'étais porté par une sorte de naïveté.
10:43 Donc à la minute, je découvrais plus tard les affres du métier.
10:48 L'ESIGI, c'était l'École supérieure internationale du journalisme.
10:53 Et à partir de là, c'était vraiment le journalisme classique.
10:58 C'était un journalisme un peu hors contexte,
11:03 parce que tous les enseignants étaient des journalistes français,
11:08 qui débarquaient là, en Afrique, pour la première fois,
11:12 qui avaient des enjeux assez immédiats.
11:16 Bon, au niveau concret, c'était très bien,
11:21 c'est-à-dire que c'était équilibré entre les enseignements un peu théoriques, les exposés,
11:28 mais les trois quarts du temps, c'était les pratiques.
11:31 Et ça nous a fait du bien.
11:34 Ce qui m'a marqué quand je suis arrivé à l'ESIGI, d'abord, c'était la situation de l'établissement.
11:41 Nous étions au centre de l'université, c'est un bâtiment circulaire,
11:45 le seul circulaire de cette université, de l'université de Yangdze,
11:49 caractérisé par la pièce qui symbolisait un peu son architecture.
11:55 Et notre bâtiment était au centre de l'université, il était circulaire.
11:59 Et là donc, on voyait bien que tout le monde s'arrêtait un peu pour regarder ça.
12:03 Il y a quelque chose de particulier, au moment où nous entrons à l'ESIGI de l'époque,
12:09 c'était un qui avait plusieurs nationalités.
12:14 Il y avait 15 Kamournais, il y avait des Tchadiens, des Centrafricains et des Gabonais.
12:21 La deuxième chose qui m'a frappé, c'est la manière dont les étudiants étrangers se comportaient,
12:31 surtout les étudiants Gabonais, qui avaient une bourse fort élevée,
12:37 qui bénéficiaient, et non seulement de la bourse kamournaise, mais d'une bourse française,
12:41 qui étaient toujours tirés à quatre pépingles,
12:45 en tout cas c'était des gens qui étaient très bien.
12:47 Par rapport à nous, ils ont été toujours un peu, disons,
12:51 une petite petite toute à fait là à côté, nous les regardions un peu comme des statuettes,
12:57 toujours en costume, bien mis, propres, etc.
13:01 À l'époque, entrer à l'ESIGI, c'est avoir l'étoffe des héros.
13:06 Le concours était très disputé, il n'y avait que 15 places pour le Kamourou,
13:10 et celui qui réussissait à entrer à l'ESIGI, c'était vraiment un héros.
13:14 L'école était parmi les plus prestigieuses du Kamourou.
13:18 Nous qui venions, soit pour certains de lycées et collèges,
13:25 et pour d'autres comme moi de la faculté de droit et sciences économiques,
13:30 nous nous prenions pour des craques.
13:32 Mais les premiers devoirs, par exemple, raconter l'ambiance dans une gare routière,
13:39 qu'on nous donnait un vendredi, c'est des devoirs qu'on devait remettre un lundi matin,
13:44 et puis nous sommes surpris d'apprendre que nous ne savons même pas bien
13:52 écrire la phrase française la plus ordinaire.
13:56 On nous remet nos copies trichées de rouge, pour dire que vous n'y êtes pas encore.
14:02 Évidemment, quelques esprits particulièrement brillants s'en tiraient à bien meilleur compte,
14:09 mais pour la plupart, c'était très très laborieux.
14:13 Et c'est là où nous prenons véritablement conscience que nous sommes dans un moule de formation.
14:19 La première année, nous sommes des jeunes gens, nous voulons faire du journalisme,
14:26 et à l'intérieur, on nous testait, est-ce qu'on pouvait être un bon journaliste.
14:30 Il y avait une inscription au fronton de l'école qui disait que l'école forme des soldats du développement,
14:37 ce qui fait que les anciens étaient pluridisciplinaires,
14:42 parce qu'il fallait que le journaliste participe au développement,
14:47 que ce soit un soldat du développement à travers l'information, à travers l'éducation,
14:52 très peu à travers les loisirs.
14:55 Mais très vite, il fallait se déterminer pour choisir la filière.
15:01 Est-ce qu'on faisait presse écrite, est-ce qu'on faisait radio?
15:05 La télévision n'existait pas encore. Donc, la grande choix était radio et presse écrite.
15:11 Nous en sommes comme des produits bruts et nous allons ressortir, non pas vraiment comme des produits chimiques,
15:19 mais parce que je veux apprendre ici, qu'en réalité l'école apprend à apprendre.
15:25 C'est ça, la valeur fondamentale de l'école.
15:28 Notre directeur de l'époque, M. Hervé Bourge, dispensait la matière de l'écriture journalistique.
15:36 Et il nous envoie notre premier reportage, on le revoit dans le centre-ville.
15:41 Nous revenons tout fiers, on a fait des reportages dans le centre-ville de Yaoundé.
15:46 Un de mes camarades parlait du modeste libeau Blechelle comme étant un grave ciel.
15:51 Alors, Hervé Bourge était avec beaucoup d'humour et dit,
15:54 écoutez, lorsque vous serez là où il y a des graves ciels, vous banquerez de mots pour les décrire.
15:59 Je me souviens de Richard Harter, qui était un enseignant particulièrement rigoureux,
16:05 qui avait mal à partir avec beaucoup d'étudiants.
16:09 Il y avait M. Gilis, qui dans la pratique professionnelle,
16:16 ce sont des choses qui ne vous disent rien aujourd'hui,
16:20 nous faisions le montage radio sur des girardins, des appareils.
16:27 Il fallait y mettre des amorces avec des ciseaux, avec du scotch.
16:31 Il était extrêmement rigoureux dans l'exercice.
16:34 Et surtout, nous avions un enseignant de nationalité togolaise, M. Patti,
16:40 qui était impitoyable en ce qui concerne la ponctuation, les accents,
16:47 tout ce qui avait créé la ponctuation.
16:50 Il ne vous le pardonnait pas si vous étiez pris en défaut.
16:56 Donc, oui, c'était un formidable monde.
17:00 C'est ici que nous faisions nos journées professionnelles.
17:04 Parce que, vous savez, moi, je suis un produit de l'essigie.
17:08 Nous n'avions à l'époque que le journalisme.
17:12 Et donc, souvent, en troisième année, c'était la salle des troisième année ici,
17:17 nous passions nos journées professionnelles.
17:21 Le matin, nous allions sur le terrain,
17:24 et nous revenions écrire nos papiers en nous organisant comme une rédaction.
17:30 Et puis nous présentions nos produits.
17:34 Et les produits, évidemment, étaient critiqués par des gens qui étaient sur le terrain
17:40 et qui étaient des icônes.
17:42 Vous avez entendu parler de Henri Bandelon?
17:45 C'était l'une des icônes.
17:47 C'était une figure emblématique.
17:50 C'est lui qui venait critiquer nos journées professionnelles.
17:53 Je me souviens que j'étais dans cette salle.
17:55 Et j'ai lu particulièrement le conseil qu'il m'a donné.
17:58 Monsieur Leblanc, faites attention à votre éloquence.
18:03 Il faut toujours préparer vos improvisations.
18:06 Vous avez tendance à parler un peu trop facilement.
18:11 Ça peut vous créer des ennuis.
18:14 Il faut toujours cadrer, écrire ce que vous avez à dire.
18:19 D'accord?
18:20 Je me souviens, on est allé à Ngandéré, après on est allé à Bafia.
18:24 Cela nous permettait, puisqu'on estimait que nous devions être des soldats du développement,
18:30 de découvrir le monde rural.
18:32 Et beaucoup de matière qui était enseignée à l'époque
18:36 visait cet objectif de faire des journalistes, des agents de développement.
18:41 Donc vous aviez, par exemple, l'économie rurale.
18:44 Vous aviez la sociologie rurale,
18:47 qui était dispensée à l'époque par un enseignant qui est parti il y a quelques années,
18:52 le professeur Shinji Kuro.
18:54 Le CIGI ne formait les étudiants à Yalunde que pendant deux années.
18:59 Mais c'était d'un magnifique.
19:03 La troisième année, nous la faisions au premier trimestre en France, à l'IFPE.
19:08 Au deuxième trimestre aux Etats-Unis, à l'université de Maryland, à Baltimore.
19:15 Et le troisième trimestre à l'université du Québec à Montréal.
19:20 Donc on sortait de là.
19:23 Ce n'était pas facile de ne pas avoir la grosse tête.
19:26 Le CIGI était, j'espère que je l'ai vu avec curiosité, le premier moment.
19:30 Jalousie ensuite. Envie enfin.
19:34 On y accédait par un concours international, très tranché.
19:40 Je rappelle que c'était une école internationale et que le Cameroun n'y avait que 12 places.
19:48 Alors les autres pays africains avaient les 30 autres places.
19:54 A partir de là, être camerounais et entrer à l'ESTIC, c'était fantastique.
20:01 Il faut dire d'abord que c'était une institution d'élite,
20:07 dont nous étions considérés, excusez la modestie, comme l'élite de la nation.
20:15 Je peux dire que autour de nous, ici à l'ESIGI, il y avait les names qui attiraient beaucoup de gens,
20:25 qui aspiraient peut-être à faire carrière dans l'administration.
20:28 Mais nous, c'était très prestigieux.
20:31 Nous étions, quand nous entrons, je crois, 17 ou 18, avec une seule femme, figurez-vous.
20:38 Après un concours où s'étaient présentés près de 1000 candidats.
20:45 C'est un établissement qui a été très respecté.
20:49 On savait qu'entrer à l'ESIGI n'était pas facile. C'est ce concours.
20:54 Il y avait 15 personnes qui devaient entrer à l'ESIGI.
20:57 C'était très compliqué. Tout le monde pouvait y aller.
21:01 Les étudiants de l'ESIGI étaient regardés avec beaucoup de considération.
21:04 Est-ce que vous savez que nous étions accompagnés tous les matins à l'école,
21:07 accompagnés dans nos domiciles, dans de très beaux cars Saviens,
21:11 que conduisait notre chauffeur emblématique qui s'appelait Fabien, père à son âme.
21:18 À côté des étudiants de l'université de Yaoundé, qui peinaient.
21:30 Ils étaient dans des bus, quand ils ne prenaient pas simplement les bus de la SOTUC de l'époque.
21:36 Vous voyez un peu qu'il y avait une différence de traitement.
21:41 Il y avait quelque chose qui suscitait beaucoup d'admiration autour de nous.
21:45 En entrant à l'ESTIG, on signait déjà un contrat avec le gouvernement pour être en haut cadre.
21:52 Et je ne vous cache pas que les petits cassettes à la fin du mois,
21:58 de l'étudiant de l'ESTIG, ce n'étaient pas des cassettes aspirines.
22:01 Et puis, disons-nous la vérité, l'ESIGI avait des attraits dont on ne parlera pas toujours sur la place publique,
22:12 mais ça existait. Nous avions une bourse assez confortable.
22:17 Ce n'était pas la même bourse qu'en faculté.
22:19 Nous avions 35 000 francs en première année, 40 000 francs en deuxième année, 45 000 francs en troisième année.
22:26 Et puis, en troisième année, on partait à l'étranger pour un voyage d'études.
22:30 Ce sont des choses qui attirent.
22:33 C'était bon. Disons qu'au total, nous qui venions de la fac, ça faisait à peu près 50 000 francs.
22:46 Je vous rappelle que le salaire, au départ, dans le métier, sur le terrain, c'était 70 000. On n'était pas loin.
22:55 Mais la particularité également, c'était que j'avais en face de moi des gens dont j'entendais parler.
23:03 J'avais souvent entendu parler de Gilbert Bivolet, je ne l'avais jamais vu.
23:07 J'avais souvent entendu parler de M. Hervé Bourges, le créateur de l'école, je ne l'avais jamais vu, je l'avais en face de moi.
23:14 Hervé Bourges, c'est une totalité, c'est une personnalité multiforme, multidimensionnelle,
23:20 qui nous impressionnait d'abord par la confiance qu'il avait en lui-même.
23:25 M. Hervé Bourges, c'était d'abord Hervé Bourges.
23:30 Hervé Bourges était un personnage vraiment fascinant.
23:33 Un homme affable, un homme de réseau, un homme d'autorité, un homme de négociation.
23:44 Parce qu'il fallait beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup user de diplomatie pour, disons,
23:50 amener les chefs d'État africains eux-mêmes portés par l'idée d'un nationalisme chevronné, chevelé et un peu sourcilleux.
24:02 Et donc, pour arriver à les mettre ensemble, pour orienter à la fois les programmes d'études,
24:11 mais surtout l'admission, les conditions d'admission à l'ESTI,
24:15 la qualité professionnelle dans un contexte où l'information était considérée comme l'outil essentiel du développement.
24:24 Hervé Bourges arrive ici avec déjà une réputation à la fois d'un intellectuel, d'un homme politique,
24:33 puisqu'il nous le rappelait souvent qu'il avait été le conseiller technique du président algérien de l'époque.
24:39 Quelqu'un qui, du point de vue professionnel, avait fait des choses impressionnantes en France,
24:45 a travaillé dans des publications assez, assez, assez bien connues, n'est-ce pas ?
24:52 Publications catholiques d'abord, ensuite des publications, disons, civiles, et puis il a fait l'agence France Presse.
25:00 Ensuite, il a été en Algérie, n'est-ce pas, où il a été le lien des conseillers, le conseiller politique de M. Wari Boumdiène,
25:10 Wari Boumdiène qui a dirigé l'Algérie, l'appel à l'Algérie.
25:14 C'est un directeur fascinant, parce que non seulement il enseigne, il enseigne bien le journalisme,
25:24 mais en même temps c'est un grand manager, c'est un type, un doué dans les relations publiques,
25:30 et c'est également quelqu'un qui a une vision de ce que l'école doit former comme journaliste.
25:36 On percevait Hervé Diouz comme un modèle, d'abord un modèle humain,
25:42 parce que pour être journaliste, c'est une personnalité flamboyante, c'est un bon humain,
25:50 ce contact individuel avec chacun était déjà une école de journalisme.
25:57 Et ensuite c'était un professionnel, la première qualité d'un professionnel en journalisme c'est le travail d'équipe,
26:06 il savait choisir ses coéquipiers.
26:08 C'était un excellent professionnel aussi,
26:11 et qui était habité par la conviction que la transformation de nos pays africains ne pouvait pas se faire,
26:19 en tout cas le développement ne pouvait pas être réalisé convenablement,
26:23 sans l'intérêt de la presse.
26:28 Hervé Bourges aimait le journalisme, je peux même dire qu'il adorait le journalisme.
26:34 Hervé Bourges adorait ses étudiants, Hervé Bourges adorait l'Afrique,
26:40 c'est tout cela qu'on a appelé, l'a surnommé "Bourges et l'Afrique".
26:45 Il connaissait les questions relatives à la colonisation et à la décolonisation,
26:49 et ça il s'en prévalait, il pouvait passer des heures et des heures à vous raconter ces histoires là.
26:54 Ensuite c'était un fonds diplomate, c'était un homme politique,
27:00 et qui avait de nombreuses relations parce que Hervé Bourges avait pour interlocuteur des chefs d'État,
27:05 quand il vous disait "moi j'ai rencontré le président Ayadou, il vous en parlait dans les détails,
27:10 il a rencontré Bongo, j'ai rencontré Ademange", c'était quelqu'un qui nous impressionnait.
27:15 Vous avez vu la carrière qu'il a faite en France, président du conseil audiovisuel,
27:21 il a été à la francophonie, il a dirigé TF1, donc à l'époque déjà,
27:26 on avait un directeur qui nous marquait vraiment, et qui savait de quoi il parlait,
27:31 et qui avait un carnet d'adresses impressionnant.
27:34 Même après son départ, c'est quelqu'un qui a profondément aimé le Cameroun,
27:40 et qui revenait souvent, et à chacune de ses visites, même quand c'était pour d'autres raisons,
27:46 il s'arrêtait toujours à l'estigme pour dire bonjour, s'entretenir avec les étudiants, avec les enseignants,
27:52 il restait nostalgique. À l'occasion d'un de ses voyages, il nous avait dit
27:59 "ça va être mon dernier voyage au Cameroun", on lui a demandé "pourquoi vous dites cela monsieur Bourges ?"
28:04 Il dit "regardez-moi, je me sens vieux, je me sens vieux, et je vais voyager de moins en moins,
28:11 et je veux faire comme l'éléphant". On lui a demandé "il fait comment l'éléphant ?"
28:16 Il nous a dit "l'éléphant, quand il se sent faiblir, quand il sent ses forces le quitter,
28:23 il s'éloigne dans la forêt". Et c'est pour cela, par exemple, qu'à l'école,
28:28 un de ses successeurs, le professeur Bouilloumont, a eu la brillante idée de lui dédier un espace à l'estigme,
28:35 l'amphithéâtre Hervé Bourges.
28:38 Nous avions des enseignants que nous ne pouvons pas avoir oubliés, le temps est passé,
28:45 mais qui parmi nous a oublié Jean-Pierre Nolot ? Qui parmi nous a oublié Richard Hadzer ?
28:52 Qui parmi nous a oublié les professeurs qui venaient des facultés ? Martien Thauvin, Georges Ngalbu et autres,
29:00 qui parmi nous a peut avoir oublié ces enseignants ?
29:03 À l'ICJ, il y avait des enseignants de l'Ouvre, par exemple, en Oeuvre économique,
29:10 vous aviez le professeur Ngangô et le professeur Tchun-Chang, qui étaient là,
29:14 vous aviez en Sociologie le professeur Ndoui, vous aviez en Philosophie le professeur John Mollet,
29:21 vous aviez le professeur Bipoum et le professeur Oona Joseph, qui venaient faire les enseignements de droit,
29:27 donc vous voyez, c'était quand même un lieu de convergence de l'élite intellectuelle cammonaise de l'époque.
29:34 Le professeur Ndangô, l'abbé Ngongô, le professeur Nidadé, je vais en oublier, je vais peut-être faire quelques jaloux,
29:41 mais l'école était vraiment très courue en termes d'enseignants, et des enseignants de qualité qui ont forgé
29:48 cette fonction pluridisciplinaire qui a permis à beaucoup d'entre nous de s'ouvrir vers d'autres horizons à la sortie de cette école.
29:55 D'abord, il y a eu un grand nombre de journalistes formés qui ont investi les médias,
30:08 au moins les médias d'État, c'est-à-dire la Sopékam et la CRTV, ou la CTV à l'époque.
30:19 C'était quand même une période assez euphorique pour ceux d'entre nous qui ont fait leur stage,
30:26 leurs premières années de stage à Camon Tribune, au lancement de Camon Tribune,
30:32 c'était vraiment une période de fourguit où les gens travaillaient avec beaucoup de passion,
30:39 où il y avait des conférences-rédactions très longues, qui étaient en réalité d'autres amphithéâtres d'apprentissage du métier.
30:49 Il y avait donc une continuité du fait que, évidemment, on faisait tout le temps, quand on était à l'école, on allait faire des stages là-bas,
30:55 et puis quand on rentrait, on rentrait mouris d'expérience de terrain,
31:04 et ça nous permettait à ceux qui étaient à l'école de ne pas rompre le fil de la relation entre le monde du travail et l'amphithéâtre.
31:17 Donc c'était, oui, une période où effectivement le journalisme, on peut dire, a atteint sa sorte de gloire.
31:27 Lorsque Camon Tribune est créée, à l'exception d'une ou deux personnes, le professeur Gérard Fermin-Dongo, qui en était le coordonnateur,
31:36 M. Angèle Bengorop, qui en était le rédacteur en chef, c'était eux, ils venaient de l'école de Lille.
31:44 Les autres étaient les journalistes de l'ECJ.
31:48 La première promotion de l'ECJ se retrouve à Camon Tribune, la deuxième promotion, et puis nous, la troisième promotion.
31:54 Je peux tout simplement dire que la création de l'ECJ a permis d'avoir des cadres bien formés dans tous les domaines du journalisme.
32:05 Le reportage, l'interview, le débat, les documentaires. La création de l'ECJ a permis de former des cadres dans le journalisme,
32:18 ayant une plus grande compétence, une plus grande maîtrise du verbe et de l'expression, mais également une plus grande maîtrise des techniques du journalisme.
32:29 L'ECJ et les écoles qui l'ont suivi vont produire des journalistes formés.
32:36 Nous avions, par exemple, au niveau de la radio, beaucoup de gens qui avaient été formés sur le tas.
32:42 L'école va amener, va former des journalistes qui vont occuper la radio-télévision nationale au niveau du Cameroun et Camon Tribune.
32:52 Jusque dans les années 1975, la radio avait fonctionné avec des contenus qui étaient préfabriqués en France.
33:01 Je ne sais pas, Mille Soleils, les émissions culturelles, les émissions de théâtre ou théâtre ce soir, le cinéma de Pierre Guillard, etc.
33:14 Les personnes de l'époque ne se souvenaient pas d'avoir entendu une production faite par un Camerounais,
33:20 sauf des Camerounais qui avaient immigré à Pierre Zogho, etc.
33:25 Lorsque nous arrivons, nous avons appris de manière méthodique la production audiovisuelle.
33:32 Donc la radio est façonnée maintenant en sorte de sortir de l'actualité, des nouvelles brèves, des communiqués, etc.
33:41 On entre un peu dans les écritures de magazines, de documentaires, et ça étoffe vraiment, et c'était fantastique pour le public.
33:49 La réputation, la célébrité, la confiance que le public vous fait, vous n'avez pas de choix, vous devez être plus ambitieux, et ça nous boostait.
33:59 Le CIGI relève de la volonté politique des chefs d'État africains, de donner à la presse les moyens de son efficacité dans la perspective du développement de nos pays.
34:15 Parce qu'on voit bien qu'il n'y avait pas, il n'y a pas que les ingénieurs, il n'y a pas que les médecins, il n'y a pas que les anciens, il y avait la presse.
34:22 Et très rapidement, on a bien compris l'importance qu'il y avait à faire en sorte que la presse joue toute sa place.
34:31 Il fallait pour cela qu'elle soit portée par des personnes ayant des savoirs avérés.
34:38 Si vous revoyez le Cambon de trébune de cette époque, vous voyez très bien que ça fleurit, il y a des talents qui fleurissent là-dedans.
34:46 Et dans un contexte où il n'y avait pas autant de liberté qu'aujourd'hui, ils vont prouver qu'on peut faire un bon journal, même dans un contexte où les libertés sont plus ou moins réduites.
34:58 Il y avait les journaux célèbres, la Gazette qui faisait dans les fêtes d'hiver, il y avait des journaux sportifs, le journal sportif de cette province.
35:09 Mais il y avait très peu de professionnels dans la presse qui se débrouillaient.
35:13 L'ESIGI va permettre aux médias cameroonais de disposer de véritables professionnels qui savent de quoi ils parlent et qui peuvent mettre les médias cameroonais à un niveau international.
35:27 Et moi, Camerounais, décide donc de nationaliser l'ESIGI en considérant qu'il est le seul à supporter tous les frais de fonctionnement de l'institution.
35:38 Il faut créer donc une école nationale.
35:40 Mais cette école nationale est à l'intérieur de l'université.
35:44 Et pour enseigner à l'université, il faut avoir un certain profit.
35:48 On décide donc de commencer à former des enseignants cameroonais, il faut avoir un doctorat et avoir un certain profit professionnel.
35:58 Des tests sont ouverts puisque l'affaire est lancée et nous allons nous-mêmes nous postuler à cela.
36:09 Nous sommes assez nombreux.
36:10 Et puis nous sommes retenus à trois.
36:12 Mes collègues qui sont peu à peu à leur camp, Jadon Chadeauné, Fouad Chadeauné, Fouad Mbarkhouze Fouamba et moi-même.
36:22 Nous sommes retenus.
36:23 Et je me souviens que le ministre d'État, Jacques Fabien-Degout, est venu chez moi à la maison pour m'annoncer cette chose en disant "tu as été retenu" et ainsi de suite.
36:31 C'est comme ça que nous allons en France.
36:34 Nous devons faire notre doctorat dans les délais.
36:38 Nous avons bénéficié de l'encadrement de grands maîtres, Francis Balle, Chanei Oneki, lui même pour la sociologie et la communication avec Francis Balle,
36:50 Mbarkhouze Fouamba qui s'intéressait à l'histoire, à travailler avec Pierre Albert,
36:56 et moi qui étais davantage porté sur les questions juridiques et politiques de la communication.
37:00 Je travaille avec M. Jacques Dufart et c'est comme ça que j'ai fait ma thèse sur le régime juridique des médias en Cameroun.
37:08 Je me suis lancé dans le cycle doctoral, c'était sur conseil d'un certain M. Jacques Famendongo.
37:15 Et pourquoi ? Parce qu'il avait estimé que les Camerounais devaient déjà prendre la relève dans la formation.
37:24 Et comme les STIC relèvaient de l'université, relève de l'université, il fallait donc remplir les conditions pour être récruté comme enseignant de l'université.
37:35 J'ai donc postulé, j'ai fait le concours d'entrer à l'université de Paris 2.
37:42 La première année j'ai échoué, mais à la deuxième tentative j'ai réussi.
37:47 J'étais là-bas avec un certain Ugo Aranda Antoine et également avec un certain Laurent Charles Bouyou Mouassala.
37:55 Les trois quarts et la moitié de l'autre quart de mes camarades étaient des gens qui avaient rêvé d'être journalistes.
38:01 C'était des gens qui, même au lycée, faisaient du journalisme école.
38:05 C'était des gens qui aimaient le micro, qui parlaient en public, etc.
38:10 Ce qui n'était pas du tout, du tout, ce que moi je faisais.
38:16 Ça ne correspondait pas du tout à ma mentalité, à ma conception des choses, à mon vécu.
38:23 Et donc naturellement, pour moi, entreprendre d'autres études qui n'étaient pas que simplement avisées d'orthorale,
38:32 ça s'est présenté de manière tout à fait naturelle.
38:37 Nous souhaitions prendre le relais des enseignants, des coopérants qui avaient été là,
38:43 et prendre le relais au plan universitaire et affirmer aussi que les journalistes n'étaient pas des sous-hommes
38:49 et que nous pouvions tenir la dragée haute à beaucoup d'autres professions.
38:55 Il faut savoir qu'à cette époque, Henri Bandolo venait d'être nommé ministre de la communication
39:01 et il semble qu'il était à la recherche de personnes, de cadres, qui devaient accompagner son action.
39:10 J'avais clairement dit à M. Henri Bandolo que si je rentrais au Cambon, il fallait que j'enseigne.
39:17 Et donc j'ai été retenu à l'ESTI comme enseignant pendant que j'étais au ministère de la communication,
39:27 cette fois-là comme directeur adjoint de la communication.
39:31 Nous tenions à rentrer et nous avions déjà un aîné ou un prédécesseur qui est le professeur Fahmoundongo
39:40 qui était directeur de l'école, qui avait un doctorat, qui avait...
39:45 Donc nous pensions que l'école devait, au niveau de l'université cambronaise, s'affirmer avec des enseignants de qualité.
39:58 Ma fierté en tant qu'enseignant, c'est que bon an, mal an, les STIC, les CIG, les STIC...

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