Retrouvez la question de David Castello-Lopes dans le 7/10 (8h55 - date) Retrouvez toutes les questions de David Castello-Lopes sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-david-castello-lopes
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00:00 Bonjour David Castello-Lopez.
00:01 Bonjour Nicolas.
00:02 Votre question ce matin, quel est le prix d'une vie humaine ?
00:05 Imaginez, imaginez un petit garçon qui s'appelle Michel.
00:10 Michel a des boucles brunes et de grands yeux verts, pleins de l'enthousiasme pur d'une
00:15 vie qui débute.
00:16 Michel est très mignon, mais Michel est accroché à la fenêtre d'un immeuble en flamme.
00:22 Il pleure à 15 mètres de hauteur, le visage plein de suie et il va mourir si personne
00:28 ne lui vient en aide.
00:29 Alors maintenant je vous pose la question suivante.
00:32 Combien la société doit-elle dépenser d'argent pour sauver le petit Michel ?
00:36 Bon, évidemment vous allez me répondre « David, ta question est une question de connard
00:42 ! ». Parce que je vous connais, quand les micros sont coupés, vous êtes vachement
00:45 moins policier.
00:46 Vous allez donc me répondre « David, tu es un connard ! ». Et vous aurez parfaitement
00:51 raison.
00:52 Pour sauver Michel, la société doit dépenser sans compter.
00:56 Parce que l'on considère, à juste titre, que ce n'est pas moral de mettre un prix
01:00 sur une vie humaine particulière.
01:02 Bah oui, sinon, vous imaginez, on aurait tous des prix différents.
01:04 Genre les vieillards malades, ils seraient bon marché, les gens moches aussi, et surtout
01:08 vous Nicolas, vous seriez plus cher que moi.
01:11 Et ça, ça me ferait de la peine.
01:12 Mais maintenant, imaginez, Léa, Nicolas, Mathilde, Claude, que je vous dis, chaque
01:17 année, il y a en moyenne deux enfants en France qui meurent étouffés avec des chips
01:22 à l'ancienne.
01:23 Mais ces deux morts pourraient être évités grâce à une campagne massive de sensibilisation
01:29 au danger de la chips à l'ancienne.
01:31 Chips dont la surface plus accidentée que celle des chips contemporaines a tendance
01:35 à se fixer sur les voies aériennes des nourrissons et à provoquer leur décès.
01:40 Cette campagne, messieurs, dames, va coûter 100 millions d'euros.
01:44 Bah là, vous allez peut-être me dire « Ah, 100 millions pour informer sur les chips,
01:48 c'est cher quand même ! Avec cet argent, on pourrait faire des trucs mieux, genre,
01:51 je sais pas, repeindre Montreuil en violet, ça c'est un beau projet ! ». Or, si vous
01:55 se dites ça, vous avouez implicitement que pour vous, la vie de ces enfants anonymes
02:00 qui vont s'étouffer avec des chips dans le futur ne vaut pas 100 millions d'euros.
02:05 Pour vous, elle vaut moins, elle vaut, je sais pas, 10 millions, 5 millions, 2 millions.
02:09 Ça, c'est ce qu'on appelle la valeur implicite de la vie humaine.
02:13 Tous les ans, partout dans le monde, des centaines de gouvernements et d'entreprises dépensent
02:19 une certaine somme d'argent pour éviter statistiquement un certain nombre de morts.
02:24 Pour mettre par exemple des glissières sur le bord des autoroutes, pour vérifier qu'il
02:28 n'y a pas d'arsenic dans les yaourts au couëtch, pour ignifuger le slip des combattants
02:32 du feu.
02:33 Et à chaque fois qu'ils font ça, qu'ils le veuillent ou non, ils donnent implicitement
02:37 un prix à la vie humaine.
02:39 Ce prix de la vie, il est étudié par plein d'économistes depuis des dizaines d'années
02:44 qui se sont rendus compte notamment d'un truc de dingue, c'est que en tant que société,
02:48 on ne donne pas le même prix à la vie dans toutes les situations.
02:52 Par exemple, les gouvernements dépensent beaucoup plus d'argent pour éviter que des
02:57 gens meurent dans un accident d'avion que pour éviter que des gens meurent dans un accident
03:01 de la route.
03:02 Alors que quand on meurt sur la route, on n'est pas moins mort que quand on meurt dans
03:07 un avion.
03:08 Dans les deux cas, la mort, c'est un gouffre sans fond dans lequel on passe le reste de
03:12 l'éternité.
03:13 Il y a sans doute une petite optimisation à faire de ce côté-là, et je vous en parlerai
03:17 peut-être dans une future chronique.
03:19 Quant au petit Michel, rassurez-vous, il a été sauvé.
03:23 Bon, il a perdu un petit morceau de phalange dans l'incendie, mais ça lui permet aujourd'hui
03:27 d'avoir quelque chose d'intéressant à raconter à chaque fois qu'il rencontre
03:31 une nouvelle personne.
03:32 Donc franchement, tout va bien pour lui.
03:33 David Castello Lopez, merci.