• l’année dernière
Des hommages ont eu lieu partout en France pour Dominique Bernard, professeur de français tué vendredi à Arras et Samuel Paty, également assassiné dans un attentat islamiste il y a trois ans jour pour jour à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines).

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Transcription
00:00 Alors j'ai pris ma voiture, je suis sorti comme d'habitude, c'était le jour des vacances.
00:03 Je vais pour rentrer chez moi.
00:06 À l'époque j'habitais à Ony, donc je passe, enfin côté Erani.
00:09 Et en fait, sur le côté de la route, je vois deux hommes l'un sur l'autre.
00:17 Je comprends pas trop ce qui se passe.
00:20 Je pensais que c'était un accident de la route.
00:22 Donc je m'arrête sur le côté, je sors de mon véhicule et là je dis "qu'est-ce qui se passe ?"
00:28 Et là, je vois un homme au sol, un corps au sol,
00:32 et la personne debout qui me dit "il a insulté le prophète".
00:37 Et là, état de sidération totale, je suis en pilote automatique, je rentre dans ma voiture.
00:45 Je rentre chez moi.
00:47 À ce moment-là, j'ai pas reconnu la victime.
00:49 Et c'est plus tard du coup...
00:51 - Que vous avez compris de qui il s'agissait.
00:53 - C'est plus tard que j'ai compris de qui il s'agissait.
00:56 Et du coup, j'ai fait tout de suite le lien avec les événements d'avant.
00:59 - Pardonnez-moi de ce détail qui est terrible, mais il est déjà décapité ou vous assistez à son agression ?
01:05 Lorsque vous passez cet homme que vous n'identifiez pas encore.
01:08 - En fait, au moment où je conduis, je vois un corps inerte, donc je pense qu'il était déjà mort.
01:15 Et un mouvement un peu de va-et-vient.
01:18 En fait, j'ai pensé à un massage cardiaque.
01:21 Je me suis dit qu'il y avait un accident de la route.
01:23 Et du coup, au moment où je sors de mon véhicule, à ce moment-là, il y a le corps en deux parties.
01:28 - Vous avez des regrets de ne pas être sorti de votre véhicule ou peut-être d'être intervenu,
01:33 même s'il était de toute façon trop tard, on l'a compris ?
01:35 - De toute façon, je suis sorti dès que j'ai pu.
01:38 C'est-à-dire que je me suis arrêté, je pense, à 20 mètres des lieux.
01:45 Et après, c'est pas des regrets, mais en fait, dans l'histoire,
01:51 je suis parti une minute ou deux minutes plus tard que prévu.
01:55 Et en fait, ce qui était un peu difficile pour moi, c'est de me dire,
01:59 si j'étais arrivé deux minutes plus tôt, qu'est-ce qui serait passé ?
02:02 Ça se trouve, je l'aurais croisé dans les couloirs, je l'aurais ramené.
02:04 Après, je peux refaire 100 fois le film, mais ça ne change rien.
02:10 - Comment fait-on pour supporter d'avoir vécu une telle atrocité ?
02:14 Et en plus, un confrère, je ne sais pas si je dois dire un ami, peut-être l'était-il aussi ?
02:20 - En fait, moi, c'est l'année où je venais d'arriver au collège,
02:22 ce qui fait que je ne le connaissais pas.
02:25 Ça faisait un peu, à peine un mois.
02:27 On s'était parlé une fois 40 secondes.
02:30 Pour moi, c'est presque un inconnu, en fait.
02:33 Je n'ai pas le sentiment d'avoir perdu un ami, plus un collègue.
02:36 - Il vous a fallu du temps pour revenir travailler ?
02:40 - J'ai essayé de revenir à la rentrée.
02:44 J'ai vite compris que ça allait être trop dur pour moi.
02:48 En plus, on était en plein Covid, il y avait plein de choses.
02:52 Dans ma vie perso, c'était hyper compliqué.
02:54 Du coup, je me suis arrêté un mois, un mois et demi, je crois.
02:58 Et après, j'ai repris.
03:00 Voilà, parce que je voulais avancer.
03:03 - Vous aviez peur d'y retourner ? - Non.
03:05 - J'imagine quand même que ces images étaient gravées dans votre tête.
03:08 - Oui, bien sûr.
03:09 - On a décapité un de vos confrères, même si vous n'aviez pas de lien particulier avec lui.
03:14 Vous avez été témoin de la fin de cette scène épouvantable.
03:17 Et je veux dire, vous n'êtes pas rentré dans l'éducation nationale
03:21 pour être confronté à des choses pareilles.
03:22 - Bien sûr, on ne peut pas être préparé à ce genre de choses.
03:24 Après, j'ai avancé.
03:27 C'était dur.
03:28 C'était un peu dur au début, mais je voulais avancer.
03:32 En fait, je venais d'arriver dans ce collège.
03:34 C'était mon premier poste fixe.
03:35 Je voulais vraiment avancer et pas fuir dans une autre académie.
03:40 Ça m'a presque motivé pour avancer et m'impliquer dans votre travail,
03:45 dans l'établissement et dans le travail.

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