Le 26 juin 1999, à Marseille, cinq prisonniers des Baumettes s'accrochent aux filins jetés depuis un hélicoptère et prennent le large. Pierre Folacci est chargé de ce dossier. L'enquête sur cette évasion va bouleverser ses certitudes.
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00:58 -Je m'appelle Pierre Folaci. J'ai 69 ans.
01:02 J'ai été flic pendant 35 ans à la police judiciaire.
01:05 J'ai travaillé à Paris, à Lyon, puis à Marseille,
01:08 comme chef adjoint de la brigade de répression du banditisme.
01:12 ...
01:16 Marseille, c'est une ville où il y a du boulot
01:19 quand on travaille sur des affaires criminelles.
01:22 Je savais que je n'allais pas m'ennuyer,
01:25 et je n'ai pas été déçu.
01:27 L'une des enquêtes qui m'a le plus marqué,
01:30 c'est celle de l'évasion de la prison des Baumettes.
01:33 ...
01:35 Le 26 juin 1999, un hélicoptère se stationne
01:39 au-dessus de la cour de promenade des détenus.
01:41 Cinq d'entre eux s'accrochent au filin
01:44 sous les coups de feu des gardiens.
01:46 ...
01:48 Une évasion impressionnante, digne d'un film.
01:51 ...
01:53 C'est un beau dossier à traiter en tant que flic,
01:56 mais l'enquête a bouleversé beaucoup de mécertitudes.
02:00 ...
02:01 -C'est cette affaire que j'ai décidé de vous raconter.
02:04 Moi, j'aurais jamais pensé être flic,
02:07 parce que c'était pas dans la culture de la famille,
02:10 j'y pensais jamais.
02:12 Je jouais aux gendarmes et aux voleurs,
02:14 comme tous les petits garçons, mais j'aimais faire le voleur.
02:18 Je faisais l'Indien, je pouvais pas voir les cow-boys.
02:21 Donc, jamais, je savais pas ce que j'allais faire de ma vie.
02:25 Un ami de la famille, qui était inspecteur de police, m'a dit
02:29 "C'est pas ce que t'y es fait pour ce métier."
02:31 C'est vrai que, quand j'étais plus jeune,
02:34 j'aimais bien aller traîner dans les quartiers un peu chauds de Marseille.
02:38 Ca me plaisait, de voir les putes
02:41 arpenter leurs trottoirs, d'aller dans les bars un peu,
02:44 dans les bouges, les trucs un peu en fumée, ça me plaisait.
02:48 Donc, il m'a inscrit au concours et j'ai réussi.
02:51 Puis, j'ai été affecté à Paris, à la police judiciaire parisienne.
02:55 Quand je suis arrivé au Quai des Orfèvres,
02:58 le 36, c'était mythique, c'était maigré,
03:00 c'était toutes les lectures que j'avais pu lire plus jeune.
03:04 J'avais 21 ans, j'étais jeune, quand même.
03:07 Je pensais rester 3-4 mois, m'amuser un peu,
03:09 voir ce que c'est que faire le flic, j'ai pris ça comme un jeu.
03:13 Et puis, j'en suis ressorti 35 ans après.
03:27 -En 1999, je suis à la brigade de répression du banditisme
03:31 de la PJ de Marseille.
03:33 Je suis responsable d'un groupe
03:35 et je travaille sur les affaires d'évasion,
03:39 de braquage,
03:41 de braquage de banque, de fourgons blindés
03:44 et d'extorsion de fonds, ce qu'on appelle le racket.
03:47 Le 26 juin 1999, c'est un samedi,
03:53 je ne travaille pas, j'apprends quand même par les médias
03:57 qu'il y a eu une évasion violente de la maison d'arrêt des Beaumet,
04:00 une évasion par hélicoptère, filmée par un amateur.
04:04 J'apprends qu'il y a eu une fusillade
04:07 et que cinq détenus se sont évadés.
04:10 Ma première réaction, c'est... Je ne vais pas dire que je suis content.
04:15 Non, je ne suis pas content, mais je suis excité.
04:18 C'est une excitation, parce que d'abord, ce n'est pas commun,
04:22 une évasion par hélico,
04:24 et je râle un peu de ne pas travailler.
04:28 Je me dis que j'aimerais bien avoir le dossier.
04:31 -Une évasion comme ça, en 1999, c'est un truc hors du commun.
04:39 Il faut bosser sur cette affaire.
04:42 On veut savoir qui sont les types qui ont osé faire ça.
04:45 C'est vraiment un fait divers exceptionnel.
04:49 Pour un flic, ça fait partie des affaires d'une vie,
04:51 ça peut même être l'affaire d'une vie.
04:55 -Dès le lundi, mon responsable de brigade
04:58 va confier le dossier à mon groupe.
05:00 Je suis ravi d'apprendre tous les détails de l'affaire
05:03 et je suis encore plus ravi quand on me confie le dossier.
05:06 C'est la première fois que je vais traiter une affaire d'évasion.
05:10 Je sais que pendant le week-end,
05:13 mes collègues qui sont intervenus en premier
05:16 ont fait les auditions au sein de la maison d'arrêt.
05:22 Ce que les gardiens de prison racontent,
05:24 c'est qu'ils ont vu cet hélicoptère arriver en stationnaire
05:28 au-dessus de la maison d'arrêt.
05:30 L'hélico a manifestement deux ou trois filins
05:35 qui pendent sous son ventre.
05:36 Il y a des détenus qui arrivent en courant,
05:41 qui s'accrochent à ces filins.
05:43 L'hélicoptère l'haïs assez péniblement
05:46 et se déplace sur le terrain de foot de la maison d'arrêt.
05:51 (Explosion)
05:52 Là, il y a une fusillade qui éclate
05:54 avec les gardiens dans les miradors.
05:56 L'un des détenus qui s'est accroché à un baudrier sous l'hélico est tué.
06:01 Quatre autres détenus prennent la fuite.
06:04 L'hélicoptère redécolle avec ce corps inanimé qui pend.
06:08 -C'est un pied de nez.
06:15 C'est un pied de nez à la justice, à la police,
06:19 à l'Etat républicain.
06:20 -Arracher cinq mecs des Beaumet, c'est énorme.
06:23 On n'a jamais vu une évasion avec autant de personnes qui partent.
06:27 -C'est la plus spectaculaire.
06:29 Il n'y en a jamais eu comme celle-ci auparavant.
06:32 -On sait que,
06:45 cinq personnes se sont évadées.
06:48 Il y a du braqueur,
06:49 des gens qui font dans les stups dans la région de Marseille.
06:53 C'est assez hétéroclite.
06:55 Il n'y a pas de lien.
06:56 Ce n'est pas une équipe particulière qui s'est évadée.
06:59 On apprend dans le même temps
07:02 que l'hélicoptère avait été braqué, détourné de l'aérodrome du Castelet
07:08 et le pilote a été libéré après l'évasion.
07:12 Quand il est arrivé au Castelet, le pilote a été entendu.
07:15 -L'audition du pilote est capitale.
07:20 Il est capable de faire un portrait robot précis,
07:23 de parler de la personnalité
07:25 et de la détermination du gars qu'il a pris en otage.
07:28 Tout ça, c'est un tas d'indications précieuses pour les policiers.
07:32 -Il explique que, quelques jours avant,
07:35 il a reçu un coup de téléphone d'une personne
07:38 qui avait été élevée.
07:40 -Il a reçu un coup de téléphone d'une personne
07:42 qui voulait faire un baptême de l'air avec son épouse et ses enfants.
07:46 -Je leur donne rendez-vous sur l'aéroport du Castelet.
07:50 Ils arrivent, donc une famille, deux adultes, deux enfants.
07:54 -Et une autre personne, un autre adulte.
07:57 -Tout le monde très sympa,
07:59 tout le monde plutôt de bonne humeur, souriant.
08:02 Premier abord, même si je m'étais méfié de quelque chose,
08:06 je ne me serais pas du tout méfié d'eux.
08:09 Donc, je ne me pose aucune question.
08:12 -Et là, le couple lui explique que les enfants ont peur,
08:16 que c'est uniquement le couple qui va faire le baptême de l'air.
08:19 Les enfants repartent avec l'autre personne.
08:22 -Ca me surprend un peu,
08:26 parce que d'habitude, les enfants n'ont pas peur en hélico,
08:29 mais j'y prête pas plus attention que ça.
08:33 ...
08:41 Dès qu'on décolle, il y a quelque chose qui ne va pas.
08:44 Ils n'ont pas un comportement habituel de gens
08:47 qui font un baptême de l'air.
08:49 Je me retrouve avec deux personnes
08:51 qui sont très concentrées, avec le visage fermé.
08:55 Donc, ça m'étonne un peu, je leur demande si tout va bien.
09:00 Et ils me répondent oui, mais ils deviennent un peu moins sympas.
09:06 ...
09:12 Et d'un coup, la femme dit "c'est là".
09:16 Et alors, moi, je me retourne,
09:20 et là, je me trouve, nez à nez, avec un pistolet,
09:24 juste devant le visage.
09:27 Et donc là, le baptême de l'air prend une autre dimension.
09:32 ...
09:34 -L'homme du couple le braque
09:37 et lui demande d'aller se poser dans une carrière à Cassis.
09:42 -Il me dit "vas-y, descends, descends, descends".
09:45 Je descends, je me pose.
09:47 -Le mari va chercher quelque chose dans la carrière,
09:51 en fait, un sac duquel il sort des baudriers,
09:54 qu'il attache sous l'hélicoptère.
09:57 -Je songe à m'échapper.
09:59 Je me dis que c'est le seul moment où je pourrais le faire.
10:03 Et là, je me retourne vers la femme qui est assise à l'arrière
10:07 et je la vois me braquer avec le pistolet,
10:12 à hauteur de la tête, et elle tremble.
10:15 Donc, je pense qu'elle a peur, au moins autant que moi, si ce n'est plus.
10:19 Et là, je me dis "si je descends maintenant, elle va me tirer dessus".
10:24 -La femme descend de l'hélico
10:26 et le pilote redécolle avec l'homme seul. Ils sont deux.
10:30 -Je vois des cordes.
10:33 Et là, à ce moment-là, je comprends.
10:35 Je comprends et je me dis "on va aller au beau-maître".
10:39 Évidemment, j'ai un bon coup de stress, j'ai peur.
10:43 Et je me dis "je n'ai pas de chance, ça tombe sur moi".
10:45 J'ai dit "mais qu'est-ce qu'on va faire ?"
10:48 Et il me dit "on va sortir du monde, évidemment".
10:51 Je dis "oui, mais combien ?"
10:53 Et il me dit "je sais pas,
10:55 3 ou 4 ou 4 ou 5".
10:59 Et là, moi, je lui dis "mais ce n'est pas possible.
11:02 Si, on va y arriver.
11:03 Et puis, de toute façon, si on n'y arrive pas, on s'en fout.
11:07 De toute façon, si on meurt, ce n'est pas grave".
11:10 ...
11:17 On arrive sur la prison.
11:19 Là, c'est la panique, quoi.
11:22 ...
11:24 Les surveillants se mettent à courir de tous les côtés.
11:27 Je vois tous les détenus qui regardent l'écho.
11:32 Lui, il jette les cordes en dessous.
11:35 Et au moment où on commence à monter,
11:39 ceux qui se sont accrochés,
11:41 on a entendu cette clameur de tous les gens qui hurlaient.
11:46 Pour eux, ils étaient contents.
11:48 Des gens arrivaient à s'évader.
11:51 Et là, l'hélicoptère, il monte un peu,
11:55 puis il ne monte plus.
11:56 ...
11:58 Je lui dis "ce n'est pas possible, j'y arrive pas".
12:01 -Sa machine est en surpoids.
12:03 Elle n'est pas faite pour autant de personnes à l'intérieur.
12:07 Il sent, manifestement, qu'il a toutes les difficultés du monde
12:10 à piloter son hélico.
12:12 -Donc, il me dit "pose-toi sur le stade, pose-toi sur le stade".
12:15 Et ça tire de tous les côtés.
12:18 Là, je commence à avoir vraiment peur.
12:20 Je me dis "c'est pas possible, on va se faire tirer dessus,
12:26 ils vont tous nous tuer".
12:27 -Il explique que lorsqu'il va se poser sur le terrain d'à côté,
12:33 là, 4 détenus montent.
12:35 -Ils montent dans l'hélico, ils sont blessés,
12:39 il y en a un qui est blessé au cou, il saigne beaucoup,
12:42 il a le sang qui gicle du cou.
12:44 J'ai l'impression qu'on est en train de tourner un film.
12:47 Et là, une espèce de flottement,
12:51 parce qu'il y en a un qui est resté à terre, il bouge pas.
12:55 Et donc, le braqueur dit aux autres "allez chercher Jean-Louis,
13:02 allez chercher Jean-Louis".
13:03 Et les autres disent "non, mais laisse tomber, il est mort,
13:05 c'est pas la peine, il est mort".
13:07 Et c'est celui qui me braque qui descend de l'hélico
13:12 et qui certainement s'aperçoit qu'il est mort
13:15 et que c'est inutile.
13:17 Et à ce moment-là, il se prend une balle.
13:19 Lui aussi est blessé.
13:21 À ce moment-là, je rentre dans une phase un peu particulière
13:42 où je suis persuadé qu'ils vont me tuer.
13:46 Qu'une fois que je vais les avoir posés,
13:48 tant qu'on est en vol, ils peuvent rien contre moi.
13:51 Mais dès que je vais être posé, je suis persuadé qu'ils vont me tuer.
13:54 Après avoir décollé de la maison d'arrêt avec son chargement,
14:02 l'hélicoptère s'est posé dans une carrière à Cassis.
14:05 Et là, j'ai un espèce de blanc,
14:08 c'est-à-dire que je suis tellement dans l'attente de mourir
14:12 que je ne les vois pas descendre.
14:15 Il se passe certainement quelques secondes, pas plus.
14:20 Et d'un coup, je me retourne et il n'y a plus personne dans l'hélico.
14:23 Je suis tout seul. Ils sont partis. Je ne les vois plus.
14:26 -Ils ont libéré le pilote d'hélico qui a redécollé,
14:30 qui est rentré au Castelet.
14:31 Ils ont pris un véhicule et ils sont partis.
14:34 ...
14:52 -L'urgence pour les flics, c'est de retrouver les types
14:57 qui sont en cavale et c'est de retrouver l'auteur de l'évasion,
15:01 l'homme qui leur a permis de s'évader.
15:03 -Dès l'annonce de l'évasion, toutes les forces de l'ordre,
15:06 les forces de gendarmerie, de police, d'abord quadrille la ville.
15:09 -Là, les flics de Marseille ont la pression, grosse pression.
15:12 ...
15:16 -Quelques dizaines de minutes plus tard,
15:18 un équipage de la brigade anticriminalité
15:21 découvre une clio qui semble abandonnée dans le quartier de Mazargues,
15:25 pas très loin de la maison d'arrêt des Beaumet.
15:28 ...
15:31 -C'est une clio.
15:32 Et dans cette clio grise, il y a du sang.
15:36 Des taches de sang en quantité importante.
15:40 C'est donc une voiture qui va intéresser les enquêteurs.
15:43 -Il y a des riverains,
15:45 parce que c'est un quartier assez calme, avec des petites villas,
15:49 qui disent que les gens qui ont quitté cette voiture
15:52 sont allés dans une maison un peu plus loin.
15:54 C'est la maison d'un médecin,
15:57 qui, ce jour-là, fête l'anniversaire d'un de ses enfants,
16:01 avec les ballons, les fraises tagada, etc.
16:05 ...
16:09 Et ils ont vu arriver ces hommes qui braquent le père de famille...
16:13 ...
16:17 qui lui demande de les amener à l'extérieur.
16:21 Donc les enfants ont assisté à tout ça.
16:26 Le père prend sa voiture,
16:27 met un petit peu plus loin,
16:30 il tombe sur un barrage d'une brigade anticriminalité.
16:34 Il y a une fusillade qui éclate.
16:36 ...
16:39 Trois des évadés sont repris.
16:41 À ce moment-là, on sait qu'il y a un évadé qui est mort,
16:48 qui est resté accroché à l'hélico,
16:50 trois qui sont repris, il en manque un.
16:54 Un détenu, plus le couple preneur d'otages,
16:57 qui n'est pas identifié, on a envie de savoir qui c'est.
17:00 ...
17:12 ...
17:17 Ce qui est important, c'est le véhicule Clio,
17:20 qui est retrouvé abandonné, avec des traces de sang.
17:23 Ce véhicule, ce qui nous intéresse,
17:25 c'est qu'il n'est pas signé à l'évolu.
17:27 -Qu'est-ce que font les enquêteurs ?
17:29 Immatriculation de la voiture,
17:31 remontée jusqu'au propriétaire,
17:34 "Bonjour, monsieur, c'est votre voiture,
17:37 "racontez-nous ce qui s'est passé."
17:39 Le type en question s'appelle Yves,
17:41 il est serveur dans un restaurant à la Ciota.
17:45 -Ce garçon, c'est un garçon qui n'est pas un voyou,
17:49 il est inconnu de nos archives,
17:51 mais manifestement, il n'est pas rompu aux interrogatoires.
17:56 Très vite, il nous dit que sa voiture, il l'a prêtée à quelqu'un.
18:00 Et il va finir par nous raconter que cette voiture,
18:05 il l'a prêtée à un client qui était là depuis quelques jours,
18:08 un client avec sa femme et deux enfants.
18:12 Donc forcément, on est contents.
18:15 -Ça colle, un père, une mère, deux enfants, petits.
18:19 Ca correspond aux témoignages qu'ont déjà les policiers,
18:22 celui du pilote.
18:23 -Je ne suis pas persuadé que c'est lui,
18:26 mais ça ressemble bien au profil ou à la personne
18:29 qui a pris en otage le pilote d'hélico.
18:31 Ca sent bon.
18:33 Mais qui sont ces gens ?
18:35 Avec des enfants, qui sont ces gens ?
18:37 Vu l'effet, la violence des faits,
18:40 c'est pas tous les jours qu'un type va braquer un hélico
18:44 pour arracher cinq détenus.
18:46 Il y a un décalage qu'on n'arrive pas à comprendre.
18:50 Le serveur nous donne un tas de détails.
18:53 Il nous dit que le couple semblait très proche de ses enfants.
18:56 Et il nous dit qu'une fois, ils sont sortis faire de la plongée
19:00 et ils voulaient faire garder leurs enfants.
19:03 Donc, lui, le serveur, leur a présenté une amie à lui
19:07 qui a fait la babysitter une après-midi
19:11 pendant que les parents étaient partis faire de la plongée.
19:16 La babysitter, c'est intéressant.
19:18 On va voir comment étaient les enfants,
19:21 si les enfants ont donné un nom ou un prénom de leurs parents.
19:24 C'est intéressant de voir cette babysitter.
19:26 Et on ne peut pas faire l'économie de ne pas la rencontrer.
19:29 Elle a gardé les enfants, elle a été en contact avec ces gens-là.
19:33 Une enquête, c'est un peu la méthode d'un tonnoir.
19:45 On part du général pour arriver au particulier.
19:48 Là, on n'a rien d'autre.
19:50 Tout le reste a été exploité, on n'a plus rien.
19:53 On arrive à la babysitter.
19:55 On la convoque, on l'entend.
19:58 -Elle a dû leur dire ce qu'on dit toujours.
20:02 "Ils étaient sympas, ils m'ont payé,
20:04 "ils partaient se promener tous les deux,
20:06 "donc si je pouvais garder les enfants..."
20:08 C'est là que les flics sont très bons, parce que...
20:13 Là où il n'y a plus rien à gratter,
20:15 Folatch va aller demander à la babysitter,
20:20 "Les gamins ont dit quelque chose."
20:22 Elle, elle ne voit pas ce qu'ils peuvent avoir dit d'intéressant,
20:27 mais si.
20:28 -Elle nous dit que les enfants, le jour où elle les a gardés,
20:33 lui ont dit "L'autre jour, avec papa et maman,
20:35 "on est allés au club de loisirs Aqualand."
20:38 Alors Aqualand, c'est un club de loisirs
20:42 où il y a des piscines,
20:45 il y a des jeux d'eau,
20:46 il y a des toboggans, etc.,
20:49 qui est ouvert aux enfants et aux familles.
20:51 Un collègue de mon groupe m'a dit "Je connais bien ce club de loisirs,
20:55 "à l'entrée, il y a des photographes qui prennent des photos des familles,
21:00 "ils donnent un ticket,
21:01 "les familles qui veulent peuvent se faire développer les photos
21:04 "contre une rémunération."
21:07 On s'est dit "On sait jamais, peut-être que la famille a été prise en photo,
21:10 "peut-être qu'ils ont pris les photos, peut-être qu'ils ne les ont pas,
21:12 "mais peut-être qu'ils ont été pris en photo."
21:14 On en attend quelque chose, forcément.
21:16 Quand on arrive à Aqualand,
21:20 qu'est-ce qu'on voit ? La statue du capitaine Crochet.
21:23 Statue en plâtre, assez imposante.
21:27 Et on voit des familles qui se font photographier
21:31 avec le capitaine Crochet.
21:33 Et là, on se regarde, on était deux, trois policiers,
21:39 et on dit "S'ils ont pris une photo, au moins on aura leur tête."
21:44 Aqualand, c'est vraiment un lieu de divertissement, de plaisir,
21:49 c'est à l'opposé de l'évasion en hélicoptère,
21:53 du monde du grand banditisme.
21:55 Franchement, quand les flics arrivent là-bas,
21:58 ils doivent se demander ce qu'ils font ici.
22:00 C'est lunaire, quoi.
22:02 C'est lunaire. Dans un film, personne n'y croit.
22:08 On voit le photographe du club.
22:10 Il dit "Je garde les photos que je prends,
22:13 je les détruis au bout de plusieurs semaines."
22:15 Donc il nous les a toutes sorties.
22:18 On en a fait un album qui était conséquent,
22:22 il y avait plusieurs photos.
22:23 On les a regardées, mais ça ne nous disait rien.
22:27 On les a toutes regardées.
22:28 Il y avait des couilles, des femmes seules, des enfants,
22:30 les trois, ce n'était pas important.
22:32 Donc on a mis de côté toutes ces photos-là.
22:34 Il nous restait, je crois, à peu près 200 photos.
22:38 On est retournés voir la babysitter avec le jeu de photos.
22:40 Et là, elle regarde,
22:43 et évidemment, à la je ne sais plus combien de photos,
22:46 elle tombe et elle me dit "Mais c'est eux."
22:48 Et on voit le père, la mère et les deux enfants
22:52 avec le capitaine Crochet et tout ce monde de là qui est ravi.
22:55 Ça paraît invraisemblable.
22:56 Un couple qui monte une évasion en hélicoptère
22:59 qui est allé à la Kuala Lumpur avec ses enfants
23:01 ne se fait pas photographier.
23:02 C'est l'erreur.
23:04 Cette photo, on la montre trop souvent,
23:06 cette photo, on la montre aussi au pilote de l'hélicoptère.
23:09 Il confirme que c'est bien et il reconnaît aussi les enfants.
23:12 Il lui semble reconnaître les enfants qu'il a vus assez rapidement,
23:15 mais qu'il a vus.
23:16 On regarde la photo, on se la passe, etc., dans le groupe.
23:21 On dit "Le mec, il ne nous dit rien,
23:24 ce n'est pas une figure du banditisme connue,
23:26 on ne sait pas qui c'est."
23:28 "Je ne sais pas qui c'est."
23:29 Et là, il y a un collègue de la brigade
23:34 qui dit "Je le connais, je sais qui c'est."
23:37 Parce que ce type-là, je l'ai arrêté il y a quelques années
23:40 pour le brocage d'un camion de cigarette.
23:42 Et il nous dit "Ce type-là, c'est Patrick Guillemin."
23:46 Patrick Guillemin, quand on fait recherche d'archives,
24:02 ce n'est pas quelqu'un qui est lié au milieu marseillais.
24:05 C'est un solitaire.
24:07 C'est surprenant, un profil comme ça,
24:11 pour mener une opération comme celle de l'évasion en hélicoptère,
24:16 parce qu'on s'attendrait plutôt à un gars qui fait partie d'une équipe.
24:21 Et pas du tout, c'est un mec tout seul.
24:24 C'est un braqueur,
24:26 mais pas des moindres, parce qu'il a fait des banques.
24:28 Il a été recherché à une époque pour plusieurs banques, etc.,
24:32 un peu dans toute la France.
24:33 C'est quelqu'un du Nord, pas du tout de la région.
24:36 Donc on se dit "Qu'est-ce qui rapproche Patrick Guillemin,
24:40 qui est du Nord, de ces gens-là ?"
24:41 Il y a un trafiquant de stup' de Marseille,
24:44 un gros trafiquant de stup'.
24:46 Il y a un Corse détenu au Beaumet pour un assassinat commis en Corse.
24:50 Bon, un braqueur niçois,
24:53 qu'est-ce qui rapproche ces gens-là de Patrick Guillemin,
24:55 qui est un braqueur solitaire ? Il n'y a rien.
24:57 Donc on a envie de savoir.
24:59 Il n'y a rien qui colle dans cette affaire.
25:01 Pourquoi est-ce qu'un type qui a une femme, des enfants qu'il aime,
25:04 il les emmène au parc aquatique ?
25:08 Qu'est-ce qu'un type comme ça vient faire dans une opération pareille ?
25:11 C'est pas cohérent.
25:12 -Alors on fait des recherches rapidement,
25:15 des recherches d'archives, et effectivement,
25:18 on s'aperçoit que Patrick Guillemin était incarcéré
25:22 suite au braquage de camion de cigarette,
25:24 peut-être 2-3 ans avant.
25:26 Il était incarcéré au Beaumet.
25:29 Et suite à une permission pour Noël 1998,
25:33 il n'allait pas réintégrer,
25:35 il n'était pas revenu à la maison d'arrêt,
25:37 donc il était considéré comme évadé.
25:39 Il s'évade et il revient,
25:42 il revient arracher des mecs des Beaumet, donc ça nous intéresse.
25:45 On a les dents qui raclent par terre, parce qu'on veut savoir,
25:48 on veut savoir, non seulement l'interpeller,
25:50 oui, bien sûr, c'est le bouquet, mais surtout savoir.
25:53 Maintenant, comment je fais pour les loger,
25:57 pour les localiser, où sont-ils passés ?
25:59 À ce stade de l'enquête,
26:14 on avait exploité tout ce qui pouvait l'être,
26:19 humainement parlant.
26:21 Il nous restait, techniquement, à exploiter la téléphonie.
26:26 Le seul téléphone exploitable, c'est celui qui a appelé le pilote,
26:30 pour réserver le baptême de l'air.
26:32 Ce numéro, les policiers ont réussi à l'identifier.
26:35 -On s'aperçoit que c'est bien ce téléphone de Patrick Guillemin,
26:40 puisqu'il est positionné sur l'hôtel La Ciota
26:43 les jours qui ont précédé.
26:45 Et ce téléphone, les semaines, voire même les mois précédant l'évasion,
26:49 il y a un numéro de téléphone qui est...
26:53 Il devait avoir 40 ou 50 appels par jour,
26:56 c'était énorme comme fréquence,
27:00 avec un numéro de téléphone non identifié,
27:03 mais qui est positionné sur la maison d'arrêt des Beaumet.
27:07 -Patrick Guillemin est en contact avec un prisonnier,
27:11 l'un des cinq évadés,
27:13 qui, dans sa cellule, avait, comme tout le monde en prison,
27:15 un téléphone portable.
27:17 -Et ce téléphone-là, c'est le téléphone de l'un des évadés,
27:20 Jean-Louis Raffel,
27:22 qui était celui qui a été tué lors de l'évasion.
27:24 Le seul lien qu'on peut trouver en grattant de tous les côtés,
27:28 c'est que Guillemin a été incarcéré aux Beaumet
27:30 à la même époque que ce Jean-Louis.
27:33 Au moins, ils se sont connus en prison,
27:36 on est certains de ça.
27:38 C'est frustrant, puisqu'on n'a plus rien à exploiter.
27:42 Il n'y a qu'une chose à laquelle on pense, et forcément,
27:45 Guillemin et sa femme Véronique sont issus du nord de la France.
27:49 Donc, on demande à nos collègues de la PJ de Lille
27:53 de brancher les quelques numéros dans la famille.
27:56 Musique pesante
27:58 ...
28:04 L'été se passe, il n'y a pas de nouvelles.
28:06 Moi, je pars en congé, d'autres collègues de mon groupe partent en congé.
28:10 Et puis, on y pense.
28:12 Cette affaire, on aimerait bien qu'elle sorte.
28:14 Plus de nouvelles, c'est...
28:16 stand-by.
28:18 ...
28:20 Et puis, à la fin de l'été, début septembre...
28:23 -La police judiciaire de Lille, qui gère les écoutes,
28:26 appelle Aix-en-Provence, Pierre Follatch,
28:29 et lui dit "OK, la sonnette que vous aviez mise a marché.
28:34 "La soeur de Véronique a eu un appel de Véronique,
28:37 "c'est sa voix.
28:38 "D'où est-ce qu'elle appelle ?"
28:41 -Une cabine téléphonique d'Aix-en-Provence.
28:44 On se dit qu'ils sont dans le midi, donc il y a bon.
28:48 Ils devraient déjà être loin.
28:49 Pas du tout, ils sont juste à côté.
28:52 Il n'y a plus qu'à aller cognir son Aix-en-Provence.
28:55 -On est contents, parce que l'affaire a relancé, on est ravis.
28:58 Le coeur qui recommence à battre a palpité, quoi.
29:02 Mais bon, où ils sont, Aix, c'est grand, Aix.
29:05 ...
29:13 ...
29:17 -On a un peu surveillé cette cabine pendant plusieurs jours,
29:20 espérant que d'autres coups de fil soient donnés,
29:23 parce qu'on avait les photos des deux.
29:25 On a planqué un peu, puis ça n'a rien donné.
29:28 On a planqué, planqué, planqué, ça n'a rien donné.
29:30 En même temps, on réfléchissait comment on peut les coincer.
29:33 -Follatch va avoir une idée lumineuse,
29:37 parce que c'est quelqu'un, quand il rentre chez lui le soir,
29:40 qui reste avec son enquête dans la tête, tout le temps.
29:43 Ça mouline.
29:44 Il a compris un truc important, c'est que cet homme-là
29:48 et cette femme-là aiment leurs enfants.
29:51 Et quand on aime ses enfants, on ne les abandonne pas.
29:54 Même si on est braqueur,
29:56 qu'est-ce qu'on fait de ses enfants à la rentrée scolaire ?
29:59 On les inscrit à l'école.
30:00 ...
30:11 -Le mec est en cavale, ça paraît gros, mais on laisse rien au hasard.
30:15 On dit que si on ne le fait pas, on va regretter de ne pas l'avoir fait.
30:19 Je fais une réquisition, je prends ma moto,
30:22 je vais près de la gare Saint-Charles,
30:24 où il y a l'inspection académique, des bouches jaunes.
30:27 ...
30:30 Et là, alléluia, on nous donne le nom de l'école
30:33 dans laquelle ils ont été inscrits et dans laquelle ils ont fait la rentrée.
30:37 Les deux enfants de Guillaumin, quoi.
30:39 Junior et Jimmy.
30:41 Je note vite l'adresse et je ne peux pas tenir.
30:43 Je retourne au bureau et je me dis qu'il y va.
30:46 Je prends l'autoroute, je vais à Aix, pour vérifier au moins.
30:49 On ne sait jamais.
30:50 Je me garde dans l'école. J'arrive au moins une heure avant.
30:54 ...
30:55 J'entends la récréation.
30:57 ...
30:59 Et puis, petit à petit, il y a des parents qui arrivent.
31:02 C'est l'adrénaline, là.
31:05 On a le palpitant qui commence à secouer.
31:09 Et puis, transpiration, des mains, machin.
31:11 On est contents, on arrive. J'attends, j'attends.
31:15 Je dis, ça serait énorme,
31:16 mais peut-être qu'ils ont été inscrits, ils sont ailleurs.
31:19 Il y a tout qui passe dans la tête. J'attends, j'attends.
31:23 Les parents arrivent, petit à petit, par petits groupes.
31:26 Les gens se parlent entre eux. Je reste un peu à l'écart.
31:29 Et là...
31:32 Putain, là, je vois un grand mec arriver.
31:36 Patrick Guillemin.
31:39 ...
31:46 Balèze, grand, tout. Je le reconnais tout de suite.
31:49 Je tourne la tête, j'ai l'impression qu'il me connaît.
31:52 J'ai tellement pensé à lui pendant plusieurs mois.
31:55 J'ai l'impression qu'il va me reconnaître,
31:57 alors qu'il ne m'a jamais vu. Donc, je me tourne.
32:00 Il y a des automatismes comme ça.
32:04 Je lui dis, "Pourquoi tu tournes tes cans ?
32:06 "Il ne te connaît pas, il ne t'a jamais vu."
32:08 C'est la parano des flics,
32:10 sur les plans, on a toujours l'impression d'être détrongé.
32:13 Lui, il attend, il a l'air très calme, il est serein,
32:16 il ne regarde ni à droite ni à gauche, il est tranquille.
32:19 J'entends la sonnerie,
32:22 et les gamins commencent à sortir.
32:26 Ils les embrassent, etc.
32:27 J'ai dit, "Yes !"
32:29 C'est les gamins de la photo. Il n'y a pas de doute là-dessus.
32:32 Il en prend un sur les épaules, le plus petit,
32:36 il tient l'autre par la main et ils s'en vont tranquillement.
32:40 Je lui fais un brin de phyloche à pied, comme ça,
32:44 je laisse la moto,
32:45 et puis je mets bien de la distance,
32:49 je n'ai pas envie d'être vu, je n'en sais jamais.
32:52 Ça serait trop con de se faire griller.
32:55 Je prends d'extrêmes précautions, je reste loin, loin.
32:58 Il tourne la rue, au bout de la petite rue,
33:01 pour se trouver sur le périphérique.
33:03 Le temps que je revienne, je ne le vois plus.
33:08 Je ne le vois plus.
33:10 Je dis, "Les gamins sont là, je préfère l'avoir perdu,
33:13 "je m'en fous, tant pis."
33:14 Je rentre au service,
33:16 je suis rentré, poigné dans le coin, je régalais.
33:19 Bref, j'arrive, tout le monde m'attendait,
33:22 les gens de mon groupe m'attendaient, et je dis, "Yes !"
33:25 Demain, on tape.
33:26 La nuit qui précède les interpellations à 6h du matin,
33:40 c'est l'enfer, on ne dort pas.
33:42 Parce que quand on attend, comme ça, de serrer quelqu'un
33:47 sur lequel on a misé, on a attendu, on a cherché à identifier,
33:51 on ne dort pas, on se réveille toutes les demi-heures,
33:54 et à 4h du matin, on dit, "Ca va, je suis debout."
33:58 La preuve, on est en forme,
34:00 parce qu'on est tenus par l'adrénaline et par l'envie d'y aller.
34:04 C'est vrai qu'on pense que peut-être que dans la nuit, il va partir.
34:10 Bien sûr, ça peut arriver.
34:12 Peut-être qu'il a vu un truc que je n'ai pas vu
34:15 et qu'il se met en cavale.
34:17 Mais on n'avait pas le choix.
34:18 On se met en place bien avant, au moins trois quarts d'heure avant.
34:26 Les conciles n'en interpellent pas, on va jusqu'à la maison.
34:30 On essaie de le loger.
34:32 Sauf si on voit qu'il a vu quelque chose ou pas, on interpelle.
34:36 Les deux enfants sortent, il prend le petit sur les épaules,
34:43 l'autre à la main, ça discute, il part tranquillement.
34:46 Des marches nonchalantes.
34:48 Et nous, on est ravis, on est derrière,
34:52 avec les dents qui traînent par terre.
34:55 Et puis, arrivé sur le boulevard périphérique,
34:59 on a l'impression qu'il y a quelque chose, donc on interpelle.
35:04 Le premier que je vois, c'est lui devant moi.
35:09 Ça a été très vite.
35:13 Quelqu'un m'a arraché mon fils des épaules.
35:16 Ça m'a arraché mon autre fils de ma main.
35:20 Et je me suis retrouvé braqué par des policiers,
35:26 qui m'ont arrêté.
35:29 Les enfants se mettent à pleurer.
35:32 C'est le mauvais côté.
35:34 Le bon côté, c'est qu'on la serrait,
35:36 et le mauvais, c'est qu'ils pleurent,
35:39 qu'ils voient qu'on met les menottes à leur père.
35:41 Qui que ce soit, c'est leur père.
35:45 Et là, je lui dis "Où t'habites ?"
35:47 Il me dit "Je vais vous amener."
35:49 Et Véronique Elier me dit "Oui."
35:51 Je comprends tout de suite que c'est fini, l'aventure est finie pour moi.
35:55 C'est un mélange un peu particulier, quand même.
36:00 Évidemment, c'est la déception et la tristesse d'être arrêté,
36:05 et en même temps, c'est terminé.
36:08 C'est peut-être un soulagement, peut-être.
36:12 Et...
36:13 Ben...
36:15 C'est une nouvelle vie qui commence.
36:18 On met Véronique et les deux enfants
36:26 sur la banquette arrière d'une de nos voitures.
36:29 Et moi, derrière, dans ma voiture de service, bien sûr,
36:34 il y avait Patrick Guillemin entouré de deux collègues à moi.
36:38 Et on prend l'autoroute pour entrer à Marseille,
36:40 au siège de notre service.
36:42 On met le gyrophare et le deuton pour passer plus facilement.
36:47 Je suis au volant de cette bagnole, où il y a Patrick Guillemin,
36:52 donc je le vois dans le rétro.
36:54 Et...
36:55 Devant moi, j'ai ma mère et les deux enfants.
36:58 Les enfants, avant de partir de la maison,
37:05 ils avaient emporté leur masque, un de Mickey et l'autre de Donald.
37:09 Et les deux enfants se mettent à genoux.
37:12 Ils sont à genoux sur la banquette et ils regardent ma voiture.
37:15 Ils sont aux anges, les enfants.
37:22 Pourquoi ? Parce qu'ils ont le masque, Mickey et Donald.
37:25 Et surtout, ils sont dans la voiture, pim-pom, pim-pom.
37:28 Mes enfants, ça leur plaisait.
37:31 Il y avait de la lumière, du bruit, c'était bien.
37:33 Je me souviens qu'ils étaient devant en voiture.
37:36 C'est là où j'ai réalisé que j'allais perdre mes enfants.
37:40 Pas facile.
37:44 Je vois qu'il pleure et ça me fait de la peine.
38:03 Voilà.
38:04 Je suis comme ça.
38:05 Je suis insentimental.
38:07 Ça me fait de la peine.
38:09 Tout à coup, je me suis rendu compte que j'allais perdre mes enfants,
38:14 que tout était fini, que tout s'arrêtait.
38:17 Je l'ai pris dans la figure.
38:20 Je ne suis pas très fier de moi.
38:23 Curieusement, je vous dis que la victoire, elle est un peu amère.
38:29 C'est vrai qu'on a réalisé le truc, on les a serrés, identifiés, etc.,
38:34 mais c'est un peu amère, parce qu'il y a des enfants qui vont devenir...
38:37 Parce que la mère, elle va partir aussi.
38:41 Elle va partir au trou, et le père aussi.
38:44 Que vont devenir ces enfants ? Placés à droite, à gauche, c'est triste.
38:48 Donc, c'était un peu gâché pour moi.
38:52 Et...
38:53 L'urgence, c'est les enfants. Qu'est-ce qu'on va faire des enfants ?
39:11 Donc, on a demandé une mesure de placement
39:14 pour les deux enfants, de placement à la DAS.
39:20 Mais on voit bien dans leur regard qu'ils comprennent.
39:23 Ils comprennent, même s'ils sont des enfants
39:26 et qu'on peut les distraire facilement.
39:28 On voit qu'ils comprennent.
39:30 Donc, il a fallu qu'ils disent au revoir à leurs parents.
39:33 Là aussi, c'est des moments compliqués.
39:35 Ou alors, il ne faut pas les regarder, mais c'est...
39:38 C'est émouvant, quoi.
39:40 Les enfants sont partis.
39:45 Puis, on a commencé, il nous fallait entendre les deux sur les faits.
39:50 Musique douce
39:53 ...
39:55 -Pierre Angardavus est un flic malin, rusé, retort,
39:59 qui a tout préparé, qui connaît les questions,
40:02 qui est très humain
40:05 et qui a compris comment fonctionne Patrick Guillemin.
40:08 Tu me donnes ça, je te donne ça.
40:10 -Quand je me fais arrêter,
40:13 j'ai une habitude, entre guillemets, je ne dis rien.
40:17 En général, je ne sais pas ce qu'il y a dans les dossiers,
40:20 donc je dis que je parlerai quand je verrai le magistrat instructeur.
40:24 J'avais déjà dit ça à Véronique.
40:26 Véronique faisait pareil que moi, elle était dans la pièce d'à côté.
40:29 -Elle n'a rien dit.
40:33 Elle n'a rien dit du tout.
40:34 Mutique, désagréable, pas sympa.
40:39 Bon. Et puis...
40:42 Patrick, il a dit "je vous dis tout de suite,
40:44 "je vais vous dire ce que j'ai fait,
40:47 "je ne vous parle de personne d'autre.
40:49 "Je ne vous dirai jamais qui m'a hébergé, où j'étais en cavale,
40:53 "comment j'ai vécu, ceci, cela, je ne vous dirai rien du tout sur rien,
40:57 "je vous dirai sur ce que j'ai fait, c'est tout."
40:59 On a dit "OK, c'est mieux que rien."
41:02 D'abord, il nous dit qui est derrière le téléphone
41:07 avec lequel il échange sans arrêt.
41:09 Il nous dit que c'est Jean-Louis, celui qui est mort.
41:12 Il nous explique que Jean-Louis l'a rencontré en détention,
41:16 quand il était à Marseille.
41:18 Il nous dit "un jour, je suis allé au Mithard."
41:21 Le Mithard, c'est le trou, c'est le cachot.
41:23 Il dit "en sortant du Mithard, j'ai reçu des colis de victuailles."
41:28 -Quelqu'un avait mis un colis dans ma cellule
41:32 avec des yaourts, des gâteaux, des choses comme ça.
41:35 J'ai un peu torturé le surveillant.
41:37 Il m'a dit "c'est Jean-Louis, le truc."
41:39 J'ai chopé dans l'escalier et je lui ai dit "C'est gentil, ce que t'as fait."
41:42 Ca m'a vraiment touché.
41:44 Il m'a dit "un jour, tu as besoin de moi, je suis là."
41:46 -C'est ce qu'il nous raconte.
41:48 L'histoire est belle, c'est romanesque,
41:50 mais pourquoi ne pas le croire ?
41:52 Donc on le croit.
41:54 Patrick Guillemin en revient à sa permission de décembre 98,
42:01 dans le nord de la France, pour Noël.
42:03 Et là, il dit "une fois, j'étais tellement bien
42:07 "que j'ai pas eu envie de réintégrer, j'ai pas réintégré."
42:11 Il lui restait peut-être un an à faire, ce qui est idiot,
42:14 mais il a craqué.
42:15 -Je m'évade lors d'une permission.
42:17 Et je me retrouve en cavale.
42:21 -Et pendant sa cavale, de temps en temps,
42:24 il descend à Marseille pour voir quelques-uns de ses amis.
42:27 Et un jour, il rencontre en ville un type
42:31 qu'il avait connu en détention.
42:33 Et le type lui dit "Ah, ben tiens,
42:35 "Jean-Louis me parle souvent de toi, il faudrait que tu l'appelles."
42:39 Ca lui ferait plaisir.
42:41 Et ce type lui donne le numéro du téléphone de Jean-Louis en prison.
42:44 Il lui donne. Et lui, il l'appelle.
42:47 -Il m'a dit "Patrick, j'ai besoin de toi.
42:53 "Mais écoute, t'es pas obligé de me dire oui,
42:55 "tu peux me dire non.
42:57 "D'abord, je vais pas te le dire comme ça, je vais te l'écrire."
42:59 Je lui ai dit "Tu m'écris rien.
43:01 "Une fois, je t'ai dit tu peux compter sur moi,
43:02 "alors le non, il existe pas.
43:04 "Il y aura que le oui.
43:06 "Alors qu'est-ce que tu veux ?"
43:07 Il me dit "Ben, je veux m'évader."
43:11 -Sur les motivations qui ont fait qu'il a fait cet acte fou,
43:15 parce que c'est un acte fou,
43:17 lui, il explique par l'amitié
43:21 pour renvoyer l'ascenseur à ce que Jean-Louis avait fait pour lui
43:25 en détention.
43:26 Moi, je la crois, cette version,
43:27 surtout qu'il n'y a rien d'autre, malgré nos recherches,
43:31 qui nous montre qu'il a touché de l'argent
43:34 ou qu'il a été en contact avec qui que ce soit.
43:36 -Le problème, c'est que Jean-Louis, il en avait parlé à 4 fois,
43:40 il en avait parlé à quelques détenus.
43:41 A chaque fois, il me disait "Un tel qui va venir, un tel qui va venir."
43:45 J'ai dit "Jean-Louis, je vais pas faire 3 voyages."
43:47 Ca commence à faire beaucoup.
43:49 Les gars qui devaient venir lui mettaient la pression,
43:51 mais je pense qu'ils ne croyaient plus,
43:53 parce que ça faisait 2-3 fois que ça avait été reporté.
43:56 Du coup, je suis venu.
43:57 Musique sombre
44:01 ...
44:03 -Il avait rien.
44:05 Pas de structure, de repli, pas de plan que préparer,
44:09 rien du tout.
44:10 C'était un peu au petit bonheur à chance.
44:13 Au dernier moment, il va dans un magasin de sport
44:15 prendre des filins, acheter des trucs qu'on trouve dans le commerce,
44:19 les baudriers, etc.
44:20 C'est... Moi, j'ai jamais vu, et mes collègues non plus.
44:24 ...
44:36 C'était très atypique comme mode opératoire
44:39 et surtout comme motivation.
44:41 Moi, je pense que c'est l'amitié qui le fait marcher comme ça.
44:44 Il fonctionne à ça, lui.
44:46 Il fonctionne à ça et puis il est assez fou
44:48 pour faire un truc comme ça.
44:50 Je sais pas, mais j'aurais été dans un état
44:53 proche de la crise de l'honneur
44:55 si j'avais dû faire un truc comme ça.
44:57 C'est quand même pas rien.
44:59 -Même des gens en prison m'ont dit "Pour un colis, t'as risqué ta vie."
45:03 Même pour mon frère, je le fais pas.
45:05 Personne peut comprendre ça. Moi non plus, j'ai du mal, quelquefois.
45:09 Voilà, je suis comme ça.
45:10 Mais pour deux yaourts et puis un paquet de gâteaux,
45:14 bah ouais, à partir du moment où je dis un truc, je le fais.
45:17 -Et puis, on peut dire ce qu'on veut,
45:21 il y a un certain panache dans ce qu'il a fait.
45:23 ...
45:25 À la fin de la garde à vue, il m'a dit
45:27 "Est-ce que je peux prendre une douche ? Je me sens sale."
45:30 ...
45:32 J'ai pas l'habitude de...
45:34 de faire prendre les douches ou garder à vue chez nous,
45:38 dans notre douche, quoi.
45:39 Mais bon, j'ai dit "OK, d'accord, pas de problème."
45:43 Je l'ai amené à la douche.
45:45 J'ai dit "Tu fais pas le con."
45:47 Il avait les menottes, il pouvait pas se doucher.
45:50 Et comme il était hors de question que j'aille lui savonner le dos...
45:53 Non, mais c'est vrai. Donc j'ai dit "Je vais te détacher,
45:57 tu fais pas le con."
45:59 -Il m'a dit "Je te mets pas les menottes, tu feras pas le con."
46:02 En faisant ça, c'était un malin, Pierre,
46:06 il avait...
46:08 Il m'avait bien analysé.
46:12 Je lui ai dit "Bah non."
46:14 Donc je suis allé dans la douche,
46:16 et il y avait la fenêtre ouverte.
46:18 -Il y avait une fenêtre qui n'avait pas de barreau,
46:21 puis c'était notre douche, et c'était au 1er étage,
46:24 qui donnait sur la cour.
46:25 J'ai mis quand même deux collègues en bas.
46:28 Je suis pas fou, quand même.
46:30 Mais quand il m'a dit "Parole d'honneur, je tenterai rien",
46:33 j'ai senti que je pouvais lui faire confiance.
46:36 Il m'aurait mis les menottes, j'aurais sauté par la fenêtre.
46:39 Cet enfoiré, il m'a pas mis les menottes.
46:42 Il rit.
46:43 Du coup, je me suis pas sauvé.
46:48 -J'ai tenté, et j'ai bien fait, puisqu'il a rien tenté.
46:50 -Après, on a pris ma douche, on a partagé un pot.
46:56 -Le mec est plutôt bonheur, plutôt sympa.
46:59 On lui a servi un pastis, il voulait un pastis,
47:02 on a fait monter des pizzas pendant la garde à vue.
47:05 Pour nous.
47:06 Il a partagé l'épicerie avec nous.
47:09 C'est comme ça que ça doit se passer.
47:12 Il aurait étranglé une grand-mère,
47:14 il aurait pas eu le droit à tendre des gares.
47:16 J'aurais pas bu un coup avec lui.
47:17 -Lui, il fêtait un peu son succès,
47:20 et moi, j'enterrais ma vie d'homme libre.
47:25 Il rit.
47:26 -Aux assises, au cours d'assise des Bouts de Juron,
47:41 jugé en première instance, il a été condamné à 14 ans.
47:44 Et il a fait appel, cette condamnation,
47:48 et un appel aux assises du Var.
47:51 Il a été condamné à 10 ans de prison, donc il a gagné 4 ans.
47:54 -J'étais en prison.
47:55 Je me suis retrouvé à l'isolement,
47:58 avec ma femme en prison, mes enfants à la DAS.
48:01 Pas terrible moral.
48:04 Et j'apprends par mon avocat
48:07 que Pierre Folaci était allé voir mes enfants plusieurs fois
48:12 et que le jour de l'anniversaire, il était allé leur apporter des jouets.
48:15 -Un peu comme pour me racheter, quoi.
48:17 Entre guillemets, ça, c'est mon explication.
48:20 Je suis allé là-bas, je suis allé les voir, quoi.
48:22 Vous savez, quand vous êtes dans ma situation,
48:24 c'est quelque chose qui vous touche vraiment.
48:26 -Et puis à Noël, fin 99,
48:32 j'ai reçu une lettre à la BRB,
48:37 à l'hôtel de police de Marseille, à mon nom, une lettre.
48:40 Et je vois "Bonne année, bonne santé,
48:44 et merci pour ce que tu as fait pour mes enfants.
48:47 Signé Patrick Guillemin."
48:49 Putain, j'ai dit ça, alors, incroyable.
48:52 Donc, comme j'avais reçu cette lettre, je suis poli, j'ai répondu.
48:55 Il dit "Je t'en prie, c'est pas...
48:59 Voilà, ça valait pas de quoi, bon, truc bateau,
49:02 et puis bonne année aussi.
49:03 On n'est pas des sauvages, quoi."
49:06 Voilà, j'ai envoyé la lettre, puis après, il m'a...
49:09 Tac, il a répondu.
49:10 Ça en est suivi, une correspondance, pas tous les mois,
49:13 mais peut-être trois, quatre fois dans l'année, quoi.
49:16 C'est comme ça, parce que je pense que le respect appelle le respect.
49:21 Quand on respecte les gens, le respect, il te le renvoie.
49:24 Il le renvoie, c'est comme ça que ça doit marcher.
49:26 Ça me montrait qu'il me respectait et que...
49:31 Il avait de la considération pour moi.
49:34 Voilà.
49:35 C'était important.
49:37 -Moi, de façon assez improbable, j'ai rencontré Patrick Guillemin
49:41 par le biais de son avocat, Eric Dupont-Moretti.
49:44 On s'est bien entendus, on a beaucoup parlé tous les deux.
49:46 On s'est écrit, je suis allé le voir pendant quatre ans.
49:49 On a bien accroché.
49:50 Musique douce
49:52 ...
49:54 -Quand il est sorti, il est passé par Marseille.
49:56 On avait dit, vers la fin de nos échanges,
49:59 "Quand tu sortiras, on va boire le champagne ensemble."
50:02 ...
50:05 Il a purgé, donc je vois pas pourquoi j'allais me boucher le nez
50:10 en disant "je bois pas avec toi parce que tu es allé en prison."
50:14 Voilà, donc pour moi, c'est pas un problème.
50:17 -Il a pas eu peur, par exemple,
50:20 de dire que c'était mon ami.
50:22 Euh...
50:23 Je pense que dans sa profession, ça a pas dû plaire à tout le monde,
50:27 mais tant pis.
50:28 T'es un mec qui assume ce qu'il est.
50:30 Moi, je suis pareil, je pense que j'assume ce que je suis.
50:34 Comme j'ai pas eu peur de dire au voyou,
50:37 "Mon ami, c'est un flic." Voilà.
50:39 ...
50:41 -Quand je suis sorti de prison, je travaillais dans une école.
50:45 Je suis marié avec la directrice de l'école.
50:47 Et c'était évident pour moi,
50:49 je sais pas s'il avait accepté, mais comme j'en avais que deux amis,
50:52 mes témoins ne pouvaient être que mes deux amis.
50:55 -Il me téléphone, il me dit "je vais me marier avec Marie,
50:58 "j'aimerais bien, est-ce que tu acceptes d'être mon témoin ?"
51:02 Euh...
51:03 Je suis resté con, je suis resté un peu con,
51:06 mais j'ai dit oui.
51:07 J'ai dit oui, témoin à charge de mariage,
51:10 c'est la suite logique, je crois.
51:13 Non, mais bien sûr, ça m'a étonné,
51:15 parce que témoin de mariage, c'est pas rien,
51:19 si je demande à quelqu'un d'être témoin, c'est pas anodin.
51:22 J'ai trouvé ça sympa, et j'allais dire non, ça se refuse pas.
51:26 -Un jour, il m'a demandé
51:27 "Est-ce que tu veux bien être mon témoin de mariage ?"
51:31 Je lui ai répondu oui, et la phrase suivante, c'était
51:35 "Tu sais qui est l'autre témoin ?
51:37 "C'est Pierre."
51:39 -Pierre Follac'h ? -Ouais, ouais.
51:41 Et là...
51:42 J'ai pensé, avant d'y aller, ça va être un sacré mariage.
51:46 -Pour moi, c'était évident, c'était mes amis.
51:48 Donc, en général, on prend des amis pour témoin.
51:53 -Je suis monté avec ma femme à Paris, exprès,
52:01 pour le mariage de Patrick Guillemin, le cadeau, le champagne.
52:05 De temps en temps, je regardais la scène,
52:09 et je me disais "T'es au mariage de Guillemin, t'es en trou."
52:13 C'est marrant, c'est invité, c'est bizarre,
52:15 mais témoin, c'est encore plus bizarre.
52:18 "M. Dominique Rizet, journaliste,
52:20 "M. Pierre Follac'h, commandant de police."
52:22 -Pierre Follac'h, l'homme qu'il a arrêté,
52:27 qu'il a cherché, qu'il a traqué, qu'il a voulu,
52:29 qui est allé le dénicher,
52:31 qui lui a construit son PV d'interrogatoire bien carré
52:35 et qui l'a envoyé en taule,
52:37 le journaliste, et on est là, tous ensemble.
52:39 On se demandait comment ça allait se produire.
52:42 -Et puis, on s'est embrassés.
52:46 Les témoins embrassent les mariés, c'est tout à fait normal.
52:49 Je les mets au trou, après, je les embrasse.
52:51 ...
53:19 ...
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